mercredi 1 août 2018

JOe STRuMMeR 001 ► GaNGsTeRViLLe !


Je vais commencer par tirer mon chapeau à Poison Ivy, bien bas le chapeau. Depuis la mort de Lux Interior, la rouquine boudeuse a fait preuve d'une dignité dont feraient bien de s'inspirer toutes les vieilles badernes qui se ridiculisent sur scène à un âge où ils seraient mieux sous les platanes à taper la pétanque.
Pas de compilation de fonds de tiroirs à la con, de Live pourri, pas de dvd avec argumentaire de séminaire d'entreprise, pas de tribute, de célébration, de fondation, de mémorial, pas même un recueil des photos que son chéri avait pour habitude de prendre d'elle (ça, je serais preneur). Ses souvenirs, Poison Ivy les garde pour elle, je doute même qu'elle les écrive un jour. Et tant mieux. Merde à tout ça, je t'aime Yvette.



Du côté de chez Luce Strummer Mellor, par contre, il semble que la villégiature à Ibiza soit devenue duraille à financer. Voila que la dame signe des contrats avec les marchands de fumisteries. Le racket de la rentrée est un coffret de 4 vinyls (3 LP + 1 Maxi mono-face) nommé Joe Strummer 001 proposé en version Deluxe au prix très punk de 132€. On est soudain bien loin de Rock against the rich, du combat d'un mec qui s'opposa à CBS pour baisser le prix de ses disques. Et vu la misère du tracklisting de la chose, vous pouvez déjà vous attendre à un Joe Strummer 002 pour 2019. Que les ouvriers et les chômeurs se rassurent, Sa Seigneurie a aussi pensé à leurs économies en torchant une version cheap à 60€ seulement... On va tacher d'en rester à la musique, sinon ça va virer méchante limonade.

Pour vous faire un topo rapide, ce que Joe Strummer a fait de plus bandant après Clash se situe sur trois Bandes Originales de films, Permanent Record, Walker et I Hired a Contract Killer, ainsi que sur Earthquake Weather et les face B des maxis qui ont accompagné ce premier, et plus essentiel, album solo. De tout ça, qu'il ne serait pas idiot de rééditer sobrement, la compilation de 32 morceaux qui va atterrir dans les bacs en septembre ne reprend que 6 titres... D'où ma prédiction qu'un Volume 2 viendra vous faire les fouilles sous peu.


Point positif, la présence de Afro-Cuban Be-bop et Burning lights, les deux titres que Strummer chante crânement dans le film I Hired a Contract Killer (J'ai engagé un tueur) de Aki Kaurismäki, jusque là uniquement disponibles sur un single finlandais. Je le concède, si vous n'avez pas eu le bon goût de kidnapper le single à sa parution, vous êtes baisés. Ou alors démerdez-vous pour choper le film en dvd, c'est un navet mais les morceaux y figurent en intégralité.
Autre pépite à redécouvrir, Trash city, super morceau bien cradingue comme plus personne (à commencer par Strummer lui-même) ne su les faire ensuite. Celle ci se dégotte pour peanuts sur la B.O de Permanent Record qui contient, en plus de Trash city, 4 autres titres de Strummer dans sa meilleure période post Clash, celle du Latino Rockabilly War. Idem pour Walker, ici chichement représenté par le seul Tennesse rain. Chopez-vous les deux vinyls, ça va vous couter que dalle et vous aurez deux authentiques bijoux.

Pour la petite histoire, Joe Strummer considérait son travail sur la B.O de Walker comme étant la prunelle de ses yeux, son lègue à la postérité. A croire qu'il ne l'a pas dit assez fort entre le pudding et le fromage pour que sa femme s'en souvienne au moment de sélectionner les titres de ce coffret pourtant réalisé avec amour et dans le plus grand respect de l'esprit du défunt. Pardon d'en rire.



Le reste des évangiles se compose de titres anecdotiques jusque là disponibles éparpillés sur divers projets. Le duo avec Jimmy Cliff est une daube, celui avec Johnny Cash sur le Redemption song de Marley ne vaut guère mieux -ce truc pue le traficotage de studio- et It's a rockin' world est un rock bateau enregistré pour un épisode de South Park. Une grosse poignée de morceaux résument, mal, les trois albums avec les Mescaleros, d'autres nous resservent pour la énième fois les vieilles scies poussives des 101ers, et les fameux inédits, dont la presse ne va pas manquer de nous rabattre les oreilles, sont issus des sessions avortées de 1993 pour la B.O du film When Pigs Fly de Sara Driver. On y entend un Joe Strummer désorienté, hésitant entre le sommeil profond et l'option Pogues en robes blanches, avec pour résultat trois ballades toutes jolies avec leurs guiboles trop maigres.
Quant à US North, présenté comme étant une collaboration avec Mick Jones et positionné en clôture, manière de faire baver tous ceux qui fantasment sur une ultime création commune au lendemain du fameux concert de la réconciliation, quelques semaines seulement avant la mort de Joe Strummer, est une démo datant des sessions du N°10 Upping Street de Big Audio Dynamite et n'a donc pas grand chose à foutre là, sinon démontrer à quel point Mick Jones est indispensable.
Au milieu des haricots, ils ont osé quelques saucisses vérolées sous forme de démos du Clash sans Clash de Cut The Crap et deux rebuts de Streetcore, album déjà posthume lui-même. Je vous épargne les collaborations éthyliques avec des gonzes du calibre d'Electric Dog House. On a tout ça depuis les grandes heures d'emule, il suffit de se souvenir sur quel disque dur on l'a laissé moisir.

Pour résumer, on va encore bouffer du Hors Série à go-go dans les kiosques et se fader les citations et pensées profondes des disciples sur les réseaux. Alors que les choses sont simples, si vous êtes de ceux qui ont suivi la production de Joe Strummer de son vivant, vous avez déjà tout ce que le coffret contient de comestible, conservez-le précieusement, c'est du Rock'n'Roll comme il ne s'en fera plus. Et si vous n'êtes pas de ceux là, retournez à vos occupations. Mais dans les deux cas, refusez de vous faire enculter !

Hugo Spanky