vendredi 29 octobre 2010

TWo ToNE

La parution en France du bouquin du bassiste des Specials, Horace Panter (Rudie pour la vie) donne l'occasion à 7red de nous causer de Two-Tone. Et de pas mal d'autres trucs au passage.


Fin 70 l'Angleterre vient de se faire secouer, retourner, malmener, sa jeunesse grogne
mais bouge aussi. Ça c'est appelé le Punk-Rock, une explosion !
J'vais vous entretenir de sa déflagration
C'était quoi le Punk ?
Y'en a marre de ces gros groupes avachis qui rabâchent depuis 15 ans. Y'en a marre des virtuoses de la branlette acoustique. Y'en a marre de ces cons qui vous vantent les bienfaits de la Californie alors qu'on coince sous un climat humide et misérable.
 
C'était surtout "Bouge ton cul". N'attend pas que des croulants de quarante ans, les poches et les narines pleines, parlent de toi, pour toi. Reste pas là à chouiner, sors toi
les doigts du cul et fais le. 
Do It Yourself !
C'est en ça que le Punk Rock à été important, une explosion, Boom la grosse porte fermée, cadenassée de la culture et je dis exprès culture parce qu'il s'agit pas que de musique. L'écrit, la poésie, le cinéma, les médias. Internet est ce qu'il s'est fait de plus Punk depuis 77 !
Exprime toi, par toi même. Avec tes influences, tes envies.
Qu'est ce qu'Elvis Costello, Vic Goddard, Joe Jackson, Jim Jarmush, Tarantino
ou les Specials ont à voir avec le Punk ? Tout.
 
Sans cette explosion peut être qu'on mangerait aujourd'hui du sous yes et autres pink floyderies. Déjà que la musique est redevenue un bizness à par entière, avec quelques
grandes marques de lessive pour méninges qui fabriquent, distribuent et assomment de leur produits les cons-somateurs, qui se régalent de becter le grain qui leur est jeté.
De 76 à 80 on a au moins profité de ça. Un feu d'artifice de la culture, dont la
musique. 


Dans les banlieues toutes tristes de l'Angleterre, d'un seul coup s'est élevé une fouletitude de sons, de voix. Du coté de Coventry, banlieue de Birmingham, une équipe de joyeux lascars, qui depuis 77 grattouillent leurs instruments, arrivent à maturité.
En 79, sur leur propre label, Two-Tone, sort ce qui va jusqu'en 81 s'appeler le
Revival Ska.
 
Two-Tone, Noir et Blanc, Temps et Contre Temps. Le tempo magique de la Jamaïque exilé sous le crachin britannique.
Ce groupe, The Specials, se retrouvera vite devant une évidence. Ce gout pour le Ska et Rock steady Beat est partagé par un bon nombre d'autres groupes. Le label Two-
Tone en devient la référence.


 Les banlieues anglaises sont identiques aux nôtres, brassage de population, partage de l'espace avec d'autres cultures, d'autres tempos. Mais en Angleterre, la Musique, les gens ne se contentent pas de l'entendre, ils l'écoutent. Ça mènera de jeunes émigrés ou fils d"émigrés jamaïquain à côtoyer et s'investir dans la musique des jeunes du coin, quel qu'elle soit.
 
