jeudi 27 décembre 2018

MiCHaeL DouGLaS



La Défense Lincoln, vous avez vu ce film ? Réalisation neutre, scénario astucieux puisé dans un roman de Michael Connelly. Le protagoniste en chef est un avocat aux méthodes infaillibles que les évènements insistent à dépeindre en bad boy hissé, à force de malice, du caniveau jusqu'au prétoire. Il est flanqué d'une ex-épouse prompte à retrouver l'état liquide sitôt qu'il effleure son appétissant postérieur, l'indispensable buddy est un ancien flic à la cool qui devait être à Woodstock le jour de remise des diplômes, le méchant une parfaite tête à claques conforté dans son arrogance par sa maman bourrée de flouze. La victime est une pute en quête de repenti, et un innocent dort en prison parce qu'un mexicain qui se tape une pute en quête de repenti sans la tuer ensuite, ça n'existe pas. Vous suivez ?

Le héros, c'est Matthew McConaughey. Une belle gueule de héros, modèle Gary Cooper relifté sans ambiguïté pour nos années lisses. Pas de doute sur sa sexualité, il est si hétéro qu'on n'a même pas besoin de voir les nénés de Marisa Tomei pour s'en convaincre. Même si on le regrette un peu, beaucoup. Il traverse le film sans une tache sur sa chemise blanche, il est beau, intelligent, il pose à la perfection, il ne tremble devant personne, il est très intelligent et même très beau, et il est beau aussi. 


La Défense Lincoln, vérifiez si vous voulez, promet énormément sans rien concrétiser. C'est d'autant plus rageant, qu'il eut été facile d'en tirer tout autre chose en offrant tout simplement le rôle principal à Michael Douglas. Pas une minute du film il n'a pas quitté mon esprit, mes rétines devenues alchimistes transformaient en or pur l’affligeante interprétation délivrée par McConaughey. Ainsi la rencontre avec la mère du suspect, que le fade bellâtre expédie en deux bons mots, devenait subitement irrespirable de tension sexuelle. Ce face à face sans saveur avec Frances Fisher, à qui Matthew McConaughey ne donne même pas l'occasion d'exister, aurait tracé une voie royale vers la nomination aux Oscars si seulement elle avait eu à la réplique un Michael Douglas métamorphosant cette scène soporifique en une version hardcore de rendez-vous en terre inconnue. Sueur lascive, plan serré sur cette femme troublée prête à s'offrir corps et âme pour sauver son fils dégénéré, révulsé de l'avoir découverte ligotée, dénudée et hurlante, abandonnée l'entrecuisse offert dans une maison déserte, victime d'un viol sauvage.

Un viol sauvage dans une maison déserte...un potentiel pareil et le film n'en fait rien. Bordel, refilez ça à Michael Douglas et il vous en fait oublier la scène déculottée de Basic Instinct. Michael Douglas est le seul acteur capable de voler la vedette à la chatte de Sharon Stone. En un regard paroxysmique planté dans celui de la toute puissante matrone, il aurait révélé le plaisir coupable ressenti par cet iceberg, soudain à la dérive, d'avoir été ainsi violemment défroquée. Un Oscar, je vous dis. D'un imperceptible mouvement de tête, on aurait capté que le fils dégénéré pourrait parfaitement être l'auteur du viol, vengeance du mépris que cette mère vénale lui a inculqué comme seul sentiment humain. Au lieu de quoi, le vide intersidéral. Matthew Mc Conaughley semble tout content d'avoir mouché la vioque, et c'est ça tout du long. Le gars ne regarde jamais aucun acteur dans les yeux, il fuit les réparties, ignore ses partenaires, se couche avant le coup de feu, s'avère incapable de mener à bien une scène de sexe et monologue sans fin avec la nuque de son chauffeur. Je soupçonne les seconds rôles d'avoir joué les scènes communes en son absence. Sa doublure à dû avoir un planning de tournage deux fois plus long que le sien. Résultat, j'ai viré le film et me suis concocté une sélection d'une toute autre tenue.



