samedi 23 avril 2016

PRiNcE, ULTiMe RévéReNce


Et donc, Prince est mort. Je ne peux pas dire que je l'avais vu venir, aucun signe de pré-retraite, ni même de légère baisse d'activité. Bien au contraire, son altesse venait de sortir deux albums quasi-simultanément, Hit N'Run Phase One & Two, comme il l'avait fait en 2014 avec Art Official Age et l'album punchy de 3rdEyeGirl.

On peut dire qu'il était de retour en grande forme, Phase Two sortant de sa fameuse vault des pépites inespérées que j'avais été déçu de ne pas trouver sur les précédents ouvrages, alors que les démos glanées sur le web avaient tourné en boucle dans mon VLC. Rock'n'roll love affair, par exemple, qui sentait le hit à plein nez, sauf que ce monde est con comme un manche à balai, et Screwdriver, ultime classique, celui que j'ai joué en apprenant la sinistre nouvelle.


Prince is dead. Mais pas comme en 1994, quand il avait décidé de se trucider avec l'album Come, splendide œuvre faussement posthume et acte de naissance de Love Symbol. Le début des concepts fumeux avec lesquels Prince allait se tirer une balle dans le pied. Le volatile grand public profitant de l'aubaine pour sécher la profusion d'albums qu'il allait aligner en multipliant les thématiques. Swing et points cardinaux pour N.E.W.S, l'album qui pousse l'Electro-Jazz un cran plus loin que le Tutu de Miles Davis. Heavy Texas Blues pour The Undertaker, unplugged at home pour le délicat The Truth, easy listening BeBop pour Xpectation, SM groove pour The Slaughterhouse ou ambient muzak pour zinzins avec Kamasutra....Tous indispensables parce différents, parce qu'il y aura toujours un There is lonely planqué dans un Old Friends For Sale.



Ce sont ces albums parallèles qui forment l'ossature de l’œuvre qu'il nous lègue. Ce sont eux qui vont faire perdurer sa musique, en révélant de nouveaux angles enfouis sous la masse. Comme d'autres albums, snobés à leur naissance, vont enfin se voir revendiqués pour ce qu'ils sont, sans qu'aucun contexte ne viennent en fausser l'évaluation. Tiens, je suis en train d'écouter Graffiti Bridge, la B.O de son Absolute Beginners à lui. Double album descendu en flèche à sa sortie et pourtant excellent de bout en bout avec son clin d’œil à 96 tears, ses licks rockabilly, ses rythmiques qui concassent. C'est valable pour la plupart de ses enregistrements, rares sont ceux dont la pertinence est absente.




J'ai souvent la main lourde envers les journalistes mais pour le coup, et malgré que sa mort m'ait encore une fois permis de constater que la plupart d’entre eux continuait à le comparer aux sempiternels deux mêmes, avec lesquels il n'a aucun rapport autre que la contemporanéité, je dois dire que Prince a régulièrement creusé le trou dans lequel il s'est vautré. A trop vouloir faire la hype, de Spike Lee à Tim Burton, en passant par les bras de Kim Basinger, à tenir en haleine les médias people, à être de toutes les tendances, il s'est aussi vulgarisé. Et si il n'en demeure pas moins injuste de le considérer comme un simple produit des années 80, il faut néanmoins en avoir la volonté, pour regarder derrière le rideau et découvrir ce qu'il a fait de meilleur. Hélas, nous sommes dans un monde qui ne consomme que de la superficialité. Le public, les médias ont souvent refusé à Prince, la considération qu'il s'évertuait à revendiquer. Le comparer inévitablement à des artistes formatés au possible est l'insulte qu'il aura le plus enduré, jusqu'à en développer un mépris de façade, jamais dépourvu de second degré. 


Parmi les quelques vidéos qu'il n'a pas pu faire supprimer du net, il y a cette version de While my guitar gently weeps avec Tom Petty et Jeff Lynne, la façon dont il se tient en retrait avant de les faire tourner en bourrique à grand coup de frime, mêlée de virtuosité, me fait pisser de rire à chaque visionnage. La tronche que tire Tom Petty tandis que Prince s'en va en grand seigneur, après avoir balancé sa légendaire Mad Cat (à un garde du corps qui va en prendre grand soin) vaut tous les sketchs du monde. J'imagine qu'il avait dû bien leur casser les couilles avant de grimper sur scène. C'était sa rébellion à lui, et il était tellement bon au final que ça n'avait aucune importance.


