vendredi 26 octobre 2018

iN THe SeVeNTieS



Sa couverture éhontément mensongère, The Clash, Ramones, Patti Smith et Willy DeVille plastronnent en une, mais n'occupent qu'une paire de chapitres faméliques en fin d'ouvrage, n'empêche pas In The Seventies d'offrir ce qu'il m'a été donné à lire de plus lucide et intelligent sur ces quatre là, et bon nombre d'autres qui en peuplent les pages. L'auteur, Barry Miles, s'il se complait dans une évocation détaillée des paysages qu'il traverse, au point de laisser ponctuellement l'ennui contaminer le lecteur, n'en demeure pas moins protagoniste de l'univers qu'il décrit et réussit pleinement à en retranscrire l'atmosphère, souvent flottante.

De la communauté d'Allen Ginsberg, véritable fil conducteur du livre, que l'auteur rejoint avec pour mission de transcrire sur bandes magnétiques, et sauver du foutoir significatif de l'époque, un maximum des poèmes et textes de celui qui, de Jack Kerouac à The Clash, a côtoyé à peu près quiconque aura tenté de dépeindre son temps en s'armant de talent, jusqu'à l'explosion du punk qui conclut cette décennie à l'exubération exacerbée, In The Seventies nous balade dans l'arrière boutique de l'Histoire. L'avant et l'après des instants de gloire sous les light shows, nous sont ainsi partagés en abandonnant le pendant aux bonimenteurs de foire dont nous sommes coutumiers.


Barry Miles ne s'intègre réellement dans aucun des milieux, beatniks, hippies, punk, qui ont dessiné la toile de fond de la culture rock. Observateur impliqué, il saisit et nous transmet, avec une application un brin dépourvue de style, l'odeur du grand air américain aussi impeccablement que celle viciée du New-York du Chelsea Hotel, comme du Londres crasseux du Roxy. Esprit ouvert, mais jamais dupe, Barry Miles se révèle être ce journaliste inespéré qui raconte l'épopée des seventies sans la pénible emphase outrancière qui caractérise les auteurs gonzo, souvent plus motivés par leur égo que par la véracité des faits, cherchant à démontrer pour les plus mégalos (hélas ceux là même que la presse rock française a longtemps pris comme étendard) qu'ils étaient le centre névralgique de l'action.

Sans aucun doute parce qu'il est anglais, Barry Miles ne transforme pas ses nuits au Chelsea Hotel en compagnie de William Burroughs en orgies pantagruéliques de drogues et de vices, il nous fait simplement une place sur le canapé en réduisant d'autant la séparation entre nos vies. A des années lumières de la mythification, le livre permet de mieux cerner pourquoi cette culture continue de résonner avec familiarité dans notre inconscient profond, simplement parce qu'elle a été façonnée par des gens comme nous.   



Allen Ginsberg, William Burroughs, Gregory Corso, pour les plus connus, William Reich ou Harry Smith, à l'opposé, ont tous été fruits de leur environnement. Distingués de la normalité en cours de par leurs orientations sexuelles ou philosophiques, ils ont été de ceux qui ont pris la parole parmi les premiers, et ainsi se sont fait entendre plus clairement que la multitude d'âmes esseulées à laquelle, depuis, ils servent d'emblèmes. Leurs actes ressemblent aux nôtres dans ce que l'on a de plus instinctif, à mille lieux des postures réfléchies visant à paraître quelqu'un, menant à ne plus ressembler à rien.


Si il demande un effort d'attention et de persévérance, In The Seventies est de ces livres qui nourrissent durablement la pensée, amenant réflexion personnelle, plus que certitude ancrée de force. L'équivalent littéraire, finalement, des grands albums de musique tout azimut qui, durant cette fascinante décennie, ont fomenté une liberté d'esprit et d'action qu'il est bon de veiller à ne pas perdre.



