jeudi 31 juillet 2014

sTuPRe eT fLaMBoYaNCe, JaGGeR à SoN SoMMeT


Mick Jagger joue les prolongations sur Ranx Ze Vox. Harry Max revisite l'an de grâce 1993 selon Sir Mick et c'était pas une année en creux. Oh ça non.

Vu que cela faisait une paye, je me suis rejoué le Wandering Spirit de Mick Jagger et pff autant dire qu'il a gardé toute sa fraîcheur revigorante cet opus: 14 morceaux et pas un seul de faible; un putain d'exploit en pleine ère des albums rallongés artificiellement avec des titres sans jus ni saveur.
Ça attaque méchamment avec trois titres dantesques: un Wired all night furibond à s'en péter les rotules à force de gesticulations compulsives, un Sweet thing au groove libidineux à en faire rougir une Traci Lords pourtant déjà toute humide et un Out of focus si foutrement rhythm'n'blues qu'on jurerait que The Blues Brothers ont investi notre salon pour le saccager de fond en comble et en profiter pour écluser tout notre stock de bières, ces salopards !

Puis hop, sans crier gare, voilà que débarque LE tube de l'album Don't tear me up, un rock matinée de blues, d'une pincée de funkitude et d'un feeling à s'en fracasser les bèlbes sur une pierre tranchante tant c'est bon, bordel !


Bon et bien là on se dit que ça va enfin se calmer, il y a des gens qui ont calanché d'un infarctus pour mille fois moins que ça, nom de Dieu! Et bien non, le Mick il est pas d'humeur à jouer sa précieuse: il a la rage, veut nous en faire baver, et il  nous achève avec un Put me in the trash si dégueulasse et trépidant que s'en est une honte, non mais!
Vient alors Use me le duo avec Lenny Kravitz  qui réunit les deux larrons pour quelques minutes salaces de plus à en faire débouler la police des mœurs afin d'arrêter fissa de pareils pervers qui se frotteraient même sur la dépouille d'Alice Sapritch tant leurs sexes turgescents sont en feu. 



Heureusement l'ébullition libidinale finit par s'apaiser avec Evening gown, une splendide chanson country qui n'aurait pas dépareillé sur le fantastique The gambler de Kenny Rogers – album que je vous encourage vivement à découvrir au plus vite -  et qui nous envoie tutoyer les anges.
Survint ensuite Mother of a man qui revient nous apporter notre dose de rock crapuleux car ce diable de Mick a bien compris une chose; nous sommes des bêtes à jamais rassasiées de ces jouissifs instants qui nous poussent à une débauche sans entrave, à hurler le sexe à l'air en quête de copulations cradingues.
D'ailleurs, c'est bien pour cela  qu'il enchaîne avec Think de James Brown, le morceau de fusion funk par excellence qui ridiculise toutes les tentatives des Red Hot Chili Peppers et pitoyables consorts, les envoyant se cacher sous les jupes de leurs mères en pleurnichant comme des pucelles hystériques qui se pissent dessus tant en entendant cette tuerie, ils auront eu la sensation d'être confronté au véritable Démon.
Les pauvres ne seront guère rassurés avec Wandering spirit, sorte de blues venant des profondeurs du bayou qui se voit rehaussé de chœurs gospelisant, une composition qui effectivement ne pouvait que donner son nom à ce disque tant elle en reflète à la perfection toutes les influences qui le parcourent.
 

Après cette visite en pays redneck, où nous nous sommes si bien torché au tord boyaux que nous en avons perdu l'usage d'un œil et la motricité d'un bras, Hang on to me tonight, comme s'est bien trouvé ça, vient nous mettre du baume au cœur et nous fait enfin voir la lumière au travers des ténèbres avec un Jagger qui nous assène un solo d'harmonica bien senti rien que pour faire mousser encore plus notre plaisir; il est comme ça Mick, toujours prêt à se donner à fond afin de satisfaire nos personnalités dévoyées, un mec en or quoi !

Le rhythm'n'blues repointe le bout de son museau avec un I've been lonely for so long qui nous fait remuer du croupion avec un œil égrillard qui nous vaudra une bonne paire de baffes de la part d'une gent féminine outragée par tant de lascivité.
Bon et bien c'est pas grave les greluches, on va vous faire tomber en pâmoison avec Angel in my heart, une de ses ballades Élisabéthaine dont ce brave Mick se plaît à composer de temps à autre avec une maîtrise toujours aussi sûre.

