vendredi 29 octobre 2010

TWo ToNE

La parution en France du bouquin du bassiste des Specials, Horace Panter (Rudie pour la vie) donne l'occasion à 7red de nous causer de Two-Tone. Et de pas mal d'autres trucs au passage.


Fin 70 l'Angleterre vient de se faire secouer, retourner, malmener, sa jeunesse grogne
mais bouge aussi. Ça c'est appelé le Punk-Rock, une explosion !
J'vais vous entretenir de sa déflagration
C'était quoi le Punk ?
Y'en a marre de ces gros groupes avachis qui rabâchent depuis 15 ans. Y'en a marre des virtuoses de la branlette acoustique. Y'en a marre de ces cons qui vous vantent les bienfaits de la Californie alors qu'on coince sous un climat humide et misérable.
 
C'était surtout "Bouge ton cul". N'attend pas que des croulants de quarante ans, les poches et les narines pleines, parlent de toi, pour toi. Reste pas là à chouiner, sors toi
les doigts du cul et fais le. 
Do It Yourself !
C'est en ça que le Punk Rock à été important, une explosion, Boom la grosse porte fermée, cadenassée de la culture et je dis exprès culture parce qu'il s'agit pas que de musique. L'écrit, la poésie, le cinéma, les médias. Internet est ce qu'il s'est fait de plus Punk depuis 77 !
Exprime toi, par toi même. Avec tes influences, tes envies.
Qu'est ce qu'Elvis Costello, Vic Goddard, Joe Jackson, Jim Jarmush, Tarantino
ou les Specials ont à voir avec le Punk ? Tout.
 
Sans cette explosion peut être qu'on mangerait aujourd'hui du sous yes et autres pink floyderies. Déjà que la musique est redevenue un bizness à par entière, avec quelques
grandes marques de lessive pour méninges qui fabriquent, distribuent et assomment de leur produits les cons-somateurs, qui se régalent de becter le grain qui leur est jeté.
De 76 à 80 on a au moins profité de ça. Un feu d'artifice de la culture, dont la
musique. 


Dans les banlieues toutes tristes de l'Angleterre, d'un seul coup s'est élevé une fouletitude de sons, de voix. Du coté de Coventry, banlieue de Birmingham, une équipe de joyeux lascars, qui depuis 77 grattouillent leurs instruments, arrivent à maturité.
En 79, sur leur propre label, Two-Tone, sort ce qui va jusqu'en 81 s'appeler le
Revival Ska.
 
Two-Tone, Noir et Blanc, Temps et Contre Temps. Le tempo magique de la Jamaïque exilé sous le crachin britannique.
Ce groupe, The Specials, se retrouvera vite devant une évidence. Ce gout pour le Ska et Rock steady Beat est partagé par un bon nombre d'autres groupes. Le label Two-
Tone en devient la référence.


 Les banlieues anglaises sont identiques aux nôtres, brassage de population, partage de l'espace avec d'autres cultures, d'autres tempos. Mais en Angleterre, la Musique, les gens ne se contentent pas de l'entendre, ils l'écoutent. Ça mènera de jeunes émigrés ou fils d"émigrés jamaïquain à côtoyer et s'investir dans la musique des jeunes du coin, quel qu'elle soit.
 