Hugo Spanky


samedi 20 octobre 2018

DRoiT De RéPoNSe


Tacles assassins, charclage en fourbe, droites au menton en guise de réponse, voila où en est le Ranx team, après un débat démocratique (chacun hurlant plus fort que son voisin, donc) autour d'Egypt Station, énième pitrerie pépite du bassiste à frange. A tel point que l'auteur de la chose, Paul McCartney en personne, a dû intervenir afin de tempérer l'escalade de violence, comme le démontre cette photo prise devant le siège du blog.
Sommé d'offrir la parole à la fange l'opposition, suite à la publication de son récent papier titré, non sans qu'il y fut décelé une forme de provocation, Du mou dans le rétropédalage, le vénérable dictateur rédacteur de ce sanctuaire de l'objectivité, Hugo Spanky 1er du nom, vous confie donc à la prose de l'exécrable l'honorable Harry Max le Grunj", puisque ce dernier à eu l’inconscience  la bienséance de réclamer un Droit de réponse....


Bon le Kurt Vile, son album en duo avec la Barnett, à part pour deux morceaux, il ne vaut pas un crayon. Et son dernier en date, Bottle It In, qui dure plus d'une heure (au secours !), il faudrait le ramener à la durée d'un Ep pour qu'il soit juste potable. Ce gonze là, tout comme la Barnett par ailleurs, est ridiculement surcoté par ces putains de chroniqueurs rock qui s'enflamment, comme tu le soulignes si bien, pour la moindre peccadille.
C'est bien simple, à lire ces guignols quasiment tout ce qui sort est de l'or; sauf qu'une fois que tu écoutes les disques qu'ils défendent, ben mon vieux, tu retournes fissa à tes disques chéris des 70's voire des 80's (car oui il y a eu du bon à cette époque) tant tu es navré ou juste ennuyé par le vide sidéral que dégagent leurs soit disant joyaux.


Le Costello, mon petit pote, j'avoue que je me suis fait avoir comme un bleu: à la première écoute, me suis-je dis, cette affaire là est rondement bien menée, sauf qu'à la seconde écoute, c'était l'encéphalogramme plat qui m'a surtout happé tant tout cela en finalité n'est guère passionnant. J'ai eu la même déconvenue avec Prodigal Son, le dernier Ry Cooder, là aussi passée la première écoute, bof bof bof, autant préparer des crêpes ce sera plus exaltant…

Avec le nouvel opus de Mr Gibbons c'est la grosse déconfiture en effet, hormis le titre d'ouverture et le Crackin' up de Bo Diddley, on peut aller au dodo tranquillou s'en payer une bonne tranche. Bien évidemment, la critique a ADORE, alors que Perfectamundo a été royalement trainé dans le boue lui: décidément il y a des calbotes qui se perdent, pour sûr; un bon ravalement de beignet ferait le plus grand bien à certains empaffés et, qui sait, ça leur remettrait peut-être les esgourdes d'équerre.


Le cas McCartney, Mr Spanky Man, me voit brandir le glaive séculier afin de te taquiner les côtes avec la délicatesse d'un panzer qui écrabouille du poilu sur fond de Wagner.
Crénom de Dieu, tu m'assènes avec un aplomb outrecuidant que son Egypt Station est d'une mollesse pire qu'un discours d'Edouard Balladur, mais foutre non, vil manant, ton discours fielleux n'est que billevesée, à peine digne d'un babillage de nouveau-né !
Cet album, au contraire, est une belle bouffée d'air frais qui remet la Pop sur un piédestal: composé de morceaux tantôt pêchus, tantôt apaisés, de titres brefs, d'autres plus épiques, de mélodies qui te ravagent le cervelet en un rien de temps et d'arrangements chiadés comme Sieur Paul nous les prodigue depuis tant d'années. C'est un bonheur d'écoute que ce disque là. Je le mets au même niveau que Off The Ground et le génial Driving Rain, ne vous en déplaise vilain Mr Fessée ! Et au passage, je te conseille de jeter une oreille sur le complètement passé inaperçu New de 2013 qui contient également de fort jolies choses, non mais !
D'ailleurs, pour bien enfoncer le clou avec la tête de David Guetta (au moins il sera enfin utile à quelque chose celui-là) et provoquer des cris d'orfraies, j'ajouterai que je préfère largement ces quatre disques là au soporifique Chaos and Creation in the Backyard qui, maintenant que j'y pense, me fait le même effet que The ghost of Tom Joad de Bruçounet, soit une profonde envie d'aller me jeter le pas allègre à la rencontre du premier poids lourd venu. 



