samedi 16 octobre 2010

JoHN BeLUSHi


Des pistes à suivre pour remonter jusqu'au Blues originel, y en avait quand même pas des masses dans les glorieuses 80's. Entre synthé, boite à rythme et chanteurs opportunistes, on aurait pu tous succomber et se vautrer dans la daube. Au lieu de quoi, guidé par deux drôles de gars certains ont tiré sur la bobine jusqu'à atteindre le coeur du truc et c'est pas parce qu'aujourd'hui ils sont ringardisés par la "hype" qu'il faudrait oublier les frangins Blues.
                                        

C'est vrai qu'on nous en a rempli jusqu'au couvercle des Blues Brothers, pendant dix piges pas un rade sans la B.O qui tourne en boucle, jusque dans le moindre bled, jusque dans les soirées club de foot. Même à l'anniversaire de ma cousine. Pas un coucher tard sans avoir eu droit à Everybody needs somebody to love. Au même titre que vous tous, j'en ai bouffé à l’écœurement, pire que les petits pots de Nutella de mon enfance, mais pas au point d'en oublier que derrière tout ça y avait deux mecs en or. Voire toute une bande, elle du Saturday Night Live de la NBC. Des furieux du rire jaune, des passionnés du décalage, des pas effrayés par le ridicule. 


Steve Martin, le dentiste fou de La Petite Boutique Des Horreurs, le privé du fabuleux Les Cadavres Ne Portent Pas De Costards et un des Amigos, entre autres.  
Bill Murray, celui qui a donné une chance de lever de la jeunette à tous les quinquagénaires avec Lost In Translation. Avant de montrer où cela pouvait mener avec Broken Flowers. Robin Williams, aussi, le futur Dj de Good Morning Vietnam 

Et en tête de file, les deux jobastres en chef: Dan Aykroyd et John Belushi. Le grand dadet et le petit barjot. Le placide et l'hystérique. Plus que des complices, ces deux là sont comme des frères qui se seraient choisi. Ils ne se quittent pas d'une semelle. 

Malgré la barrière de la langue qui nique toutes les subtilités et les clins d'oeil, John Belushi, rien qu'à voir sa trogne, c'est de l'émotion en barre. Et dans l'émotion y a pas que le rire. Roi de la cabriole sans filet il se lance dans des satires souvent virulentes, toujours hilarantes, de Lennon, Presley, Yasser Arafat ou en Joe Cocker plus vrai que nature finissant With the little help from my friends en épileptique. Le gars Belushi, on sentait bien que pour se contrefoutre de tout et de lui comme ça c'est que ça devait tanguer méchamment à l'intérieur. Un gars capable de s'offrir ainsi à une passion ça force le respect.



Le duo qu'il forme avec Dan Aykroyd cartonne chaque samedi soir en s'adonnant à une imitation respectueuse, bien que cocasse pour des blanc-becs, de Sam & Dave, stars d'Atlantic Records encore quelques années auparavant. Sauf que les temps ont changé. De la Soul en fusion de la fin des 60's le monde nouveau est passé sous l'influence de la country paresseuse. La jeunesse ricaine a troqué le son des crapules du Rhythm & Blues de ploucland pour un bien aseptisé son californien. Faut dire qu'Otis est mort. Et Sam Cooke est déjà oublié. Et Aretha gonfle son monde avec ses caprices de diva. Il resterait bien James Brown, mais le fisc se charge de lui depuis un Say it loud I'm black and I'm proud qui devra attendre quelques longues années avant d'être susceptible de plaire à un président U.S.
En une phrase comme en un roman, le Rhythm & Blues à la gueule en sang. On est au milieu des 70's et les freaks règnent en maîtres, les Steely Dan et autres horreurs calibrées pour vendre du disque par millions. 
 
 
Sauf pour John Belushi et Dan Aykroyd des fondus du truc qui tue, capables de vous citer le plus obscure single parut sur le moindre label du moment que de l'émotion transpire de la wax et qui devant l'adoration que leur duo suscite ont fini par lui coller un nom: Les Blues Brothers. Plutôt bien trouvé, non ?




