mercredi 18 septembre 2019

PRiNCe *1999* DeLUXe eXTRa SuPeR KiNG SiZe



Quelle destinée que celle de 1999, d'abord amputé de moitié dans notre pays de la culture à sa sortie en 1982, le voilà qui revient en 2019 sous la forme d'un coffret de 10 vinyls !
Novateur, insolent, outrageux, génial, tous les superlatifs depuis longtemps associés au nom de Prince sont valables pour 1999, mirobolant double album et véritable point de départ des années 80 dans leur intense renouvellement des genres. Immédiatement repris, au rappel de chacun de leurs concerts, par Big Audio Dynamite, le morceau-titre de l'album est un de ces classiques instantanés dont Prince se fera l'expert. Ce n'est pas le premier, When you were mine, Uptown, Controversy occupent déjà ce terrain, ce sera l'un des plus mémorables, celui que l'on brandira 18 ans plus tard en franchissant le cap du nouveau siècle.

1999 est l'ultime disque cheap de Prince, dans le son des synthés Oberheim OB-X, dans celui de la Linn drum, dans la nudité de l'approche, dans les thèmes porno cartoon des virées du samedi soir, avant que sur Purple Rain les sentiments ne l'emportent, une ultime fois, mais de tout son souffle, 1999 hurle à la lune. L'inédit ultra bootlegué et vénéré des fans, Extraloveable, où il est question d'un viol assimilé à un jeu sexuel à la cruauté revendiquée, est d'ailleurs exclu du coffret pour un texte jugé indéfendable en nos temps hashtag MeToo où la censure est préconisée comme remède miracle. L'arrogante liberté de ton de Prince continue à choquer l'opinion près de 40 ans après les faits.


1999, donc. Disque qui en son temps ridiculise l'immobilisme des rockers, tandis qu'au sommet des charts les bananeux Stray Cats finissent d'enterrer l'affaire dans les clichés d'un revival de trop, Prince fait de Delirious un rockabilly pour l'avenir du futur. 1999 est l'album que le manque d'audace de Clash aura empêché Mick Jones de graver, celui qui fit basculer le glaive de la justice du côté américain de la balance. Cette fois encore, toutes les années 80 durant, comme vingt ans plus tôt, les anglais feront office de suiveurs. Du rock au mainstream, Prince montre comment exhausser le crossover avec le sémillant Little red Corvette, hit salace imparablement calibré pour exploser les FM. Ainsi va la première face d'un disque dont il serait présomptueux d'imaginer qu'il va se limiter à séduire.


La face B, en deux titres (Let's pretend we're married et DMSR) prend le funk par l'intime et lui administre son coup de frais le plus radical depuis le Sex machine de James Brown. Mais c'est le second disque qui propulse vers l'irréversible, sidère par son esthétique additionnant, sans jamais les fusionner, mais en exacerbant au contraire leurs caractéristiques propres, influences et sons venus de galaxies de prime abord lointaines, dont Prince, et c'est là son génie, à su percevoir qu'elles étaient jumelles. De Kraftwerk à la pulsation jubilatoire de Rick James, il n'y a finalement qu'un pas. Fini de se regarder en chien de faïence, place à la fornication. En six titres, Prince comble un vide sur lequel il ne sera plus question de se pencher à nouveau. Là encore, c'est un de ses mérites que d'avoir laissé 1999 orphelin, d'être passé à autre chose dès le disque suivant. 1999 se fiche des standards de durée, il déborde systématiquement dans les grandes largeurs, il exulte. Lady cab driver s'étire en dub de dancefloor, foudroyé par une fulgurante guitare, le flirt électronique de Something in the water ne devrait jamais finir, peut être la plus belle de toutes, qu'il ré-inventera plus tard dans une prodigieuse version live. Les 9mns en psychiatrie de Automatic, le techno-funkoïde All the critics love U in New York, c'est ici, encore et toujours, No-Wave, New-Wave, le pas en avant supplémentaire à celui déjà effectué par Chic prend toute sa faramineuse ampleur.


