samedi 4 mai 2013

RaMPaRT



Rampart, Los Angeles, 1999, le plus retentissant scandale de l'histoire de la police moderne éclate au grand jour. Flics corrompus, falsification de preuves, chantage, racket, faux témoignage, violence à tout va, meurtre avec préméditation, racisme, sadisme, détournement de fonds, la liste des chefs d'accusation est longue comme un dimanche de pluie un jour de panne d'électricité. Les avocats se frottent les mains. Des centaines d'annulations de peine pour vice de procédure font sortir de prison les pires ordures. 
Ce scandale inspirera The Shield, l'une des trois meilleures séries de l'histoire de la télé.


Rampart, le film d'Oren Moverman, c'est l'après. Une fois que les fauves aient été nourris, que les médias aient changé de proie. La justice a retrouvé son éclat immaculé, reste plus qu'un peu de repassage à faire avant de pouvoir ranger le linge dans l'armoire à mauvais souvenirs. Les faits sont consumés, ne reste plus que les hommes. Toujours aussi paumés sous leur képi. Toujours à devoir gérer l'ingérable, avec un peu moins d'armes et plus beaucoup de crédibilité.

Le scénario co-écrit par James Ellroy, c'est pas rien, propose un gros plan sur l'un de ces hommes, un flic lessivé devenu indésirable pour les mêmes raisons qui en firent un caïd. Un anachronisme en uniforme. Sauf que personne ne lui a dit ou alors il n'a pas voulu entendre. 

Rampart est un film extrêmement lent, ultra stylisé et dans lequel il ne se passe pas grand-chose puisque plus rien ne passe. Dave Brown, le personnage interprété par Woody Harrelson, en témoigne, à peine sort-il sa matraque que c'est commission de discipline. Et que faire d'autre ? Des dizaines d'années de méthodes, les seules qu'il connaisse, celles que lui a transmit son propre père viennent d'être réduites à néant, désignées persona non grata, on ne mange plus de ce pain là. Et dehors c'est toujours la même merde, en pire, le crack, la prostitution, les taches de sang imprègnent le goudron et plus personne n'y peut grand-chose.



Le talent du film est de nous faire suivre ce flic à la dérive sans que jamais on ne s'y attache, faisant de nous des complices de la bonne morale, de la méthode propre, offusqué que nous sommes rien qu'à l'idée de se salir les mains. Je dois dire que je ne m'étais jamais senti comme ça. Pire, on voudrait le voir crever ce connard paranoïaque, lui et ses deux frangines de femmes qu'il a épousé à tour de rôle, on voudrait qu'elles aillent se faire foutre avec leurs œuvres artistiques de mes couilles, si possible avant de pourrir définitivement leur gouine de fille et sa petite sœur à moitié neuneu. Qu'ils se les carrent où je pense leurs idéaux, mélange de reliquats du summer of love et des traumatismes du Vietnam. Autant de choses dont on n'a plus rien à foutre. 



Ce film est sans pitié, à chaque minute il nous fait détester les recettes dont on se régale depuis que nos yeux ont croisés un écran, grand ou petit. Dave Brown est fier de son surnom, on le trouve ridicule, lorsqu'il se ramasse une salope dans un rade, c'est une cruelle version piano-bar de You can't put your arms around a memory qui accompagne la scène, lorsqu'il propose des aveux en échange d'un accord, c'est avec un haussement d'épaule qu'on lui répond. Oui, Rampart c'est l'après. Quoiqu'il fasse, Dave Brown se condamne. On lui reproche tout ce qu'on a adoré chez Vic McKey. Allez comprendre. Rideau.


Oren Moverman a réussi un film vicieux, puisqu'on a tous vu la fiesta des milliers de fois auparavant, lui s'attache à filmer la gueule de bois. Malin. Casse-gueule mais malin. Rampart est un film qu'on a le droit de détester, de trouver chiant comme la mort, on peut s'endormir devant et en tirer satisfaction. De toutes manières, on passe son temps à souhaiter que son héros chope la vérole, de l’herpès ou une chtouille monumentale.
On peut aussi se régaler de la présence de Sigourney Weaver, John Buscemi, Ned Beatty, Robin Wright, Ice Cube, du fait que tout cela est splendidement mis en scène, magnifiquement tourné, bourré d'idées. 
Rampart est un film qu'on n'est pas obligés d'aimer ni de voir. Tout comme on n'est pas obliger de se raser tous les matins ou de se laver le cul. Rampart c'est une question de principes. Et on le sait bien, avoir des principes c'est pas donner à tout le monde.