Dans La Guerre des Rose, Basic Instinct, Harcèlement, Liaison Fatale, Wall Street, j'en passe, Michael Douglas définit avec mesure et justesse une incarnation de l'homme moderne dans toute sa complexité. Avec lui, les irrésistibles stentors ne font définitivement plus le poids, l'heure est aux nuances, au flou sentimental. Dans Liaison Fatale, il fait naitre d'une histoire résumable en deux lignes (dont une consacrée au sexe) un insoutenable sentiment de culpabilité dans toute l'espèce masculine, en même temps qu'il fait peser sur les femmes un trouble sentiment de négligence. Michael Douglas est cet acteur qui réussi le tour de force d'être adulé par la gente féminine tout en lui faisant accepter l'idée que s'il se retrouve à crapahuter Glenn Close, c'est uniquement parce que sa femme ne le comble pas. Donnez une Femen à Michael Douglas et elle sera heureuse d'avoir une tenue de soubrette pour Noël. En inventant de toutes pièces cet être fragile sous sa carcasse d'homo novus, victime, osons le dire, d'une horde de harpies s'octroyant à coups de becs, à coups de griffes, ce qu'il reste de libido à un homme mutilé par les assauts égalitaire, Michael Douglas, en Christ hyper sexué rédempteur de nos pêchés lubriques, a projeté l'homme au plus profond de son enfer intime et l'en a fait rejaillir avec les roubignoles rutilantes d'un nouveau né. 


Avant lui, tromper sa femme était la norme, tout au plus une forme d'insouciance du héros hollywoodien à laquelle John Wayne ajoutait volontiers quelques claques sonores sur les fesses d'une Maureen O'Hara toute épanouie d'être portée sur l'épaule tel un sac de patates. On en était là. Avant Michael Douglas. En osant incarner dans Harcèlement cet homme soumis par la domination totale d'une Demi Moore en capacité de réduire sa vie sociale et professionnelle en un amas de souffrances, Michael Douglas nous a allégé du fardeau de la responsabilité. Grace à lui l'impensable germa dans les esprits, il était soudain possible que l'agresseur soit une femme, qu'elle s'en vante et se pavane devant ses victimes avec la même arrogance que Jack Palance en des temps immémoriaux. Un film peut dès lors se finir sans que l’héroïne soit lavée de ses manigances, sans qu'elle se repente, et s'il reste encore une once d'espoir de survie à l'espèce mâle, on le doit à Michael Douglas qui, le dos griffé, le torse mordu, le sexe dressé malgré sa volonté farouche de ne pas succomber à l'appel du vice, sert d'ultime rempart à l'implacable génocide. Tandis que pendant ce temps là, Matthew McConaughley chope une gueule de bois après trois whisky Coca. 


Variante dans le registre avec Chute Libre. Michael Douglas s'éloigne des rôles libidineux mais reste victime des femmes en donnant corps au burn out meurtrier d'un homme brisé par un divorce sadique et une mère intrusive qui ne brille pas franchement par son esprit. Son incarnation de D-Fens, un américain pur jus malmené par l'effondrement des valeurs traditionnelles, cousin de Travis Bickle, traverse Los Angeles en semant un maladroit chaos provoqué par le dégout que lui inspire une succession de personnages tous plus pathétiques les uns que les autres. Et lorsque dieu en personne (Robert Duvall pour les intimes) apporte une conclusion à son errance, c'est un peu de chacun de nous qui bascule dans la baie de Venice. Chute Libre c'est l'étape d'après, lorsque le sexe ne sert plus de soupape au trop plein de désespoir, lorsque plus rien ne retient la bête. Sous nos yeux impuissants, sans un rictus de trop, sans une once de cabotinage, Michael Douglas signe le portrait d'une personnalité en phase de dislocation, de cet instant de trop qui déclenche le processus jusqu'à l'inexorable délivrance.