 Don Letts, jeune Dread, DJ dans un club ou jouaient les groupes Punk de 77, est une encyclopédie et une pièce maitresse du rock anglais de ces trente dernières années.De la même façon, nombre de jeunes british n'ont jamais dissimulé leur passion pour la musique de l'ile aux pirates. Pièce de mythologie de la couronne.
Le label Two-Tone sortira quelques singles avec un groupe par face puis, début 80 verra tomber le premier trente d'une tapée de groupes.
The Specials, The Selecter, The Beat , Madness, The Bodysnatchers, Bad
Manners, Rico
(déja une figure du ska jamaïquain. Ce Tromboniste de talent émigré en Angleterre participera à pratiquement toutes les sorties du label, dont il enrichira le catalogue de deux superbes albums).
En réponse à la dureté de l'époque, élection d'un triste vampire réac, margret "dame de fer" thatcher, (le sarko n'est qu'une danseuse à coté) le Rock anglais, "politisé" par le Punk, porté par des mouvements civiques, Rock Against Racism, mouvance anti apartheid, s'ouvre aux influences extérieures. Les groupes Punk tomberont des Reggaes d'anthologie, Clash, Stiff Little Fingers, Ruts ou les Members, les groupes Two-Tone eux adopteront directement comme moyen d'expression le Ska.
Donnant à la chose un coté plus électrique, urbain. La contestation du Punk sur des Riddims dansant, sautillant.
Rude Bwoy sauce anglaise, l'attitude, le look en sont tout droit sorti. La musique elle, chaloupe et cause.
A leur tour ces p'tits gars font part de leur envies, leurs frustrations, leur temps. Une révolution en deux teintes, à contre-temps. Le premier album de chacun de ces groupes, tous sortis en 79/80, propose un Ska, certes un peu raide, pour tout amateur de Prince Buster mais vivifiant. Faut remettre les choses dans leur contexte. Tempo, sonorités pratiquement inconnus à nos oreilles à l'époque. Les groupes Two-tone nous collaient dans la face un Rock aux rhythms de balloche, cuivré, entrainant, sautillant. Des lyrics toujours contestataires, scandés, répétés, renvoyés entre chanteur et toasteur et tout ça en direction du public, de la
danse.

 Une montagne de Hits en sortiront ; "Gangster","Monkey Man","A Message to you Rudie" des Specials, "On My Radio","Too Much Pressure" des Selecter, "FattyFatty","Inner London Violence" de Bad Manners, "Tears of a Clown","Ranking Full Stop" de The Beat, "The Boiler","Rudder Than You" des Bodysnatchers et "One
Step Beyond
","Night Boat to Cairo" de Madness.

 
Le second album de tous ces groupes a en commun un éloignement des plans Ska "tigulop" pour des morceaux toujours pêchus mais beaucoup plus travaillés, construits sans pour autant être chiants. Clin d'oeil au Rhythm & Blues, Soul, original Rock Steady ou tout simplement Pop.
Ce revirement vers une musique plus conventionnelle, Rock à influence, sonnera la fin de la vague Two-Tone et de la plupart de ses groupes.
  
The Beat signera un excellent troisième et dernier album ainsi que les Specials, reformés des membres de différents groupes sous le nom de Special AKA.
Seul tireront leur épingle du jeu deux groupes. Bad Manners, devenu une grosse fanfare ska, jouant malheureusement trop souvent pour un par-terre de rasibus pour qui dans Noir & Blanc il y a un mot de trop, et Madness. Groupe à part depuis le début, Madness, bien qu'étant un groupe du Revival Ska à part entière, le groupe à toujours été une sorte de Monty Python musical.
Toujours grand guignol et très anglais, refusant toute approche politique, à une époque ou un groupe se jugeait aussi sur ce critère, pourrit par le national front qui avait trouvé en ces p'tits gars "apolitiques" et tous blancs, contrairement aux autres groupes labellisés Two-Tone, d'excellent leader d'opinion, Madness a su suivre sa
carrière et la ponctuée de trés bon disques. Le "Keep Moving" de 84 est une très bonne gifle. Ska, Gospel, Soul et Pop. un disque très frais à découvrir ou
redécouvrir.

Ce sera aussi le dernier album du groupe d'origine. Le départ de l'organiste "Mr Barso" et visiblement garant du grain de folie du groupe, plongera celui ci dans une
mélancolie qui s'étalera sur encore deux albums, pas inintéressant mais à mille lieux des productions du groupe.
 