1999 Deluxe sort le 19 novembre 2019 en coffret 10 vinyls, ou 5 cd, dans les deux cas avec 1 dvd de l'intégralité du concert de Houston en 1982. L'album a été remasterisé, c'est la mode, honnêtement je ne vois pas ce qu'on peut lui apporter de plus, mais attendons de juger sur pièces si l'argument est fondé. Le même traitement à été appliqué aux versions singles (edit), à deux remix de Little red Corvette, une poignée de versions promo, ainsi qu'aux trois faces B hors album (Irresistible bitch, How come you don't call me anymore, Horny toad) qui se retrouvent à peupler un double disque supplémentaire qui ne fait pas particulièrement baver d'impatience. Tout ceci sera dispo dans un assemblage à moindre coût. Sauf qu'évidemment le coffret Super Deluxe sera le seul à renfermer ce qui fait déjà perdre son zen au plus bouddhiste des fans, à savoir deux doubles albums supplémentaires (4 LP!!!) constitués de 24 titres inédits directement issus du Vault et comme il se doit piochés dans les sessions de 1982 et 1983, dont une majorité n'aurait jamais fuité en bootleg. Si on y trouve quelques démos repiquées sur des cassettes (on sait que le terme démo n'a guère de sens concernant ce maniaque perfectionniste), bon nombre de ces inédits seraient des versions finalisées par Prince en son temps, avant d'être exclues du tracklisting original pour des raisons ne mettant pas en cause la qualité de titre tel que Lust U alwaysPurple music (11mns de funk intense) et dans une moindre mesure Do yourself a favor. D'autres morceaux étaient destinés à The Time (bold generation), la présence de Morris Day à la batterie en atteste, ou Vanity 6 (Money don't grow up on the trees, Vagina), on retrouvera également les versions originelles de Feel U up et Irresistible bitch que Prince réenregistrera entièrement des années plus tard et des prises alternatives dont on est en droit de se foutre. A vrai dire, rien de tout cela ne fait oublier l'absence de Extraloveable.
Un ultime double album est lui consacré au concert à Detroit de novembre 1982, deux mois après la sortie de 1999, alors que la tournée offrait une relecture par The Revolution des titres enregistrés comme à son habitude par Prince seul en studio. 


Méfiez-vous de vos rêves, ils pourraient bien se réaliser. Celui-ci à un prix qui ne passe pas inaperçu dans le budget puisqu'il faudra débourser 190€ aux plus acharnés complétistes pour le coffret intégral ou 65€ pour celui tronqué des titres inédits, mais quand même doté des versions singles et de leurs faces B. Pour les plus raisonnés, les options CD sont plus abordables. Et pour l'essentiel, 1999 tel qu'en lui-même sera disponible dans sa forme initiale de double album.
Je laisse la conclusion à Prince, on n'a pas mieux résumé la situation depuis :

Lemme tell ya somethin'
If U didn't come 2 party,
Don't bother knockin' on my door
I got a lion in my pocket,
And baby he's ready 2 roar
Everybody's got a bomb,
We could all die any day
But before I'll let that happen,
I'll dance my life away

They say two thousand zero zero party over,
Oops out of time
So tonight we gonna party like it's 1999 !


Hugo Spanky

10 commentaires:

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    1. Qu'est-ce donc qui te scotche ainsi ? Mon enthousiasme envers 1999 ou son absence envers le méga giga coffret de la mort qui tue à 200 plaques ?

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    2. C'est bien écrit, bien argumenté. Si la famille de Prince recherche un agent, tu peux allègrement poser ta candidature !!!

