Jamais à un
paradoxe près, Hugo Spanky se souvient comment un livre de
Charles Bukowski a influencé sa vie de manière positive...
Mon premier contact avec Bukowski, je crois que
c'était à la fin des 80's via le splendide film de Barbet
Schroeder, Barfly. Tiré d'un scénar du Buk, ce film
avec Mickey Rourke allait foutrement nous marquer, toute la
bande de l'époque. Barfly, ce sera notre expression préférée les
lendemains de grosse charge, "putain, hier j'étais barfly
complet" qu'on se disait comme résumé. Faut dire que ça
limitait les dégâts vu qu'on se rappelait pas franchement de grand
chose, souvent. C'est même devenu le nom de notre groupe.
Certains lieux concentrent une sacrée faune sur un bien
faible kilométrage. On pouvait pas se rater, gitans, arabes,
légionnaires, parachutistes, bûcherons, speedfreak des montagnes,
sympathisants du FN armés ras la gueule, anarchistes dépressifs,
ex-(et futur) taulards, un possédé par Satan...et nous, les
Rockers, dans lesquels se regroupait une partie de tous ceux là.
Détonnant cocktail pour les nuits au(x) comptoir(s), qui finissaient
invariablement dans des situations improbables. Dans le plus
confortable des cas sur un canapé, ou plus souvent la tronche sur le
volant, entassés à 5 dans ma Renault 8. On se croyait invincibles,
forts de notre foi en l'électricité à haute tension et de notre
soif de vivre un maximum de choses, les concerts, les bars de
jobastres, des endroits qui aujourd'hui ne survivraient pas à la bienséance normalisée, les appartements en vrac. On était con. Et la connerie
est addictive. De col relevé et tête haute, c'est devenu je baisse
les yeux quand je croise ma mère. C'est devenu entourloupes et
embrouilles à tout va, entre potes, comme si on était soudain trop
nombreux sur un même bifteck. Des cons, j'vous dis.
Lorsque j'ai entamé Au Sud De Nulle Part, le
bouquin de Bukowski , j'étais dans un état de parano
complet. Faut dire qu'il y avait de quoi, entre l'un qui se fait
descendre comme un clebs au pied de sa cité et
quelques autres histoires qui ont le sommeil profond et c'est très bien
ainsi.
Alors ouais, parano totale, pour le gars Spanky.
Pourtant pas l'ombre d'un regret, pas même le boulot (chiant) le
jour et encore moins les
week ends non-stop action. Je remercie les cieux d'avoir connu ça.
Des concerts à la pelle dans le moindre rade du moindre bled, des affiches
de dingues à Toulouse, Montpellier, du bordel dans tout l'immeuble
qui abritait mon premier appart, loué à
18 balais parce que la famille, n'est ce pas, ça encombre. Et au final: l'addition ! Vous voulez un café
avec ? Lessivé, laminé, blasé. Fin des illusions, juste
la haine d'un endroit, d'un milieu soudain devenu trop glauque.
Les
ficelles m'ont sautées aux yeux, tout ça c'était de la branlette,
de l'amitié de circonstance. Y avait du sentiment nulle part, je me
sentais craint, envié, respecté, désiré, mais pas aimé. A coup sûr le bon moment pour reprendre son souffle, ouvrir un livre
et découvrir notre homme Bukowski (vous voyez que je perds pas le
fil).
Et pourtant,
il m'a servi de bouée, comme se raccrocher à un rocher glissant
alors que la marée vous emporte.
A ce moment là, j'ai passé trois mois à lire Buk', à
ne faire que ça quasiment, mon éducation, tout seul comme un
gland, de retour chez mes parents. Bande son exclusive, Hank Williams et rien
d'autre. Le Hillbilly fellow et un teuton bouracho comme thérapie,
fallait être tordu pour se lancer là dedans. Trois mois à
décrasser la machine aux bons soins de maman Spanky, manière d'être
en état de mettre un terme, retrouver un rythme de vie qui ressemble
à quelque chose. J'étais détraqué, le mécanisme en charpie, les
rouages tous niqués. C'est en lisant Au Sud De Nulle Part que
je m'en suis rendu compte, il a fallu ça pour que je percute, pour
que j'arrête de voir la loose comme une notion romantique. Le pire
peut arriver, le pire arrive toujours, en fait.