  
La déflagration du Punk ça a été ça !
Jouer, jouer ce que tu veux, ce qui te plait, Two-Tone n'a pas révolutionné le Rock, il a apporté sa touche. Ouvrant les oreilles à pas mal de monde sur autre chose, permis à
des lascars voués à une vie de tourneur fraiseur, voir de tourneur chômeur de s'exprimer.
Ces groupes, aujourd'hui encore plus ou moins sur scène, ne sont plus qu'une pale imitation d'eux même. Il reste malgré tout une bonne poignée de disque de ces groupes Two-Tone, pas compliqués ni onéreux à trouver. 
Au milieu du vide de ces dernières années, ça vaut le coup de se les payer. 
Tigulop !
 

jeudi 28 octobre 2010

GRegORy ISaaCs

Ghetto Dandy



Good bye Grigry 
  

25 octobre 2010, le Cool Ruler s’en est allé.
Dandy du Ghetto, voix de miel et mélodie au sirop, trop facile pour ce monsieur, Gregory Isaacs était aussi formidable qu’un Frank Sinatra, "même pas peur de l’dire", personnage compliqué, fruit de son univers.

Oh pas un d’ces peigne-zizis qui se lèvent un matin en décrétant qui vont devenir le Boss du quartier en bousculant les tites vieilles et en regardant de haut l’toubabzi qui s’en va au boulot, niet, juste le produit d’son Ghetto, çui qu’pas un connard mettra à l’amende, çui qui s’demerdera pour vivre dans son univers, sans forcément faire chier son voisin, mais surtout sans se faire emmerder par quiconque !

La carrière du Cool Ruler, c’est au moins un millier de chansons, une tapée d’albums et pas moins d’une tour Eiffel de singles. Un truc langoureux, des fois trop, Lover qu'il appelait ça, plus supposé faire frétiller les d’moiselles que tortiller les Rude Boys et pourtant Rude Bwoy, Gregory Isaacs en était bien un !






Comme un Sinatra, not’ Dandy du Bidon ville en a croisé des macchabées, tout comme ceux qui les ont flingués, Réalité, quelques heures dans un studio a chanter les douceurs de la vie, de la fraternité et du respect, avant de sortir, encadré de mecs en armes, le studio Channel 1 était alors au centre de ce carnage, les artistes, aimés et souvent très respectés des Dons passaient entre les balles, enfin, ceux qui n’insistaient pas trop, ne prenaient pas trop partie parc’que sinon, là aussi la liste est longue…La carrière du Cool Ruler c’était ça, tout comme celle d’un Sinatra, mais dans un Ghetto Jamaïcain, au milieu des montagnes de déchets, des rues barrées et des coups de flingues, Smile Jamaica, le slogan a été inventé par des gens qui vivaient l’horreur, pour en sortir, pas pour définir une île où s’qui fait bon de faire bronzer les arpions en éventail, 1970/80, des milliers de morts, des types qu’ont jamais rien d’mandés, juste qui vivent dans la moitié du Ghetto contrôlé par tel ou tel parti "politrick".

L’homme Grigry s’était pas qu’un chanteur à minettes, pas qu’un marchand d’sirop sur rythm chaloupés, au virage de nombre de ses chansons, aussi cul-cul qu’elles puissent paraît’, la condition de l’homme Noir, le respect de l’Individu, la douleur d’un Peuple se faufil en loucedé, une remise en question de tous aussi, à chacun de comprendre, c’est plus compliqué qu’du serrurier noir, surtout plus fin.


 

L’homme Grigry, si tout de miel paraissaient ses chansons, n’était pas forcément un tendre, tu fais pas ta place dans c’monde là en suçant des nœuds et au jeu du mauvais garçon le Cool Ruler n’était pas à la traîne, ceux qui l’on vu en ce début 90 traverser Toulouse un 9 mm à la main pour soigner un promoteur qu’avait un peu oublier de lui donner son cachet avant de disparaître s’en souviennent, moment mitigé entre l’envie d’se marrer et quand même un brin d’angoisse, Grigry était aussi "r’monté" qu’décidé, et c’était pas qu’pour une question d’pognon, non, c’est qu’l’homme Gregory fallait pas y faire à l’envers !