Et ils en rajoutent, invitent Ray Charles puis d'autres tout aussi prestigieux viennent à leur tour balancer un classic tout en vigueur. Un hit du temps heureux pour célébrer un another saturday night. Et l'Amérique étant ce qu'elle est, patrie du too much is not enough, les Blues Brothers vont finir par être réclamés de partout. Le peuple ne veut plus se contenter de les suivre sur le petit écran. La populace les veut au bistrot du coin. Le sud veut les toucher, eux qui ne cessent de rendre hommage au Memphis de la légende. Alors les gars vont y aller, ils vont faire la claque, parcourir les états et s'apercevoir qu'un mouvement est en marche, que l'américain veut encore et toujours du mythe. La jeunesse éternelle promise par les romances de son enfance.



De retour à New York, John Belushi est décidé à franchir le pas. 

Dan Aykroyd est aux anges, lui le raide dingue de Rhythm & Blues va vivre un rêve. Pour un concert unique dans un premier temps, le duo auditionne de quoi former un big band qui envoie du bois, la structure de base est organisée autour des MG'S de Booker T, les zicos d'Otis Redding, les Steve Cropper, Donald Duck Dunn qui jouent sur tous les classics de Stax, d'Atlantic et de toute la famille. Enfin, ceux qui sont encore là puisqu'Al Jackson s'est fait dessouder pendant le cambriolage de son appart'. Du moins c'est la version officielle. Et qu'importe, de toute façon, je cause pas pour faire dans le sensationnel.


Pour recruter Tom Malone qui vient d'enregistrer l'album Let's all chant avec le Michael Zaeger Band, John Belushi n'y va pas par quatre chemins et lui balance tout de go "je sais que tu fais du blé avec tous ces disques de merde, viens plutôt faire de la bonne musique avec nous, tu gagneras pas un rond mais on fera de la foutue bonne musique"
Avant de lui exposer son projet, rendre hommage aux meilleurs, remettre le bon goût à l'ordre du jour. Et plus qu'un hommage, ressusciter cette passion endormie qu'il sent encore vivace dans les souvenirs, encore désirée. Le bougre ne se goure pas et dès le premier show les Blues Brothers cassent la baraque. Ils ont intérêt, ils sont en mission pour le seigneur !


La plupart des musiciens du Blues Brothers Band étant déjà sous contrat avec Atlantic le duo se tourne vers le prestigieux label afin d'enregistrer et de commercialiser un nouveau concert.Voyant là une occasion en or de refourguer son fond de catalogue à moindre frais le label accepte et signe les deux zigotos. Ce sera Briefcase full of blues, un carton plein. Atlantic a vu juste et rallonge la sauce, quelques mois plus tard, avec un second live titré Made In America, manière de bien souligner le trait. Nouveau raz de marée, l'Amérique est sous le charme.
 


Grâce aux Blues Brothers, les stars déchues de la Soul trouvent à nouveau des dates de concert ailleurs que dans des bars à poules. Plus besoin de se priver de cuivres, fini de se regarder dans un miroir fêlé accroché dans une pissotière reconvertie en loge.Même Wilson Pickett qui en est à enregistrer de la country dit merci. Et c'est pas le genre de bonhomme à qui ça doit arriver souvent.
En un an, le duo de comiques du samedi soir devient le groupe à voir. Une tournée est organisée. Chaque soir John Belushi fracasse sa voix sur les Anapurna les plus inaccessibles. Et ça passe. Le gars est trop chaleureux pour rater la cible, trop entier pour se fourvoyer. Le monde l'adore, sa trombine, son feutre, les ray bans wayfarer, tout y est déjà. Reste plus qu'à immortaliser l'affaire.
 

Du coup, cette fois, c'est Hollywood qui pointe son nez avec John Landis comme émissaire, puisqu'il a auparavant déjà fait tourner Belushi dans Animal House. Un de ses rares rôles avec celui offert par Jack Nicholson dans son Goin' South et, bien sur, celui de l'aviateur fou du sous-estimé 1941 de Spielberg.
Bref, le film autour de Jake et Elwood Blues est devenu LA priorité de l'usine à rêves. Étonnamment, vu le contexte, le résultat est une franche réussite. The Blues Brothers redéfinit la comédie à l'américaine pour les vingt ans à venir. Dan Aykroyd a torché un scénario aux petits oignons, chaque scène est prétexte à la surenchère. Ce n'est pas une poignée de bagnoles qui seront fracassées, ce sera une centaine. Ce n'est pas une ou deux légendes du Rhythm & Blues qui seront conviées mais carrément James Brown, Ray Charles, Aretha Franklin, John Lee Hooker et celui que personne d'autre ne s'était donné la peine de me faire découvrir avant, l'immense Cab Calloway !


