vendredi 15 octobre 2010

DoNaVON FRANKeNREiTER




Fut un temps où le Rock'n'Roll avait tout compris. Les tempos étaient au taquet, les textes disaient be bop a lula a lambamboum , baïlaBaïlalabamba ou bababababara ann et ça fonctionnait nickel. On s'injectait ça et on repartait requinqué pour 15 jours. Pas de conneries de vouloir sauver la moitié de la planète tout en souffrant aux côtés de l'autre moitié. A aucun moment on se serait dit qu'on allait changer quoique ce soit à l'avenir du futur et encore moins qu'on pourrait avoir la moindre influence sur le présent. C'était chacun pour sa gueule et le rythme pour tous. C'était les jours heureux. Avant que le Rocker n'apprenne qu'il a une conscience et qu'il doit la garder propre. C'était avant Dylan, avant Joe Strummer.   


La conscience est un concept handicapant, le genre qui vous turlupine, qui vous file les envies les plus connes que votre esprit puisse créer. La conscience rend prétentieux, elle vous ferait avaler que vos actes ont des répercutions, donc de l'importance, et que du coup il faut cogiter avant d'agir. Ce qui inévitablement amène à ne plus agir du tout.


Et ça change quoi ? Être entre ses draps, lové dans l'odeur de l'adoucissant ou en train de chouiner devant sa stéréo à 100 plaques en écoutant les malheurs du monde, ça change quoi pour le gonze qui se fait trucider à l'autre bout de la planète ? Rien mais ça donne bonne conscience, c'est censé faire de vous un être meilleur. Meilleur que qui, que quoi ? On n'en sait trop rien mais c'est ainsi.
Autant le dire clairement, je me contrefous de ces conneries lorsque je pose un vinyl sur la platine. Je veux de l'évasion, je veux du qui attise ma curiosité, qui me rend plus complet, du qui me nourrit, qui me file le peps pour la journée. Bref, je place l'âme avant la conscience.
Promis, quand je me retrouverai les deux pieds dans la mouise, j'irai pas taper cent balles à un Roumain. Mais en attendant, je veux me fendre la poire, je refuse de me lever une fois de plus au milieu des tirs de sniper, des bus couvert de sang, des visages amputés de leur beauté par un ramassis de fanatiques qu'ont ferait bien de passer au napalm une bonne fois pour toutes. Je veux de l'insouciance, du groove, du tortillage de fesses et un wagon de bon produits à m'introduire dans le cornet.



L'été est idéal pour ça, même quand la fin de la récré a sonnée. On se bise, projette de se revoir l'année suivante et là où on s'engageait dans un laborieux échange de cartes postales, on se refile maintenant des clefs usb gavées de bonnes choses. C'est mieux, vive le progrès. C'est tellement mieux que c'est comme ça que je me suis retrouvé sous le charme du gars Donavon Frankenreiter (notez son nom, je vais pas le réécrire de sitôt)

Vous l'aurez remarqué, notre homme porte une moustache de gaulois, se sape chez emmaüs et donne l'impression que Joe Walsh est son seul modèle masculin. Sa voix est juste assez neutre, c'est un californien, pour ne ressembler à aucune autre et ses textes sont parfaits. Donavon ne cause que de lui, et d'elle. Elle qui est partie, lui qui l'a quitté, elle qui désespère à la maison en attendant son homme parti gratter les cordes à l'autre bout du pays. Donavon ne nous emmerde pas avec des ambitions démesurées, il n'est qu'amour. Comme moi.



Move By Yourself, c'est le titre de la chose et aussi celui du premier morceau, un truc disco qui porte bien haut l'envie de secouer du popotin, voire de tenter le grand écart facial mais bon, y a encore des choses que je ne sais pas faire. En gros, ça ressemble à ce que les Stones ont pu faire du beat disco, mais ça monte beaucoup plus haut que Miss you, notamment parce que la rythmique est bien meilleure, plus fluide, moins monolithique. Un single en béton armé. Que personne n'ait été foutu de le mettre en boucle sur nos ondes ne démontre que l'incompétence et la médiocrité du music-business à la française.
Je ne sais pas si ça vous aura donné
envie de vous jouer le morceau mais si ce n'est pas le cas, vous avez tort. C'est un petit miracle qu'un gars arrive à sonner comme ça sur un album qui date de 2007.
Le second titre (The way it is) est le moment faible du disque. Pas qu'il soit foncièrement plus
mauvais que les autres titres mais j'ai jamais trop accroché sur le son Philadelphie et c'est assurément la chanson qui s'en rapproche le plus. Trop de délicatesses dézingue la délicatesse. C'est pas bien grave, j'ai horreur des disques parfaits, je trouve ça louche et m'en désintéresse en règle générale assez rapidement. La perfection n'est pas une affaire humaine.



By your side vient en troisième et je dirais que l'album démarre là. Une belle ballade Soul portée par un riff de guitare tout riquiqui mais parfaitement en syncope et une interprétation vocale d'une rare lucidité. Bien conscient qu'il ne sera jamais Otis Redding, et encore moins Sam Cooke, Donavon œuvre dans la simplicité et le  dépouillement. A aucun moment du disque il ne force sa voix. A dire vrai, à aucun moment il ne force tout court. C'est tout juste si des chœurs féminins arrivent à le secouer un peu sur deux des titres les plus réussi du disque (Let it go et All around us), se tendant soudain, sa musique se teinte alors de gospel et fleure le terroir du sud profond, celui d'Al Green et des productions de Willie Mitchell. Attention, je dis pas que c'est du même tonneau, mais on sent bien que c'est par là que le gars creuse. 
                    
Arrivé sans risquer l'arrêt cardiaque jusqu'au 8ème morceau, Donavon a dû se sentir des envies. That's too bad nous ressort le gros groove calibré 70's, c'est une bonne chose, le groupe se fond à l'unisson et la guitare n'a plus qu'à venir lécher les giclées d'orgue Hammond. Girl like you est encore meilleure, le shuffle est irrésistible, sans en avoir l'air on va finir par en avoir des sueurs à se trémousser de la sorte. Perso, j'aurai viré l'harmonica mais si vous saviez tous les reproches que je suis capable de faire à une chanson que j'adore, ça vous affolerait pas plus que ça.



La galette se finit sur un chouette truc acoustique, tout léger (Beautiful day) et comme on est à l'heure du cd vous avez droit à deux bonus que je peux m'asseoir pour retrouver sur le vinyl. C'est plutôt dommage d'ailleurs, Spanish Harlem incident est franchement bonne, toujours dans le registre ballade sudiste qui domine le disque et Stay young est dans la veine enlevée de Girl like you, le tout habité d'un feeling bien chargé.

  
Donavon Frankenreiter ne changera pas la face du monde, il ne révolutionnera pas la Pop music et encore moins le monde de la mode mais sera sans doute responsable de quelques déclarations d'amour dont on finira par se mordre les doigts en maudissant l'exquis sentiment de bonheur que ses mélodies nous communiquent. Donc bien faire gaffe avec qui vous êtes avant de poser le diamant sur la wax.
                                                                    
                                                                                  
Hugo Spanky


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