Avec le départ de Monsieur Gregory Isaacs c’est pas qu’une voix qui disparaît, c’est toute une époque où les artistes, même si pas toujours aux mains propres, chantaient pour leur peuple, pour élever les esprits, soigner ses maux, savait aussi soigner leurs mots, que le message ne se transforme jamais en slogan pour idiots bêtes révoltés, comme prétexte à trouver plus moche que soi.
L’homme Gregory était un poète, conteur de la vie et de ces turpitudes, même sous un soleil écrasant ou près d’une eau poissonneuse. Un putain d’poète, un morceau d’chanteur et un sacré lascar.

Je fini c’papier avec un léger sourire, à l’heure qu’il est je le sais, y’a au moins un ami, même si je suis sûr qu’ils sont plus nombreux, qui l’aura accueilli, pour de nouvelles aventures…

Sing Gregrory Sing !

7red

vendredi 22 octobre 2010

ARi DowN

                                                         
  
Alors que cette semaine s’est vue enluminée par l’annonce de la « j’espère très prochaine » mort de Margaret Thatcher, « je sais, c’est pas beau de souhaiter la mort des gens, mais elle c’est pas un gens, c’est un monstre !! », cette fin de semaine, elle par contre, me pince un chouia, c’est Ari Up qu’est partie. 
Les Slits
 
J’ai été moqué, si ! Je te vois Grunjj, te cache pas derrière les épaules plus larges de cousin Hugh, je te vois, te revois et t’entend encore « c’est quoi cette harpie en train de couiner ?? », « c’est quoi cette merde ?? », ouais, peut-êt’ malheureusement, t’êt’ pas au bon moment mais j’ai jamais crains de passer du dessert au premier album des Slits, cette usine à vapeur mélangeant tant bien que mal le contre temps jamaïcains à l’énerverie toute anglaise de cette fin 70.
  
Il y a peu, j'entendais sur la radio pisser les louanges d’une chanteuse « je sais p’us si c’est Joan Jett ou quoi » comme le fer de lance de la féminité dans le Rock de ces années là, Bullshit !  


Ah c’est sûr, côté féminité la bande à Ari Up se posait pas forcément comme gagnante, quoi que, ce petit coté roulée dans la boue …  
Après faut rend’justice, même accompagnée de lascars, même managée par un lascar, la bande à Ari s’est bien présentée comme le premier groupe de joyeuses faisant son truc et non pas interprétant des chansons en tortillant du lézélu. Alors le son, l’orientation musical, perso j’m’en bat les couilles.
  
 

J’ai toujours été charmé par les Slits, le contre temps n’est pas c’que je déteste le plus, quant à la harpie brailleuse j’l’a trouvais plutôt chouette. Y’a eu Yoko, Yma, Nina Hagen et Ari Up et depuis ?
  
77 n’a été qu’une grosse explosion, une blague, mais c’est depuis que, sans plus de manières, jouent des nanas dans des groupes de Rock, et même si c’est rarement aussi bien carrossée que la première ligne derrière le micro, c’est tant mieux pa’c’que c’est pas l’sujet !
Les Slits avaient leur charme, leur place et si Ari Up et ses copines ont donné envie à d’autre de s’exprimer c’est que du bon.
 

Le groupe, originel, n’a duré que le temps nécessaire et même si Ari avait remit la machine en marche ces dernières années, proposant, ça c’était chouette, toujours l’up tempo jamaïcain, l’actuel, avec la rigidité toute british. Des putains d’freaks en fait mais aujourd’hui, au milieu d’ce bazar en plastique, même si le charme est depuis longtemps évaporé, la bonne bouille d’Ari avait son utilité.

Big Up la Miss

7red

dimanche 17 octobre 2010

THe BLaCK CRoWES

Pour notre Révérend Harry Max Powell, les Black Crowes c'est comme John Wayne ou Robert Taylor, une cause à défendre. Raison de plus lorsque l'album est superbe et doté d'un son qui restitue magnifiquement la sensation d'assister à un moment presque intime du groupe.

  The feeling is back, motherfuckers !


