vendredi 15 octobre 2010

MARSeiLLE SUR HEROïNE

                                                          TOO MUCH MONKEY BUSINESS

Héroïne. Une chanson de Lou Reed. Le contenu d'une petite cuillère. Le carburant préféré de Charlie Parker, Chet Baker, William Burroughs, Keith Richards, Topper Headon. La liste pourrait être longue. Sans cesse dans l'Histoire de notre culture, l'héroïne revient, comme une ponctuation. Souvent en forme de point final. 
Junkie Romance chantait Wayne Kramer en hommage à Johnny Thunders, son comparse de Gangwar. Cette même romance que trimballe Philippe Marcadé au fil d'Au delà de l'Avenue D, celle de Dee Dee dans Mort aux Ramones ou, justement, Johnny Thunders dans le In Cold Blood de Nina Antonia. Autant de bouquins fascinants peuplés de personnages devenus familiers. Je vais pas aligner les noms, vous les connaissez aussi bien que moi.


Figures emblématiques, anonymes en quête de légendaire, de Lucky Luciano à votre voisin de palier, l'héroïne a une longue histoire où se mêle autant de victimes, bourreaux, trafiquants, hommes de l'ombre, révolutionnaires en mal de finances, que dans le plus imaginatif des romans de gares. L'héroïne a fait enfler les ambitions des uns alors même qu'elle détruisait la moindre volonté des autres. Tout dépend de quel côté de l'aiguille on se trouve. Pusher ou junkie.


A cette galerie de personnages, on verrait mal s'ajouter le portrait du Général de Gaulle, de Pompidou ou Gaston Defferre. C'est pourtant ce que se charge de faire un tout petit bouquin court comme un single Punk, éclairer les zones d'ombres de la French Connection de 1945 à 1975 en à peine 70 pages.
Marseille sur Héroïne est un drôle de shaker, son auteur Alfred Mc Coy, universitaire américain, condense avec une précision de maniaque, trente années de tensions, de balles perdues et de rebondissements durant lesquelles, pègre corse, milieu sicilien, mafia américaine et politiciens marseillais auront huilés un mécanisme parfaitement rodés visant à inonder New-York d'héroïne N°4. Le tout avec le consentement du gouvernement français à la seule condition que le produit ne soit jamais vendu sur son sol. On croyait tout savoir depuis les films French Connection, on savait que dalle. Sinon la fin, le démantèlement des laboratoires marseillais.


Alfred Mc Coy sort les noms, situe les familles, en raconte de bien belles sur la création du syndicat F.O par la C.I.A. Une assemblée de gros bras embauchés pour casser les grèves magistrales organisées par une CGT toute puissante dans la France d'après guerre, reconnaissante envers la résistance communiste. Au passage l'auteur prend soin de préciser quelques spécificités françaises, goût du coup de poing et frilosité du pouvoir devant la menace d'une explosion sociale. Une bonne idée de la manière dont on peut être perçu de l'autre côté de l'Atlantique.


Au fil des décennies, ambiance guerre froide, ce sont les CRS, le SAC, le Parti Socialiste et encore et toujours la C.I.A qui, au nom de l'anticommunisme, dressent un front auquel tout les coups bas sont permis. Tandis que les idéologies s'affrontent, les gros malins tirent les marrons du feu et bâtissent un empire, s'adjoignent la ville de Marseille. Son port surtout. Intrigues, contrebandes, violence, intérêts croisés, corruptions, valises diplomatiques, promesse brisée, tout est mis en œuvre pour que la numéro 4 pénètre la veine sans encombre.

Marseille sur Héroïne s'envoie en gourmandise et vous laisse estomaqué. La plus florissante contribution de la France à l'Histoire du Rock'n'Roll n'est pas Johnny Hallyday.
L'honneur est sauf ? 

Hugo Spanky


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