samedi 25 avril 2015

KiTTY, DaiSY anD LeWiS


Kitty, Daisy & Lewis sont comme un rêve. Ils ont l'attitude, la dégaine mais surtout ils ont le talent. Imaginez que les Cramps de Psychedelic Jungle aient zappé l'influence garage pour lui substituer celle du Calypso, du Funk/Blues de la Nouvelle-Orléans, et vous aurez une idée de ce qui vous attend sur les deux premiers albums du trio. Écoutez Messing with my life sur Smoking in heaven, pas de filtre sur les voix, de l'humanité plein le swing.


Third, troisième et nouveau disque, change quelque peu la donne. Terminé l'ultra-minimalisme, fini de flatter le puriste, les musicologues avertis sont prévenus, Kitty, Daisy and Lewis ont vingt ans et sont bien décidés à écrire leur avenir en le conjuguant au présent. On n'est pas chez Imelda May bordel! Ce qui ne les empêche pas de faire sonner Good looking woman comme un original de Professor Longhair, simplement ils ventilent, aèrent, creusent leur propre style jusqu'à réussir à en imprégner chaque registre que leurs foutus dons d'instrumentistes leurs autorisent d'aborder. Turkish Delight démarre comme un ersatz de Desmond Dekker de plus, sauf que l'intro n'est pas finie qu'on est déjà ailleurs, violons en goguette et la voix qui se joue des barrières spatio-temporelles, Jane Russell goes to Trinidad ! Et puis il  y a ce Baby bye bye addictif au possible, un hit armé d'un clip qu'il est interdit de rater.



Mazette, ce groupe s'amuse des genres en les amalgamant les uns aux autres dans un shaker qui facilite le transit, là où d'autres auraient rendu la chantilly indigeste. Pourquoi ? Comment ? Tout connement en se contentant de foutrement bien jouer, le miracle est là, Kitty, Daisy & Lewis n'utilisent aucun gimmick, quand ils sonnent funk c'est qu'ils savent quoi jouer pour ça, quand ils en croquent pour le Ragtime ou arborent des parures Country c'est la même, tout est dans l'accent, dans le souffle, rien ne pèse trois tonnes. Et quand le fantôme de Julie London les effleure, ils en tirent un Never get back d'une exquise beauté.




Kitty, Daisy and Lewis m'ont attrapé par l'oreille, achevé par les mirettes et je mise mon billet sur eux. Je ne suis pas le seul, le disque est produit par le seul gonze qui pouvait comprendre leur démarche, je vous le donne en mille, Mick Jones ! Les bonnes adresses ne changent pas.

Hugo Spanky 






lundi 20 avril 2015

A PRéseNT Tu PeuX T'eN aLLer



Richard Anthony est mort et mine de rien, c’est pas anecdotique. Richard Anthony, juif du Caire, forcément français, fut le premier. Avant Godard, avant Johnny, avant 68, avant le Rock qui fait rire. Le premier ou presque à vrai dire. Eddie Barclay et Eddie Vartan lui avaient servi de phare.


Là où Boris Vian et Henri Salvador se bidonnaient du Rock en bon jazzeux snobinards qu’ils étaient, Richard Anthony donna un visage (puis un double menton) à une jeunesse cachée sous le tapis par une société ne prônant que l’age adulte et les responsabilités. Les tristes mines qui mènent à la guerre il les balaya au tempo du Three cool cats des Coasters, ringardisant pour le meilleur comme pour le pire un Paris désormais distancé par une Amérique libératoire. Gary Cooper, Elvis Presley aux affiches des cinémas. Terminé pour la jeunesse de bailler autour de la radio de grand-mère, Brassens, Piaf, Trenet, de la poussière plein le canotier, même Aznavour ramera pour accrocher finalement le wagon des yéyés grâce à La plus belle pour aller danser et Retiens la nuit tout comme Gainsbourg le fera in extremis avec France Gall et ses sucettes. Ce seront les seuls compositeurs d’avant à survivre au rythme des 60‘s.



