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samedi 24 mai 2014

SPaRKs, éVoCaTiON PouR aMNésiQUeS


Sparks, comme une marque déposée, comme un sigle de reconnaissance pour ceux qui n’aiment rien de plus que les coulisses de l’extrême, les épopées où l’aventure se mêle au quotidien. Sparks comme une estampe sur une palanquée de hits, d'albums qui ne ressemblent à aucun autre. Même contemporains de mouvements aussi éclectiques et haut en couleurs que le Glam Rock, la Disco, la New Wave, Cold Wave, la Dance, que sais-je encore, la Tectonic, même parmi la faune des excentriques en tous genres des arts les plus divers, les Sparks sont...différents. 


Ron, le clone de Hitler, surdoué des claviers, compositeur d’une originalité rare. Avec lui, les mélodies les plus échevelées se heurtent, s’affrontent, s’épousent dans des chansons aux constructions tarabiscotées, entre ruptures et relances incessantes, sans jamais pour autant en perdre concision et énergie.
Russell, la ballerine qui fait craquer les filles, l’ange à la voix qui virevolte, unissant avec aisance et inventivité virulence Rock et ascension des octaves. Russell avec ses textes et son chant en numéro d'équilibriste ne tombe jamais dans le pompeux, le prétentieux, il a cette capacité d’inclure un soupçon de dérision dans une perfection vocale que bon nombre auraient porté comme un trophée. 
Vraiment, les deux frangins natifs de Los Angeles ont une vision des choses que je qualifierais sans trop me mouiller de foutrement personnelle. Raffinés, élégants, satiriques, désopilants ces deux là mènent depuis quarante ans une carrière qui n’a jamais sombré dans la routine.  

Les albums du duo, que ce soit les plus connus, ceux enregistrés à Londres dans les 70‘s, les plus aventureux, ceux qu’ils alignent depuis une quinzaine d’années, ou les cartons plein de l’ère Giorgio Moroder, sont tous un ravissement pour les esgourdes et un délirant voyage au pays du bizarre. Même pour les esprits les plus ouverts.




Les frangins ont mieux que personne su créer un melting pot alliant des contraires tel que le minimalisme et le symphonique. Bizarre que, malgré le succès des Rita Mitsouko, qui leur doivent bien plus que le fantastique Singing in the shower, le public Rock de notre pays soit si enclin à citer Bowie et si peu Sparks. C’est pourtant bien chez eux qu’il faut chercher la parfaite synthèse, quand ce n’est pas l’origine, de ce qui fait le charme de Roxy Music, Queen, Bowie, aussi bien que de Clash, T.Rex ou d’une grande partie de la New Wave des 80‘s, Dépêche Mode en tête. Ceux qui s’étonneraient de voir Clash dans la liste peuvent toujours aller repérer la trame de Straight to hell dans N°1 song in heaven ou écouter le riff d’Everybody’s stupid sur l’album Big Beat.






Loin de moi l’idée de faire dans l’érudit en racontant dans le détail l’existence du duo fraternel, encore moins me lancer dans un interminable passage en revue de leur discographie. Donner l’envie de se (re)pencher sur leur cas me comblerait davantage, ensuite à chacun de préférer les cerises rouges écarlates et craquantes ou de favoriser celles pourpres et gonflées de jus. Avec Sparks, il y a de quoi ravir chacun.
 



Les amateurs de beaux objets ne désirant que la partie immergée de l'iceberg peuvent se procurer le tout récent coffret rétrospectif  New music for amnesiacs, le titre le plus génial que je connaisse pour une compilation, parfaite illustration de l’esprit Sparks. Ceci dit ça reste un résumé, une bande annonce, un dépliant pour agence touristique, ça ne remplacera jamais la pension complète, petit déjeuner inclus.


Pour les autres, la visite continue avec la trilogie dites anglaise Kimono my house, Propaganda, Indiscreet. De ces trois là, je ne saurais lequel mettre en exergue tellement ces disques font partie de ce qui s’est enregistré de meilleur dans les années 70. Follement énergique, la musique de Sparks se démarque par des envolées d’un lyrisme sublimé par des mélodies indéfinissables portées par une voix reconnaissable entre mille. Chaque chanson est une ritournelle diabolique, un univers en soi. Quelque part entre le Berlin de Cabaret, le Los Angeles des Beach Boys, le New York des Dolls, le Paris de l'Opéra, existe Sparks. Accrochez vous à la rampe, le Roller Coaster est violent.



Big Beat et Introducing Sparks marquent le retour du duo aux USA, si le premier est ce qu’ils ont gravé de plus Rock, ce qui avec eux n’est pas synonyme de plus ordinaire, le second témoigne de l’essoufflement de la formule.

