vendredi 24 juillet 2015

PuBLic ENemY, MaN PLaNs GoD LauGHs


Je le voyais arriver depuis un petit moment, les récents albums de Public Enemy témoignaient d'une volonté de trouver un nouveau souffle aussi fort que celui qui leur avait permis d'atteindre les sommets de Fear of the black planet. Un souffle si puissant et novateur qu'il continu à diviser les camps en deux, ceux qui supportent P.E et ceux pour qui c'est définitivement trop dévastateur. C'est rien de dire que ce Man Plans God laughs qui vient de raffermir mes enceintes atteint son objectif, ce disque court, concis, un seul des 11 titres dépasse les 3mns, est tout connement ce que le crew a enregistré de meilleur depuis son illustre troisième album.



Public Enemy suit une ancienne route, une de ces contre-allées accidentées, empruntées avant eux par les pionniers du Jazz, puis ceux du Blues, du Rock'n'Roll et de la Soul, plus rarement par les enfants du Hip Hop, hélas. Au fil d'une discographie monumentale P.E a inventé un univers, un son unique et généreux dont le groupe propose ici un concentré aiguisé. Pas de long et ravageur solo psychédélique, pas de riff de Hard Rock, pas de beat façon effondrement des Twin towers, Man plans God laughs tranche dans le vif, dépouille les boites à rythme, incise les distorsions pour ne plus en garder que le squelette.



Deux clins d’œils aux Rolling Stones, No sympathy for the devil et un sample de Honky tonk women sur le funky en diable Honky tonk rules, avec l'excellente Sheila Brody en renfort au micro. Un hit aussi, énorme et racé, teinté de dub jamaïcain, immédiatement addictif Give peace a damn devrait dévaster les dancefloors et assurer la lobotomie des chanceux qui vont se manger ça en live lors de la tournée (qui évite la France) que le groupe effectue en ce moment même en compagnie de Prodigy. Trois énormes Super Heavy Funk aussi, Earthizen et ses synthés électro, Corplantationopoly avec un Professor Griff tous crocs dehors et un Me to we bon à en dégainer son dictionnaire des superlatifsDJ Lord, plus présent que jamais avec ses scratchs en embuscade (Lost in music), s'octroie avec panache la conclusion du disque avec un Praise the loud à réveiller Terminator X.



Globalement le groupe a ralenti les tempos et épuré les montagnes de samples qui le caractérisent, Public Enemy a greffé le moelleux du Memphis sound sur l'énergie crue de New York. Le disque est varié, inventif, sec comme un coup de trique, Chuck D, Flavor Flav, Professor Griff et DJ Lord se partagent les morceaux de bravoure, Terminator X signe son retour aux affaires sur Me to we et on se retrouve tout heureux de se ramasser dans les oreilles un album digne de la légende. Des mots pour l'esprit, du rythme pour le corps, la dernière grande aventure de la musique urbaine n'a toujours pas rendu les armes, même semée d'embuches la route continue.




Hugo Spanky


lundi 13 juillet 2015

LoS aNGeLes DReaM



Il y a clairement un malentendu avec Fleetwood Mac qui est considéré à tort comme un groupe de rock FM mou du genou à même d'endormir un bataillon de gamins hyperactifs en un rien de temps. Et je sais de quoi je parle puisque moi aussi je pensais ça d'eux il y a pas si longtemps que cela.
Sans la persistance du tenace Hugo Spanky, un beau jour je ne me serais jamais décidé à me pencher sur le cas de ce groupe qui depuis toujours me plongeait dans l'indifférence totale.


Tout a débuté par la découverte de la carrière solo de Stevie Nicks au travers de ses albums Bella Donna, The wild heart, Trouble in Shangri-La et le récent 24 karat gold songs from the vault qui sont un manifeste on ne peut plus évident de son indéniable talent à trousser des compositions vaporeuses d'une aisance mélodique à en faire rager plus d'un. Gorgés de joyaux ouvragés de main de maître ses albums sont une invitation à un voyage hors du temps où tout semble suspendu; seule sa voix envoûtante à l'extrême nous sert de guide bienveillant dans ce monde ouaté et irréel avec lequel on se sent immédiatement en osmose. Car entrer dans l'univers de Stevie, c'est l'assurance de trouver une parfaite harmonie à même de nous apporter un bien être instantané.