Le vieux
Buk' m'a ouvert les yeux sur ce que mon père n'avait, pourtant, eu
de cesse de me répéter, la masse est conne, seul l'individu compte,
plus tu rassembles de monde et moins ça cogite. Chacun se doit de
développer sa propre vision des choses, exprimer son propre
décalage. Merde à la pensée unique, merde aux communautés
d'esprit, de corps ou de tout ce que vous voudrez. Merde aux grands
idéaux, aux grandes luttes communes, tout ça n'est, finalement,
qu'un prétexte pour ne rien changer avec l'excuse d'attendre d'être
rejoint par le plus grand nombre. Les cris fédérateurs me font tourner
le dos. La révolution, c'est à chacun de la faire dans sa propre
vie, principalement en s'exprimant selon ses convictions même, et
surtout, au milieu d'une assemblée hostile.
Voilà ce qui transpire des histoires tordues et
abracadabrantes de Bukowski, de son diable en cage, de ce type en fin
de course qui tombe amoureux d'un mannequin en plastique mais ne peut
s'empêcher d'y taper dessus, de tous ces personnages qui commencent
seuls, finissent seuls et qui, dans le cas contraire, ne connaissent
que déchéance.
Vous l'aurez
pigé, c'est pas très social comme histoire mais de toute façon,
je n'ai jamais cru en la solidarité. Quelques temps après
avoir lu Au sud de nulle part, j'allais me retrouver avec une artère ouverte à
4 plombes du matin, sur une route paumée, avec plus de sang sur les
épaules de mon cuir que ce qui me restait dans le corps, j'ai compté
5 voitures qui sont passées sans s'arrêter. Alors venez pas me causer d'entre-aide,
venez pas me charrier avec la nature humaine. Bukowski aide à
se sentir moins monstrueux lorsque l'on a le cœur déconnecté de la
tête.
Lisez Au
Sud De Nulle Part, si ce bouquin ne vous rend pas meilleurs, il
ne vous rendra pas pire.
Bukowski
est un écrivain important qui n'a jamais rien écrit
d'important, la gueule dans le caniveau, dans la pisse des plus
malins que lui, dans les merdes de leurs clébards, il s'est contenté
de survivre et de nous le faire savoir. On a tous connu des gars
terriblement plus malins que nous, mieux calibrés pour la réussite,
mieux armés socialement comme disent les conseillers d'orientation.
Et puis quoi ? On est quand même là au bout du compte.
Bukowski
n'a rien dit d'essentiel, mais ce qu'il a fait est vital, il nous a
rendu visibles et incontournables aux yeux d'un monde qui se serait
bien passé d'avoir nos tronches à la une, il a fait que ceux qui ne trouvent jamais l'heure d'aller se pieuter se
sachent moins seuls. La vie n'a pas de règle, seulement les
barrières que l'on se colle sur le cul pour se sentir dans la norme.
Pour s'intégrer. Depuis quand on est plus heureux en étant moins seul ?
Foutaises.
Foutaises.
Ouais, j'ai
lu Bukowski y a un bail et après ça s'en était fini des bandes,
des potes par centaine, des groupes de rock'n'roll de mes deux. J'ai
pigé que pour ne pas reprocher une décision à qui que ce soit, il
fallait la prendre seul. Et puis je me suis barré, et comme j'étais
nulle part, je suis parti au sud.
j ai bien aime , merci
RépondreSupprimernous sommes tous les deux un peu des BUKOSWKI:sexe,alcool et littérature,le rock and roll en plus mon hugo!!!!bises a vous deux dja
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