J'aime pas les Live. Combien de fois j'ai entendu dire ça ? Si on m'avait payé un verre à chaque fois, j'aurais chopé une cirrhose. Il est donc possible et raisonnable d'être amateur de Rock et de ne pas aimer Live at Leeds et Get Yer Ya-Ya's Out ? Ne pas aimer les Live, en bloc, c'est aussi con que de ne pas aimer les albums Studio ou les Homemades ou les Mobile records ou les Château d'Hérouville. Quand ça le fait pas, ce ne sont pas les Live qui sont mauvais, ce sont les groupes.
Parfois même des groupes qu'on adore et qu'on regrette, malgré tout, de n'avoir pas vu en concert. Prenons Clash, deux Live officiels sont dans le commerce, nazes les deux. En les écoutant, on a l'impression de regarder passer les trains. Plutôt que d'officialiser un bootleg sanguinolent qui aurait fait le bonheur d'une poignée d'acharnés, Sony nous a refilé un concert de fin de parcours, un best of au son ronflant dans la sono des Who, mais avec un groupe qui joue en mode automatique. L'anti-thèse même du véritable disque Live. Pire, un concert SANS Topper Headon. Autant dire Clash sans
l'aventurier du lot. Le jazzeux de la bande, celui qui transformait les
enclumes en vols planés. Et un Live sans aventure, ça ne peut pas être
bon. Pourtant ça devait être beau de voir Clash sur scène, rien que de les voir en photo c'est beau. Mais une fois couché sur la cire et retranscrit dans mon salon, bernique. On ne voit pas les cordes qui sautent quand Strummer fait ses pompes, on ne voit pas la mèche de cheveux qui tombe sur le regard ténébreux du Paulo, pendant qu'il joue White riot tandis que les trois autres en sont à London's burning.
Une fois les spotlights éteint, la sono rembarrée dans le semi remorque et le coup de balai passé sur les canettes vides et les mégots, une fois qu'il ne reste plus que le diamant sur la wax et vous en face sur le canapé, il vaut mieux que le concert capté ait offert son pesant d'aventure musicale doublée d'un minimum de panache dans l'interprétation. Le disque Live ne pardonne rien. C'est bien pour ça qu'ils mettent aussi longtemps à sortir. Le seul qu'on peut pas accusé d'avoir triché, c'est Toots Hibbert. Enregistré le soir à l'Hammersmith, pressé dans la nuit, son album Toots Live de 1980 était en bacs de Londres dès le lendemain matin.
Mais enterrer tous les Live parce que quelques uns de nos chouchous n'ont pas été à la hauteur ? Non. Il existe trop de
contre-exemples. Il existe même des groupes qui n'ont été bons que le
temps d'un Live. De ceux que le studio intériorisent, des qui ont besoin
de s'oublier dans l'odeur de la sueur, les hurlements de la foule pour
se lâcher totalement. Les meilleurs Live sont ceux des années 60/70,
quand les mecs réinventaient carrément leurs chansons pour la scène,
s'autorisaient à improviser, à tordre le cou des hits calibrés à 2mns30
pour les radios mais qui devenaient des moments épiques, des chevauchées
fantastiques, une fois joués en concert. C'est ce moment d'osmose
qu'arrivent à choper au vol certains Live miraculeux. Un Live, c'est un
fait de société en plus d'être un moment de musique vivante.
Tout ça, c'était avant que les groupes ne s'aperçoivent que les fans deviennent hystériques rien que de les voir prendre la pose. Peu importe ce qui sort en façade. On peut remercier les punks pour ça. En voila qui misaient tout sur l'attitude, rien sur l'accordage. Tout le monde peut le faire. Et oui, ce que tu fais, tout le monde peut le faire. Ce que faisaient les Thin Lizzy ou le J.Geils Band, ça limite déjà un peu plus le nombre de gonzes susceptibles de s'y coller.
D'ailleurs les Live sont morts dans les années 80, avec
l'arrivée des playbacks. Plus aucune utilité de sortir un Live, vu que
c'était pareil en concert qu'en studio. Comme ça t'es pas emmerdé. Y a
bien eu l'exception Bruce Springsteen pour, enfin, s'y coller
mais c'était même pas un Double Live colérique, outrageux et
tire-larmes. Une rétrospective qu'il nous a pondu. Un putain de
Quintuple Live ! Mais bon, c'est le Boss. Il fait ce qu'il veut.
