"Le jour où je décèle autre chose que de l'ennui à l'écoute de Psychoderelict, je vous téléphone."
Allo ? Si j'aime autant la musique, c'est qu'elle bouleverse souvent mes appréciations. Par chance, je ne suis pas du genre obtus, si j'en viens à adorer ce que j'aurais brulé la veille, je m'en vante.
Lorsque je me penche sur un groupe pour garnir ce blog, je réécoute tout et c'est mon ressenti de l'instant que je clame par azerty interposé. Sauf qu'une fois dans le mood, j'y reste. Pour exemple, depuis mon post sur Pete Townshend, j'ai relu son autobiographie, dans la foulée la biographie de Keith Moon parue chez Camion Blanc, j'ai écouté des dizaines de bootlegs et bien sur revisité l'intégralité de leurs discographies, commune et solo. Tout ça pour dire que...
...Pete Townshend fait partie des quelques artistes que je place au dessus de la mêlée, ceux dont la discographie officielle n'est le reflet que d'une infime partie de leur génie. Ceux dont il faut traquer les inédits, les démos, les rejets, les comportements, pour commencer à saisir de qui il est véritablement question. Prince est ainsi, Yoko Ono est ainsi, Public Enemy, Mick Jones, Elvis Presley, Beatles, Who et c'est à peu près tout. Avec eux, tout est synonyme de sens. Remix, mixtapes, bootlegs, faces B, versions extended réservées à d'obscurs maxi 45t. Tout. Y compris ce qui a été rejeté, parce que trop en avance, parce que pas assez vendeur. Dans le cas de Townshend, ça se situe une première fois au moment de Who's Next et se personnifie par le projet Lifehouse. Un projet abandonné pour cause d'incompréhension généralisée. Le sujet ? Un monde futur proche dans lequel tout le monde vit cloitré à cause d'un virus provoqué par une écologie désastreuse. Dans ce monde déshumanisé, chacun comble ses désirs via un ordinateur qui délivre à volonté et à domicile. La situation semble sous contrôle, pourtant un individu se rebelle, sort de chez lui et organise un concert en plein air. Il est rejoint par une multitude d'aspirants à la liberté et tous atteignent la félicité par la grâce d'une note de musique. There once was a note pure and easy.
Jamais à une surenchère près, Pete Townshend prévoit d'accompagner le disque par une tournée dont les concerts seraient sonorisés en quadriphonie. Pour mémoire, je rappelle que tout ceci se déroule en 1970, une époque où le summum du progrès est d'empiler les têtes d'amplis Marshall. Personne ne s'y risqua. Les chansons furent ratiboisées, en partie rejetées ou dispersées sur des singles, le concept fut oublié et Who's Next fut un succès. Sauf pour Townshend. Et pour moi, qui n'aime rien de plus que les albums labyrinthes. Les casse-têtes. Et aussi pour quelques autres qui complotent sur des blogs et reconstruisent Lifehouse à partir de démos et de bonus tracks parus tardivement. Les liens vers ces blogs sont dans la marge de droite, je vous les conseille. En 2000, il a fini par éditer un coffret de 6 cd qui sert l'intrigue avec des morceaux piochés parmi les reliquats du projet initial et d'autres qui ont été composés depuis. Le tout retravaillé dans les grandes largeurs. Il a carrément collé un rap sur Who are you ! Un cd simple titré Lifehouse Elements résume l'affaire en une dizaine de titres surpuissants.
On s'en fout. Mon propos n'est pas là. Si je remets le couvert à propos de Pete Townshend, c'est pour évoquer Psychoderelict. J'en étais resté au disque tel que je l'avais acheté en 1993, à savoir un aggloméré pénible de dialogues de théâtre empiétant sur des chansons sans intro, ni outro, quand elles n'étaient pas carrément interrompues. Un bordel. Dire que ça ne fonctionnait pas est un minimum. J'avais rangé le disque et j'étais passé à autre chose.
