mardi 12 janvier 2010

ROMaNCE & ciGARETTEs


John Turturro est un seigneur. Un acteur rare, le genre qui se fait oublier derrière des rôles inoubliables. John Turturro, tout le monde le connaît et personne sait qui c'est. Pizzaoïlo irascible dans Do The Right Thing, Jésus Quintana tout de pourpre vêtu dans The Big Lebowski, Barton Fink dans Barton Fink, immanquable dans O'Brother ou tout simplement fabuleux dans le trop méconnu Box Of Moonlight, l'italo-américain est ce style d'acteur qui revient à l'esprit dans les souvenirs.
   
En gars de Brooklyn, John Turturro a toujours fait sienne cette idée d'un certain cinéma, de New York ou d'ailleurs, celui des frangins Coen, de Tom Di Cillo, Spike Lee, John Waters, Jim Jarmush, Danny Boyle et d'une trop rare poignée d'autres. Un cinéma proche de la vie, consanguin avec la musique.
Alors quand notre homme réalise une comédie musicale, c'est pas qu'un peu que je tends l'oreille. Mieux, j'en piaffe d'impatience, véritable amoureux du genre que je suis. De West Side Story à Psycho Beach Party en passant par The Girl Can't Help It, Gentlemen prefer Blondes ou Cry Baby, tant que ça danse, chante et que les couleurs explosent, c'est pour moi.






Anachronique comme pas permis, le projet de Turturro avait tout du casse-gueule annoncé et les critiques n'y allèrent pas de main morte pour le tailler en pièce, sans doute que les films à maigre budget sont devenus l'unique défouloir autorisé pour des journalistes rabaissés, la plupart du temps, au rôle de publicitaires pour majors.
Sauf que dès le casting, c'est du bonheur en barre, James Gandolfini, le Tony des Soprano en mari infidèle, Susan Sarandon en épouse revancharde, Kate Winsley en rouquine incendiaire, Marie Louise Parker, celle là même qui deale de la Weed sur les bonnes chaînes, Steve Buscemi et un Christopher Walken jamais pris en défaut sur un bon coup, je connais pire comme affiche. Et si Turturro dut financer lui même la distribution de son film, devant l'incompréhension des studios face à un cinéma à dimension humaine, ce n'est que le reflet de notre triste époque où tout doit être armé de superlatif pour exister.




S'il magnifie les rouquines et les coups tordus (Gandolfini en Samson enchaîné par Dalila, une mère qui rappelle à son fils à quel point il est important pour un homme de garder ses affaires de cul pour lui) Romance and Cigarettes est aussi bien plus que ça, porté par sa bande son et ses numéros aux chorégraphies millésimées 50's, ses couleurs percutantes, il nous embarque tout là haut, over the rainbow. Nourrit au Doo Wop, au Gospel, bref jamais très éloigné de la Soul, même lorsqu'Elvis s'invite au banquet pour un Trouble à rugir de plaisir, le film est sublimé par la musique mais tient aussi parfaitement la route lorsqu'elle s'absente.
C'est un bonheur de dosage que Turturro nous a concocté là, que le fantôme de Janis Joplin vienne décoiffer la messe pour un Piece of my heart partagé avec Dusty Springfield et Erma Franklin, que James Brown sermonne celui qui a pêché d'un It's a man's man's world toujours aussi poignant malgré le sablier, rien n'est de trop.


 John Turturro s'est souvenu d'une chose essentielle mais trop souvent traitée avec infidélité : un bon film, c'est un bon scénario. Et baladé que nous sommes entre rêve, féerie et deux pieds dans la merde, lorsque se déroule la dernière bobine il ne reste plus aucun risque pour qu'on l'oublie. Ce film est une fête, qui comme toutes les fêtes finit en gueule de bois. 

 


Drôle, cocasse, émouvant sans jamais tirer sur les grosses ficelles, Romance and Cigarettes se regarde comme on lit un roman de John Fante.
En se servant de la musique pour ouvrir nos cœurs, nos esprits et mettre notre sensibilité à vif, John Turturro, sans prise de tête, nous amène à la réflexion. Et, mine de rien, ça faisait un bail qu'un film ne m'avait pas fait ce coup là.

                                                            
 Hugo Spanky

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