Prince ne trichait pas. Faut voir les concerts de la tournée Purple Rain, la façon dont, dès le premier morceau, Let's go crazy, il enchaine les grands écarts, les pompes, tout en exécutant des soli à faire bégayer Edward Van Halen. Faut suivre les circonvolutions Jazz qu'il adopta dès la tournée Sign O'The Times, suivre les audacieux arrangements de cuivres, avoir le souffle coupé par ses envolées de piano, être sidéré par les arabesques de ses mélodies. Et toujours ce groove énorme, ce beat fracassant et pourtant délicat. Trois tonnes de plumes sur le coin de la gueule. La période Love Symbol est splendide, l'album du même nom défonce tout dès l'entrée en matière au rythme de l'enchainement My name is Prince/Sexy Mother fucker. Arrivé à The max, les vitres tremblent, les murs se fissurent, puissance maximale dans les boomers. Faut vraiment être d'une connerie sans nom pour ânonner sans répit les trois même titres lorsque l'on évoque son cas. Bordel, on a eu droit à la même soupe pour la mort de Bowie, à croire qu'il n'avait enregistré que Let's dance et Heroes. Merci à Jérome Soligny de s'être distingué, dans les deux cas, du lot de nazes à s'être jetés sur les micros.


Et puis qu'importe. On vient de perdre le dernier des funkmasters, à moins que Terence Trent D'Arby ne se décide à remonter sur le ring. Prince a été celui qui a su composer de vraies chansons à base d'Electro Hip Hop, celui qui a, au mieux, su faire s'épouser rap et mélodies. Celui qui a ressorti le Jazz des salons feutrés pour le faire exploser comme il se doit dans la gigantesque sono mondiale. A coup de beat dans le cul !


Prince is dead et cette fois ci, c'est pas un plan délire. Il ne posera plus à côté de sa propre tombe pour la pochette de son prochain disque. Prenez pas la nouvelle à la légère, croyez pas avoir fait le tour avec deux albums et quatre hits. Un jour viendra où vous allez vous prendre un morceau de dingue en travers de la couenne, vous allez pas vous en remettre. Je dis ça pour les réfractaires, les autres savent de qui je parle. Son nom est Prince et il est funky ! Éternellement funky.

Hugo Spanky
Ce papier ne peut que s'accompagner d'une pensée pour  
Vanity 




lundi 11 avril 2016

ELeCTRic BoOGie



Un coffret consacré à Sugarhill records et l'annonce d'une nouvelle série Netflix, The Get Down, dédiée à la genèse du mouvement Hip Hop dans le Bronx de Grandmaster Flash,  il ne m'en fallait pas plus pour saisir l'occasion d'évoquer la musique la plus urbaine du 20ème siècle. Et en profiter pour prendre la mesure de ses accointances avec les hommes de l'ombre du New Jersey. 
Mais commençons par le début. Regardons comment le sud du Bronx, de quartier résidentiel de type caucasien, soudain défiguré par la construction d'une autoroute, s'est lentement mué en ghetto à dominante afro-américaine. C'est bien ici que démarre notre histoire, avec l'urbanisation d'une communauté tenue jusque là bien au delà de l'obscurité des banlieues de la ville. Avec la mise en contact de la jeunesse noire américaine la plus déshéritée et de la middle class embourgeoisée fuyant cet encombrant voisinage. Avec la tension créée par la cohabitation avec la communauté latine et ses gangs déjà bien en place. De répulsions en attractions, c'est un bien étrange carnaval aux accents de West Side Story qui se joue dans les rues délabrées de New-York. From Mambo to Hip Hop.




Ils prirent pour noms Kool Herc, Grand Wizard Theodore, Afrika Bambaataa ou Grandmaster Flash, tous sont des enfants du Bronx, tous vont démarrer leur carrière musicale avec un chalumeau à la main. Pas pour incendier la mission locale, plutôt pour ressouder circuits imprimés, jacks et connecteurs din. Rafistoler et gonfler à bloc de vieux amplis récupérés dans les décharges, ou aux pieds des lampadaires, près des portes de secours des discothèques. Là où sont mis en offrandes, disques rayés et sonorisations hors d'état. Régénérer le matos, ils en font leur affaire, et les disques rayés ne vont pas tarder à leur donner une idée. 

