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lundi 8 août 2016

THe NiGHT Of


Qui est Nasir Khan ? Un jeune étudiant studieux, calme et courtois, issu d'une famille unie d'origine pakistanaise ? Un manipulateur masochiste doublé d'un sadique aux pulsions criminelles ? Les certitudes bien ancrées en début de saison se fissurent au fil des épisodes de The Night Of, la nouvelle série HBO qui ravive la flamme d'une chaine dont on croyait les ambitions définitivement revues à la baisse.

The Night Of se situe quelque part entre The Wire et Oz, elle est faite de patience et d'audaces. Elle ne pose aucune question, nous en inocule des dizaines dans l'esprit, qui viennent nous torturer longtemps après le générique de fin. Filmé au plus près des personnages, le premier épisode est insoutenable dans son implacable déroulé. On partage les émotions, les attractions, sachant pertinemment que tout n'est que mauvais choix, maldonne et malédiction. Elle, belle, troublée, aisée, droguée, flirte avec le vice, et personne n'y peut rien. Lui, peut être naïf, surement frustré, sans doute surprotégé, d'apparence désarmant d’honnêteté. Elle, lardée de coups de couteaux, massacrée dans son lit de l'Upper West Side, Manhattan. Lui, coupable tout désigné, trop beau pour être vrai, fait tout de travers, aurait été mieux avisé de rester dans le Queens, comme un bon fils, plutôt que d'emprunter le taxi de son père pour roder dans la nuit. 


James Gandolfini avait trouvé le rôle parfait pour sortir  de l'ombre encombrante de Tony Soprano, ce sera finalement l'ami de toujours qui en hérita, John Turturro, venu pour sauver ce projet sur lequel le mastodonte du New Jersey avait tout misé. Trois ans après sa mort, ça fait tout drôle de lire à l'entame de chaque épisode Executive producer James Gandolfini. Il aurait sans aucun doute été épatant dans le rôle de John Stone, avocat aux pieds ravagés par l'eczéma, au look de clodo, à l'esprit lent, pourtant rien ne donne à penser que quiconque aurait pu faire mieux de ce personnage que l'incarnation qu'en donne John Turturro. Regard terne, bouche de traviole, méprisé de tous, minable défenseur des tapins sur lesquels il se paye en nature. Vestige d'humanité dans toute sa crade vérité au milieu d'un monde de procédures, John Stone est le New York de Lou Reed à lui seul. Égaré dans un univers où la liberté est en négociation, il trimballe son interminable carcasse longiligne de la même façon que son eczéma, avec fatalité.


The Night Of est un régal à plusieurs niveaux. Elle est superbement filmée, les angles de caméra ne sont pas de ceux qui nous trépanent les rétines, le rôle mis en avant n'est pas systématiquement celui qui dialogue, il reste parfois dans le flou à la faveur de celui qui écoute. Les points de vue en sont brouillés, on partage ainsi les hésitations de Nasir Khan lorsqu'elle lui tend la drogue, les verres d'alcool. Le couteau. Les plans serrés sur les visages font saisir le désarroi derrière le jeu de dupe de la séduction. Malgré la fulgurance de son rôle, Sofia Black D'Elia (...Dahlia noir, quel nom parfait pour interpréter la victime) s'imprime dans notre affect, sans que l'on parvienne à lui donner le bon dieu sans confession. C'est toute l'intelligence du truc, on la prend à moitié en grippe, sachant trop bien par avance qu'elle ne va amener que malheur sur la vie toute droite tracée de ce gamin aux allures d'ange maladroit.


Et voila déjà Riker Island, implacable monde parallèle dans lequel tout est un peu plus flou encore. Le casting se dévoile, nous gâte, trop tard pour reculer, si le premier épisode séduit par le traumatisme insidieux qu'il cause, les suivants bétonnent l'addiction par le plaisir qu'ils procurent de nous faire croiser à nouveau des acteurs que l'on a aimé ailleurs, et qui nous manquaient depuis. Le scénario joue sur les impressions que laissent les non-dits, sur les doutes qui s'immiscent dans la sensation de lenteur donnée à l'action. Tout se passe derrière le voile, et on frissonne de deviner ce qui pourrait être la vérité, celle effroyable que notre imagination finit par laisser poindre. Et si...? 


