jeudi 21 juin 2012

BRuCe sPRinGsTeeN moNTPeLLieR 2012



Ben voilà, c'est passé, finito bambino, terminé, terminé. Bruce Springsteen est dans le rétroviseur. 
Six mois à l'attendre, ce concert de Montpellier, à l'imaginer, le laisser m'envahir de désir, et bam, en un clin d’œil me revoilà en position d'attente, sans date butoir cette fois. Peut être qu'il reviendra dans le coin l'an prochain, peut être pas, en attendant je sens comme un vide que Johnny Kidd ne suffira pas à combler.
Pfff, je ne vais pas devenir fan à mon âge, mais je me sens tout comme.
Faut dire qu'il a tout fait pour, le gars Springsteen, le genre à te coller en manque sitôt qu'il a raccroché sa guinde. Dix minutes après la fin du concert, t'es déjà nostalgique ! Rien que de revoir Waitin on a sunny day sur youtube, j'en ai les pupilles qui se brouillent, et qu'importe si c'est via une vidéo toute pourrie, qu'un gars à capté avec son téléphone portable. La magie passe.
C'est un peu ça la vérité, sans tomber dans le cucul la praloche, Bruce Springsteen est un magicien, un mime, un prestidigitateur, un truc dans le genre, comme Charles Aznavour, si vous voyez ce que je veux dire. Cette manière d'incarner les chansons, de vivre le scénario et d'en réaliser chaque soir de concert, une interprétation impeccable de justesse.
Ou alors c'est un truand, un foutu manipulateur de foule, usant de tous ses charmes et d'anciennes formules d’envoûtement des masses, un machin qui tiendrait de la foi. 


Parce que quoi que ce soit, y a un truc, comme avec Majax. Me dites pas que 13 000 gonzes, d'une moyenne de quarante ans d'âge, qui se foutent à chanter spontanément, au même moment, dans une langue que la plupart connaissent tout juste, et sans en foutre une à côté, c'est normal comme réaction... Faut pas charrier ! 
Sur The river, c'est tout juste s'il peut en placer une, tellement qu'il renonce, tend le micro et laisse s'exprimer le peuple, avant de reprendre les affaires en mains, et de nous refiler du frisson comme si il en pleuvait. Pour Waitin' on a sunny day, il a tout juste eu le temps de faire le premier accord, avant que la salle tout entière n’essaye de lui piquer la vedette.

A l'inverse, j'en connais pas d'autres pour captiver au point que dégun n'ose plus ouvrir la bouche. Même brailler rock'n'roll y a pas un con qui s'y tente. Pas quand Bruce Springsteen chante Point blank. Comment vous dire ? Point blank, c'est Bruce qui cause à un amour d'adolescence, la fille avec laquelle il projetait de tout partager, corps et âme, a préféré suivre les mauvais garçons et leurs illusions à deux balles. Pas à pas, elle a renoncé à tout ce qui avait de la valeur, et ça n'a pas traîné long avant que les emmerdes n'arrivent. Il le sait Bruce, il l'a aperçu sur les boulevards glauques, à tapiner pour sa dose ou pour éviter les coups. Et la sentence tombe, bang bang baby you're dead.  
Springsteen chante ça comme si à chaque mot, c'est lui qui crevait de n'avoir pas su la protéger. 
Musicalement, pour schématiser, c'est une baguette qui claque contre le cercle de la caisse claire et un piano qui égraine les notes les plus lugubres qu'on puisse tirer d'une rangée de touches d’ivoire. Et ça dure facile 6 ou 7 mns. Imaginez Joe Strummer qui ferait Straight to hell a cappella, c'est de ce calibre niveau casse-gueule. Pourtant ça passe tellement bien que derrière ça, il enchaîne The river, et cette chanson d'une tristesse sans nom devient comme une libération. Un magicien, je vous dis.