A l'instar de Jane Fonda avec qui il partagea l'affiche d'un de ses premiers films significatifs, Michael Douglas a su, avec du temps et parfois en ruant dans les brancards, s'émanciper d'un géniteur que l'on peut qualifier sans exagération de légende. Malgré une crédibilité qui lui sera accordée avec plus ou moins d'entrain, il a contribué à l'émergence d'une nouvelle classe sociale, les Yuppies, favorisée financièrement, mais consciente du monde qui l'entoure. Ce seront les années No Nukes fédérées autour de l'incident de Three Miles Island, une prise de conscience du risque de pollution nucléaire symbolisée auprès du public par un concert réunissant le gotha du rock américain et le film de James Bridges, Le Syndrome Chinois. Depuis, Michael Douglas occupe une place ambivalente dans le monde du cinéma, jamais réellement intégré au Nouvel Hollywood (même si il fut producteur de plusieurs films du mouvement, de Vol au dessus d'un nid de coucou de Milos Forman à L'Idéaliste de Coppola), il s'est néanmoins gardé avec sagesse de se revendiquer membre de la dynastie hollywoodienne à laquelle son ADN aurait pu l'apparenter. Franc tireur, Michael Douglas le fut dès ses débuts, à un opportuniste tapis rouge il préféra faire ses classes à la télé dans Les Rues de San Francisco, puis dans des séries B entre dénonciation et anticipation d'où se distingue les excellents Morts Suspectes et La Nuit Des Juges. Il s'est ainsi tracé un parcours, que je revisite avec le même plaisir, peuplé de rôles à son image, celle d'un homme agité par ses contradictions, mais fidèle à ses convictions. Impeccablement humain.

Hugo Spanky



vendredi 21 décembre 2018

PRiNCe ☮ 3 STePs To HeaVeN


Dans ma boule de cristal, je vois. Je vois 2019, je vois Prince lové sur ma feutrine. Ses albums parus entre 1995 et 2007, pour certains épuisés depuis des lustres, pour d'autres distribués en leur temps de façon confidentielle seront réédités en format cd, édités pour la première fois en vinyl et disponibles en streaming sur la plupart des plateformes par salves mensuelles de trois à compter du 8 février. Ça ne va pas laisser grand chose pour exister au menu fretin qui osera s'y frotter.

Musicology, Planet Earth, 3121 feront offices de faire-part inaugural. Est-ce un choix pertinent ? Oui. N'importe quel choix le serait. Est-ce une arnaque à 80€ le vinyl ? Non, les doubles seront à 26€, il semble que les simples aussi, et je croise les doigts pour que ça en reste là lorsqu'il va s'agir de s'atteler à Crystal Ball (5 cd à l'origine) ou Emancipation (3 cd seulement, mais d'une durée de 60mns chacun). On aura le temps d'y penser puisque la seconde rafale sera composée de The Rainbow Children, The Gold Experience et Rave Un2 The Joy Fantastic couplé à son jumeau, mais bien supérieur, Rave In2 The Joy Fantastic, ses remixes percussifs et cette merveille de Beautiful strange qu'il est seul à abriter. Les jumeaux selon Prince ne se ressemblent guère. L'un est ordinaire, l'autre novateur, dans les deux cas la présence de Chuck D fait monter la tension. 



Comme tout ceci serait encore trop simple, tournons-nous maintenant du côté de Jay Z et sa plateforme Tidal. Prince, taquin et peu enclin à traiter avec les maisons de disques, avait scellé un accord verbal d'exclusivité avec le copain de Barack Obama afin de rendre disponible son œuvre en streaming. Un accord verbal ! Avec un copain à Barack Obama ! Monsieur Beyonce  je vaux des milliards de dollars Jay Z ! On mesure l'embrouille lorsque les héritiers ont voulu reprendre la main appuyés par les plus gros labels de l'industrie. Niveau mic-mac judiciaire, on plane nettement au dessus des broutilles de l'héritage Hallyday. On passe directement du roman-photos Nous Deux au blockbuster Hollywoodien. Jay Z, c'est du calibre à bloquer les tribunaux pour des décennies si un courant d'air vient faire tinter ses babouches à breloques. Si le mec te dit qu'il a un accord verbal avec Prince, tu dis merci pour l'info et tu traces ta route fissa. Que ton blaze soit Sony, Warner ou que tu sois issus du même embryon de sperme que The Artist formerly blah blah as Prince, c'est la même. Fort heureusement, lorsque brillent les joyaux de la couronne le monde ne se divise plus en deux catégories et invariablement le partage du gâteau prime sur le risque de voir le temps de cuisson en gâcher la dégustation. Sony et Warner ont donc autorisé Jay Z à utiliser des morceaux enregistrés sur une période...dont personne ne détient les droits ! Et les héritiers ont dit merci d'avoir dorénavant trois sources de revenus. C'est pas beau, ça ? Les Hallyday feraient bien de s'en inspirer.