Qui est Nasir Khan, bordel ? Et sa famille ? Est-il possible qu'elle soit aussi impeccable ? Et c'est qui ce putain d'avocat qui se trimballe avec les pieds emballés dans du film alimentaire ? Je veux bien que l'on donne dans l'anti-héros, mais là, c'est juste pas possible. De l'eczéma ? Putain, rien que de l'écrire, ça fout les miches. Et ce flic ? C'est possible qu'il soit autre chose que le dernier des cons ? D'où ça sort un système judiciaire pareil ?
On condamne vraiment sciemment des innocents ? Vous y croyez, vous ?


The Night Of ne va pas s'étaler sur cent ans, 8 épisodes et pas un de plus. Je vous le dis comme je le pense, soit vous tourner les talons de suite, soit vous avez trouvé votre cauchemar préféré. 

Hugo Spanky

samedi 8 février 2014

JaMeS GaNDoLFiNi, MeMoRieS aRe MaDe OF THis


La discutions est faussement amicale, on perçoit une tension derrière les sourires de façade. Patricia Arquette, délicieuse et naïve, cherche à se rassurer par des mensonges. L'inconnu est armé, peut être séduit. Au loin, chantent les Shirelles. Il se lève du fauteuil, pose ses lourdes mains sur le visage auréolé de blond, charmeur il relève les lunettes de soleil qui cachent les yeux de la belle, il semble l'admirer, elle se laisse envelopper par ses mots, veut y entendre le réconfort qui fera taire ses craintes. Elle semble crispée mais la confiance s'installe, fragile. La caméra se fait oublier, ils sont seul au monde. La fille se laisse guider, il lui demande de se retourner comme pour mieux apprécier ses formes, innocente, elle le fait. D'un geste brusque le tueur dresse son poing, la frappe à la nuque puis lève les yeux au ciel. Comme une fatalité. Il s'en suit l'une des scène les plus violente à laquelle le cinéma ait donné le jour.
En une poignée de minutes, True Romance vient de me faire un superbe cadeau, James Gandolfini vient d'entrer dans ma vie. Il n'en sortira plus.


Souvent l'on pondère d'une nuance l'admiration que l'on porte à un acteur. On construit des niches. L'acteur le plus drôle de sa génération, l'acteur le plus talentueux de sa génération, l'acteur le plus allez vous faire voir avec votre génération. James Gandolfini était l'un des tous meilleurs acteurs qu'il m'ait été donné de voir. Toutes générations confondues.

Bien sur il faut parler des Soprano. Nombreux furent les acteurs à avoir incarné un héros de série au point d'en devenir indissociables. De l'avoir tant imprégné de sa propre personnalité que le rôle en devint une extension. Peter Falk est Columbo, Telly Savalas incarne Kojak pour l'éternité, Robert Conrad sera James West et Pappy Boyington au delà des rediffusions. Chacun d'entre eux a su à la perfection nourrir son personnage de tellement d'éléments personnels que le moindre détail nous les remémore instantanément. Loin de moi l'idée d'amoindrir leurs talents. Columbo parle de sa femme mais joue t-il la moindre scène de repas de famille ? James West fait les yeux doux à Artémus Gordon mais jamais ne nous invite à partager leur intimité. Kojak aime t-il le bœuf strogoloff autant que les sucettes ?


Dans son interprétation de Tony Soprano, James Gandolfini les surpasse tous. Parce qu'il incarne un homme dans chacune des situations de sa vie, la vie d'un capo di tutti capi. Meneur d'homme mesuré, tempérant les réactions, parfois, un tantinet irréfléchi de ses troupes, amant ou mari attentionné, père de deux enfants pas toujours de tout repos, redoutable dans les affaires, contradictoire dans ses amitiés. Qu'il embrasse sa fille ou pulvérise à coup de pied les dents d'un malotru, qu'il scie les membres d'un corps trop encombrant ou se confie, fragile, à une thérapeute qu'il ne sait que désirer, James Gandolfini est mieux que juste, il est Tony Soprano à chaque souffle, chaque haussement de sourcils.
S'il ne nous avait offert que ce seul rôle, James Gandolfini mériterait déjà d'entrer au panthéon, de siéger aux côtés des illustres. Par bonheur il fit encore plus que cela.



Venu tardivement au cinéma, Gandolfini y entre par la plus petite des portes mais enrichi de sa vie rocailleuse d'enfant du New Jersey devenu homme au contact d'une réalité pas toujours peinte de rose. Il en a gardé la force tranquille de ceux qui connaissent la puissance de leurs poings. Sportif mais baroudeur, libre mais attaché à sa terre, artiste dénué d'ambition démesurée, il garde un pied dans le monde du théâtre mais c'est dans les bars qu'il construit sa vie. L'Italie à l'esprit, l'Amérique rivée au corps, James Gandolfini est habité par le feu.