Finalement, une fois de plus, sur qui on peut compter de nos jours pour ressusciter les traditions et transmettre le foutu message ? Hein ? Ben oui, je sais que je vous le radote tous les six mois mais il ne reste que Public Enemy ! Les seuls en piste. Et c'est pas une piste cyclable, plutôt le genre de macadam pour Dragsters à kérosène. Mazette, planquez-vous aux abris, Public Enemy Live from Metropolis Studios, c'est pas du trafiqué pendant six mois en studio, comptez pas qu'ils nous aient épargnés quoique ce soit de la tranche de barbarie qui leur tient lieu de concert. No overdub ! Ils n'ont pas eu besoin de le marquer sur la pochette, on le comprend vite. Un bonheur.
Je vous l'ai déjà dit mais au cas où, je répète : Ça fait des lustres que Public Enemy ne se trimballe plus sur scène avec un sampler et une paire de platines, depuis 2002 ils ont un groupe, un vrai. Un qui fait du raffut, qui fout des taches de sauce tomate sur les chemisettes. Dans le lot, il y a Khari Wynn, guitariste de Memphis, Tennessee, fils de Ron Wynn, un écrivain spécialiste du Jazz et de la Soul, une pointure qu'à pas dû éduquer son fiston en lui faisant bouffer du branleur de manche qui fait tout à l'épate. J'imagine. Parce que quand on l'entend piquer en vrille sur Black steel in the hour of chaos, c'est Band of Gypsys qui vient à l'esprit. Ou le Carlos Santana incandescent de la période Lotus. Quand il lâche ses riffs sur Fight the power/Soul power, c'est l'esprit de Catfish Collins qui est à convoque. Khari Wynn, c'est le genre de guitariste qui ne se dégonfle pas quand Chuck D l'invoque pour rendre hommage aux trois King, Freddie, Albert et B.B sur une version de Harder than you think qui nous arrache des hurlements d'extase à Milady et moi, le son de l'auto radio à la toque, trépanés que nous sommes par la puissance de feu de ce disque dévastateur. Et j'exagère même pas.
Deux mois à peine après un nouvel album studio, Man Plans God Laughs, à classer parmi leur plus époustouflantes réussites, Public Enemy sort ce double Live capté l'été dernier à Londres, témoignage vivant d'un groupe qui refuse de rendre les armes. Mieux que de continuer d'exister, Public Enemy continu d'avancer, de créer. Faut entendre, Chuck D et Flavor Flav s'invectiver sans cesse, superposant leurs flows, haranguant sans répit un public tétanisé par tant d'énergie déversée. Public Enemy en concert, c'est le Vésuve sous amphétamines. Hoover music, Bring tha noise, Shut 'em down façon bulldozer dans ta gueule, certes. Pourtant, ce n'est pas juste ça. Public Enemy sait aussi taquiner le groove jusqu'à la transe. Faut se ramasser I shall not be moved derrière les oreilles pour comprendre.
Et il faudrait que je vous décrive comment DJ Lord décapite les casquettes à coup de scratchs incessants tandis que la machine tourne à plein régime. Non, pour de vrai, Public Enemy en 2015 c'est mieux que le passé ou le futur, c'est l'actualité du Rock tel que plus personne ne sait le jouer. A en hurler sous la lune, réalisant qu'au milieu des démissionnaires de tous crins, il reste toujours une poignée de furieux animés par la foi. Même John Fogerty a pigé ça !
Public Enemy Live from Metropolis studios existe en double vinyls, en dvd, en blu ray et en cd. Et y a même une édition DeLuxe qui regroupe tout ça dans une belle pochette à trois volets.
Un vrai double Live carnassier pour la rentrée. Sans déconner.
Hugo Spanky
Combien de fois moi aussi j'ai dit que j'aimais pas les lives, tu me feras un devis ;) Mais t'as totalement raison, c'est pas du live en lui même dont il faut se protéger, c'est effectivement de qui joue. Le premier que j'ai acheté par exemple, c'était le Live Bootleg d'Aerosmith. Il est un peu kitshou, mais je l'adore. Et c'est après quand j'ai acheté des live des Stooges ou du même acabit, c'était vraiment de la bouillie, et pour moi, fini les lives. Et puis, je me disais aussi que si j'avais pas vu le groupe en concert, c'était un peu vivre par procuration, alors j'aimais pas trop cette idée..
RépondreSupprimerMais enfin, je dois quand même avouer que d'un live de Fleetwood Mac, des Stones et plein d'autres encore, il en découle des moments de magie et de grâce exceptionnels. Et celui de Public Enemy est absolument fantastique. J'avais pas remarqué à quel point ce guitariste était funky et pour le coup c'est bien ce dernier live qui me l'a révélé.
