mardi 3 janvier 2023

JaMeS BRoWN


Où en est-on avec James Brown ? Trente ans après que Good Morning Vietnam a jeté I feel good en pature. En reste t-il autre chose que des gimmicks mille fois ressassés ? Des cris, des beats, des riffs de cuivres, de basse pillés sans scrupule. L'oeuvre de James Brown est aussi énorme que diffuse, au delà des compilations qui répètent plus ou moins largement la même tracklist, il est bien difficile de désigner quel album la résume au mieux, l'incarne au plus fidèle. Les périodes se distinguent, chacune avec ses caractéristiques et ses sommets, aucune ne s'impose au détriment d'une autre, leur continuité est faite de brusques changements sans gestation. Jamais James Brown ne regarde en arrière, les classiques qui perdurent sont revisités, réinventés, malmenés. A d'autres la nostalgie ! 

Les sixties sont consacrées aux singles, James Brown en dresse une collection impressionnante que les albums se contentent de compiler en étoffant avec des choses plus ou moins bizarres, sur Soul on top il colle des cuivres swing au Cheatin' heart de Hank Williams, fallait oser, il l'a fait, tandis qu'ailleurs il s'amuse avec son orgue ou se rêve en crooner paillettes à Las Vegas. N'empêche que la liste des hits file le tournis. On se la tente ? Please please please, Try me, Lost someone, Think, Good good lovin', I'll go crazy, Bewildered, Night train, Shout and shimmy, I don't mind, Prisoner of love, Out of sight, I got you (i feel good), Papa's got a brand new bag, Let yourself go, It's a man's man's man's world, Cold sweat, There was a time, I got the feelin', Licking stick, Say it loud i'm black and i'm proud, The popcorn, Mother popcorn, Ain't it funky, Give it up or turnit a loose. En une décennie, là où, pour d'autres, toute une vie  ne suffirait pas.


Du Rhythm & Blues au Super Heavy Funk, James Brown va rendre plus massif à chaque étape un son dirigé vers l'hypnose, la sueur et le sexe. Guère de guirlandes psychédéliques chez Brown, tout aussi rarement que de rock ou alors dans les guitares de Just enough room for storage sur l'album instrumental Sho' is funky down here et si jazz il y a, c'est dans l'intention incommensurablement plus que dans l'exécution. On peut parler d'Afrique, de vaudou, de shaman, ce ne sont que des mots et les mots James Brown va en utiliser de moins en moins. Paradoxalement pour faire plus de boucan encore. A la manière de Miles Davis, ou Duke Ellington avant eux, il va se positionner en chef d'orchestre dictatorial, façonner ses formations en fonction de son but et non l'inverse. Qu'importe ceux qui claquent la porte, ne supportant plus réprimandes et sanctions, il les remplace aussitôt par plus performants. A l'arrivée des frères Collins, Catfish et Bootsy, il passe un cap et concrétise la formule la plus redoutablement sauvage du Funk. 1970 sera charnière, avec sa nouvelle formation il grave le double album Sex machine en quelques sessions live in studio, ajoute du public pour promotionner son show et change la face du monde sans plus de complication. En 1971, il atomise l'Olympia et laisse l'album Love Power Peace en témoigner, les enchainements sont assassins, millimétrés à couper le souffle, le répertoire est historique. La même année et la suivante il aligne des albums dont on bâtit les légendes, Superbad, Sho'is funky down here, Hot pants, There it isGet on the good foot et l'incandescent Funk power pour regrouper en versions ultra extended des singles éparpillés du calibre de Soul power ou Talkin' loud and sayin' nothing. Dieu lui-même se serait reposé pour moins que ça, James Brown se bourre de coke et enchaine par deux B.O de blaxploitation avant de clouer tout le monde avec The payback, le plus monstrueux morceau de funk qui soit. L'album du même nom marque un peu le pas, mais qui peut se plaindre d'un disque qui démarre par 7mns de groove barbare, sinon les pisse froids ?



Après ça, vous faites ce que vous voulez de votre temps, mais il y a tellement pire façon de le perdre qu'en misant sur des albums tel que Hell, Reality, Hot (dont le morceau titre est une impeccable pompe du Fame de Bowie et Lennonou Mutha nature, surtout que la suite est moins mirobolante. Pied au plancher, James Brown trace une voie en cercle concentrique, une tuerie d'emblée par disque et du remplissage plus ou moins ragoutant selon le degré d'inspiration. Le single Unity gravé avec Afrika Bambaataa surnage qualitativement et commercialement Living in America décroche la timbale sur la B.O de Rocky IV, mais rayon album c'est vaches maigres. Jusqu'en 1988 où il revient d'on ne sait où avec son 54eme album, I'm real, paru sur le label du mari de Sylvie Vartan, Scotti Bros. records auquel il restera fidèle jusqu'au bout. Si il y a des disques qui vous redonne la foi, I'm real est assurément de ceux là. Une bombe absolue qui revisite une fois de plus les fondations en les décapant à la chaux Hip Hop en compagnie du crew Full Force. Du début à la fin l'abattage est de mise. I'm real, le morceau, débine tous les candidats au titre, Static arrive juste derrière pour confirmer les dires, James Brown est seul et unique, les prétendants n'ont qu'à s'incliner et prendre leur mal en patience. D'autant que pour ce qui est de se saborder sans l'aide de personne, James Brown fait de l'ombre à Rick James et Sly Stone en finissant au trou l'année de son comeback, après une course poursuite avec la police, armé jusqu'aux dents et défoncé comme un terrain vague. Il en prend pour six piges, en fera deux, se relancera avec une tournée mondiale et un album insipide Love over-due auquel on peut aisément préférer Soul Session with Friends capté live en audio et en vidéo au Club Taboo de Detroit en compagnie de Wilson Pickett (le combat des chefs est de toute beauté), Joe Cocker, Billy Vera et Robert Palmer qu'il prend sans distinction plaisir à faire tourner en bourrique avant de s'octroyer une danse avec Aretha Franklin. On est d'accord qu'on est dorénavant dans l'anecdotique, mais quand il attaque How do you stop seul comme le grand qu'il est, je ne peux pas m'empêcher de replonger.