True Romance sera la première pierre marquante de son parcours. Au gré des films il se grave lentement dans les rétines, faisant de ses souvent courtes apparitions des moments attendus avec délectation. Combien sommes nous à l'avoir guetté dans Perdita Durango, Get shorty, She's so lovely, comme autant de confirmations que, non, nous n'avions pas rêvé, il existait bien un acteur qui ne ressemblait à aucun autre. Un qui paraissait s’épanouir dans des rôles de tordus, de sales mecs à moitié psychopathe et si jouissivement ordinaire pour l'autre moitié. James Gandolfini nous faisait adorer nos plus agressives pulsions en se délectant de les étaler sur les écrans de salles toujours mieux remplies. Alors, forcément quand arrivèrent Les Soprano, nous étions quelques-uns à être mûrs pour les accueillir à bras ouvert. Come stai mio fratello ?


Hélas quelques-uns seulement. France 2 nous les a baladé à toute heure de la nuit et à peu près à tous les jours de la semaine nos mafieux de Newark. Putain de bons à rien, ceux là. Finalement, à la saison 2 ils disparurent. Je ne me fatiguerais même pas à évoquer l'anarchie des sorties vhs puis dvd. Bordel, il fallait qu'on les aime pour ne pas les perdre de vue nos Paulie, Silvio, Meadow ou Christopher. La série a fini par faire le triomphe que l'on sait, mieux à s'installer en incontournable. En référence indéboulonnable. Et James Gandolfini prit enfin le chemin des premiers rôles. J'ai bien dis le chemin, Hollywood ne lui traça pas d'autoroute, non et tant mieux, Gandolfini n’était pas homme à aimer les péages sauf bien sur celui du légendaire générique.


Avant ça il gratifia The barber des frères Coen d'un de ses petits rôles qui en éclipsent de bien plus reluisant puis viendront les chef d’œuvres. Celui que lui offrira son ami, en 2005, l'extraordinaire et inqualifiable John Turturro, lui aussi homme à valoir tous les superlatifs, Romance and cigarettes, un de ces films qui se logent dans votre cœurs jusqu'à en devenir essentiel. Romance and cigarettes est une fable, une comédie musicale, un drame, une pitrerie d'une pudeur qui touche à l'intime. Beaucoup de romances, trop de cigarettes, des chansons et du talent à chaque seconde de pellicule. Un casting d'un bon goût affolant, Christopher Walken, Susan Sarandon, Kate Winslet, Steve Buscemi, Mary-Louise Parker, Aïda Turturro et, peut être dans son plus beau rôle, un James Gandolfini impérial jusqu'à l'orgasme. Du rire aux larmes, il trimbale sa carcasse de mec rongé par le quotidien, paumé dans son mariage, Nick Murder veut vivre autre chose sans rien perdre de ce qu'il a. Dans une ambiance délirante aux couleurs flamboyantes, il ira jusqu'à se perdre lui-même.
Le film sera un bide monumental. Je ne dirais jamais assez à quel point il faut pourtant le voir. Sinon, ne prétendez pas aimer le cinéma. Ni la musique.


La remarque est valable pour Welcome to the Rileys de Jake Scott. On est en 2010, Les Soprano ont baissé rideau et Gandolfini transforme l'essai en s'imposant tout en grâce dans ce rôle magnifique et débordant de nuances. Je ne suis pas doué pour raconter un film, mon vocabulaire serait réducteur, qui plus est pour rendre justice à un film qui ne doit pas grand chose à son histoire et tellement à ceux qui la vivent. Welcome to the Rileys est, comme Romance and cigarettes, un film sur les sentiments, sur le besoin de les faire taire et le désir de vivre selon leur seule loi. Cette fois encore on ne se morfond pas, on ne tire pas les larmes, mieux on y rit, respire à plein poumons, on se sent devenir moins con.