Je vous rassure, Bruce Springsteen ne donne pas dans le dépressif, il ne se trimbale pas le public de Cure, pas l'ombre d'un t.shirt Joy division parmi l'assistance. Loin de là. Springsteen à le talent multiple, le voilà déjà à faire le pitre sur un 7 nights to rock tiré des limbes de l'histoire. 
Pure magie du rock'n'roll des origines. 
Mais le meilleur sur cette tournée c'est encore qu'en plus de son légendaire E.Street band, Little Steven en tête, le boss nous a offert une section de cuivres et trois choristes pour dépoussiérer le Rhythm'n'blues le meilleur qui soit. 6345789, The way you do the things you do ou encore un Sad mood pétrie d'émotion, calé au milieu d'un My city of ruins nourris au gospel, pour saluer la mémoire de son acolyte de toujours, Clarence Big man Clemons, mort il y a tout juste un an. Magie, encore et toujours. 


Enfin, un concert de Bruce Springsteen c'est aussi et surtout une sacrée dose d'énergie. Et de révolte. Badlands, Born in the USA, Candy's room, Wrecking ball, Death to my hometown, comme autant de shoot d'adrénaline. Le gars a des cartouches en réserve, inépuisables réserves. Des noms ? Born to run, We take care of our own, She's the one, Land of hope and dreams. Et on monte dans le train, à ses côtés, tout contre la carlingue bouillonnante de la machine, la vapeur qui s'échappe de toute part. Trois heures d'émotions, pour s'en souvenir jusqu'au dernier souffle. Qu'il attaque Growin up, Jack of all trades, c'est toujours au cœur que ça touche. Et ce Rocky ground, si fragile sur le vinyl, que je ne l'imaginais pas un seul instant capable de passer la barrière du live, s'avère finalement être un incontournable de plus. Faut le vivre pour le croire, la manière dont il cajole cette chanson.


Allez, je conclus parce que de toutes les façons, je ne saurais pas vous décrire tout ça en détail. Ça demanderait plus de mots que je n'en connais.
Il passe près de chez vous ? Foncez. Même si c'est loin, foncez. 


Hugo Spanky

lundi 11 juin 2012

LuTheR, aFFaiRe cLaSSée



Annoncé par la BBC comme LA série digne de concurrencer les cadors de HBO, Luther s'avère être une grosse déception (même pour une série anglaise..) Hormis Idris Elba, que l'on avait connu plus à son aise dans The wire et dans une moindre mesure Ruth Wilson, les autres acteurs sont hyper cheap voire carrément nazes. Quant aux intrigues, elles semblent avoir été torchées en même temps que la liste des courses. 
Les personnages principaux sont des sortes de best of (worst of plutôt) mixant allègrement les stéréotypes genre flic incontrôlable (il casse une porte) et serial killeuse qui collabore avec lui tout en le faisant vaguement chanter avec des machins dont on se demande pourquoi ça le fait flipper (Vic McKey en aurait chopé une crise de rire)

D'emblée, le premier épisode pose la donne et tout est clair, Luther nous prend pour des buses ! 
Et dans les grandes largeurs.
En gros, l'inspecteur Luther est un génie, ou alors ses collègues sont tous de sacrées chèvres, à vous de voir, toujours est-il que tandis que le commissariat tout entier voit en Alice Morgan (Ruth Wilson) l'unique survivante du massacre de sa famille, Luther, lui, ne s'y laisse pas prendre. Et pour cause, elle n'a pas baillé comme tout bon bailleur l'aurait fait (un proverbe le confirme) lorsque l'impayable Luther s'est décroché la mâchoire juste sous ses yeux. Si ça c'est pas une évidence ! 
Dès lors il n'en démord pas, cette fille surdouée depuis l'enfance est un être vil et narcissique. Face à de telles affirmations, Ruth Wilson (Alice Morgan) nous sert une époustouflante série de regards lourdement chargés de malice dévoilant ainsi l'ampleur de sa démence. 
Ouuuouuuh, ma copine se blottie contre moi tellement notre lit ressemble dorénavant à un linceul. 


Mais, malheur, Luther n'a pas de preuves, de plus y a dégun qui le croit, « trouve l'arme du crime » le défie sa supérieur, c'est impossible Luther le sait, puisque la méchante n'a rien laissé au hasard, pensez donc, elle a planqué le flingue dans le cul du chien (mort, je vous rassure) et la bestiole a été incinérée. 
Je vous jure que c'est pas des bobards, notre homme finira par trouver un bout de l'arme dans l'urne des cendres ! Et tout ça en 10mns !