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    3. Merci Keith, ça fait plaisir. Niveau agent par contre, je pense qu'ils en voudront un qui dézingue un peu moins le cadeau de Noël à 190€ qu'ils ont concocté aux fans. Ça craint ce que le business de la musique est en train de devenir, non pas que je me fasse des illusions, ça a toujours été une machine à fric, mais depuis quelques années c'est de pire en pire niveau tarifs. Les concerts on s'était presque fait une raison, on n'y va plus, vu l'âge de ceux qu'on aurait envie de voir, c'est pas trop gênant (encore moins depuis que la plupart sont morts))), mais ce qui se pratique maintenant sur les disques, c'est du foutage de gueule. Et sitôt que c'est du coffret Deluxe quand Noël approche alors là c'est la foire à neuneu.

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  2. Pas malin...me suis rué dans les rayons suite à ton billet pour le 1999..parce qu'avec Prince, je continue tous les trucs que je ne connais pas... pas trouvé. Mais du coup, pour 10 boules, j'ai embarqué (avec tous le flou de c'est quoi ce disque au fait dans la discographie du gars) le "Chaos and disorder...."
    On sent bien le business qui pointe hardiment .. bientôt Abbey Road donc, et puis du coup, j'ai ajouté le grand "Mustango" vinyle .. du coup le Chaos sera pour demain .. et le 1999... arrff nan, trop cher. Diaboliques tes billets....

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    1. 1999 va être dispo dans sa version originale en novembre à 30€ le double album remasterisé. La réédition est bienvenue, il commence à se faire rare. C'est l'un des meilleurs albums de Prince et surement le sommet en terme d'inventivité et de maitrise de la période précédant Purple Rain, à savoir celle où l'électronique est la plus présente. C'est pas compliqué, il te le faut.
      Chaos and Disorder, c'est autre chose. Un assemblage de titres éparses à dominante rock enregistrés avec NPG à l'époque de Gold Experience et Come. Le disque doit son existence à la volonté de Prince de rompre avec Warner à qui il devait encore deux albums. Old Friends 4 Sale est le second. Ceci dit, je l'aime beaucoup, il a vraie énergie et les compos sont pour la plupart excellentes. Il est tout simple, sans concept, juste des chansons regroupées sur un disque.
      Les coffrets, oui, la saison arrive, hein... J'ai rien contre, celui du Double Blanc des Beatles avec les sessions acoustiques est fantastique et à 50€ c'est correct. Abbey Road, je suis moins sûr que ça me tente, je pense qu'ils ont tout mis sur l'album. Mais le 1999 à 200€, c'est too much. Surtout qu'ils auraient pu épurer le truc pour le rendre plus abordable, le double album avec les versions single, on s'en branle, c'est jamais que des versions plus courtes et le double live, bof, sors le dvd et c'est marre. C'est un peu naze leur approche, surtout qu'avec Prince si ils font ça à chaque album majeur, on n'est pas au bout. Il va falloir qu'ils glissent dans les pochettes des bons de réduction chez Ikéa )))

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  3. De par ton papier je me réécoute cet album que j'ai usé en son temps. ça fait du bien en fait, je me reproche de ne pas savoir me poser de temps en temps sur ce que j'ai aimé et que je risque d'aimer encore longtemps. Prince c'est particulier il y encore de la découverte.
    Je continue à dire du bien d'un Philippe Manoeuvre qui m'a fait en premier connaître Prince, CONTROVERSY ensuite je n'ai plus lâché l'affaire.
    Sur le prix, bah, je considère que c'est la réponse aux téléchargements "gratuits". Réponse à un secteur qui n'arrive pas à envisager ne pas se faire un paquet de fric. A croire que même le monde du cinéma prendrait davantage de risque ... de + en + calculé.
    Les coffrets, les concerts et même Vevo. Grand bien leur face.
    Une seule question finalement: l'exemple de Prince par exemple, une forte rentrée d'argent remis dans le circuit de la création? C'est fini?
    Compensé par une production de musique plus abordable?