Et maintenant passons au cas de l'album posthume de Johnny: à l'heure qu'il est je dois être un des rares bipèdes à ne pas l'avoir encore écouté.
Ce qui m'exaspère dans cette sinistre affaire, c'est tout le raout médiatique qui entoure sa sortie: hier soir, en zappant sur ma télé, j'ai eu comme une envie soudaine de génocide ultime à l'échelle nationale (ça fera moins de boulot pour le pingouin pédant qui nous fait office de Président) en voyant que TOUTES les chaînes info consacrées une émission spéciale à cet événement. Pour ne pas changer un ramassis d'abrutis s'arrogeaient spécialistes en décorticage du travail de Johnny, mais le comble de l'horreur tristement drolatique c'était de voir tous ces blaireaux interviewer d'autres blaireaux qui s'étaient précipités pour aller acheter à minuit ( aux fous; passez-moi ça à la Kalach !!!) le disque tant attendu: ah il fallait les voir se dandiner, leur casque sur les oreilles, avec autant d'élégance qu'un caribou dans des bottines Dior, tout en dodelinant de la tête emportés par la musique, tandis que des journalistes leurs couraient après; du grand n'importe quoi, le degré zéro de l'humanité en marche en somme quoi ! 




Et pour finir (et ce ne sera pas trop tôt, je le concède), la bonne surprise du moment: le Blood Red Roses de ce bon vieux briscard de Rod Stewart.
Vous êtes sûrement comme mézigue, ça fait une paye que vous n'attendez plus rien du blondinet à la chevelure folle, et paf ! Voila-t-y pas, qu'après des années à sucrer les fraises avec des shows pour mémés dans son numéro de crooner fatigué, il nous sort un putain de disque carrément moderne dans ses sonorités.
Et vas-y qu'il remue du croupion comme s'il avait de nouveau vingt piges, le pervers pépère, sous fond de musique à contenance disco (Look in my eyes), de morceau école Motown (Rest of my life), de rock Stonien (Vegas Shuffle, rien que le titre est un gros clin d'œil à lui tout seul) ou de reggae calypso (I Don't wanna to get married).
Mais le bougre sait aussi toucher au cœur (Farewell, Julia, la superbe Grace) et, alors que l'on pourrait se dire que non décidément ce n'est pas raisonnable de reprendre cette vieille scie sinatraienne It was a very good year, BOUM ! il nous fout le grand frisson en la revisitant de manière aussi respectueuse qu'innovante en terme d'arrangement (cette guitare qui fait tout le sel de cette reprise, quelle riche idée).
Bon on va pas se mentir, l'album aurait gagné à être plus concis (16 morceaux en version Deluxe tout de même), pour autant ça tient du miracle qu'il nous sorte un machin pareil: dans le genre moderne, il n'a rien à envier au Perfectamundo de Billy Gibbons, mais dans un tout autre style of course; Mais calmez-vous les gars, ne soyez pas aussi sanguin que Mélenchon, n'allez pas chercher des pierres pour me lapider la couenne.  


Harry Max 

mardi 16 octobre 2018

Du MoU DaNS Le RéTRoPéDaLaGe


J'en fais des introductions tonitruantes, si vous saviez, elles finissent toutes égarées dans les oubliettes des brouillons de Blogger. Faut dire que personne n'y met du sien. Je m'enthousiasme sur le premier titre d'un nouvel album, je me dis que le deuxième morceau est un coup de mou, le troisième va recadrer tout ça, l'aventure va démarrer au quatrième. Sauf qu'arrivé là, les gonzes refourguent le premier morceau, et ma pomme de balancer mon papier à la benne.