Après un retour en force avec deux albums de bonnes tenues (Warpaint et -surtout- Before the Frost) The Black Crowes poursuivent leur route avec Croweology, triple album vinyle (double cd) de reprises de leurs propres morceaux en versions guitares acoustiques mais grosse baston derrière, afin de célébrer avec force leur vingt années de carrière. 
Décidément en forme olympienne; les frères Robinson nous gratifient d'un opus somptueux en tout point.


Là où on aurait pu craindre un traitement soporifique, c'est tout l'inverse qui se produit. Inspirés comme jamais, ils transcendent leurs compositions en leur apportant une grâce et une légèreté qui faisait souvent défaut aux versions originales à cause d'une production sonore assourdissante. Remedy, illustre parfaitement ce changement de tonalité salvateur. Situé à l'origine sur Southern Harmony.. ce morceau souffrait d'une mise en avant plus qu'agressive de guitares rugissantes. Dans sa nouvelle version, aussi fine, qu'enlevée, il gagne en efficacité et atteint pleinement son statut de chef d'oeuvre. Quant au morceau Non-fiction son final avec guitares flamenco à la clé est une pure merveille. Sur Hotel illness c'est un violon de toute beauté qui apporte LA touche magique (il récidive sur le splendide She talks to angels) tandis que sur Soul singing ce sont les chœurs féminins façon gospel qui nous amènent dans les plus hautes sphères de la félicité. Sur Thorn in my pride, l'harmonica se charge de faire basculer le titre dans le Blues tel qu'il se pratiquait au sein des pires bouiboui de la création.
On l'aura compris, The Black Crowes sortent le grand jeu en se célébrant eux-mêmes. N'hésitant pas à pratiquer des ruptures de ton au sein d'un même morceau, ils se réinventent carrément dans ce savoureux melting pot de Country Soul Gospel Rock !


Nous assistons à la renaissance du groupe dans ce qu'il incarne de meilleur dans l'héritage des plus grands. Jamais auparavant, ils n'avaient fait preuve d'une telle maitrise dans leurs arrangements (Morning song) Les parties de guitares sont à tomber à la renverse, toutes en sinuosité, elles se répondent, s'enchevêtrent à la perfection. Les plans de Pedal steel sont à vous hérisser les poils et l'utilisation de Banjo, de Lap steel et de guitares acoustiques de tous genres confèrent une diversité sans égale.
Les autres ne sont pas en restent, la rythmique se sublime et le piano rehausse encore un peu plus l'ensemble de son empreinte
bastringue.   


On a souvent reproché à nos corbaques bien aimés de ne rien inventer et de se contenter de singer avec talent Rolling Stones, Faces ou Allman Bros. sauf que cette fois ils surpassent avec classe leurs illustres prédécesseurs et réduisent les travaux respectifs de ces dinosaures à d'aimables peccadilles pour j'en foutre atrophié des oreilles. C'est dire.
A tous les désespérés qui pensaient ne plus jamais entendre un groupe qui sache sonner comme à la grande époque du Classic Rock, celle des productions Al Kooper, Tom Dowd, Jimmy Miller, Jerry Wexler et consorts du même acabit, réjouissez-vous car l'heure est enfin venue pour vous de vous régler les esgourdes.
 
La messe est dite. A vous de jouer maintenant, chers apôtres.


Révérend Harry Max Powell


samedi 16 octobre 2010

JoHN BeLUSHi


Des pistes à suivre pour remonter jusqu'au Blues originel, y en avait quand même pas des masses dans les glorieuses 80's. Entre synthé, boite à rythme et chanteurs opportunistes, on aurait pu tous succomber et se vautrer dans la daube. Au lieu de quoi, guidé par deux drôles de gars certains ont tiré sur la bobine jusqu'à atteindre le coeur du truc et c'est pas parce qu'aujourd'hui ils sont ringardisés par la "hype" qu'il faudrait oublier les frangins Blues.
                                        