Retour en Europe pour les frangins qui s’acoquinent avec Giorgio Moroder le temps de deux albums Number 1 in heaven et Terminal Jive. Ceux là faut être né hier pour ne pas les connaître. Deux grosses gifles, deux épures du son Sparks, avec synthés cinglants, rythmes assassins et toujours ces structures à faire tourner la tête. Et un hit, énorme, un classique, un machin qui met instantanément le sourire aux lèvres, When I’m with you


Aussi faux jumeaux que le sont les frangins, les deux albums de 1979 et 1980 sont à classer au sommet de la pile, l’énergie est là, le grain de folie plus encore qu’à l’habitude, le mixage de Moroder, les tourneries synthétiques, les mélodies entêtantes, tout concorde dès Tryouts for human race (qui évoque la course folle vers l'existence des spermatozoïdes lancés vers l'ovule) placé en ouverture des débats sur le prodigieux N°1 in heaven et qui résume à la perfection les nouvelles ambitions du duo. De l’incalculable nombre de groupes qui tentèrent l’aventure Electro/EuropeanDisco/Dance aucun ne réussira l’osmose comme les Sparks le firent. Dans le registre, je ne vois que Klaus Nomi qui a été aussi impeccable de justesse dans le dosage. N°1 in heaven et Terminal Jive serviront de modèles pour la New Wave en gestation et rien de ce qui figure au programme n’a pris une ride.




Dix ans après leur premier disque, les Sparks sont toujours au sommet de leur créativité et pour fêter ça s’offrent un nouveau hit avec Funny face sur Whomp that sucker. On est en 1981 et la gueule de bois pointe son nez. Sans être mauvais, les disques suivants vont principalement surfer sur la vague Pop Dance sans trop se casser la gnognotte. Il y aura encore quelques tubes, Cool places en duo avec la délicieuse Jane Wiedlin des Go-Go’s et bien sur l’irrésistible Singing in the shower avec Les Rita Mitsouko mais globalement le duo est en roue libre tout au long des années 80. Et quasiment silencieux toute la décennie suivante. Rideau.



Puis, allez savoir pourquoi, voila qu’en 2002 parait Lil’ Beethoven, un drôle de disque,  austère, dépouillé mais chiadé. Un truc à vous coller trois tonnes de Blues sur les épaules mais vers lequel on revient sans trop comprendre pourquoi. Les frangins ont laissé au vestiaire les rythmes Dance, d’ailleurs il n’y a plus aucune rythmique, tout n’est que piano, violons, harmonies vocales. Tout ou presque, puisqu’au détour de Ugly guys with beautiful girls on retrouve nos Sparks de Propaganda. Étrange. Comme ce Wunderbra, alambiqué et cintré mais fabuleux à s’en cogner le crane contre le mur capitonné. Faites moi plaisir, téléchargez ce morceau et foutez le à fond les manettes. C’est plus de la musique c’est du terrorisme.


  
Depuis Terminal Jive, jamais plus Les Sparks n’avaient enregistré quoique ce soit d’aussi essentiel. Seul Plagiarism en 1997, pour lequel ils avaient réenregistré leurs propres classiques dans des versions démentes, m’avait fait tendre l’oreille, mais le fait est que ce Lil’Beethoven donnait à espérer. 


Ce n’est que quatre ans plus tard, en 2006, qu’ils refirent parler d’eux et cette fois plus de doute, ils avaient retrouvé leur muse. Hello Young Lovers est un sommet, moins autiste que Lil’ Beethoven, bien que dans la même veine, le disque est un ravissement de bout en bout. Ben merde alors, c’est quoi ce bordel ? Deux ans plus tard, l’affaire est entendue, Exotic creatures of the deep est leur meilleur album depuis des lustres, tout y est, le single qui tue en ouverture, Good morning (et son emprunt  au Miss Broadway de Belle Époque), la démesure, l’énergie, la créativité, l’originalité. Sparks éternel et inégalé.


Depuis, le duo a enregistré une comédie musicale pour une radio suédoise, The seduction of Ingmar Bergman, pas le genre de truc par lequel faire connaissance avec le sujet, je vous l’accorde. On est clairement plus proche de la démarche d’un Lou Reed avec The Raven que d’une collection de hits singles. La musique de deux mecs dont l’ambition n’est plus de garnir leurs comptes en banques, plutôt de prolonger une aventure commencée il y a maintenant un sacré bail et que quelques uns encore dans le public prennent plaisir à poursuivre avec eux. La tournée piano/voix Two hands One mouth a démontré si besoin que Russell chante toujours aussi juste et l’impeccable live qui vient d’en être tiré confirme tout cela. Sparks ne vise pas les stades. 


On en est là, avant les fêtes est paru le coffret, 5 cd bien fourni en Nouvelles musiques pour amnésiques, célébrant quelques quarante années de carrière et visiblement l’envie d’y mettre un terme ne pointe toujours pas à l’horizon. Quoi dire ? Les bonnes nouvelles sont rares, apprécions celle ci, vieillir avec élégance peut aussi s’appliquer aux excentriques.

Hugo Spanky


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