Un truc de malades qui avait tout pour tourner au pugilat, pour pourrir de lui même sous les caprices des stars sauf que les récentes années de galères leur ont tous appris l'humilité. Le film fonctionne à merveille, il cisaille gentiment mais surement quelques uns des travers de l'Amérique profonde, les nazis (dans l'Illinois..), l'intolérance (un Rawhide derrière grillage), les armes à feux (une ex pour le moins revancharde) et dire que c'est un succès est en dessous de la vérité. Avec leur histoire portée par la passion (Le dialogue calé dans les breaks du Soothe me de Sam & Dave est du genre clin d'oeil de folie), John Belushi et Dan Aykroyd viennent tout simplement de foutre les States à leurs pieds. 

Jake et Elwood Blues sont de toutes les noces, pas une nuit de débauche sans un carton d'invitation à leur nom. Enfin, surtout pour Belushi. Pas que Dan Aykroyd soit un rabat-joie mais, on le voit bien Elwood Blues c'est pas Keith Moon. Pas le genre à sortir sa bite dans un diner mondain pour pisser dans l'assiette de son voisin de table. John Belushi par contre...



Le gars est une pile. Il traîne son pote De Niro au Bond's voir ces quatre anglais qui redéfinissent le son de New York avec leur nouvel album, un triple. Il enchaîne les nuits blanches, se cocaïne la tronche et s’envoie du Cognac comme on s’envoie de la Guinness. John Belushi est l'attraction du moment. Et qu'importe s'il veut aussi être autre chose qu'un clown. D'ailleurs le duo a du mal à monter son nouveau projet de film, Neighbors. Une satire plus qu'une comédie, dans laquelle Dan Aykroyd endosse le rôle du comique tandis que Belushi fait dans le contre emploi.
Un bide. Que je rêve de revoir, après son unique diffusion en télé française y a 20 piges de ça à une époque où Canal + servait encore 
à quelque chose. Jamais sorti en dvd de par chez nous, c'est dire. Pourtant le film est sacrément bon. Mais Hollywood se cogne des aspirations d'acteur de Belushi et ne se passionne que pour ce scénario que les faux frères peaufinent. Une histoire loufoque de chasseurs de fantômes attendue avec impatience faute d'avoir l'accord des deux gars pour capitaliser sur les Blues Brothers en tournant une suite à laquelle Belushi s'oppose fermement. 

 
C'est que le petit albanais devenu incarnation du rêve amerloque commence à piquer du nez dans son assiette, à se rendre compte que les rires des convives sonnent de plus en plus flatteurs. Hollywood est sous héroïne, les tournages se font dans les vapeurs de blanche. Et même lui, le cataclysme ambulant, l'homme qui ne dort jamais, commence à y tâter sérieux tout en continuant la Coke. 

Le cocktail porte un nom qui fait froid dans le dos à ceux qui ont vécu, le Speedball. C'est ce même nom qu'on retrouvera sur le rapport d'autopsie. John Belushi est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel à L.A, une bonne dizaine de traces de piqûres sur les bras. Il avait 33 balais. La légende veut que ce soit De Niro qui l'ait dépanné d'un paquet ce soir là et que Robin Williams traînait par là. Une autre affirme que la princesse Leïla lui aurait fait quelques uns des shoots, Belushi avait peur des seringues. Qu'importe la véracité de la légende. Une groupie paumée, Cathy Smith, portera le chapeau et finira au gnouf. 


Hollywood s'est mis au vert après ça, quelques uns ont même foutu les voiles fissa. D'autres ont vu leur étoile se ternir méchamment et parfois définitivement. Robert De Niro sera entendu pendant l'enquête et aura chaud aux fesses pendant un moment. Je m'en fous, j'aime pas De Niro. Mais, bordel, ce que John Belushi peut me manquer.


Hugo Spanky
                                                                         
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1 commentaire:

  1. Merci pour ce post, je me sens un peu moins seul dans l'adoration du génial mais finalement très sous-estimé (en france du moins) John Belushi.

    Deuxième plaisir, et pas des moindres, constater qu'il y a au moins un autre gars qui a vu (et apprécié) Neighbors, génial (encore) film déjanté, où Belushi et Aykroyd (et la superbe Cathy Moriarty) peuvent donner la pleine mesure de leurs talents.

    A bientôt sur ce blog qui parle de personnages que j'aime au plus haut point.

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