Tout commence par un cri. Tout finit
par un cri. Voilà le résumé lapidaire que l’on peut faire de
« Blow Out » de Brian De Palma.
Comme souvent avec lui, son film débute par une mise en abyme :
étudiantes dénudées qui se trémoussent sur du disco, couple en
train de baiser, meurtre à l’arme blanche commis par une personne
difforme ; tout les codes du slasher lambda sont gravés sur la
pellicule. Sauf que la séquence se termine dans une salle de
projection d’un studio de cinéma alors que sur l’écran une
fille se fait trucider sous la douche en manifestant son effroi par
un cri grotesque. John Travolta, qui incarne un preneur de
son, vanne le réalisateur de cette série Z qui finit par
l’envoyer paître et le somme d’aller refaire les pistes sonores
d’ambiance derechef.
Dès lors, le générique du film fait son
apparition.
Grâce à ce procédé déroutant, De
Palma nous fait perdre à un tel point nos repères qu’un sentiment
d’insécurité nous tiendra au corps durant toute la durée du film
(et pour cause…).
Ce qui frappe d’emblée dans ce long
métrage c’est la composition photographique qui, dans pratiquement
chaque image, nous impose les couleurs rouge, bleu et blanc et lui
confère une singularité encore plus accrue. Cette palette
chromatique a été choisie par De Palma pour symboliser le drapeau
Américain puisque son film traite d’un complot politique.
Avec « Blow Out »,
De Palma assène une leçon de mise en scène à tout prétendu
réalisateur. Il invente des mouvements de caméra innovants pour
l’époque (la scène en rotation continue dans le studio de prise
de son), il crée des compositions de plans d’un baroque absolu
(l’hallucinante scène de prise de son sur le pont avec les animaux
qui se fondent dans la même image que Travolta , les glaçantes
séquences de meurtres perpétrées par ce dingue de John Lithgowet, par-dessus tout, le feux d’artifice final qui enferme nos héros
dans une spirale déchirante) et il nous démontre à quel point le
montage d’un film peut changer le sens que l’on donne à des
images (l’acharnement de Travolta à reconstituer un film de
l’accident inaugural).
Déjà exceptionnel de part sa mise en
scène, « Blow Out » côtoie l’excellence
grâce à l’apport de sa troupe d’acteurs. John Lithgow,
en tueur impitoyable et redoutable d’intelligence, nous fout tant
le trouillomètre dans le rouge que l’on appréhende chacune de ses
apparitions comme le ferait une chochotte de première bourre.
Disons-le tout net, ce sale type nous tétanise.
Heureusement Nancy
Allen, dans son rôle de call girl, parvient encore à emballer
nos cœurs. Cette fois-ci, à contrario de son rôle de pute futée
dans « Dressed To Kill », elle incarne une femme
fragile, peu sûre d’elle et naïve qui trempe dans des pitoyables
affaires de chantages mises au point par une ordure lamentable,
impeccablement interprétée par un Dennis Franz dont
l’aspect physique crasseux s’accorde à merveille avec son esprit
retors.
Face à sa détresse manifeste, on a qu’une envie : la
serrer dans nos bras pour la réconforter. Ce que ne manque pas de
faire ce petit diable de John Travolta qui assure une
composition de tout premier ordre : tour à tour drôle,
touchant, obsessionnel, son personnage passe par toutes les gammes
d’émotions et, lorsque la fin tragique nous cueille tel un
uppercut d’une violence inouïe, on est totalement ébranlé par la
douleur qu’il exprime.
On l’aura compris, ce long métrage
ne laisse personne indemne : quand la maestria technique se
combine aussi harmonieusement avec l’émotion la plus viscérale,
le terme de chef d’œuvre n’a jamais autant mérité d’être
employé.
Harry Max
excellent, me suis regale a te lire. j aime la derniere photo, les bancs ou on pose son cul pour reflechir. ooops!!
RépondreSupprimerC'est mon préféré aussi avec Dressed to Kill !
RépondreSupprimerCes couleurs bleu et rouge saturées nous mettent effectivement dans un climat de malaise, comme dans les films d'Argento. Un petit quizz De Palm pour la Ranx Team et autre Brianophilles ;)
P.S. : petite faute, Quizz De Palma (cliquez dessus)
SupprimerCe film reste un trésor du cinéma, jamais le plus cité, trop rare sont les hommages au cinoch de De Palma mais notre dame de la réalité est là, ce film tourne encore, et encore, et encore...
RépondreSupprimerPure trésor !!
Pas plus tard que ce matin, je pensai à Body Double et quand tu parles de Denis Franz, j'adore l'apparition qu'il y fait.
RépondreSupprimerDans un bureau de prod de film porno, il baratine, le producteur donc, un truc du genre:" Faut me comprendre, je ne suis pas qu'une bite sur deux jambes"
Ne m'en voulez pas si vous trouvez ça naze, j'ai vu ce film trop jeune.
Nancy Allen à cette période, j'adore sa voix, toute frêle et fluette, à l'inverse de ce cri magistral. J'ai revu Robocop y a pas longtemps et elle a perdu beaucoup de charme assez rapidement.
Sinon, l'aspect le plus visionnaire de ce film, c'est l'image de ce gars perpétuellement concentré sur son oreillette.
A vous les studios
Nancy Allen c'était quelque chose, la New Yorkaise ultime. Elle illumine Carrie, Pulsions, Blow Out, Philadelphia Experiment, ce qui fait déjà trois de mes films préférés.
SupprimerComme dit 7red, Blow Out est un trésor qui ne cessera jamais de fasciner.
Superbement réédité en dvd l'an passé.
Hugo Spanky
Merci pour l'info dvd, j'ai eu l’édition pourrave (pas tant que ça) que je me suis fais shourave et je vais me faire un plaisir d'y retourner pour le blue ray. J'ai vu plein de films mais jamais Carrie. Je l'ai téléchargé en qualité dvd il y a quelque temps et j'attendais que quelqu'un allume la mèche. Pulsion aussi je l'ai téléchargé en qualité dvd, à une époque, il était quasiment introuvable et je l'ai trouvé au fond d'un bac en promo. Malheureusement on sentait le dvd bouger dedans et je l'ai fais ouvrir avant de l'acheter et il était effectivement rayé. Mais bon, comment ne pas dire que c'est la première demi heure qui reste inoubliable.
RépondreSupprimerTant que tu es dans les De Palma, fais toi aussi "Sisters" c'est une tuerie. Dans une moindre mesure "Furie" vaut le coup aussi et "Obsession" très marqué par Hitchcock (plus encore que les autres) a ses bons moments également.
SupprimerHugo Spanky