Je vous laisse découvrir la suite si l'envie vous prend et notamment des scènes d'un suspens insoutenable lorsque la serial killeuse menace sans qu'on sache trop pourquoi la femme de Luther (l'ultra pas crédible Indira Varma)

 

La trame est faite, Ruth Wilson et Idis Ababa vont pouvoir se tourner autour durant le restant des longues saisons à venir (Va t-il l'embrasser ? Lui faire un bébé ?)

Mais ce serait tout de même un peu court, aussi les scénaristes (?) ont songé à inclure au milieu de ce méli-mélo des intrigues secondaires que ce brave Luther résout en un épisode. Autant dire que ça défile comme un dimanche à Longchamp. On se régale cent fois plus devant Cold case, je ne rigole pas les premières saisons sont top, y a même un épisode habillé tout du long par des chansons du Boss, c'est d'ailleurs une constante, la sélection musicale qui accompagne les enquêtes de Lily Rush est une merveille.


Pour revenir à nos Panurge, ne soyez les moutons de personne et fuyez ce Luther définitivement trop tarte pour y perdre du temps. 

Hugo Spanky

dimanche 3 juin 2012

eD keMPeR


 
La révolution sociale des années soixante, la guerre du Vietnam, la libération sexuelle, la politisation des universités, tout cela Ed Kemper ne l'a pas vécu. A sa sortie d'Atascadero (institut psychiatrique) il est frappé par les nouvelles habitudes vestimentaires des jeunes et il est particulièrement écœuré par les hippies qu'il juge sales et indignes. Il continue de s'habiller de manière conservatrice, avec des cheveux coupés courts et une moustache qu'il entretient avec soin.
                              (Stéphane Bourgoin)


Ed Kemper un début de solution face à la prolifération des punks à chiens ? 
Pas vraiment, notre homme, définitivement de bon goût malgré ses défauts pour le moins encombrants, refuse tout net de toucher, violer ou ne serait-ce qu'assassiner des êtres qui, comme les hippies de son époque criminelle, le débectent de par leur apparence négligée et la crasse qui se dégagent de ces sinistres personnes.


Pour avoir l'honneur d'être victime de Kemper, il faut d'abord répondre à un questionnaire qu'il soumet à chaque innocente auto-stoppeuse ayant eu l'idée saugrenue de monter dans son véhicule. Une série d'anodines questions visant à établir un portrait rapide de sa proie. Si la jeune fille se montre méprisante, hautaine, s'affiche de bonne famille bourgeoise, elle finit immanquablement démembrée. Kemper est ainsi, joueur et taquin. Il ramène le cadavre dans sa chambre, le décapite, viole le corps encore chaud avant de s'en débarrasser et de ne conserver que la tête avec laquelle il s'amuse une semaine ou deux. Bref, jusqu'à ce que la lassitude  prenne le pas sur la passion. Ed Kemper est d'une banalité désespérante.


Entre deux séries de crimes notre homme à ses habitudes dans un bistrot majoritairement fréquenté par la police locale, il sympathise avec bon nombre d'agents des forces de l'ordre, au point que son interlocuteur pensera à une blague, et lui raccrochera au nez, lorsqu'il téléphonera au commissariat pour se dénoncer !



 
Car Ed Kemper en a marre, marre de nettoyer tout ce sang, il ne sait que trop bien qu'il ne maîtrisera jamais son instinct de tueur, que cette barbarie doit cesser. Mais pas sans que soit exécuté le crime dont tous les autres n'étaient que préparatifs, celui de sa mère à l'autorité castratrice, sa mère à l'origine de tous ses maux, seule responsable de son dysfonctionnement. Sa mère dont la tête aura l'honneur d'être exposée sur la cheminée et de servir de cible à fléchettes. Mais son corps ne sera source d'aucun plaisir posthume, Ed ne mange pas de ce pain là.


A la lecture du livre de Stéphane Bourgoin, Ed Kemper se révèle étonnamment attachant. Doté d'un QI de 136, il n'a rien d'un énième débile profond, bien au contraire, son esprit affûté et sa complète collaboration avec l'auteur rendent son parcours, s'il n'est pas excusable, pour le moins humain. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître de prime abord, Ed Kemper fait preuve d'une telle franchise envers lui même que l'on découvre l'individu derrière le monstre. Sans se chercher d'excuse, ni prononcer de réel remord, Kemper raconte son inévitable histoire, la seule qu'il pouvait vivre, selon lui, avec l'éducation qu'il avait reçu. L'histoire d'un enfant terrorisé par la société qui l'entoure, frustré et maltraité par son alcoolique de mère, et qui s'enferme lentement dans un monde de fantasmes. 
Devenu adulte, Ed Kemper, 2m10 pour 160 kgs n'est plus que fureur et frustrations.