Emballé par le cas de la Nicks, je me suis alors engagé dans l'écoute de son album en commun avec Lindsey Buckingham et là aussi quel ne fut pas le choc de prendre de plein fouet dans les esgourdes tout un univers foisonnant d'une richesse insoupçonnable. Ensemble ces deux là font feu de tout bois et délivrent des chansons d'une délicatesse à vous faire frémir l’échine où chaque note jouée échafaude un édifice d'airain inébranlable tandis que l'interprétation vocale atteint des sommets de sophistication qui apporte une sensibilité à fleur de peau.


Ne pouvant décidément pas m'arrêter en si bonne voie après tant d'émotions positives et avide d'autres sensations de cet acabit, je me suis attelé au cas du sieur Buckingham en solo. Autant prévenir d'emblée qu'avec cet homme pour le moins habité on est ici à l'opposé du rock FM standardisé. Tout comme Stevie, Lindsey propose de nous ouvrir à un monde sortant des sentiers battus. Aussi mélodique qu'alambiquée dans sa construction, sa musique ne dévoile sa pleine saveur qu'au terme de plusieurs écoutes et ses arabesques rythmiques si déconcertantes au premier abord deviennent une évidence une fois que nous y sommes acclimatés. Éminemment personnelle, traversée d'influence andalouse grâce à son jeu de guitare prodige d'une beauté sans pareille, ses compositions sont de véritables trésors à chérir sans ménagement qui amènent une grâce certaine dans notre quotidien par trop cartésien.


Étant désormais fin prêt à aborder la carrière de Fleetwood Mac, c'est avec impatience que je me suis lancé dans leur œuvre discographique. L'album éponyme, le multiplatiné Rumours, le méconnu Tusk, le décrié et pourtant excellent Mirage, ainsi que Tango in the night et Say you will se mirent rapidement à squatter sans relâche ma platine. En plus du talent de Stevie et Lindsey qui transpire dans tous les titres de ce groupe voilà t'y pas que viennent s'ajouter les deux musiciens d'exception que sont John McVie à la basse et Mick Fleetwood à la batterie tandis qu'une chanteuse et une compositrice virtuose nommée Christine McVie vient fournir une touche de soul à cet ensemble que ne manquait déjà pas d'attrait (je ne saurais d’ailleurs trop vous conseiller l'écoute assidue de son premier album solo au nom on peut mieux adéquat de Perfect qui regorge de chansons soul de haut vol).




A peu près tout un chacun connaît les tubes intemporels que sont Don't stop, Rihannon, Big Love et bien d'autres trop nombreux pour les nommer tous, mais beaucoup trop de monde se plaît encore à croire que Fleetwood Mac n'est qu'un groupe de parvenus que ne pensent qu'à s'en mettre plein les fouilles en produisant une musique insipide. Et pourtant il y a bien plus d'idées d'arrangements novateurs, de trouvailles guitaristiques géniales, de complexité rythmique et de finesse vocale dans la majeure partie de leur production qu'on ne saurait en trouver chez d'autres groupes qui ont les faveurs de la critique et des gens soit disant de bons goûts.




Quand à ceux qui soutiennent mordicus qu'ils sont aussi dynamiques que des trépanés, il me font bien rire, tiens ! Ne serait-ce qu'en visionnant le live titré Mirage Tour 1982 qui a eu lieu à Los Angeles, ils pourront se rendre compte à quel point sur scène ce groupe se révèle être une toute autre entité. 

