samedi 19 juin 2021

FRee DoGMe



Ainsi donc, me voila libre. A nouveau. Libre de marcher sans masque dans la rue, libre de rouler à 80km/h, libre de me faire entrogner dans des bistroquets dont les tauliers ne savent plus rien du plaisir de la kemia. Libre de prendre la même direction que tout le monde, de faire des choses qui ne me concernent pas, auxquelles je n'aurais même pas pensé, si on ne m'avait soumis l'idée qu'elles me feraient sentir libre. Très bien. J'ai donc profité de ma liberté retrouvée pour aller chiner. En toute liberté.
Au fil de mes pérégrinations, je suis tombé sur une pile de compilations Soul Jazz que je me suis empressé de faire défiler sitôt mes pénates retrouvées. Quelle tristesse. Sitôt libre, me revoilà formaté sur l'autoroute de l'ennui. Les sélections des mecs de Soul Jazz suivent des thématiques tellement étroites qu'elles ne permettent aucune respiration, rien que pour Studio One il doit exister 30 références aussi uniformes que cette musique est débraillée. Sacré coup de marteau à côté du clou. Studio One Ska, Studio One Rocksteady, Studio One Classics, Studio One Soul, Studio One Women, Roots, Scorcher, Rocker, Funk, Disco, ShowCase, Jump-Up... N'en jetez plus ma platine a des nausées. 
 
Soul Jazz c'est la fiche anthropométrique du son. Les mecs ont pigé le topo pour ne pas se fouler la rate, payer les droits d'éditions de Look-ka-py-py, Funky stuff, No no no, Melting pot ou Funky Kingston et les décliner sur autant de volumes que possible. Allons-y pour Look-ka-py-py New Orleans (The Meters) puis Look-ka-py-py Kingston (Lloyd Charmers), celui  ci tantôt sous estampille Trojan, tantôt sous estampille Reggae Dance Floor Grooves, qui partage le Funky Kingston de Toots avec le volume 200% Dynamite sur lequel le No no no de Dawn Penn du volume Studio One Rockers passe entre les mains de K.C White. Ailleurs, Funky stuff devient Reggae stuff. Malheur, le gonze qui collectionne les productions du label écoute en boucle les mêmes morceaux, une anti-chambre de l'enfer. 

 

 

Soul Jazz a clairement choisi de faire les fouilles des gogos atteint de collectionnite aigüe, pour ce qui est de convertir les âmes égarées faudra s'adresser ailleurs. Malgré quoi, ça ne serait pas totalement déplaisant si on y retrouvait la vitalité craspec des pressages jamaïcains, connus pour être à peu près tout sauf aseptisés. Et c'est là le coup de grâce ultime asséné par les tristes sirs de Soul Jazz, que ce soit Jackie Mittoo, Ken Boothe ou John Holt, tout sonne pareil ! Propre, la raie bien plaquée sur le côté, le pantalon amidonné. On se croirait sur une B.O de Tarantino, l'aventure pour les nuls, de la musique qui vous tient la main pour traverser la rue. Je me suis pris à rêver d'un son qui crépite, qui siffle, sature un brin en tremblotant comme un alcoolique parkinsonien. Une ambiance baloche, quoi, un machin qui transpire. Qui ressemble à ce que son menu affiche, tout bêtement. Chopez-vous les singles ! En prime vous aurez les dubs en face B. Et n'allez pas imaginer que le désastre se limite au Reggae et ses variants, non, ils appliquent roublardise et pingrerie à tous les genres qu'ils abordent, trois ou quatre merveilles par volume et du remplissage insipide tout autour, manière de pouvoir décliner chaque thématique à l'infini. Mylène Farmer et Bjork font figure de modérées à côté de ces zigotos. Vous savez quoi ? J'ai balancé tout ça sur Vinted, c'est parti comme des hosties un dimanche de communion.