Serait-il possible que tu rajoutes dans ta liste : le Peter Frampton Comes Alive, le KISS Alive, le Status Quo Live de 77, le Metallica S&M, le Unleashed in the East de Judas Priest, le Rock 'n' Roll Animal de Lou Reed, sans oublier le légendaire Made in Japan de qui tu sais… ;-)
RépondreSupprimerEt Strangers in the night de UFO !
SupprimerKiss Alive, j'étais à deux doigts de le citer mais ça me faisait un papier un poil trop long avant d'en arriver au sujet véritable de la chronique, déjà qu'elle est un peu deux en un cette affaire. Mais, oui, comme groupe dont le live surpasse allégrement les albums studio, Kiss est un parfait exemple. Judas Priest au moment de Unleashed in the east en est un autre. Eux ont commencé à être valables en studio au moment du fabuleux Point of Entry (même si Sad wings of destiny est une perle rare).
Entre ta liste, celle de Harry Max, celle de Sylvie et la mienne, on ne peut que constater une chose, on veut du live !!!! Du vrai, du qui dégouline.
Hugo Spanky
... et le Love you live des Stones, Live in Dublin de Bruce, Songs in the attic de Billy Joel, Stage de Bowie etc. etc.
RépondreSupprimerPas de religion sur les LIVE, le Clash m'a d'autant plus déçu que je ne m'attendais pas à un truc plus "studio" que certains albums. Sinon? Même sur le ovedub je ne crache pas, il reste juste la sensation de s'écouter un bon disque. Zappa n'héitait pas dans ses notes de pochettes d'expliquer ses ajouts en studio, OK, en voilà un autre qui fait comme il veut. Et le Blue Oyster Cult, pareil, résultat comme j'aime.
RépondreSupprimerReste à te suivre sur ce coup là, inattendu un live de ce groupe et de ce que tu en dis, et tu as bien fait, je ne m'y serais pas frotté.
Un poil hors sujet, juste un poil, dans le métro une affiche annonçant les Niggers With Attitude. Une chouette photo, classique mais chouette. Alors pourquoi l'accroche "Le groupe le plus dangereux du monde.." ça te tue une réputation.
Bon, alors cette histoire de la promo pour le film sur NWA, c'est franchement n'importe quoi. J'en pouvais plus l'autre jour d'entendre Olivier Cachin déblatérer ses habituelles conneries. Le mec attribue à Ice Cube ce qui revient à Dr Dre puis, tant qu'à y être, à NWA ce qui revient à Ice Cube en solo (le militantisme, parce que ce que NWA a amené au rap c'est plus les histoires de putes dans les piscines et de deal dans les rues que les discours de Malcom X).
SupprimerGlobalement, tout ce dont la promo se sert pour vendre le film (dont j'imagine qu'il est bien, dans la mesure où le réalisateur est celui du Be Cool avec John Travolta) revient en fait à Public Enemy ! C'est eux qui ont fait trembler le gouvernement au point de se retrouver le FBI au cul et c'est leur refrain qui annonça au plus proche les émeutes de L.A : Burn Hollywood burn !
Cachin sait cela aussi bien que moi mais voila encore un exemple de l'attitude générale de la presse française qui flatte dans le sens du poil du moment que ça permet d'exister. Et peu importe la véracité et peu importe la crédibilité tant qu'on peut gratter quelques minutes de visibilité à la télé.
Ceci dit si tout ça peut donner envie d'écouter Straight out of Compton et plus encore Niggaz4life, tant mieux. Et surtout Public Enemy, Ice T, Grandmaster Flash, Tone Loc, Kid Frost, Third Bass, EPMD, Wu Tang Clan, Brand Nubians, Run DMC, Heavy D and the Boyz, KRS One, Gangstarr.....
Toute une putain d'histoire d'une richesse incroyable qui va du Breakdance au Graff en passant par les DJ et les MC's, tous ces dingues de la bricole qui, avec un fer à souder et trois tonnes de démerde, ont su créer un genre qui l'espace d'une décennie à donné véritablement la parole à ceux qui ne l'ont jamais. Les vrais enfants d'Elvis Presley ce sont eux.
Lisez Can't stop, won't stop de Jeff Chang, paru aux fantastiques éditions Allia, vous serez sur le cul. Le Rock'n'Roll n'est pas là où on veut nous le faire croire.
Hugo Spanky
Pour les amateurs de musique-qui-fait-du-boucan-en-public : demain, je poste une compile sur ce sujet ! :-)
RépondreSupprimerPrésent !
SupprimerHugo Spanky
Yo.
RépondreSupprimerMoi j'adooore les disques Live et surtout, surtout, les écouter dans leur intégralité.