Prenez, Taurus Trakker, les trois mecs (dont une nana) ont tout bon. Géographiquement, ils sont de Ladbroke Grove, ce qui leur donnent un a-priori positif selon mes critères de tri, ils ont l'âge d'avoir connu la musique lorsqu'elle était encore vivante et Mick Jones leur porte caution en produisant leur nouvel album, ce qui est le critère maximal me concernant. Si il y en a bien un qui n'a pas peur de sauter de la falaise, c'est lui. Il l'a encore fait en 2015 pour accompagner l'exposition de ses souvenirs adolescents à la Biennale de Venise, avec le Ep de collages Ex-Libris, mêlant dub, jazz de cabaret, comptines et bribes de musiques de films.
Pour Taurus Trakker, il a carrément sorti sa pelle de l'étui et collé un son caverneux à l'affaire. WamBam, ça déboule plein gaz avec Poor man, le machin ferait un single du feu de Dieu et...c'est à peu près tout. Ça part en fanfare et puis c'est la panne. Ils ont le son, la hargne, ils n'ont pas les chansons. Ce qui est très con, et malheureusement de plus en plus répandu. D'ailleurs, on nage en pleine mode du tribute band, et ça ne semble déranger personne. Y a même un groupe qui se fait appeler London Calling et fait du fac-similé des concerts de Clash. Si ça c'est pas le bout de la route, c'est qu'on est déjà au-delà.



Pour couronner le tout, les vieux lustres encore branlants font leur propre auto-tribute en sortant des albums qui refourguent les plans éculés de leurs lointaines heures de gloire. Des sortes de best of ramollos avec des nouveaux titres pour des chansons de l'an 40 qu'on arrive pas à oublier. Oui Hantoss, oui Charlu, en disant ça, je pense à McCartney et son Egypt Station que vous n'écoutez déjà plus (ne mentez pas, je le sais), à Costello et son Look Now que personne n'écoute, même si Hantoss fait semblant pendant sa sieste. 
Les ingrédients sont là, c'est la cuisson qui est ratée, c'est tout ratatiné d'avoir mijoté trop longtemps. Même les micro-ondes de la FM ont plus de jus que cette soupe végane.
Pour trouver du saignant, j'avais misé sur Billy Gibbons et son vocoder, ses sons de guitares venus de l'hyper espace. Las, le ZZ Top en chef rassure son fond de commerce en sortant un disque basiquement blues qui annonce la couleur dès son blase (The Big Bad Blues) et d'où ne surnage qu'une sublime reprise calypso du Crackin' up de Bo Diddley. Autant dire qu'on est à des années lumières du furieusement audacieux Perfectamundo de 2015. 
C'est encore Rod Stewart qui est le plus gaillard de la bande en s'offrant l'inconscience de réinjecter des sonorités 80's dans un Blood Red Roses à faire pâlir Mick Jagger de jalousie. Y a même des plans disco !



Ceci dit, Gibbons, McCartney, Stewart et Costello, tout planplans qu'ils soient, ont l'avantage d'être encore vivants, on ne peut pas leur retirer ça. Et ils sont bien les seuls dans ce qui fait l'actualité de la rentrée 2018.

Prince, Lennon, Bashung, Strummer, Hallyday, c'est quoi cette affaire ? Prochaine étape, les tournées hologrammes. On nous y prépare doucement en diffusant des concerts des Beatles, Prince et Elvis Presley dans les salles de cinéma. Faut dire que sans ça, ils pourraient tout aussi bien les fermer, vu ce qu'elles proposent comme affiches. Du blockbuster mongoloïde pour décérébrés qui passent tout le film a envoyer des selfies sur instagram.


Avec tout ça, je me suis décidé à saluer les 40 ans de chansons de HF Thiéfaine. Pourquoi pas ? La pochette rimbaldienne est pompeuse à souhait, mais le quadruple vinyls propose une séance de rattrapage plutôt bien branlée, l'occasion pour moi de survoler ce que le jurassique jurassien a fait depuis Alambic/Sortie Sud, album après lequel, je ne m'étais plus guère soucié de son parcours (1984, ça file un coup aux artères). Et forcé de reconnaître que la sélection est bien foutue.

C'est simple, sur la lancée, j'ai téléchargé l'intégrale de ses albums et à chaque fois les meilleurs titres sont sur la compile. Y a quand même une exception,  Fragments D'Hébétude, enregistré en 1993 avec Waddy Wachtel et toute la clique de Los Angeles. Un disque méchamment rock qui colle au bitume du début à la fin. Pas un temps mort, des compos au taquet entre énergie et émotion, mazette, peut être un de ses tout meilleurs trucs.
Mais bon, 1993... J'en suis à ressortir Sandinista! et mon coffret de Los Lobos pour trouver un parfum d'aventure. Dimanche dernier, j'étais excité comme une puce, j'avais trouvé Raising Hell de Run DMC dans un vide-greniers.

Hugo Spanky