Richard Anthony a amené l’adaptation en France, le concept au delà de la simple reprise qui fait que l’on accapare une chanson, qu’on la transforme pour que la liesse locale s’en réjouisse. Le talent pour saisir l’air du temps et lui donner une définition qui fait l'unanimité. En 1959 ce fut Nouvelle Vague et rien d’autre. Comme plus tard ce sera Gabrielle, hymne du macho en pleine souffrance masochiste. Richard Anthony a ouvert le bal pour Eddy Mitchell, Sylvie Vartan, Dick Rivers et bien sur Johnny Hallyday, un bal des copains qui tiendra la dragée haute une bonne dizaine d’années avant le renouveau des auteurs/compositeurs à la française, Véronique Sanson en tête vite suivie par William Sheller, Michel Berger, Souchon/Voulzy, Daniel Balavoine, Francis Cabrel jusqu’à la main mise sur le processus des Goldman et Obispo, figeant l’habillage des mélodies dans ce que Bashung leur a toujours fait fuir, l’uniformité.


Mais Bashung était à l’exact opposé de Richard Anthony. Dans son registre, Bashung fut le dernier. Et comme pour qu’il y ait une fin, il faut un début, montrons lui le respect qu’il mérite.

Hugo Spanky 

Ce papier est dédié à Percy Sledge.

mercredi 15 avril 2015

CHucK D TieNT Le MaQUiS


Quand j'écoute les récentes productions de Public Enemy je me demande pourquoi ils s'emmerdent encore à torcher des albums qui nécessitent une bonne dizaine de passages sur la platine pour qu'on y pige quelque chose de clair.  Pourquoi ils persistent à pondre deux ou trois singles inédits par an. C'est comme si il n'y avait plus personne à l'autre bout de la chaine.


Ces dix dernières années le groupe a sorti quatre doubles albums, tous gorgés de soul psychédélique, de funk nucléaire, d'agressivité rock et de beats Mike Tyson. Le furieux Say it like it really is et Everything, une ballade digne de la Motown, les deux singles tirés de Evil Empire of Everything sont si implacables qu'ils redonnent la foi en la force dynamique que la musique nous injecte en cognant fort au plexus. C'est paru y a deux ans dans l'indifférence totale. Public Enemy a sillonné la France peu après, accompagné d'un véritable groupe de scène, Chuck D, Flavor Flav et Professor Griff asmatent un public tout content de se faire recharger les batteries de la sorte. Et y a même pas eu un seul putain de magazine pour en dire deux mots. Si je ne scrutais pas régulièrement le terrain via internet, même pas j'aurais su que le crew posait ses valises à Nîmes. 



Mais passe encore. Il y a tellement d'informations dans Public Enemy, de références, de citations, de clin d’œils à toute un pan de la culture rock des 60's qui lentement sombre dans l'oubli. Trop hors des cases, trop perché. L'ère psychédélique, cet incroyable moment entre 1966 et 1976 où les arcanes du cerveau  ont ouverts les vannes en grand. Sly Stone, James Brown, George Clinton, Isaac Hayes, Norman Whitfield, Marvin Gaye ont élevé des cathédrales d'une liberté comme il n'en existe plus dans le standard mondial actuel. Sauf chez Public Enemy, jetez une oreille sur Superman's black in the building, 11mns 50 de Jazz vaudou planqué sur l'excellent New Whirl Odor leur album de 2005. Bring that beat back, bordel. Faites vous le magnifique final du pourtant un brin bancal How You Sell Soul, voyage garanti dans la stratosphère, en cinq morceaux loufdingues, See something Say something, Long and whining road, Bridges of pain, Eve of destruction et How you sell soul, Public Enemy vire en orbite et dégaine les mickeys. Acid test au Fillmore East, Black Panthers sous LSD. Ça secoue les cervicales. nettoie les méninges et lubrifie la colonne vertébrale. Vous allez pas en revenir.