Hugo Spanky



7 commentaires:

  1. THE PAYBACK
    THE PAYBACK

    ...THE PAYBACK :D

    ...et bonne année, quel plaisir de vous retrouver!

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  2. Une belle occasion de parler de moi: grand moment me voici à la retraite et généralement ami.e.s, copain.pine.s (hoo si on peut plus ri.goler) et collègues félicitent (??) puis se demandent ce que je vais bien pouvoir faire. Je n'ai pas THE réponse mais déjà je te remercie de m'en donner une partie: Je vais écouter James Brown. Déjà. Un peu comme tu le racontes, d'abord quelques tubes, des évidences. "Good Morning .."?? Moi ce fut l'émission de Manoeuvre et Dionnet (crois-je?) SEX MACHINE ... et puis bien plus tard à force de fréquenter des loustics qui se battaient "Je ne te parle pas de SOUL, je te parle de FUNK" je découvre PAY BACK. Pas l'effet d'une claque, pas la bonne image, mais plutôt un placage au mur, puissant, calme... Tu m'as bien attrapé avec le final, un album d'invités que je presque vénère.
    A titre d'anecdote je garde l'image de James Brown poursuivi par les flics pour avoir menacé avec une arme un parterre de cadres en réunion dans un hôtel dont un membre avait utilisé les toilettes de son étage. Réalité? Légende? En tout cas palmares!!
    J'avais aussi oublié James Brown moustachu.
    Voilà et tu as vu pas un mot sur Elvis Costello...

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    1. Moustachu et arborant un décolleté que tu aurais pu oser pour honorer ton pot de départ. Je verrais bien Costello comme ça, tiens.
      Good morning Vietnam, parce que ça a été le point de départ d'une overdose d'I feel good. James Brown passait d'une chose désuète totalement inconcevable à une époque où Sylvester avait mué en Jimmy Sommerville à fond sonore pour vendre à peu près tout et faire passer une certaine idée du bonheur dans n'importe quelle comédie sentimentale.
      Tellement qu'on en gommait toute cette sueur, cette chair, ce gras à pailettes et strass exhubérant, ces mises en plis complètement folles. Ce mauvais goût hissé au rang de génie à la seule force de la volonté d'assumer. Heureusement que James a dégainé son flingue pour remettre le bordel necessaire au milieu d'un tableau trop lisse pour lui ressembler.
      Mon premier souvenir de lui, c'est une cassette dans la turne de mon frangin, un live au Japon (mon frère n'achetait quasiment que des live), le truc traumatisant alors que j'étais en pleine expansion de mes facultés de rocker. Un gars qui faisait des morceaux de 10mns sans un seul solo de guitare !! Whatitiz ? Ca m'en avait bouché un coin.
      Plus tard, Sex Machine avait relancé l'interet avec les invités qui reprenaient le morceau, des ponts sortaient de la brume et finalement ce I'm Real génial, taillé pour ma génération. Une fois encore (la dernière) James Brown allait de l'avant, pile au moment où son plus lointain passé éclipsait son présent. Si ça c'est pas un coup à dégommer quiconque approche de ses chiottes personnelles. De là, Motherlode avec des versions dingues de People get up and drive your funky soul et I've got ants in my pants, la messe était dite, j'étais accro.
      Ah, le live session avec les invités que tu aimes se déguste avec les images sur youtube: https://www.youtube.com/watch?v=Q76fWTkNzTI

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    2. Ah (bis) la meilleure approche du phénomène dans toute sa démesure c'est le CD Funk Power (pochette rouge, James avec la casquette), les versions extended sont terribles.

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  3. Encore un truc qui se perd, les bonnes affaires du dimanche matin. Vinted est passé par là. Du James Brown qui soit côté, je ne crois pas qu'il y en est, par contre tu peux ramasser tout ce qui te passe sous le nez sans prendre de risque, même ses albums Disco tiennent la route.
    Gravity, c'est un cas à part, enregistré pour capitaliser sur le succès de Living in America (avec Stevie Ray Vaughan à la six cordes) et décrocher un contrat avec le label des frères Scotti. Entièrement composé par Dan Hartman (l'homme du Instant replay cher à Ardisson), il remplit sa fonction et contient mon fameux How do you stop, hélas dans une piètre version, alors que James l'élève au rang de merveille soul sur le live sessions.
    Bref, la principale qualité de Gravity, c'est d'avoir permis à James Brown d'enchainer par I'm Real, et là ça dépote sévère.
    Et sinon, comme pour Antoine, chope toi le cd Funk Power 1970 : A brand new thang, les versions sont complètement dingues.

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