 

A ce moment là, on est tout juste au milieu des années 70. Le Disco est sur le point de devenir le phénomène qui va remplir les caisses, et Morris Levy n'en a pas grand chose à foutre. L'homme derrière Roulette records fait dans l'édition musicale, le marché le plus juteux qui soit puisque les artistes n'ont aucun droit au chapitre. Morris Levy en a fait sa spécialité. Il récupère les droits de vieux hits des années 50 et 60, puis les compile sur des doubles albums low price qui s'écoulent comme des petits pains depuis que George Lucas a inventé le marché de la nostalgie avec la B.O de son film, American Graffiti


Dans son entreprise d'éditeur, qui le mènera à faire un coup pendable -mais bien trop connu pour que je m'y attarde- à John Lennon au moment de l'enregistrement de son disque de reprises, Morris Levy se retrouve en affaire avec Joe et Sylvia Robinson, qui viennent d'investir les royalties du hit Shame shame shame (composé par madame) dans l'achat des droits d'éditions du label Chess records. Le couple, spécialiste de la faillite avec cessation de paiement, souhaite développer son petit commerce en lançant un label basé sur ce nouveau son qui, après avoir rempli les caves des immeubles désaffectés, remplit dorénavant les jardins publics du Bronx jusqu'à Brooklyn, à l'occasion de soirées animées par des DJ's, dont les noms de code s'échangent dans un murmure entre membres de gangs. Un son qui se nourrit d'emprunts aux disques d'hier. Une spécificité qui laisse entrevoir une juteuse opacité dans la répartition des crédits. Un point de détail que Sylvia Robinson ne manquera pas de faire fructifier en cosignant la majorité des hits à venir, en plus de s'accorder le crédit de la production. Time bomb. Le compte à rebours est enclenché.
En délicatesse avec l'industrie musicale dans sa frange la plus black, mais soucieux de renouveler son cheptel, Morris Levy flaire la bonne affaire et finance en sous main la création du  label, dont Sylvia Robinson sera l'unique façade. Sugarhill records entre dans la danse d'un pas chaloupé. Le monde peut changer, tout restera exactement comme avant.  




Sugarhill records va d'emblée modifier les racines mêmes du concept musical du Hip Hop. Trop compliqué à enregistrer, trop ambitieux artistiquement, les DJ's se voient confisquer la plus belle part du gâteau. Ce sont les MC's, jusque là réduit à haranguer la foule avec quelques rimes bien senties, qui sont désignés comme figure de proue du mouvement. Devant la fronde des acrobates des platines, refusant tout net de se voir ainsi cantonnés à quelques poses sur une pochette, Sugarhill records ne s’embarrasse pas. Sylvia Robinson crée un groupe de base, le Sugarhill Band, qui servira de backing band aux différents rappeurs, et c'est reparti pour le bon vieux système des studios. La première manifestation sur vinyl, de la révolution musicale la plus novatrice depuis la découverte d'Elvis Presley, sera l'œuvre d'un assemblage hétéroclite improvisé dans un studio miteux d'Englewood, New Jersey. 
Oui, tout restera exactement comme avant.



Enregistré par un trio de rappeurs recrutés dans une rue avoisinante du studio, le premier single du label sera aussi le premier raz-de-marée du Hip Hop, l'éternel Rapper's delight  du Sugarhill Gang. Après ce coup d'éclat, et devant la montagne de blé à se faire, les réticences vont tomber et toute la scène en ébullition de New-York va se précipiter pour signer. Grandmaster Flash & The Furious Five puis Grandmaster Melle Mel, Treacherous Three, The Sequence, Positive Force, tous vont permettre à Sugarhill records de distribuer les maxi singles les plus radicaux des années 70 et de la première moitié de la décennie suivante. Et quand les crews viendront à manquer, c'est le propre fils de Sylvia Robinson, Joey, qui se remontera les manches pour créer l'un des titres les plus précurseurs du lot, sous le nom de West Street Mob, le démentiel Breakdance/Electric boogie, acte de naissance de l'électro et de la lente mutation qui aboutira à la Techno.