Le meilleur de tous c'est Modern Lovers Live mais ça y a que moi qui y crois...
... quant au Clash, vu pendant la tournée Sandinista, je te confirme : qu'est ce qu'ils étaient beaux !!
C'est pendant la tournée Sandinista que je regrette le plus de les avoir raté. Ils avaient enfin un répertoire aventureux et s'autorisaient à faire autre chose qu'allumer des incendies. Quelques bootlegs font de bons témoignages de ce moment là du groupe et c'est sans hésitation ce que j'aurai choisi d'officialiser plutôt que le shea stadium (ou ce somnifère de From here to eternity).
SupprimerMais bien sur il aurait manqué au tracklist leurs plus gros hits, Rock the casbah et Should I stay, ce qui aurait été considéré comme une aberration du point de vue mercantile....
Le live des Modern Lovers, je le connais pas mais je vais tacher de le dégotter, j'ai une inconditionnelle du groupe à mes côtés, ça va me faire marquer des points. )))))
Hugo Spanky
Yep, 4 mai 81 (je viens de vérifier ça...) Palais des Sports de Bdx, je crois qu'il n'existe plus, Pearl Harbour & The Explosions en première partie. J'ai focalisé sur la musique et le groupe, me semble bien toutefois qu'en toile de fond y avait des images/vidéos de Don Letts.
SupprimerOh, by the way, ''this is a brand new shirt!" :
http://www98.zippyshare.com/v/COkwavSe/file.html
Score man, score !
Merci pour le Modern Lovers. Bon,c'est vrai que c'est très...enfin...comment dire...euh....j'ai pas trop marqué de points, en fait ))))
SupprimerMais merci.
Hugo Spanky
Ha ha ! Merci Everett ^^
SupprimerC'est vrai que ce live, t'as l'impression qu'il sort d'un petit salon qui sent la tarte à la rhubarbe ;))
Ah ça je vous avais prévenus, je suis seul sur le coup à trouver ça génial ... Je persiste !
SupprimerJ'ai même presque envie de pleurer à chaque fois à la fin, d'abord parce que c'est la fin et ensuite parce que le morceau est magnifique.
Non mais je l'aime aussi ;)) C'est juste que ça fait bizarre, l'autre jour j'ai écouté Rock'n roll with J. Richman & The Modern Lovers, un album que j'aimais grave, mais je trouve qu'il a prit un sacré coup de vieux, comme ce concert en fait. Pourtant j'aime toujours autant le premier, et un autre qui doit être une compilation en fait, je le retrouve pas sur le net (noir et blanc avec un gros cœur bleu).
SupprimerEh, moi quand je vois Live Bullet, je deviens fou.. c'est MON live de tous les temps.. terrible, année charnière pour le Bob. Même son live ne sera pas de cette auteur là.
RépondreSupprimerMoi, le seul soucis que j'ai avec les albums live, c'e sont les simples.. genre Get yer... comme un best of frustrant.. des live de 40 min ça existent pas. Y'avait le "Moving" de Mayall..absolument génial avec des cuivres..mais en version simple. "Nos forces motrices" de Dominique A aussi.. dommage. Quant au sublime "Band of gypsys" de Hendrix, il est où le 2eme..Un bon live c'est faces avec double pochettes.. Fleetwood Mac 80, "Just one night" de Clapton, "Live tapes" des BJH...
Pas mal de concerts inédits sont ajoutés aux réédition Deluxe et ça c'est bon.
...même son live suivant 1980 ;D (pour Bob Seger)
SupprimerJe pige ta frustration, c'est vrai qu'un live qui se respecte se doit d'être double. Mais il y a des exceptions, Live at Leeds en version complète Deluxe perd de son mordant ravageur et If you want blood you've got it d'AC/DC ne peut être digeste que débarrassé des interminables branlettes d'Angus Young.
SupprimerLe Live Bullet de Bob Seger, c'est un peu la base du monde en matière de Live. Le genre de machin qui te fait jurer fidélité au chanteur. La claque que j'ai reçu quand j'ai entendu Turn the page la première fois m'a marqué à vie.
Nine tonight de 80 est bien aussi mais entre temps il avait appris à maitriser un studio et du coup les différences sont moindres.
Tiens, j'ai oublié de mettre celui de Bashung en photo, je vais tacher de corriger cette ignominie.
Hugo Spanky
Les "interminables branlettes d'Angus Young" seraient plus digestes s'il avait bossé des gammes plus exotiques en s'astiquant le manche. M'enfin, quand on était jeune on n'était pas aussi exigeants.
RépondreSupprimerMerci pour l'article, qui fait bien le tour de la question, de mon point de vue de quinqua.