Le show débute sur les chapeaux de roue avec une version furibarde – oui furibarde, vous avez bien lu ! - de The Chain durant laquelle Lindsey Buckingham montre à quel point il sait manier une guitare et en tirer des sonorités énergiques tout en ne perdant jamais le fil mélodique. C'est bien simple tout le long de ce live fabuleux, une tension habite tous les membres du groupe qui délivrent une prestation fougueuse. John McVie fait vrombir sa basse à en faire trembler les murs, Mick Fleetwood fait carrément flipper tant il ressemble à un white trash avide de viande fraîche humaine avec ses yeux ronds comme deux billes dotés d'une lueur démoniaque tandis qu'il malmène ses fûts tel un possédé, Stevie Nicks fait montre de son talent vocal en se lançant dans des interprétations tantôt exaltées tantôt plus apaisées, Christine McVie n'est pas en reste elle non plus question chant et elle assure aussi de fort convaincante manière les parties de claviers. 



Les deux meneurs du show sont à n'en pas douter Mick Fleetwood qui est déchaîné et semble toujours en demander plus niveau fureur et Lindsey Buckingham qui se donne à fond - il faut le voir tourner comme un derviche pour se rendre compte combien il est habité comme jamais par sa musique !- tant il chante avec ferveur et qu'il impulse à son jeu de guitare une nervosité qui porte ce live dans une puissance sonore phénoménale qui en étonnera plus d'un. On a rarement attendu tel boucan fournit par un groupe considéré comme amorphe ! Jamais dichotomie entre ce que présente un groupe sur disque et ce qu'il propose sur scène n'a été aussi prégnante. De rares moments d'accalmie viennent calmer le jeu, comme notamment la magnifique chanson Songbird, avec seulement sur scène Christine au chant et au clavier et Lindsey à la guitare acoustique, qui clôture ce live de la plus belle des façons qu'il soit.



Bref, vous l'aurez compris n'attendez pas, comme le pitre que je suis, d'avoir dépassé la quarantaine pour enfin vous délecter des merveilles que Fleetwood Mac a distribué avec largesse et tant que vous y êtes ne négliger pas les activités solo de chacun de ses membres et accointances (Walter Egan, un ami proche de Stevie et Lindsey, a confectionné des albums digne d'intérêt; essayer donc Not Shy, Hi-Fi et The last stroll, je gage que vous ne serez pas déçu).  

Harry Max.  

samedi 4 juillet 2015

De L'imPORTaNce Des chOses Qui N'eN oNT Pas




De Bernie Bonvoison, la culture de masse n'aura retenu qu'une phrase, un slogan, Antisocial tu perds ton sang froid. C'est con, d'autant plus qu'il a aussi dit Y a que dans les HLM qu'ils ont toujours des problèmes. Mais comme mon Marcel de père n'a eu de cesse de me le répéter "La masse est conne, elle divise l'intelligence par le nombre". Bernie Bonvoisin a comme qualité principale d'être un individu revendiqué comme tel.

Avec lui, pas de Jésus à l'horizon et aucun démon a montrer du doigt, les dérives totalitaires des grandes familles de la Droite tombent sous les mêmes coups de schlague que le foutage de gueule de la Gauche populiste. Les seuls gonzes que Bernie a appelé tonton sont les frères de ses parents. Merci à lui. Du coup, forcément, les riantes années post 1981 qui verront reluire tout ce que le pays compte comme suce boules, de Renaud aux Bérus, se joueront sans lui. Chose qui n'a pas dû le tracasser plus que ça. Ce qu'il avait à dire sur fond de Hard Rock primaire, il l'avait déjà dit. 


La folie de l'islam radical et sa connivence avec un occident aveuglé par le fric (Mr Comédie), l’idolâtrie béate des illuminés de tous bords (Les sectes) l'utilisation de la crédulité des filles à coups bite dans le derche au nom de la libération sexuelle (Le Palace), l'impuissance des prisons à remplir leur rôle (Le mitard), la conscience ouvrière fourvoyée par ceux là même qui prétendent la défendre (Bosser huit heures), l'uniformisation consentie de l'individu (Préfabriqué), les désillusions du quotidien (Toujours pas une tune)... Tout y est passé, du brave con près de chez vous aux têtes couronnées de la démocratie, Bernie n'a pas fait le tri, il a fait dans le détail. Et les détails c'est justement ce qui m'a charmé quand il est réapparut là où je ne l'attendais pas. Dans les salles de cinéma.