Un coffret de quatre cd est sorti dans les derniers mois de 2015, entre commémoration et coup de massue, personne n'y a prêté garde. C'est con. Ce machin est l'incarnation même de la dynamique. De quoi faire descendre vos vitres de voitures sans toucher au bouton tellement la basse de Doug Wimbish cogne fort. Oui, le Doug Wimbish de Living Colour, celui des Rolling Stones de Bridges To Babylon et des hits solo de Mick Jagger, c'est bien lui qui œuvre au sein du Sugarhill Band.
Le coffret a le bon goût de restituer les versions telles qu'on les trouve sur les maxi 45 tours originaux distribués en France par Vogue, à savoir des versions foutrement extended. Le Rapper's delight fait 14mns33 (et pas une seconde de trop), le Funk you up de The Sequence, pillé depuis par Dr Dre, en fait presque 11, et tout le reste est calibré de la sorte. Les productions Sugarhill records sont ce qui a été enregistré de plus hypnotique, depuis les séances de transe de James Brown. Say what ?


Et puis, il y a Grandmaster Flash and The Furious Five, la crème de la crème. Quoi dire à celui qui ne veut pas entendre ? The message et, mieux encore, New-York New-York sont les pièces maitresses de l'édifice. Ces machins là ridiculisent toutes les revendications idéalistes des fils à papa du punk anglais, les textes vous sautent à la gorge, tandis que le beat vous tabasse les cervicales. Même Joe Strummer en a fait une jaunisse. Faut avoir subi l'assaut verbal de Melle Mel et Duke Bootee pour piger un tant soit peu quelque chose à la notion de pression sociale. Ce portrait, froid comme la glace, d'un individu que la vie dans le ghetto a mené au bord de l'implosion, dit tout avec l'impact du vécu. Les années de pisse-copies pleurnichards qu'on se fade depuis n'en sont que l'ombre de l'ombre. The message c'est le crochet du droit. New-York New-York c'est l'uppercut du gauche. Et accessoirement mon maxi préféré de tous les temps de l'existence de l'univers.


Réduire Grandmaster Flash & The Furious Five à ça, aussi fantasmabuleux que ce soit, serait malgré tout injuste. Le Hip Hop cherche avant tout à pacifier les rues, à unifier les gangs et les communautés. Il prône la danse plutôt que le dépeçage. Peace, Love, United and Havin' fun. On ne joue pas avec les allumettes, quand, depuis la scène, micro en main, on anime une block party qui réunit gangs et familles, sous la lourde chape de plomb qui sert de ciel au Bronx. Pour toutes ces raisons, le crew des Grandmasters est tout aussi efficace lorsqu'il donne dans le pur entertainement, comprendre le funk ravageur qui fracasse. A commencer par It's nasty, le morceau qui recycle la tournerie du Genius of love de Tom Tom Club, elle même pompée sur ce que les Talking Heads dissidents n'ont pu manquer d'entendre en s'encanaillant du côté sauvage de la ville. Grandmaster Flash & The Furious Five, c'est mille idées nouvelles à la minute, c'est une nouvelle façon d'aborder la production, de s'approprier les sons. Melle Mel gère la partie rap, les Furious Five, tandis que Grandmaster Flash se charge de l'avant-garde en publiant le maxi The adventures of Grandmaster Flash on a wheels of steel. 7mns d'une audace encore jamais entendue auparavant, durant lesquelles, armé de ses deux platines et de sa table de mixage, le DJ ravage le catalogue du label tout autant que les hits, qu'il a largement influencé, de Queen, Blondie et Tom Tom Club. En usant de tours de passe-passe défiant les notices d'utilisation.
Écouter ça aujourd'hui en pensant que ça date d'avant l'invention du sampler, revient à se taper sur le crane contre un mur en pierre. Franchement, je ne sais pas ce qu'il y avait dans les tuyauteries d'eau du robinet du Bronx, mais j'en veux. C'est toute une putain de génération de génies qui a poussé sur le bitume défoncé. 