 


Bon, j'ai quand même eu du bol à deux reprises lors de ma récolte. Dans ma main droite le King Tubbys Meets Rockers Uptown, sommet du dub poisseux s'il en est, concocté par les plus tranchants musiciens de l'ile associés à Augustus Pablo pour la touche loufdingue. Dans ma main gauche, Mickey Dread Best Sellers, une compilation des hit singles de celui qui coche le plus de cases au royaume de la bass culture. Ok, ce Best Sellers reste une compilation relativement mal branlée, si elle permet de découvrir (ou se remémorer) quelques pépites, parmi lesquelles le redoutable Roots & Culture, mais aussi Break down the walls, Enjoy yourself, Quest for oneness, Warrior stylee ou Barber saloon, ses nombreux oublis font qu'elle ne dispense absolument pas de l'acquisition d'albums originaux tel que Pave The Way, World War III, Dread At The Control ou SWALK. Hélas principalement connu par ici pour ses collaborations avec Clash, Mikey Dread vaut bien mieux que d'être cantonné dans l'ombre des quatre de Shepherd's Bush. Vous êtes libres de me croire.


Hugo Spanky

 

 

14 commentaires:

  1. Concernant les autres compil' Soul Jazz sur les autres courants musicaux, c'est idem !

    J'avais chopé en même temps une de leur compil' sur la Nouvelle Orléans et l'autre sur le rock sudiste et ce fut la déception à l'écoute : deux à trois morceaux de bons par disque noyés dans un ramassis d'inepties.

    Harry Max

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    1. C'est ça, t'as l'impression de passer dans un tunnel. En plus ils uniformisent tous les mixages, c'est une horreur. Alors que tu prends les compilations Atlantic, par exemple, malgré que ce soient les mêmes musiciens, les mêmes producteurs et le même studio d'enregistrement pour quasiment tous les titres, tu n'as pas cette impression. Le soucis de Soul Jazz c'est qu'ils veulent tellement décliner de thèmes pour remplir des volumes à l'infini qu'ils ne prennent pas la peine de varier les climats pour en faire un ensemble agréable à écouter. En fait, on dirait un compulsif qui stocke sur disque dur )))

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  2. Sinon, t'as pas essayé Status Quo ou Motörhead, c'est garanti sans OGM et c'est bon pour la santé ! J'dis ça, j'dis rien !!!!!
    :-)

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    1. Ecouter Soul Jazz, c'est déjà écouter Status Quo )))

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  3. Je passe faire un coucou, voilà bien un domaine musical qui ne m'a jamais laissé entrer. Merde, pourtant j'ai le pass sanitaire...
    Je suis tout de même capable de saluer l'effort de conception pour les pochettes.
    je note une possibilité de m'ouvrir au genre. Un Status Quo? OK, lequel? ça me donne l'idée d'un post juste pour remplir une case et réécouter... Il n'y a pas de mauvaise idée.

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    1. Ce qui est pratique avec Status Quo c'est qu'à part Ma Kelly's Greasy spoon qui se démarque (et les deux précédents dans le registre curiosités psychédéliques), tu peux choisir n'importe lequel, ce sont tous les mêmes. Keith est surement mieux placé que moi pour t'en indiquer les nuances.
      Pour Soul Jazz, ça va au delà du Reggae, ils foirent tous ce qu'ils abordent )))
      Si tu veux te tenter sur le jamaïcain, mais que le reggae n'est pas ta tasse de thé, je te conseille de commencer par des compilations de Rocksteady. C'est plus ancien et bien moins plombé rythmiquement que le reggae, l'influence du calypso était encore prédominante et celle de la Soul également. Le genre avait d'excellents chanteurs (Alton Ellis, Ken Boothe, Delroy Wilson...) qui auraient sans problème pu rejoindre Atlantic ou Stax si ils avaient été américains.