Puis, Amazon vint. C'est en tapant avec frénésie sur mon tambour le nom du guitariste que la lumière fut. Psychoderelict vient d'être commercialisé en version music only. Quoi ? Les dialogues au placard. L'occasion était trop belle et mon appétit trop inextinguible. Comme de bien entendu me voilà avec un disque radicalement différent. Du solo de guitare, du rythme martial, majoritaire nerveux, et des arrangements, ma foi, de temps à autre un peu douteux sur les bords. On navigue entre synthé won't get fooled again et beat électronique. Il y a même un gospel ! Je ne vais pas crier au chef d'œuvre, mais au rendez-vous manqué. Pyschoderelict ne méritait pas la volée de bois vert que la presse lui a fait manger, ni l'indifférence du public, encore moins d'être la raison pour laquelle le label lui a rendu son contrat solo et demandé d'aller voir ailleurs si les inuits aiment le rock désintoxiqué.
Je résume. Psychoderelict est un chouette disque dans la droite lignée de White City. Il contient une bonne dose de rocks nerveux, une paire de choses surprenantes (Now and then pour exemple) et un single impeccable, English boy. Vu ce que les années 90 nous ont proposé en matière de classic rock, on n'aurait pas fait la fine bouche.
Hugo Spanky
Si je comprends c'est une sorte de "Raven de Lou Reed", un truc rempli de choses inutiles et quelques perles, quoique tu sembles dire qu'il y en a vraiment ici, pas comme dans The Raven où elles sont rares.
RépondreSupprimerPas pu écouter ta proposition car pas trouvé de fichier actif...
Oui, je voulais citer The Raven, puis je me suis dit que ça n’évoquerait rien à personne. Et bim, premier com et voilà Lou qui sort du chapeau ))
SupprimerDonc, c'est bien ça, la version originale de Psychoderelict était affreusement bavarde et pas seulement entre les morceaux, les dialogues s’incrustaient partout. Heureusement la version music only nous en débarrasse et laisse découvrir de très bonnes chansons. J’écoute le disque en boucle et mes dernières réticences ont disparu. Tu le trouveras sur soulseek et quelques titres sont sur youtube. Il vaut quand même mieux le découvrir dans sa globalité.
Concernant The Raven, je suis d’accord, il est inconsistant et surproduit, ceci dit il n’est pas complètement nul.
Leur ambition commune de mêler théâtre et musique n’a jamais prise, il semble que ce soit deux publics antagonistes. Encore aujourd'hui, le monde du théâtre reste hermétique au rock et inversement. Le projet de Bashung d’adaptation de L’homme à tête de chou n’avait, par exemple, reçu aucun écho, alors que tous les ingrédients semblaient réunis.
Bon, bon, OK je vais m’y mettre, mais j’attaque pas par la face nord, le bouquin qui fait référence et « Empty Glasses » pour commencer, premières impressions ? Un album auberges Espagnoles, me fait penser à « Meaty Beaty Big And Bouncy » ou « Odds… » un patchwork de genres où chaque titre a son autonomie, le genre de disque qui au départ tu sais pas par quel bout le prendre ensuite tu ne sais plus t’en passer. Je sais bien que « Empty » n’est pas une compilation … quoique ? Comme si ces titres végétaient dans sa tête. Presque envie de le jumeler avec « Face Dances »… Par association de pensées, ma tronche à la découverte de la pochette de « Who By Numbers » Tu sors de « Quadrophenia » et tu attends avec impatience la suite, prêt à en découdre, les copains débarquent avec « Physicall.. » tu sais que la bagarre va être rude. En fait pas du tout, déjà la pochette du « Who By Numbers » et tu jettes l’éponge. Un pote encore résistant me chantait souvent « slip Kid » en crachotant. Dur, dur. Même les Stones ou les Kinks au plus bas donnaient de quoi débattre. Putain avec les points à rejoindre.