Surtout, se balader au fil de la filmographie de James Gandolfini c'est être surpris sans cesse, voir le cinéma sous des angles chaque fois différents, ne s'enfermer dans aucun genre. Du film de guerre à la comédie sentimentale, il est toujours parfait, pile dans le ton, quoiqu'il joue il nous emmène ailleurs. Je ne vais pas vous dire qu'en mourant à 51 ans Gandolfini a été fauché en plein élan, pourtant l'un de ses derniers rôles, dans All About Albert avec Julia Louis-Dreyfus, nous le dévoile d'une subtilité qui laissait entrevoir de bien belles choses à venir. Il y aurait eu cette nouvelle série Criminal justice dont il venait de tourner le pilote, Robert DeNiro le remplacera, il y aura encore une poignée de films à sortir dans le courant de l'année 2014. Et ce sera tout. Du moins je l'espère. Que la machine à ragots se taise. L'autopsie, loin des rumeurs, à révélé toute la futilité de la vie, James Gandolfini est mort d'un infarctus du myocarde après un repas trop copieux et bien arrosé. Enfin, pas plus qu'il ne m'arrive de m'arroser moi même, 4 rhums, 2 pina coladas et 2 bières dans les heures précédant le décès. Vous aussi ça vous semble raisonnable, non? On est d'accord, James Gandolfini aimait la vie, la bonne vie, à n'en point douter, et ce n'est pas en Italie qu'il allait se mettre au régime. Dans All About Albert son poids est partie intégrante du scénario. On le sait tous, faut prendre soin de soi, personne ne le fera à notre place.




Les témoignages de ceux qui l'ont côtoyé, Bruce Springsteen qui lui dédia une interprétation de l'intégralité de Born to run, son disque préféré, John Travolta, proche de longue date, la présence à ses funérailles de ceux qui ont tournés chaque jour avec lui toutes ces années durant démontrent à quel point l'homme était attachant.



James Gandolfini était de ces acteurs aux côtés desquels on souhaitait vieillir, faisant de chacun de leurs films un repère, une marque dans le temps. Assuré de n'en rater aucun. Fidèle comme en amitié, on noue avec eux un sentiment presque familial, tant de repas partagés, eux dans la lucarne, nous les coudes sur la table, à chacun son meuble. Et lorsque, garce, la vie se retire, que le destin de farouche devient cruel, on mesure alors par le manque qu'il s'agit de bien plus que d'une image qui s'absente, plutôt une chaise qui dorénavant restera vide au banquet des amis.



Hugo Spanky

jeudi 20 juin 2013

JaMes GaNDolFiNi, aRRiVeDeRci

Encore un jour de merde, James Gandolfini vient de s'éteindre à l'âge de 51 ans d'une crise cardiaque.


Pas facile d'écrire dans l'émotion, ni même de décrire l'émotion, celle qui me traverse et, sans doute, traverse la plupart d'entre vous. Pas facile parce que James Gandolfini mériterait mieux qu'un papier rédigé d'un trait, les mains tremblantes. Celui qui donna littéralement vie à Tony Soprano, usant de tout son génie pour animer les multiples facettes de ce personnage ô combien complexe, en restera au yeux du monde surtout et avant tout l'interprète alors que...
...Alors que James Gandolfini c'était aussi plus que cela,  tout aussi invraisemblable que celui puisse paraître. Acteur tardif, il a quasiment trente ans lorsqu'il se lance, notre homme du New Jersey peut se targuer d'un parcours sans faute, aussi second que soit son rôle, il ne sait qu'exceller. True romance, Perdita Durango, The Barber, Get Shorty, Not fade away autant de bijoux cinématographiques dans lesquels il glisse son imposante carcasse, s'incrustant à chaque apparition au plus profond de nos rétines avides de personnages aussi truculents qu'improbables. James Gandolfini à le don de se décaler des interprétations bateaux, jamais un tueur ne ressembla et ne ressemblera à ce que lui en fera, en fit.


Il y a deux films qui me viennent à l'esprit immédiatement, Welcome to the Rileys de Jake Scott et bien sur Romance and Cigarettes de John Turturro dont j'ai déjà causé quelque part ici même. Deux merveilles lourdement chargées en émotions brutes et dorénavant impossible à visionner sans avoir le cœur pincé. Deux films dans lesquels il tient l'affiche, deux films qui peuvent se targuer de lui avoir laissé tout l'espace nécessaire à l’épanouissement de son talent si protéiforme. Gandolfini, comme il le démontra durant les multiples saisons des Soprano, pouvait passer du rire à la violence la plus extrême sans transition aucune. Il pouvait dégager la tendresse d'un père de famille, autant que la froideur d'un mec qui en découpe un autre en rondelles. James Gandolfini savait exprimer sans bouger un cil, le doute, le poids d'une décision définitive à prendre.