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    2. Les bonhommes me disent bien quelque chose, au détour de discussions sur le Reggae, le Ska etc... J'ai abordé ça joyeusement et j'aurai pu/du m'y attarder et déguster comme quand je me refais du Doo Wop. Un son, un climat et des compositions.
      Haaa le Reggae, je ne vais pas cracher sur M. Marley, un sacré mélodiste, rien à dire. Le Reggae Roots hum. Reste le Dub (poisseux) c'est bien ça qui m'échappe encore. Pas encore trouve, l'heure, le lieu, l'ambiance, le plat, la boisson pour m'y coller.
      Sinon, shit, sur Status Quo tu as tout dit, il me reste soit à broder sans rien apporter de + (je sais faire)... soit à toujours broder mais à travers un autre angle, pas trop pointu. C'est AMG & ASSAYAS qui m'ont donné l'idée, puisque tu as cassé mon mol élan.

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    3. Un son, un climat, oui, des compositions, moins. C'est là où le bât blesse avec le reggae, certes Marley était un sacré mélodiste, mais c'était un peu le seul. Le répertoire du genre est assez limité en compos originales de haut vol et le Rocksteady fait plutôt dans l'adaptation de standards de la Soul américaine. Avec un gars comme Mikey Dread, par exemple, c'est au niveau des idées de production, de l'interprétation, des arrangements et de la "déformation" savante des morceaux que ça se joue, plus que sur la qualité pure de ses talents d'auteur/compositeur. Ce sont souvent des DJs à la base, ou des toasters, des mecs qui se posent sur une musique déjà existante pour haranguer la foule, lui passer le "message" et l'inciter à la danse. C'est ce qui inspira les MCs new yorkais aux débuts du Hip Hop.
      Pour le Dub, y a pas de recette qui fait aimer, je pense, c'est un état d'esprit. Je suis naturellement séduit par les musiques hypnotiques, les effets sonores posés sur des boucles rythmiques. Je suis fanatique des maxi 45 tours avec leurs versions extended de tubes qu'on ne connait souvent que ratiboisés pour les radios. A la base, je crois que tout ça provient de mon goût prononcé pour le Disco. C'est un peu tout ça le Dub.

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    4. Y a quand même de sacrées chansons. "Money in my pocket" de Dennis Brown, "You don't know" Bob Andy, L'intégrale du premier Grégory Isaac, "Slave master" du même Isaac. Y a des tonnes de perles ... "Money Worries" des Maytones. "Police and thieves" de Junior Murvin, "God helps the man" de Leroy Smart. C'est des chansons de folie tout ça. Y compris sur les paroles.

      Serge

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    5. J'ai pas voulu énumérer mais j'ai effectivement pensé à Gregory Isaac et Jimmy Cliff également. Celles que tu cites méritent de l'être et on peut facilement en trouver une vingtaine d'autres, mais à l'échelle d'un genre sur 50 ans d'histoire, ça reste léger. A mon avis, le talent indéniable de la Jamaïque se situe plus du côté de la production et des chanteurs.

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    6. C'est vrai dans ce sens où après 1975 environ, y a plus aucun effort de faire des vrais chansons.

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    7. Il leur a manqué une team à Holland/Dozier/Holland, mais je pense que leur démarche dès l'origine était d'utiliser des standards américains connus des touristes et des colons, et de les tordre à leur sauce pour se les approprier. Les choses ont évolué avec le reggae militant, pas forcément dans le bon sens une fois la génération dorée des Dennis Brown, Gregory Isaac et cie mise sur la touche par le crack.
      La dégradation du genre en un gimmick commercial me fait penser au parcours du Hip Hop. Dommage dans les deux cas.

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  4. Vive les énumérations. Je sais, je sais, c'est un truc de fainéant, c'est aussi ça l'idéal de nos échanges, à nous tous nous finirons bien par avoir écouté tout ce qui doit être écouté. Plus le temps pour le reste :-)

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    1. Tu veux une liste ? Tiens, si le lien marche (sur chrome c'est ok), tu te chopes ce disque et t'as quelques unes des plus belles compos du genre. Auxquelles tu peux ajouter la B.O de The Harder they come et celle de Rockers. Ainsi que les titres cités par Serge (et le More Gregory Isaac également qui est splendide).
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