Précédé d'une
sulfureuse réputation, Hollywood babylone arrive enfin en France dans
une édition abordable, plus de 50 ans après sa première
publication. Le livre signé Kenneth Anger souvent dépeint, à tort,
comme l’ancêtre de la presse people dont il relate partiellement
la naissance, dresse au travers d'une trentaine de portraits, parfois
bâclés, le portrait du Hollywood de la première moitié du 20eme
siècle et, en creux, celui du comportement humain lorsque
s'acquièrent le pouvoir et la fortune qui va avec.
Dès sa création, la
ville du rêve vira au cauchemar pour toute une série de nymphes
venues dans la luxuriante Californie avec nombre d'espoirs de
lendemains qui chantent. En lieu de quoi, elles y connaîtront la
déchéance, la mort et l'humiliation. Réalisateurs sensibles au
charme de l'adolescence (Charlie Chaplin) acteurs aux tendances bien
éloignées de l'image de tombeur de donzelles qui fut la leur
(Rudolph Valentino) et actrices voraces vont faire bon ménage sous
l'autel de la débauche. Jusqu'à aller trop loin tel Fatty Arbuckle
qui dans une de ses nombreuses nuits d'ivresse finira par commettre
l'irréparable en honorant d'une bouteille de champagne visiblement
trop conséquente l'intimité de la pourtant très ouverte Virginia
Rappe. Je sais, c'est d'un goût douteux que de présenter l'affaire
ainsi, mais le jury du procès ne sera pas d'un meilleur goût en
acquittant prestement ce saligaud de Fatty.
Cette affaire, tristement
peu exceptionnelle dans le contexte hollywoodien d'alors, sera
l'occasion pour l'ordre moral de faire son entrée en scène,
certainement pas pour le meilleur, assurément pour le pire. Dès
lors l'hypocrisie sera la règle ultime, un code de bonne tenue est
établi, premier pas vers ce qui mènera à la chasse aux sorcières.
Il en résultera une cascade de suicides, de carrières ruinées et
surtout la mise en place d'une corruption systématique de la classe
politique et judiciaire. En voulant jouer les monsieur propre la
bonne conscience américaine venait de créer le monde moderne, celui
des affaires étouffées, de la négation de la vie privée, du
chantage et de l'extorsion de fonds.
Welcome to the terrordome comme dirait l'autre.
Welcome to the terrordome comme dirait l'autre.
Parfaitement rédigé le
livre de Kenneth Anger se dévore avec délectation et sans sensation
de voyeurisme, les faits, à quelques rares occasions contredits par
des révélations plus tardives tout aussi invérifiables, nous
entraînent dans une ambiance proche du Daliah noir et de L.A
confidential de James Ellroy.
Petites chéries sous
héroïne, camisoles de force ou farces grotesques chaque fait-divers
lève le voile sur les pratiques immondes auxquels peut se livrer
l'être humain dès lors qu'il se sent habité par une sensation
d'impunité et de toute puissance. Les femmes en seront, comme à
l'accoutumé les principales victimes tout en s'octroyant le droit
d'en demander toujours plus. Multiplication infini des amants, drogue
à tous les étages et alcool coulant à flot malgré la prohibition,
chacune d'entre elles se noie dans sa propre inconséquence.
Parfois
plus tristement que d'autre.
Seul le temps rendra justice à ces légendes d'opérette, sauvant de l'oubli sans discernement l'une plutôt que l'autre et fera que si aujourd'hui encore on se rappelle de Lupe Velez, son fatal gigolo est, quant à lui, depuis bien longtemps passé aux oubliettes.
Une exception au milieu
de ces portraits exclusivement hollywoodiens, Bugsy Siegel, avant
gardiste s'il en est, lui qui avant tous les autres senti le fort
potentiel du business des loisirs et viendra dès la fin des années
trente relever des compteurs qui lui permettront d'entreprendre la
réalisation d'un autre rêve américain taché de rouge sang, Las
Vegas.
Édité par la petite mais grandissante maison Tristram, Hollywood babylone, offre pour 11 petits euros la confirmation qu'un fruit pourri aura toujours raison du panier tout entier.
Hugo Spanky
Ce qui me gène avec ce livre c'est que Kenneth Anger déboulonne -à juste titre- les commères hollywoodiennes (Louella Parsons en prend pour son matricule) et la presse à scandales de l'époque alors qu'à plusieurs reprises il use de leurs procédés(ses propos sur Clara Blow notamment). Mais bon, au final, il faut bien reconnaître que son livre est effectivement plus une dénonciation des travers nauséabonds et meurtriers de Hollywood qu'un bête étalage de scandales. En tout cas, ce livre m'a donné envie de me pencher sur "Le nouvel Hollywood" de Peter Buskind qui, lui, traite du milieu du cinéma des années 70 (Coppola et consorts)et qui, paraît-il, vaut également le détour.
RépondreSupprimerJe me doutais bien que cette Clara Bow ne te laisserait pas indifférent. En avant pour le nouvel Hollywood, reste hélas que les Coppola, De Palma, Cimino et compagnie s'en sont fait éjecter, au final le nouvel Hollywood ressemble fort à l'ancien, certaines choses ne changeront jamais même avec la meilleure des volontés. Pour ce que j'en sais c'est l’Amérique du sud qui a récupéré Francis le grand tandis que la machine à moudre les talents reste ce qu'elle a toujours été, un lupanar.
SupprimerHugo
... avec un sacré nuage de poudre en guise de déco!
SupprimerSuite à ton papier, j'ai essayé de me le procurer mais déjà et épuisé et en réimpression. Ca m'a l'air passionnant en tous cas.
RépondreSupprimerDéjà épuisé ? Ça doit être l'effet Ranx Ze Vox, comme tu vas pouvoir le vérifier bientôt ;-)
SupprimerLa maison d'édition est à Auch et ils impriment à Barcelone, une affaire locale. Doit y avoir moyen de les brancher mais j'ai pas réussi à trouver une adresse mail pour les contacter. J'ai quelques idées à leur soumettre de machins à traduire, je vais persister.
Sinon pour en revenir au bouquin, il se lit comme on écoute un single, c'est parfait.
Je vais m'attaquer à l'autobiographie de Pete Townshend dès que je finis un pavé sur Liz Taylor auquel je me suis attelé après celui sur Richard Burton (complétiste un jour...)
Hugo
Attention ! Des historiens du cinéma (Pierre Achard, "Boulevard des crépuscules", livre de poche), des enquêteurs et des spécialistes de la "contre-culture" US ont mis en garde les lecteurs européens: plusieurs éléments rassemblés par K. Anger dans son livre sont exagérés, réinventés ou présentés de manière à provoquer le scandale. A manier avec précaution, tout n'est pas vrai dans cet essai culte parce que volontairement trop sulfureux.
RépondreSupprimerDans le Rock&Folk de juin, Philippe Garnier consacre un papier à cette réédition. Il trouve ses films formidables mais rappelle que l'homme est un fichu mythomane et qu'il faut donc (re)lire "Hollywood Babylone" avec une distance critique. (Je ne savais pas qu'il avait été l'assistant de Langlois durant douze ans à la Cinémathèque.)
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