Son intelligence l'a mené à se rendre à la police, à collaborer avec le FBI afin de dresser les premiers profils de tueurs de masse. Enfin, elle l'a mené à comprendre qui il est et ce pourquoi il agit ainsi. Elle aurait pu aussi lui permettre d'échapper à la justice et de continuer sa série de meurtres pendant encore longtemps.


L'ogre de Santa-Cruz est un livre passionnant, surtout de par l'approche de son auteur. Contrairement à la sale habitude des biographes français, lui s'est rendu sur place, à rencontré et interviewé personnellement le tueur. Il a aussi su raconter les crimes sans jouer la surenchère, sans sensationnalisme à deux balles. Stéphane Bourgoin se plonge dans ce monde torturé après le viol et l'assassinat de sa copine par un serial killer, pourtant son écriture ne trahit ni acharnement, ni manque d'objectivité. Il cherche sans cesse à apercevoir l'être humain, même au cœur des tueries lorsque l'individu n'est plus que pulsions sauvages. 
Il ne recule pas devant un brin d'humour, comme cette anecdote de l'agent du FBI, seul avec Ed Kemper dans une cellule d'interrogatoire de pénitencier. Une fois sa tâche terminée, le fédéral sonne une première fois le garde afin qu'il vienne lui ouvrir, rien ne se passe, il sonne à nouveau quelques minutes plus tard puis encore une fois. Kemper le regarde, esquisse un vague sourire et lui dit « Personne ne viendra à cette heure ci, c'est l'heure de la relève de la garde et du repas des condamnés à mort, pendant un quart d'heure nous sommes livrés à nous même...»


Au fil de ses différentes enquêtes, plusieurs dizaines, Stéphane Bourgoin a également croisé la route de Henry Lee Lucas et de son amant Ottis Toole, tout deux emprisonnés à perpétuité.  
La main de la mort raconte leur sinistre épopée.
Henry Lee Lucas, c'est un peu Délivrance à lui tout seul, il tue sa mère, une prostituée qui l'oblige, enfant, à la regarder faire son boulot, il viole et égorge comme on va pisser, baise chiens, cochons, chèvres et s'octroie même parfois de cocasses fantaisies en décapitant au préalable la copine de Mr Seguin.



Sa rencontre avec Ottis Toole n'arrange pas les choses, à eux deux, ils deviennent une véritable entreprise de mort. Crucifixion, crane fracassés à coups de pierre, kidnapping d'enfants, snuff movies, appartenance à une secte satanique se livrant à des orgies sanguinolentes mêlant crimes, cannibalisme et sexe outrancier, les deux hommes ont tout fait et pas qu'un peu, leur parcours criminel bien que régulièrement interrompus par des peine de prisons toujours à minima s'étale sur trois décennies !
Bizarrement, Henry Lee Lucas d'abord condamné à mort sera gracié par un Georges Bush Jr décidément sacrément épatant. En voilà un qui doit avoir de sacrés penchants.
Surtout que le parcours du gars Lucas n'inspire aucune clémence. Avec lui on tombe dans le sens premier du terme « tueur de masse » le nombre de ses victimes et de celles de son amant est estimé entre 300 et 600 !


 

Là encore le bouquin est captivant, véritable voyage aux tréfonds de l'horreur. Il ne ressort aucune trace d'humanité de ce duo, juste deux rednecks définitivement carbonisés, perdus entre démence, vaudou et LSD en quantités industrielles. Henry Lee Lucas est jovial, vantard, il raconte son parcours comme on raconterait des souvenirs de l'âge turbulent. Ottis Toole est torturé, lâche, et les savoir mort tous les deux n'émeut pas plus que d'écraser une mouche contre un carreau. Il suffit juste de s'inquiéter un chouïa si après lecture de ces ouvrages, vous vous retrouvez à contempler les intestins de l'insecte...




Hugo Spanky