Le New-York de ces années là a montré une créativité à affoler tous les compteurs geiger du monde. En une seule poussée d'urticaire ces gars là ont inventé le scratch, le breakbeat, le breakdance, le smurf, le graffiti, le rap -sans parler de la dégaine et des attitudes qui l'accompagnent- avec pour seul moyen : la merde des autres, le métro et des terrains vagues à perte de vue. Quand je pense aux artistes du 21eme siècle qui ne sont pas foutus de nous chier un truc digne d’intérêt, alors qu'ils sont bordés jusque dans leur lit par les subventions publiques, ça me rend marteau
Le Hip Hop s'est construit en ne se souciant ni du genre, ni de l'origine des sons qu'il piocha effrontément sur des disques récupérés de ci de là. Il s'est nippé de la célérité du Be-Bop, de la percussive chaleur des cuivres de la Soul, des riffs de guitares du Hard-Rock, du minimalisme envouté du Blues, pour au final ne ressembler qu'à lui même. La chose qui nous égratigne dorénavant les esgourdes, à longueur de temps sur les FM, n'est pas du Hip Hop. Pas plus que Banksy n'est un graffeur. Rien de tout ça n'a la pulsion originelle, cet insatiable appétit de découvertes. Là où il y avait des gens qui ne perdaient pas une seconde à se poser des questions, je ne vois plus que des produits profilés au millimètre, immuablement calibrés pour une rentabilité maximale. Où sont passés les Apaches ?

Regardez Wild Style, le film de 1982 avec Lee Quinones et le Rock Steady Crew. Il capte cette vibration, l'énergie qui submerge toute notion de prudence. Regardez Style Wars de 1983, un documentaire sur le graffiti, ou comment faire de la rue un lieu d'expression créatif et vivant. Comment inventer sa propre culture, puisque l'on est proscrit de la culture officielle. Et aussi le controversé, mais terriblement juste, Fort Apache : The Bronx (Le policeman), avec Paul Newman, pour bien saisir le contexte urbain. Parcourez les photos de Joe Conzo,  dévorez l'épatant livre de Jeff Chang, Can't Stop Won't Stop.



Le Hip Hop ne survivra pas à la perte de l'innocence. Grandmaster Flash & The Furious Five ne dura que le temps d'un album (un second -On The Strength- viendra le temps d'une réunion en 1988) et d'une écrasante série de Maxi. Mais avec quelle maestria, mes amis ! 

Très vite, le crew se scinde en deux entités. Grandmaster Flash, s'estimant floué -à juste titre- par la répartition des crédits, claque la porte de Sugarhill records et poursuit l'aventure ailleurs, avec de nouveaux rappeurs, tandis que Grandmaster Melle Mel persévère avec les Furious Five. Malgré la qualité de leurs disques, l'un comme l'autre se verront très vite laissés sur la touche par un genre en quête de perpétuel renouvellement. Cette incessante recherche de nouveautés permettra au Hip Hop de connaître un âge d'or d'un niveau rarement atteint par un genre aussi novateur. Elle en signera aussi l'arrêt de mort. 
Même Morris Levy va finir par manquer dans le décor. Assez rapidement même. En 1984, il monte un deal un poil trop ambitieux avec MCA, l'affaire tourne au vinaigre et vire au règlement de compte façon New Jersey. Le rideau se déchire quand le carnage menace, et le FBI entre en scène. Extorsions de fonds en association avec le crime organisé. Suspecté de se servir de ses labels pour couvrir les agissements de Vincent Gigante, parrain de la famille Genovese, Morris Levy ne s'occupera plus dès lors que de se défendre devant les tribunaux, avant de préférer mourir d'un cancer plutôt que derrière des barreaux.


Les bulldozers de Rudolph Guiliani, la tolérance zéro, le crack, la violence auront raison de la connexion entre la rue et le Hip Hop. Il ne reste dorénavant que la fascination que l'on garde pour cet intense moment de pure créativité. Ce détournement  des outils obsolètes d'un siècle en déclin, recyclés pour dessiner les contours d'un avenir incertain. Il faudra bien une série télé tout entière pour tenter de rendre justice à une aussi singulière histoire. Il faudra également une pharamineuse addition de talents pour s'en montrer à la hauteur. Un défi que je ne manquerai pas d'évoquer lorsque The Get Down sera sur les écrans. 



Hugo Spanky