2019 verra donc paraître un album entièrement constitué d'inédits puisés dans The Vault, livrés tel qu'en l'état, sans retouche, ni post production. On n'en sait pas plus pour l'instant, mais vu le niveau de l'anthologie mise en ligne par Tidal l'an passé, on peut s'attendre à du bon boulot. Vous allez me dire que Tidal, c'est bien joli, mais on sait pas ce que c'est. Et vous aurez raison, c'est typiquement le genre de truc dont on se contrefout par ici. D'après ce que j'en ai compris, c'est un concurrent au système que Neil Young tente de fourguer, une plateforme type Spotify mais dotée d'une qualité d'écoute de niveau pro et d'un catalogue d'exclusivités à filer des angoisses nocturnes aux collectionneurs. En résumé, Tidal c'est l'ennemi ! Un merdier supplémentaire visant à faire de la musique sur internet la même vache à lait que les bouquets satellites pour la télévision. On se dirige vers un monde d'abonnements à n'en plus finir. 



Alors, on fait quoi ? Pour l'album Jay Z, on change rien. Soulseek n'est pas fait pour les chiens et il est d'ores et déjà prévu qu'une sortie physique soit mise en place après un délai d'exclusivité en ligne. Pour le reste, chacun aura ses fétiches. The Rainbow Children, Musicology et 3121 forment le haut du panier, tandis que Planet Earth et le binôme Rave Un/In2 The Joy Fantastic n'intéresseront que les aficionados. Et s'il faut n'en garder qu'un seul, que ce soit The Gold Experience
Album mal connu, embourbé par les salamalecs des changements de noms, éclipsé par le single The most beautiful girl in the world noyé par la cadence effrénée des sorties -en un an Come, The Black Album et Exodus le précèdent- The Gold Experience n'en est pas moins un ambitieux projet flirtant avec des influences Hard Rock, P-Funk et Jazz entremêlées dans une farandole de sons, de rythmes fracasses, de cuivres incandescents et de mélodies concoctées par un Prince porté aux nues par l'amour de Mayte Garcia. Utilisé à pleine puissance le New Power Generation fait preuve d'une force de frappe à couper le souffle. Les irréductibles de la période The Revolution en sont pour leurs frais, rien ici des élégants tarabiscotages de l'ère Pop n'a de descendance. Le disque est racoleur, séducteur, frontal, frimeur comme un paon faisant la roue. Les idées se chevauchent, se confrontent, s'emboitent et se déboitent dans une partouze de sensations vertigineuses. L'immense Billy Jack Bitch défie simultanément Duke Ellington et George Clinton en un grand écart stylistique unissant les cuivres de la sainte tradition aux irrévérencieux synthés des païens sans que rien ne détonne. Si The Gold Experience doit absolument être rapproché d'un classique pour en donner une plus juste idée, alors que ce soit de Sign ☮ The Times pour sa similaire profusion de circonvolutions jouissives. Au delà de son impact immédiat, The Gold Experience demande du temps et de la concentration pour en saisir toutes les nuances, c'est bien simple la cassette a tourné en boucle tout un été sans que ni Milady, ni moi, ne songions à l'éjecter de l'auto-radio. The Gold Experience donne du grain à moudre, aujourd'hui comme hier et en attendant la suite. N'empêche que ça fait bizarre, des années après avoir annoncé la mort d'un mec de passer son temps à en donner des nouvelles. Faudra un jour trouver un sens à tout ça.