 Don Letts, jeune Dread, DJ dans un club ou jouaient les groupes Punk de 77, est une encyclopédie et une pièce maitresse du rock anglais de ces trente dernières années.De la même façon, nombre de jeunes british n'ont jamais dissimulé leur passion pour la musique de l'ile aux pirates. Pièce de mythologie de la couronne.
Le label Two-Tone sortira quelques singles avec un groupe par face puis, début 80 verra tomber le premier trente d'une tapée de groupes.
The Specials, The Selecter, The Beat , Madness, The Bodysnatchers, Bad
Manners, Rico
(déja une figure du ska jamaïquain. Ce Tromboniste de talent émigré en Angleterre participera à pratiquement toutes les sorties du label, dont il enrichira le catalogue de deux superbes albums).
En réponse à la dureté de l'époque, élection d'un triste vampire réac, margret "dame de fer" thatcher, (le sarko n'est qu'une danseuse à coté) le Rock anglais, "politisé" par le Punk, porté par des mouvements civiques, Rock Against Racism, mouvance anti apartheid, s'ouvre aux influences extérieures. Les groupes Punk tomberont des Reggaes d'anthologie, Clash, Stiff Little Fingers, Ruts ou les Members, les groupes Two-Tone eux adopteront directement comme moyen d'expression le Ska.
Donnant à la chose un coté plus électrique, urbain. La contestation du Punk sur des Riddims dansant, sautillant.
Rude Bwoy sauce anglaise, l'attitude, le look en sont tout droit sorti. La musique elle, chaloupe et cause.
A leur tour ces p'tits gars font part de leur envies, leurs frustrations, leur temps. Une révolution en deux teintes, à contre-temps. Le premier album de chacun de ces groupes, tous sortis en 79/80, propose un Ska, certes un peu raide, pour tout amateur de Prince Buster mais vivifiant. Faut remettre les choses dans leur contexte. Tempo, sonorités pratiquement inconnus à nos oreilles à l'époque. Les groupes Two-tone nous collaient dans la face un Rock aux rhythms de balloche, cuivré, entrainant, sautillant. Des lyrics toujours contestataires, scandés, répétés, renvoyés entre chanteur et toasteur et tout ça en direction du public, de la
danse.

 Une montagne de Hits en sortiront ; "Gangster","Monkey Man","A Message to you Rudie" des Specials, "On My Radio","Too Much Pressure" des Selecter, "FattyFatty","Inner London Violence" de Bad Manners, "Tears of a Clown","Ranking Full Stop" de The Beat, "The Boiler","Rudder Than You" des Bodysnatchers et "One
Step Beyond
","Night Boat to Cairo" de Madness.

 
Le second album de tous ces groupes a en commun un éloignement des plans Ska "tigulop" pour des morceaux toujours pêchus mais beaucoup plus travaillés, construits sans pour autant être chiants. Clin d'oeil au Rhythm & Blues, Soul, original Rock Steady ou tout simplement Pop.
Ce revirement vers une musique plus conventionnelle, Rock à influence, sonnera la fin de la vague Two-Tone et de la plupart de ses groupes.
  
The Beat signera un excellent troisième et dernier album ainsi que les Specials, reformés des membres de différents groupes sous le nom de Special AKA.
Seul tireront leur épingle du jeu deux groupes. Bad Manners, devenu une grosse fanfare ska, jouant malheureusement trop souvent pour un par-terre de rasibus pour qui dans Noir & Blanc il y a un mot de trop, et Madness. Groupe à part depuis le début, Madness, bien qu'étant un groupe du Revival Ska à part entière, le groupe à toujours été une sorte de Monty Python musical.
Toujours grand guignol et très anglais, refusant toute approche politique, à une époque ou un groupe se jugeait aussi sur ce critère, pourrit par le national front qui avait trouvé en ces p'tits gars "apolitiques" et tous blancs, contrairement aux autres groupes labellisés Two-Tone, d'excellent leader d'opinion, Madness a su suivre sa
carrière et la ponctuée de trés bon disques. Le "Keep Moving" de 84 est une très bonne gifle. Ska, Gospel, Soul et Pop. un disque très frais à découvrir ou
redécouvrir.

Ce sera aussi le dernier album du groupe d'origine. Le départ de l'organiste "Mr Barso" et visiblement garant du grain de folie du groupe, plongera celui ci dans une
mélancolie qui s'étalera sur encore deux albums, pas inintéressant mais à mille lieux des productions du groupe.
 
  
La déflagration du Punk ça a été ça !
Jouer, jouer ce que tu veux, ce qui te plait, Two-Tone n'a pas révolutionné le Rock, il a apporté sa touche. Ouvrant les oreilles à pas mal de monde sur autre chose, permis à
des lascars voués à une vie de tourneur fraiseur, voir de tourneur chômeur de s'exprimer.
Ces groupes, aujourd'hui encore plus ou moins sur scène, ne sont plus qu'une pale imitation d'eux même. Il reste malgré tout une bonne poignée de disque de ces groupes Two-Tone, pas compliqués ni onéreux à trouver. 
Au milieu du vide de ces dernières années, ça vaut le coup de se les payer. 
Tigulop !
 

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