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    1. Il y a des choses qu'on ne peut pas enlever à Manœuvre, il a été parmi les premiers à défendre Prince (le funk en général) et même à diffuser les clips extraits de 1999 aux Enfants du rock, avant le succès de Purple Rain donc. C'était aussi une sacrée plume, avec un ton nouveau en France. Ce qu'il était, ce qu'il est devenu, ma foi, c'est le besoin de reconnaissance qui lui fait du tort.
      Pour ce qui est de réinjecter l'argent dans la création, depuis la mort de Prince, j'en doute fort. Ses héritiers sont des truffes en musique, ils vont juste rentabiliser tout ce qu'ils pourront. Et avec les trois semi-remorques qui ont été nécessaires pour trimballer les bandes du Vault au laboratoire où elles vont être nettoyées et numérisées, il y a de quoi faire )))
      Le business mise sur le fanatisme aveugle (sourd en fait le plus souvent) qui entoure des artistes "mythiques" pour fourguer un peu tout et n'importe quoi en dépit de la qualité de l'écoute. Ils te collent cinq inédits sur une face dont deux sont des versions alternatives du même titre et le troisième un machin enregistré avec un dictaphone et tu t'emmerdes comme un rat mort avant d'arriver aux deux tueries. Ça me rappelle les albums posthumes de Charlie Parker sur lesquels tu dois te fader 4 ou 5 prises à la suite de Now's the time pour pouvoir te délecter de A night in Tunisia. C'est d'autant plus con que parmi les centaines de giga qui sont déjà disponible en bootlegs, il y aurait de quoi assembler de magnifiques albums entièrement inédits construit avec cohérence, voire dans un premier temps commencer par sortir ceux que Prince a finalisé sans jamais les commercialiser (Dream Factory, Camille, The Dawn...).
      On ne refera pas le monde.
      Le bon côté de la chose, c'est que ça donne un coup de projo sur un superbe album, 1999, et que ça le remet dans les bacs, c'est l'essentiel. Et le reste, on sait où le trouver.

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  4. Franchement, je trouve que ces coffrets sont des attrape-couillons. Ça prend de la place pour pas grand chose, parce qu'au final, même s'il y a des "surprises à l'intérieur" comme un poster, un badge ou autre, il resteront mortifiés dans le coffret pour pas les abîmer, et quand aux disques, on ne les aiment pas tous, donc aucun intérêt de se faire piller par la veuve ou les orphelins. Sachant qu'avec Prince, ça ne s'arrêtera jamais, il faut vraiment ne pas se faire avoir sur tous les tableaux. Quand un album n'avait jamais été édité en vinyl, ok, mais quand ils le ressorte en bleu, en vert, en coffret etc.. c'est non. Parce qu'on sait que cette source de revenu sera inépuisable et dépasse l'indécence, car même si telle était la volonté de Prince, de cet argent, lui l'aurait réinvesti dans la musique, pour aller plus loin encore dans la technologie, ou des installations et accouplement de matériel va savoir... mais dans l'expérience, ça c'est certain.

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    1. Exactement, lui a toujours réinjecté le pognon dans ses délires. On peut tout dire sur Prince, mais il vivait pour la musique, au point de renoncer à dormir. Il saturait le marché sans se soucier des retombées sur les chiffres de vente, fut un pionnier de la distribution par internet avec son système d'abonnement dès les années 90, à une époque où pas grand monde n'avait internet, et dont Crystal Ball fut le point d'orgue. Il est surement le seul artiste dont une majorité de l’œuvre est hors commerce et uniquement disponible en fichiers téléchargeables. A tel point que lorsque les héritiers commercialisent des inédits ils doivent ajouter des titres de qualité moindre pour pouvoir prétendre à du matériel jamais piraté )))) En gros, les bootlegs sont de meilleurs qualité que l'officiel post-mortem ))) Il n'y avait que lui pour créer une situation pareille.

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