jeudi 9 mai 2024

RuSH HoUR



Marre d'attendre le nouveau messie, les anciens me feront l'affaire. C'est armé de cette résolution que je m'en suis allé, tel Ulysse, naviguer vers des rivages depuis trop longtemps ignorés. J'ai alpagué le Blues ! 

Halte aux fous ! Oubliez de suite vos espoirs de lire ici une communion avec les mijorés. BB King était tout ce qu'on voudra et nombre de blanc-becs vous le serviront en référence. Ce n'est que parce qu'il a eu la malice de les flatter. En ce qui me concerne, il a les défauts de Ray Charles (ce qui ma foi vaut bien des qualités), ce sont des passeurs. Plus important pour conquérir le public que pour la musique. L'un et l'autre sont gorgés de talent, et je peux comprendre que les excessifs parlent de génie concernant Ray Charles sur Atlantic. BB King a même enregistré de bons disques, alors qu'il portait encore des shorts sur scène. Ils furent aussi le vers dans le fruit. 


Par contre, je peux faire l'éloge de John Lee Hooker. Mais qui ne l'a pas déjà fait ? Je peux tout aussi bien faire l'apologie de Howlin' Wolf et Muddy Waters. Chopez-vous les volumes qui leur sont consacrés dans la série jamais surpassée des Chicago Golden Years de Chess Records. Des double albums garnis jusqu'à la gueule de blues inusables. Que dis-je, de blues historiques ! Et au delà.


Tant qu'à brandir d'emblée la botte secrète, faites vous du bien en ratissant dans la même séries les volumes mettant en exergue Sonny Boy Williamson III et Little Walter. Vous m'en direz des nouvelles. Les amateurs de Blues & Rhythm peuvent aussi se purifier le conduit en se penchant sur Little Milton. Pas une seule baisse de régime sur aucun de ceux là. Des tranches d'Histoire, croyez moi.






Et puis il y a ceux qui m'ont fait prendre le clavier en ce jeudi d'Ascension, d'embouteillage au Perthus, d'outrances gastroéconomiques, d'éthylisme immodéré. Rien de tout celà ne me concerne. J'ai mangé des endives, de la brandande de morue et arrosé l'ensemble de vinaigre et d'huile d'olives. Otis Rush suffit à mon plaisir et JB Lenoir en convient. De l'un comme de l'autre nul ne s'est donné la peine de conter le destin. A moins que ce ne soit inutile, tant il se conjugue avec celui que le 20eme siècle a infligé à leurs semblables. Nés noirs au Mississippi, morts à Chicago. Et basta, pierre tombale, rideau. Qui en a à foutre du Blues en nos temps spotifyisés, clic clac, dacodak ? J'en prédis le retour, pourtant. Le Blues d'Otis Rush sur Cobra Records, de JB Lenoir sur Chess. Le premier, pillé sans crédit par des anglais. Entre parenthèse, une question, pourquoi n'y a-t-il jamais eu de bluesman noir et anglais ? Fermer la parenthèse. Le second, trop impliqué socialement pour être soigné, lorsqu'un accident de la route le tue à petit feu. Chanter Vietnam Blues, Eisenhower Blues, I'm in Korea, Korea Blues, Alabama Blues, Move This Rope, Shot on James Meredith, Born dead se paye cash dans l'Amérique d'Easy Rider. 1967, je sors de l'oeuf, JB Lenoir décroche l'éternité et attend patiemment l'heure de venir me hanter.



Ecoutez la guitare d'Otis Rush qui racle et renâcle, le falsetto de JB Lenoir qui commente et dézingue. Il en fallait une grosse paire pour ramener sa gueule sur des sujets aussi bouillants que la conscription des noirs, envoyés au front sur les rives du Mékong, manière de leur fait passer l'envie d'avoir des droits civiques. Faut garder ça à l'esprit. Deux intransigeants, dont la flamme vacille mais tient bon. Et s'abandonner à la vibration, aussi. Laisser le feeling parcourir les sens. Mettre en éveil. Important ça, l'éveil.

Hugo Spanky

Blues flux (compilation mp3)

JB Lenoir & Fred Below TV 1965