C'est vrai qu'on nous en a rempli jusqu'au couvercle des Blues Brothers, pendant dix piges pas un rade sans la B.O qui tourne en boucle, jusque dans le moindre bled, jusque dans les soirées club de foot. Même à l'anniversaire de ma cousine. Pas un coucher tard sans avoir eu droit à Everybody needs somebody to love. Au même titre que vous tous, j'en ai bouffé à l’écœurement, pire que les petits pots de Nutella de mon enfance, mais pas au point d'en oublier que derrière tout ça y avait deux mecs en or. Voire toute une bande, elle du Saturday Night Live de la NBC. Des furieux du rire jaune, des passionnés du décalage, des pas effrayés par le ridicule. 


Steve Martin, le dentiste fou de La Petite Boutique Des Horreurs, le privé du fabuleux Les Cadavres Ne Portent Pas De Costards et un des Amigos, entre autres.  
Bill Murray, celui qui a donné une chance de lever de la jeunette à tous les quinquagénaires avec Lost In Translation. Avant de montrer où cela pouvait mener avec Broken Flowers. Robin Williams, aussi, le futur Dj de Good Morning Vietnam 

Et en tête de file, les deux jobastres en chef: Dan Aykroyd et John Belushi. Le grand dadet et le petit barjot. Le placide et l'hystérique. Plus que des complices, ces deux là sont comme des frères qui se seraient choisi. Ils ne se quittent pas d'une semelle. 

Malgré la barrière de la langue qui nique toutes les subtilités et les clins d'oeil, John Belushi, rien qu'à voir sa trogne, c'est de l'émotion en barre. Et dans l'émotion y a pas que le rire. Roi de la cabriole sans filet il se lance dans des satires souvent virulentes, toujours hilarantes, de Lennon, Presley, Yasser Arafat ou en Joe Cocker plus vrai que nature finissant With the little help from my friends en épileptique. Le gars Belushi, on sentait bien que pour se contrefoutre de tout et de lui comme ça c'est que ça devait tanguer méchamment à l'intérieur. Un gars capable de s'offrir ainsi à une passion ça force le respect.



Le duo qu'il forme avec Dan Aykroyd cartonne chaque samedi soir en s'adonnant à une imitation respectueuse, bien que cocasse pour des blanc-becs, de Sam & Dave, stars d'Atlantic Records encore quelques années auparavant. Sauf que les temps ont changé. De la Soul en fusion de la fin des 60's le monde nouveau est passé sous l'influence de la country paresseuse. La jeunesse ricaine a troqué le son des crapules du Rhythm & Blues de ploucland pour un bien aseptisé son californien. Faut dire qu'Otis est mort. Et Sam Cooke est déjà oublié. Et Aretha gonfle son monde avec ses caprices de diva. Il resterait bien James Brown, mais le fisc se charge de lui depuis un Say it loud I'm black and I'm proud qui devra attendre quelques longues années avant d'être susceptible de plaire à un président U.S.
En une phrase comme en un roman, le Rhythm & Blues à la gueule en sang. On est au milieu des 70's et les freaks règnent en maîtres, les Steely Dan et autres horreurs calibrées pour vendre du disque par millions. 
 
 
Sauf pour John Belushi et Dan Aykroyd des fondus du truc qui tue, capables de vous citer le plus obscure single parut sur le moindre label du moment que de l'émotion transpire de la wax et qui devant l'adoration que leur duo suscite ont fini par lui coller un nom: Les Blues Brothers. Plutôt bien trouvé, non ?




Et ils en rajoutent, invitent Ray Charles puis d'autres tout aussi prestigieux viennent à leur tour balancer un classic tout en vigueur. Un hit du temps heureux pour célébrer un another saturday night. Et l'Amérique étant ce qu'elle est, patrie du too much is not enough, les Blues Brothers vont finir par être réclamés de partout. Le peuple ne veut plus se contenter de les suivre sur le petit écran. La populace les veut au bistrot du coin. Le sud veut les toucher, eux qui ne cessent de rendre hommage au Memphis de la légende. Alors les gars vont y aller, ils vont faire la claque, parcourir les états et s'apercevoir qu'un mouvement est en marche, que l'américain veut encore et toujours du mythe. La jeunesse éternelle promise par les romances de son enfance.