Les Démons de Jésus, je vais tacher d'être clair et nuancé, encule à sec trente ans de cinéma subventionné. Scénario franc du collier savamment dosé entre rigolade potache, violence et connerie ordinaire, bande son parfaite (du Rhythm and Blues, Jerry Lee Lewis et Rose Tattoo) et interprétation en mode sans chichi. Un film qui ne cherche pas à péter plus haut que son cul. Je ne suis pas en train de vous vendre un génie, ni même un novateur, le film est bourré de références qui le surpassent mais c'est pas le propos. 
Les Démons de Jésus n'a gagné aucun prix mais cause sacrément à tous ceux qui ont un jour vécu autrement qu'en traversant dans les clous.


Les Démons de Jésus, c'est plus un casting trois étoiles, c'est une constellation. Victor Lanoux, Patrick Bouchitey, Thierry Frémont, Nadia Farès, Elie Semoun, Martin Lamotte... Bernie Bonvoisin lui même l'espace d'un clin d’œil à Jacques Tati, certainement pas des gonzes qui encombrent les devantures de cinéma mais assurément ceux avec lesquels j'ai envie de partager une plombe et demi de celluloïd.


Sorti en 1997, le film n'a pas pris une ride. Il dépeint toujours aussi bien la France de Mai 68, celle qu'en a eu rien à foutre des revendications des uns et des autres vu que ça la concernait pas. Jésus et ses troupes, la mixité des dortoirs ça leur en touche une sans réveiller l'autre, l'université c'est pour les caves. Les luttes des syndicats pour que leurs élus puissent mieux becter sur le dos de l'ouvrier, ça les défrise pas, l'usine c'est pour les caves. Les Démons de Jésus, c'est la France de toujours, celle de la mixité par la rue, celle du beignet sur le pif que tu distribues quand t’arrives plus à trouver les mots, que le gars en face soit facho ou arabe. Celle où tu ramènes ta gueule quand on t'a rien demandé et où tu te la fermes quand t'aurais un truc à dire. La France des petites frustrations qui font dégoupiller l'artillerie, celle des rancœurs qui mènent droit dans le mur. Celle de l'Humain dans tout ce qu'il est. La mienne en tout cas. Un ramassis de cons qui me ressemblent.


J'habitais cité Solimar quand j'étais môme sous le cru soleil d'Antibes, juste à côté de la cité Belvédère, entre eux et nous un terrain vague que chacun cherchait à s'approprier en construisant des cabanes, en envahissant le territoire juchés sur des vélos, en se défiant torse bombé. Notre version à nous de la bande de Gaza. Sauf que la bande du Solimar et celle du Belvédère se fourraient le doigt dans l’œil, le terrain vague n'était ni aux uns, ni aux autres, il était à moi. Je pampais aussi bien ceux d'un camp que ceux de l'autre, rien à foutre que les uns soient mes voisins de palier. Parce que dans la vie on n'est pas obligé de choisir un camp, on est juste tenu de rester soi-même. 



C'est ça Les Démons de Jésus. Comme Va Mourire de Nicolas Boukhrief ou Comme Un Aimant de Kamel Saleh et Akhenaton, le film de Bernie Bonvoisin ne pratique pas la flagornerie, il n'encense rien ni ne dénonce quoique ce soit, il ouvre juste une fenêtre sur un endroit vers lequel les regards ne se tournent jamais. Mai 1968 en France tel qu'on nous le vend ne concerne que ceux qui nous le vendent. Et même si la caissière est mignonne, c'est très con d'acheter un truc inutile.

Hugo Spanky