RépondreSupprimerPendant longtemps, je t'aurais donné raison pour By Numbers, mais j'ai révisé mon jugement. D'abord, l'aspect retour à plus de simplicité m'a toujours plu, après Quadrophenia que pouvaient-ils bien faire d'autre ? Tales from topographic oceans ?
SupprimerJ'adore Physical Graffiti, mais tes copains oubliaient qu'il est venu APRES Quadrophenia. Comme un disque de suiveurs. Les Who sont ceux qui ont inventé l'audace en matière de rock, ils sont toujours allés plus loin.
On en arrive à By Numbers qui selon moi souffre principalement de la production de Glyn Johns. Il lui a collé un son touffu alors que les morceaux réclamaient du tranchant. Quelque part ton parallèle avec Empty Glass a du sens, ce qui les distingue, c'est pour beaucoup la production. Chris Thomas a su aéré le son, lui donner de l'efficacité, une modernité. Il ira encore plus loin avec All The Best Cowboys... que j'aime un peu plus à chaque nouvelle écoute. Contrairement à lui, Empty Glass est encore ancré dans le carcan des Who, même si I am an animal et And I moved servent d'échappatoire. Keep on working aussi. De par sa conception, il reste dans la continuité de By Numbers et Who Are You (le titre empty glass date d'ailleurs des dernières sessions avec Keith Moon). A ceci près qu'il est inspiré.
Les Who devenaient omnipotents, Keith Moon les maintenait dans un rendu qui avait fait son temps. Même chose pour Bonham. C'est tristement vrai. Les années new wave réclamaient des rythmiques austères, minimalistes, à l'image des sons synthétiques qui incarnaient la modernité. Il fallait que ça swing sans fioriture. C'est Charlie Watts qui a permis aux Rolling Stones de continuer sans avoir à trop changer. En cela la mort de Keith Moon autorisa une révolution de palais dans le son des Who. Hélas, Kenny Jones n'était pas le successeur idéal, Simon Phillips ou Topper Headon (Townshend lui a proposé le job) auraient été parfaits.
Je reviens à By Numbers, Slip kid et Squeeze box constituent une bonne attaque, sèche et dynamique. Ton pote était un blaireau, Slip kid est proche de Magic bus, c'est du Who typique. However much I booze est efficace, les morceaux chantés par Townshend sont toujours à mon goût. Du coup, tu peux évacuer Blue, red and grey de tes critiques sournoises, c'est l'autre bijou du disque. Là où la production de Glyn Johns m'emmerde c'est sur Dreaming from the waist et How many friends, deux chansons impeccables auxquelles il colle une emphase ampoulée. Qui ne les empêche pas d'être correctes. Par contre, cette surcharge ajoutée à la pompadour Daltrey flingue complètement They are all in love et Imagine a man (qui aurait gagné à être chantée par Townshend, comme il l'aurait fait au temps de Sell Out). Ce qui nous laisse avec Success story (du Entwistle 70's pur jus) et In a hand or a face qui est le sommet du disque. Celle là c'est dommage qu'ils ne l'aient pas joué en live. C'est la matrice de titres comme Who are you et Cry if you want.
Donc selon moi erreur de producteur et chanteur à la ramasse. Daltrey avait repris le contrôle du groupe après avoir été malmené sur Quadrophenia. Il a viré les managers historiques et s'est imposé comme leader, tandis que les trois autres se défonçaient plus, si possible, qu'ils ne l'avaient fait jusque là. Le succès du film Tommy et de ses albums solo lui avait donné du pouvoir. Malheureusement, il s'est mis à chanté comme à l'opéra, alors que les morceaux demandaient à être vitupérés. C'est resté le point noir sur la fin de carrière discographique du groupe, c'est aussi ce qui me fait préférer Townshend en solo et regretter que Face Dances et It's Hard n'aient pas été enregistrés par lui seul.