De retour à New York, John Belushi est décidé à franchir le pas. 

Dan Aykroyd est aux anges, lui le raide dingue de Rhythm & Blues va vivre un rêve. Pour un concert unique dans un premier temps, le duo auditionne de quoi former un big band qui envoie du bois, la structure de base est organisée autour des MG'S de Booker T, les zicos d'Otis Redding, les Steve Cropper, Donald Duck Dunn qui jouent sur tous les classics de Stax, d'Atlantic et de toute la famille. Enfin, ceux qui sont encore là puisqu'Al Jackson s'est fait dessouder pendant le cambriolage de son appart'. Du moins c'est la version officielle. Et qu'importe, de toute façon, je cause pas pour faire dans le sensationnel.


Pour recruter Tom Malone qui vient d'enregistrer l'album Let's all chant avec le Michael Zaeger Band, John Belushi n'y va pas par quatre chemins et lui balance tout de go "je sais que tu fais du blé avec tous ces disques de merde, viens plutôt faire de la bonne musique avec nous, tu gagneras pas un rond mais on fera de la foutue bonne musique"
Avant de lui exposer son projet, rendre hommage aux meilleurs, remettre le bon goût à l'ordre du jour. Et plus qu'un hommage, ressusciter cette passion endormie qu'il sent encore vivace dans les souvenirs, encore désirée. Le bougre ne se goure pas et dès le premier show les Blues Brothers cassent la baraque. Ils ont intérêt, ils sont en mission pour le seigneur !


La plupart des musiciens du Blues Brothers Band étant déjà sous contrat avec Atlantic le duo se tourne vers le prestigieux label afin d'enregistrer et de commercialiser un nouveau concert.Voyant là une occasion en or de refourguer son fond de catalogue à moindre frais le label accepte et signe les deux zigotos. Ce sera Briefcase full of blues, un carton plein. Atlantic a vu juste et rallonge la sauce, quelques mois plus tard, avec un second live titré Made In America, manière de bien souligner le trait. Nouveau raz de marée, l'Amérique est sous le charme.
 


Grâce aux Blues Brothers, les stars déchues de la Soul trouvent à nouveau des dates de concert ailleurs que dans des bars à poules. Plus besoin de se priver de cuivres, fini de se regarder dans un miroir fêlé accroché dans une pissotière reconvertie en loge.Même Wilson Pickett qui en est à enregistrer de la country dit merci. Et c'est pas le genre de bonhomme à qui ça doit arriver souvent.
En un an, le duo de comiques du samedi soir devient le groupe à voir. Une tournée est organisée. Chaque soir John Belushi fracasse sa voix sur les Anapurna les plus inaccessibles. Et ça passe. Le gars est trop chaleureux pour rater la cible, trop entier pour se fourvoyer. Le monde l'adore, sa trombine, son feutre, les ray bans wayfarer, tout y est déjà. Reste plus qu'à immortaliser l'affaire.
 

Du coup, cette fois, c'est Hollywood qui pointe son nez avec John Landis comme émissaire, puisqu'il a auparavant déjà fait tourner Belushi dans Animal House. Un de ses rares rôles avec celui offert par Jack Nicholson dans son Goin' South et, bien sur, celui de l'aviateur fou du sous-estimé 1941 de Spielberg.
Bref, le film autour de Jake et Elwood Blues est devenu LA priorité de l'usine à rêves. Étonnamment, vu le contexte, le résultat est une franche réussite. The Blues Brothers redéfinit la comédie à l'américaine pour les vingt ans à venir. Dan Aykroyd a torché un scénario aux petits oignons, chaque scène est prétexte à la surenchère. Ce n'est pas une poignée de bagnoles qui seront fracassées, ce sera une centaine. Ce n'est pas une ou deux légendes du Rhythm & Blues qui seront conviées mais carrément James Brown, Ray Charles, Aretha Franklin, John Lee Hooker et celui que personne d'autre ne s'était donné la peine de me faire découvrir avant, l'immense Cab Calloway !