 

Buffalo Springfield, Jefferson Airplane, Bob Dylan, combien d'autres, ont travaillé les esprits pour les garder éveillés. Chuck D reprend Subterranean homesick blues sur le e.p The More Things Stay The Same de The Impossebulls. Qui çaaa ? Je vois bien que vous suivez pas. Public Enemy featuring Stephen Stills par contre c'est sur la fantastique B.O de He Got Game le film de Spike Lee. J'attends que Grace Slick se mette sur les rangs. 




Je peux comprendre que ça fasse beaucoup pour des mecs qui découvriraient le Velvet Underground mais venez pas me dire que le nouvel album solo de Chuck D, The Black Man In, qui vient de sortir en vinyle n'est pas ce qui s'offre de meilleur comme remède contre les allergies de printemps. Vous n'en savez rien, je viens exprès pour combler cette lacune. 20 ans après The Autobiography Of Mistachuck, le world champion master remet sa couronne en jeu et assassine à 500 mètres à la ronde. Un disque parfaitement dosé, maximum rhythm & blues ! Mavis Staples vient porter la réplique sur Give we the pride, un uppercut soul powerfull, et le dernier des neuf morceaux est rien de moins qu'une reprise dans le ton de Say it loud I'm black and I'm proud. To JB from Chuck D. J'en ai eu la larme à l’œil tellement c'est bon. Vous entendez ce que vous lisez ? 
Pour Get it right or be gone je vous cite un bloggeur américain, Chuck D pourrait rapper en français qu'on l'écouterait quand même en boucle. Je ne peux pas dire mieux.


Avec cet album comme avec ceux de Public Enemy on est au delà des étiquettes et absolument pas dans les canons du Hip Hop tel qu'il est perçu et conçu aujourd'hui. Chuck D fait partie de ceux qui à l'instar de feu Guru (Gangstarr) voient le Hip Hop comme une extension de l'esprit du Jazz. Les morceaux sont élaborés, orgue Hammond, un guitariste de Memphis, une basse bien ronde et des milliers d'idées à la minute. On retrouve même Chuck D à l'harmonica sur Prison Industrial Complex I hate every inches of you au texte inspiré par San Quentin de Johnny Cash. Quand je vous dis que ces mecs là sont les héritiers des 60's.

Je retrouve en Chuck D en solo comme avec Public Enemy ce que le rock n'est plus capable de m'offrir depuis que tout n'est plus que Pop anglaise. Alors je peux entendre tous les arguments fallacieux pour justifier que l'amoureux de musique ne s’intéresse pas à eux. L'amalgame de l'ignorant qui les mêlera à la médiocrité du Hip Hop dont on nous abreuve les esgourdes, ils ont des casquettes, ils portent des shorts, y a même un qu'à une horloge autour du cou depuis 30 ans ! 

On peut le prendre par tous les bouts, c'est vrai. Flavor Flav égraine le décompte d'ici à l'apocalypse et Chuck D fait des pas de boxe sur scène dans son short rocky noir satiné. Reste que Public Enemy c'est l'éternel son en perpétuel mouvement de New York. Big apple beat. Le grand méchant Bronx qui cogne dans les boomers. Harlem au microphone, Brooklyn aux rimes. Et c'est tellement mieux que les Beastie Boys, si vous saviez.
Public Enemy est le dernier groupe à faire monter la sauce jusqu'à l'esprit. Un vieux gang de hippies black concernés, les gamins d'Etta James tombés sous le charme d'Angela Davis. Vous en avez ras le bol des sons en séries, des revivals tendances, c'est par ici qu'il faut piocher. Chuck DThe Black Man In est un disque de musique vivante, toujours en progression, disponible en vinyle sur Rap Central Station. 
Do the right thing.


Hugo Spanky

Le vinyle est là.