vendredi 15 février 2019

DiVaGaTioNS eT aPaRTés ✯



J'ai regardé les Grammy Awards, pas vous ? Show à l'américaine, décors qui épatent, énergie, mise en place, talents, autant de termes qu'on peut remballer si on évoque les victoires de la musique. Que je n'ai pas regardé. Je suis émotionnellement américain, Alicia Keys me cause plus que Daphné Burki. Pour résumer l'état des lieux, je dirais que globalement le rock est rayé de la carte. Il était temps. Les Red Hot Chili Peppers ont quand même pris la peine de se ridiculiser une fois de plus, pathétique. 

Par contre le Funk est partout. Janelle Monae scotcha tout le monde avec son Make me feel, fabuleux single s'il en est, ultime production de Prince, qu'elle mit en scène avec un sidérant aplomb. Le style de prestation qui fait que les américains domineront les débats longtemps encore après qu'on ne soit plus là pour vérifier. Cette nana est une classe au dessus de la mêlée, ses trois albums sont conçus pour durer. Les savoureuses orchestrations chantilly de The ArchAndroid et The Electric Lady ont laissé place à un dépouillement de façade sur Dirty Computer sans rien délaisser dans le domaine de la créativité. Avec Brian Wilson en featuring sur le premier titre pour situer l'angle d'ouverture d'esprit. Le disque est imparablement bien ficelé, les morceaux mouvent l'un vers l'autre, forment un ensemble cohérent. Textes et musiques à l'unisson pour revendiquer la personnalité multi-facettes de la dame. C'est pas revival get on the groove, sock it to me, le Funk propose encore des albums qui ne se laissent pas saisir dès la première approche, le genre utilise son passé pour monter dessus et s'élever vers autre chose. On avance, on n'a pas assez d'essence pour faire la route dans l'autre sens, alors on avance. Le principe est bon.


Ce qui ne veut pas dire que la Black Music à mauvaise mémoire, les Grammy ont célébré les 75 ans de Diana Ross, elle fait plaisir à voir, Jennifer Lopez a profité de l'occasion, et de la présence de Berry Gordy et Smokey Robinson, pour enflammer un tonitruant medley Motown. Tout est là, cherchez pas pourquoi les Beatles, Who, Stones piochaient dans ce répertoire, c'est l'école de la liesse, il suffit que l'intro de Dancing in the street retentisse pour que je me mette à chanter à tue-tête comme si je descendais Harlem en conquérant. En sachant que j'étais sous la couette, c'est dire comme ça stimule l'imagination. Et puis Jennifer Lopez, c'est pas Beyonce. Jenny from the block joue pas les divinités, elle y va à fond la mama, elle sait secouer le moneymaker. Camila Cabello avait donné le ton latino dès le début du show avec une version de son Havana relooké à la West Side Story. Je fais un aparté pour souligner la qualité de la mise en scène de ces soirées, ça me scotche à tous les coups. Les décors, les éclairages, les seconds rôles, le timing, terrible. Ça joue, ça bouillonne, y a même des solos de guitare ! Comme à la mi-temps du Super Bowl, vous avez vu ce qu'ils arrivent à caser en quelques minutes seulement ? Putain, c'est le temps qu'il faut à Nikos Aliagas pour venir s'excuser que la bande-son soit partie avant le playback vocal ! La môme Cabello, elle démarre la chanson dans sa chambre, elle la finit dans le barrio avec Ricky Martin et trente danseurs qui virevoltent. Le tout en live et sans un accro. J'en profite pour un second aparté, cette fois à propos de Ricky Martin, je vous vois ricaner. Ce mec est un acteur né, si il y en a un qui tire son épingle du jeu dans la série planplan American Crime Story consacrée à Versace, c'est bien lui. Celui qui joue Gianni Versace et Penelope Cruz en Donatella sont impeccables également mais c'est moins inattendu, pour le reste vous pouvez tirer le rideau. C'est dommage, en axant le propos sur ceux là plutôt que sur l'assassin dont on se contrefout, il y avait le potentiel pour faire quelque chose de bien meilleur.


Les Grammy, donc, j'y reviens, nous ont dans la foulée donné l'occasion de voir Dolly Parton. Vaut mieux se contenter de l'écouter, oublier le visuel et se concentrer sur cette voix que le sablier ne semble pas concerner. Faudra m'expliquer un jour en quoi c'est esthétique de ressembler à un meuble ikéa. Par chance Miley Cyrus était là pour tranquilliser les pupilles. Elle est nickel, Miley, jusque dans la série de Woody Allen Crisis in Six Scenes. On y retrouve en partie le ton, sinon la verve, du Woody Allen des premières heures. J'en fais une cure en ce moment, avec Milady on s'est concocté un programme maison à base d'humour juif new yorkais pour se remonter le moral après que la génialissime seconde saison de I'm Dying Up Here nous l'ait mis dans les chaussettes en se terminant de la plus cruelle des façons.




Pour couronner le tout, I'm Dying Up Here n'ira pas plus loin, c'est tombé net comme un couperet. Finito bambino. Faites pas l'erreur de rater la série pour autant. C'est un brise cœur, certes. Un condensé du crash de John Belushi et de la mine de cocker triste de Bill Murray, un pur moment de comédie surtout. Après l'alliage de Mick Jagger et Martin Scorsese pour Vinyl, c'est au tour d'une production Jim Carey de mordre la poussière. Et je ne crois pas que Crisis in Six Scenes ait été un si grand succès pour que l'on puisse en imaginer une suite. Un si grand succès, tout le soucis est là. Il faut que ça cartonne au delà du réel, on vit un monde avide de records, de sensationnel, d'espace publicitaire à un milliard de dollars la seconde. La surenchère jusqu'à la nausée. C'est en ça que les Grammy m'ont fait passer un bon moment, c'est de l'humain en prise direct, avec des B.Boys et des B.Girls qui font des enfants et même des sourires, avec Diana Ross qu'à besoin d'un coup de main pour descendre les marches sans se prendre les pieds dans sa traine de Pompadour, Kacey Musgraves belle comme un coquelicot dans sa robe rouge, Lady Gaga qui ne peut pas se retenir d'en faire des caisses, et qui finira parfaite pour incarner Dolly Parton dans un futur biopic si elle continue à fréquenter bistouris et compresses. Un moyen comme un autre de prendre le pouls de la nation étoilée sans avoir à passer par les filtres et de grappiller quelques mots clés pour nourrir les recherches.

Hugo Spanky