Un truc de malades qui avait tout pour tourner au pugilat, pour pourrir de lui même sous les caprices des stars sauf que les récentes années de galères leur ont tous appris l'humilité. Le film fonctionne à merveille, il cisaille gentiment mais surement quelques uns des travers de l'Amérique profonde, les nazis (dans l'Illinois..), l'intolérance (un Rawhide derrière grillage), les armes à feux (une ex pour le moins revancharde) et dire que c'est un succès est en dessous de la vérité. Avec leur histoire portée par la passion (Le dialogue calé dans les breaks du Soothe me de Sam & Dave est du genre clin d'oeil de folie), John Belushi et Dan Aykroyd viennent tout simplement de foutre les States à leurs pieds. 

Jake et Elwood Blues sont de toutes les noces, pas une nuit de débauche sans un carton d'invitation à leur nom. Enfin, surtout pour Belushi. Pas que Dan Aykroyd soit un rabat-joie mais, on le voit bien Elwood Blues c'est pas Keith Moon. Pas le genre à sortir sa bite dans un diner mondain pour pisser dans l'assiette de son voisin de table. John Belushi par contre...



Le gars est une pile. Il traîne son pote De Niro au Bond's voir ces quatre anglais qui redéfinissent le son de New York avec leur nouvel album, un triple. Il enchaîne les nuits blanches, se cocaïne la tronche et s’envoie du Cognac comme on s’envoie de la Guinness. John Belushi est l'attraction du moment. Et qu'importe s'il veut aussi être autre chose qu'un clown. D'ailleurs le duo a du mal à monter son nouveau projet de film, Neighbors. Une satire plus qu'une comédie, dans laquelle Dan Aykroyd endosse le rôle du comique tandis que Belushi fait dans le contre emploi.
Un bide. Que je rêve de revoir, après son unique diffusion en télé française y a 20 piges de ça à une époque où Canal + servait encore 
à quelque chose. Jamais sorti en dvd de par chez nous, c'est dire. Pourtant le film est sacrément bon. Mais Hollywood se cogne des aspirations d'acteur de Belushi et ne se passionne que pour ce scénario que les faux frères peaufinent. Une histoire loufoque de chasseurs de fantômes attendue avec impatience faute d'avoir l'accord des deux gars pour capitaliser sur les Blues Brothers en tournant une suite à laquelle Belushi s'oppose fermement. 

 
C'est que le petit albanais devenu incarnation du rêve amerloque commence à piquer du nez dans son assiette, à se rendre compte que les rires des convives sonnent de plus en plus flatteurs. Hollywood est sous héroïne, les tournages se font dans les vapeurs de blanche. Et même lui, le cataclysme ambulant, l'homme qui ne dort jamais, commence à y tâter sérieux tout en continuant la Coke. 

Le cocktail porte un nom qui fait froid dans le dos à ceux qui ont vécu, le Speedball. C'est ce même nom qu'on retrouvera sur le rapport d'autopsie. John Belushi est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel à L.A, une bonne dizaine de traces de piqûres sur les bras. Il avait 33 balais. La légende veut que ce soit De Niro qui l'ait dépanné d'un paquet ce soir là et que Robin Williams traînait par là. Une autre affirme que la princesse Leïla lui aurait fait quelques uns des shoots, Belushi avait peur des seringues. Qu'importe la véracité de la légende. Une groupie paumée, Cathy Smith, portera le chapeau et finira au gnouf. 


Hollywood s'est mis au vert après ça, quelques uns ont même foutu les voiles fissa. D'autres ont vu leur étoile se ternir méchamment et parfois définitivement. Robert De Niro sera entendu pendant l'enquête et aura chaud aux fesses pendant un moment. Je m'en fous, j'aime pas De Niro. Mais, bordel, ce que John Belushi peut me manquer.


Hugo Spanky
                                                                         
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