James Gandolfini était un gars du New Jersey, un héros à la manière de ceux dont Bruce Springsteen nourrit ses chansons. Sûr que ce soir, où qu'il joue, le boss et son bras droit Little Steve Van Zandt, alias Silvio Dante dans Les Soprano, auront l'hommage lourdement chargé de la tristesse la plus intime. Et tandis qu'eux pleureront leur ami, pour nous il restera à jamais un héros.
Arrivederci Mr Gandolfini.



                                                                                  Hugo Spanky

mardi 12 janvier 2010

ROMaNCE & ciGARETTEs


John Turturro est un seigneur. Un acteur rare, le genre qui se fait oublier derrière des rôles inoubliables. John Turturro, tout le monde le connaît et personne sait qui c'est. Pizzaoïlo irascible dans Do The Right Thing, Jésus Quintana tout de pourpre vêtu dans The Big Lebowski, Barton Fink dans Barton Fink, immanquable dans O'Brother ou tout simplement fabuleux dans le trop méconnu Box Of Moonlight, l'italo-américain est ce style d'acteur qui revient à l'esprit dans les souvenirs.
   
En gars de Brooklyn, John Turturro a toujours fait sienne cette idée d'un certain cinéma, de New York ou d'ailleurs, celui des frangins Coen, de Tom Di Cillo, Spike Lee, John Waters, Jim Jarmush, Danny Boyle et d'une trop rare poignée d'autres. Un cinéma proche de la vie, consanguin avec la musique.
Alors quand notre homme réalise une comédie musicale, c'est pas qu'un peu que je tends l'oreille. Mieux, j'en piaffe d'impatience, véritable amoureux du genre que je suis. De West Side Story à Psycho Beach Party en passant par The Girl Can't Help It, Gentlemen prefer Blondes ou Cry Baby, tant que ça danse, chante et que les couleurs explosent, c'est pour moi.






Anachronique comme pas permis, le projet de Turturro avait tout du casse-gueule annoncé et les critiques n'y allèrent pas de main morte pour le tailler en pièce, sans doute que les films à maigre budget sont devenus l'unique défouloir autorisé pour des journalistes rabaissés, la plupart du temps, au rôle de publicitaires pour majors.
Sauf que dès le casting, c'est du bonheur en barre, James Gandolfini, le Tony des Soprano en mari infidèle, Susan Sarandon en épouse revancharde, Kate Winsley en rouquine incendiaire, Marie Louise Parker, celle là même qui deale de la Weed sur les bonnes chaînes, Steve Buscemi et un Christopher Walken jamais pris en défaut sur un bon coup, je connais pire comme affiche. Et si Turturro dut financer lui même la distribution de son film, devant l'incompréhension des studios face à un cinéma à dimension humaine, ce n'est que le reflet de notre triste époque où tout doit être armé de superlatif pour exister.




S'il magnifie les rouquines et les coups tordus (Gandolfini en Samson enchaîné par Dalila, une mère qui rappelle à son fils à quel point il est important pour un homme de garder ses affaires de cul pour lui) Romance and Cigarettes est aussi bien plus que ça, porté par sa bande son et ses numéros aux chorégraphies millésimées 50's, ses couleurs percutantes, il nous embarque tout là haut, over the rainbow. Nourrit au Doo Wop, au Gospel, bref jamais très éloigné de la Soul, même lorsqu'Elvis s'invite au banquet pour un Trouble à rugir de plaisir, le film est sublimé par la musique mais tient aussi parfaitement la route lorsqu'elle s'absente.
C'est un bonheur de dosage que Turturro nous a concocté là, que le fantôme de Janis Joplin vienne décoiffer la messe pour un Piece of my heart partagé avec Dusty Springfield et Erma Franklin, que James Brown sermonne celui qui a pêché d'un It's a man's man's world toujours aussi poignant malgré le sablier, rien n'est de trop.


 John Turturro s'est souvenu d'une chose essentielle mais trop souvent traitée avec infidélité : un bon film, c'est un bon scénario. Et baladé que nous sommes entre rêve, féerie et deux pieds dans la merde, lorsque se déroule la dernière bobine il ne reste plus aucun risque pour qu'on l'oublie. Ce film est une fête, qui comme toutes les fêtes finit en gueule de bois. 

 


Drôle, cocasse, émouvant sans jamais tirer sur les grosses ficelles, Romance and Cigarettes se regarde comme on lit un roman de John Fante.
En se servant de la musique pour ouvrir nos cœurs, nos esprits et mettre notre sensibilité à vif, John Turturro, sans prise de tête, nous amène à la réflexion. Et, mine de rien, ça faisait un bail qu'un film ne m'avait pas fait ce coup là.

                                                            
 Hugo Spanky