Hugo Spanky

8 commentaires:

  1. La solitude par excellence. Celle d'un homme perdu et dépassé par son temps et son époque. Moi j'y suis attaché finalement, c'est un peu une version sale et glauque d'un Batman où autre héros qui défendrait l'ordre, la veuve et l'orphelin. Ce sont plutôt les femmes que je ne supporte pas dans ce film. Quoique après tout elles sont peut-être aussi paumées que lui en fait ... Ceci dit, super film !!

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    1. Déjà rien que pour Woody Harrelson, l'un des acteurs les plus clairement sous-estimé d'Hollywood, j'ai foutrement envie de le voir ce putain de film. Et si on ajoute à cet argument qu'en plus de ça James Ellroy a participé au scénario et bien là, je fonce tout court me le procurer, nom de Dieu!

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  2. Oui j'avais bien aimé, j'avais pas fait gaffe que c'était Ice Cube qui l'avait réalisé.

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    1. T'as tellement raison que d'ailleurs c'est pas Ice Cube qui l'a réalisé...Je corrige, merci.
      Hugo

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  3. Un héros auquel on souhaite tous les trucs que t'as dit... c'est pas commun.

    Il me fait, vite fait, penser au p'tit blond de L.A. Cofidential, que t'as en effet envie de voir crever bouche béante. Lui et son éthique de major de promo. Qui, finalement, sort à peu près tout le monde d'affaire mais ne réussit qu'à peine à s'attirer nos faveurs.

    Du Elroy dans le texte... Ni tout blanc ni tout noir, mais...

    surtout pas tout blanc !

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    1. C'est pas faux, si ce n'est que le mr propre auquel tu fais référence fait figure d'enfant de chœur en comparaison.
      Mon bien aimé Dave Brown tiendrait plutôt du James Wood de Lune sanglante pour rester dans l'univers de ce taré de James Ellroy. Voire pire encore.
      Hugo

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  4. Je l'ai trouvé vachement bien, les mouvements de caméra façon blow out lors de la scène de l'interrogatoire chez sigourney et un paquet d'autres idées bien senties. Encore un film qui n'aura pas encombré les salles françaises, ils foutent quoi dans les cinémas ? Ah oui, ils regardent gondry (hihihi)

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  5. "Rampart" nous offre une fois de plus une grande, très grande, prestation de Woody Harrelson qui n'ayont pas peur de mots est un putain de génie! D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de le mater dans le sympathique "Bienvenue à Zombieland" de Ruben Fleischer où il parodie ses rôles de fiers à bras, ou bien encore dans "Walker" de Paul Schrader où son interprétation nuancée d'un homosexuel de la haute bourgeoisie fait toute la saveur de ce film.
    Si dans "Rampart" on a effectivement envie que son personnage soit mis au pilori une bonne fois pour toutes, c'est parce qu'en plus d'être un flic pourri jusqu'à la moelle, il est -avant toute chose- un connard de première (à la différence d'un Vic Mackey qui dans "The Shield", malgré toutes les horreurs qu'il a commis, demeurait attachant grâce à l'embryon d'humanité qui perséverait en lui).
    Le réalisateur Oren Moverman ( ce blaze tout de même!) fait preuve d'un sens du cadre et de la photographie travaillée qui apportent à son long-métrage toute la touche de mélancolie qui le traverse du début jusqu'à la fin.
    Le scénario de James Ellroy est implacable et n'accorde aucune rédemption à son anti-héros qui sera rejeté par ses proches et finira seul tel un rebut dont on se débarrase.
    Le rythme de ce film est certes lent mais c'est justement pour mieux nous faire ressentir les errements impardonables de ce flic paranoïaque et meurtrier.
    Pour faire court sa vision se mérite et n'est pas une sinécure de tout repos mais le voyage en vaut largement la peine.

    Harry Max

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