Hugo Spanky






mercredi 5 décembre 2018

BasHuNG-The GOoD, THe BaD & THe QUeeN



Il y a un bail de ça, The Good, The Bad and The Queen sortait un premier album qui offrait une crédibilité à Damon Albarn. Pour une fois, le gonze pondait autre chose qu'un gadget pour garnir le sommaire de la presse anglaise. Même s'il avait tendance à plonger ses auditeurs (nous fumes peu nombreux) dans une somnolence dominicale parfaite pour accompagner la digestion, le disque dégageait un feeling particulier puisé quelque part dans les ruelles sombres du Londres du 19eme siècle, celui des calèches sur les pavés, de Jack l'éventreur, de la misère populaire. Les chansons étaient ciselées, l'interprétation sobre et on était content d'avoir des nouvelles de Paul Simonon.
Enregistrer un second album semblait être une mauvaise idée, le disque originel fonctionnait parce qu'il était rare d'entendre ce genre de registre, le répéter ne pouvait donc que le déprécier, tandis que le faire évoluer serait un non-sens. Le mieux est l'ennemi du bien. Et ça n'a pas raté, Merrie Land dénature complétement le concept. Damon Albarn déroule ses gimmicks pop, largement périmés pour la plupart, sur des chansons d'où la magie est absente et discrédite le souvenir de sa seule offrande à la postérité en la barbouillant de tout ce qui faisait de Blur et Gorillaz du consommable jetable. A l'image de la marionnette à son effigie sur la pochette du disque, j'aurais préféré qu'il se taise.



La chanson française souffre du mal opposé, dépourvue de la moindre once d'imagination, elle s'enferre dans un carcan autrefois délimité par la mise en sons de La nuit je mens. Que l'on peut définir comme étant du Jean-Claude Vannier post-ColdWave. C'est donc logiquement à Edith Fambuena des Valentins que Chloé Mons a confié la mauvaise idée de cuisiner des démos de Bleu Pétrole à la sauce de ce qui fut son dernier succès commercial. Sauf que la logique et Bashung ça fait pas bon ménage. 

Edith Fambuena fait pour En Amont ce qu'elle fit pour tant d'autres et c'est bien le problème. Les albums de sa production sont interchangeables, Higelin, Thiéfaine ou Françoise Hardy, même combat, aucune personnalité n'y survie, seule la voix diffère.
En figeant ainsi Bashung dans une structure qu'il s'était empressé de fuir dès L'Imprudence, comme il le faisait quasi systématiquement à chaque nouvel enregistrement, elle donne la désagréable impression que l'artiste était en pleine régression. Bleu Pétrole n'est pas son œuvre la plus indispensable, c'est un minimum que de le dire, même si les circonstances me l'avait finalement fait accepter et partiellement apprécier. Bashung ne s'y montrait guère que par intermittence, mais il avait su procéder à des choix et si il n'avait pas voulu que son ultime tour de piste serve de caution à tout un pan des tristes sirs qui se pressaient à sa cour avant l'extinction du feu, ce n'est peut être pas pour rien. 


Chloé Mons semble en avoir décidé autrement, qu'importe la volonté du mort, on va quand même devoir se fader les restes, voir les signatures des rapaces dégueulasser le parcours en se conférant une crédibilité sur le dos du macchabée. Si peu pourvu de dignité qu'ils n'en refusent pas de se voir ainsi accoquinés post-mortem au nom de celui qui n'avait pas jugé bon de donner suite à leurs appels du pied. En Amont n'a de Bashung que la voix, et encore, une voix de démo, fatiguée par la maladie et le peu de motivation que lui inspirait le matériau proposé. Les arrangements musicaux greffés dessous par la valentine sont au mieux des pastiches, le plus souvent des souffrances. Faut-il que L'Imprudence soit si difficile à dompter pour que la veuve veuille en délivrer une version appauvrie afin de mieux capter des oreilles habituées à la médiocrité ? Ne vous laissez pas leurrer, l'ultime salut de Bashung fut cette oraison crépusculaire et farouche, l'indomptable imprudence d'un casse-cou sans filet. Que pour les bonnes pages de télérama, Chloé Mons et Edith Fambuena se soient chargées de faire du gringue à un public de croque-morts n'y changera rien. Elles peuvent continuer à faire des branlettes, les éjaculations ne viendront pas saloper ma platine.


Hugo Spanky