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mercredi 11 novembre 2015

ALLeN TousSaiNT CéLéBRaTion


C'est donc quasiment en descendant de scène que Allen Toussaint s'est éteint, en cette période de l'année qui porte son nom. Allen Toussaint est mort et je n'y crois pas un seul instant. Je n'ai pas envie d'être triste à cette annonce, plutôt envie de célébrer. On ne pleure pas un mort à la Nouvelle-Orléans, on le chante.


Le répertoire d'Allen Toussaint, chacun de nous le connait, parfois sans même le savoir. Dites moi, qui dans ce monde ne peut fredonner le voulez-vous coucher avec moi ce soir du Lady Marmalade de Patti LaBelle ? Pour graver ce classique, un de plus à porter à son CV, Allen Toussaint avait réuni les Meters pour porter le beurre roussi à bonne température. L'album qui sortira de ces sessions, Nightbirds, est encore à ce jour l'une de ces adresses fantômes que l'on s'échange entre amoureux du déhanchement.


Le swing d'Allen Toussaint n'a jamais grippé, l'huile de lin qu'il distillait depuis l'ivoire de son piano a toujours  fait  office d'étendard à cette musique dure et souple à la fois. Rugueuse et sophistiquée en un même élan.



Allen Toussaint, comme Duke Ellington, est un styliste. Son rôle va au delà de celui du musicien de séance. Allen Toussaint, c'est le carnet d'adresses avec mises à jour permanente. Pour monter une session à la Nouvelle-Orléans, c'est vers lui  qu'il était le plus sage de se tourner. Lui qui savait quel musicien avait besoin de jouer, quel autre il était nécessaire de laisser se rétablir de l'usure d'une vie rarement éloignée de la rue. Lui, surtout, qui connaissant sur le bout des doigts les talents protéiformes les plus multiples de Big Easy, savait qui serait le plus parfait pour obtenir tel son, tel toucher. C'est aussi lui qui, parfois sous le pseudonyme de Naomi Neville, a composé des chansons aussi essentielles que Pain in my heart (Ruler of my heart avant qu'Otis Redding n'y colle sa patte) ou Fortune teller qui fera sa fortune grâce à la version des Rolling Stones.



L'homme qui s'est envolé en ce début Novembre, n'est ni un producteur, ni un chef d'orchestre, c'est l'incarnation du savoir-faire. Perdre Allen Toussaint, c'est une bibliothèque millénaire qui brûle. Des connaissances par milliers qui ne vont plus survivre que par l'esprit. Allen Toussaint détenait les secrets les plus anciens, ceux là même qui permettent de graver sur sillons noirs ce que l'humain a de plus indicible, l'âme, le souffle et l'esprit, pour le transmettre à ces millions de corps qui partout dans le monde se sont mis en mouvement au son des Working in a coal mine, Lipstick traces, Ride a pony, Ruler of my heart, Fortune teller, Mother in law... Un milliard d'autres chansons encore qui, hier, aujourd'hui, demain, découleront toutes de cette matrice originelle venue d'au delà des frontières, du temps, de l'espace et des chaines. Des particules libres.


Des années 60 à cet ultime concert à Madrid, Allen Toussaint n'a jamais cessé d'être musique. Aux côtés d'Irma Thomas, Huey Smith, Dr John, Willy DeVille, Meters ou Neville Brothers, Lee Dorsey ou récemment Elvis Costello qu'il paraissait avoir choisi comme héritier. Peu importe, les noms ne sont rien, à ce niveau là tout n'est que notes et harmonies. Et cette présence qui s'installe dans votre sang, qui se love dans le battement de votre pouls quand le diamant se pose sur un disque habillé par la magie d'Allen Toussaint. Un miracle sans cesse renouvelé que dorénavant nous allons envier à l'éternité silencieuse. Une force tranquille qu'aucun ouragan n'a su faire plier.


Mes amis, refusons tout net la fatalité. Dans l'univers d'Allen Toussaint, le silence n'est qu'une respiration, un élément en suspens entre deux beats qui cognent plus forts que la pioche du bagnard qui fracasse le rocher. Tapons du pied, chantons à plein poumons, faisons résonner les paumes de nos mains. Allen Toussaint est mort, c'est à nous maintenant de lui faire entendre qu'on a bien retenu la leçon. I'm so in love with you, don't leave me no more...

Hugo Spanky 

Une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule.
Ce papier est dédié à la mémoire de 
Philthy Animal Taylor
Goodbye l'Animal, l'hommage de RZV