Pour clore ces festivités, Jagger se lance dans une ballade Irlandaise Handsome Molly et parvient encore à nous surprendre une ultime fois dans un registre dans lequel on ne l'attendait pas.
Diversité des genres, production sèche et brute, majesté vocale de Mick le dingue qui décidément sait absolument TOUT chanter, musiciens au taquet: cet album prémium est le pied total; un nirvana auditif qui nous conduit au frémissement suprême des synapses et à la perte complète de contrôle.
Bref, c'est le type de disque rarissime qui nous fait ressentir la vie dans ce qu'elle a de plus fort à nous offrir.



Si après tout ça, bande de nazes à tronche d'ahuri, vous n'êtes toujours pas convaincu, allez donc vous griller vos derniers maigres neurones devant une prestation live qui vous transformera en fous furieux bon à abattre à coups de marteau: il s'agit du DVD live at Webster hall 1993 qui venait justement couronner la sortie de ce Wandering Spirit d'exception.
Jagger et son gang, une meute de tueurs pratiquant la politique de la terre brûlée, la mise à genoux grande échelle et l'aliénation du peuple, bastonnent comme des malades à en faire flamber leurs amplis et la salle avec: le guitariste Jimmy Rip se distingue par en un jeu qui mêle puissance d'attaque et finesse d'exécution au travers d'un son colossal (à ce titre Wired all night, qui ouvre le show, nous démontre que ce type n'est pas là pour plaisanter mais bel et bien pour faire saigner nos tympans), un batteur furibard au physique de bibendum, cogne sur ses fûts tout le long du concert avec une sauvagerie si extrême que tatie Michelle en tomberait ses bigoudis, un aréopage de choristes, aux tenues provocantes, aguiche de leurs voix à la suave intensité un Mick chaud comme la braise (voir la version muy caliente de Use me qui vous enverra valdinguer aussi sec par terre, secoués par de violentes convulsions faisant passer votre cousin épileptique au dernier degré pour un modèle d'équilibre, ce con!), un bassiste salement doué, à trombine de débile, apporte un groove démentiel qui, combiné au souffle luciférien du saxophoniste faisant vibrer son instrument, fait grimper en flèche la température et provoque des suées à répétition (Think et Mother of a man, deux moments orgiaques monstrueux dédiés aux dieux de la concupiscence sont là pour en témoigner).
Déchaîné par le jeu de ses compagnons de turpitude, Jagger défonce tout et offre ses tripes en offrande à un public en liesse emporté par cette bacchanale démesurée.
Que grâce te soit rendue Mick pour une telle dévotion à ton art.


Maintenant pour conclure, je tiens juste à avertir que le prochain quidam au cerveau ramolli qui vient me dire que Mick Jagger sans les Stones ne vaut pas un radis, il se prendra une mandale magistrale qui lui remettra les idées d'aplomb plus rapidement qu'un cours de cette vielle baderne pénible de maître Capelo. 

Harry Max.

mardi 22 juillet 2014

DaNciNG wiTH Mr MiCK





1973,‭ ‬Mick Jagger a trente ans, les sens en éveil et des questions plein la tête. Les temps changent, ça ne lui échappe pas. A New-York, les Dolls agitent les clubs branchés en amenant plus d'énergie, de mascara, d'attitude. A Londres, David Bowie et Marc Bolan recouvrent paint it black de couleurs criardes, de paillettes et de strass. Les utopies des sixties peuplent les cimetières, les égos font imploser les groupes, les chapardeuses de baisers en chaussettes longues et jupes plissées ont laissé place aux  toxicos à la ramasse,‭ ‬des nanas accro, foutues, ravagées après seulement quelques tours de pistes, nichons qui flanchent,‭ ‬culs plus fréquentés qu'une portion d'autoroute,‭ ‬angoisses insurmontables. Héroïne is good for you. Et Mick Jagger en a marre, marre, marre. Exit Marianne Faithfull,‭ ‬Nico,‭ ‬Anita Pallenberg,‭ ‬qu’elles aillent avec qui en voudra,‭ ‬que Keith Richards s’en démerde.‭ ‬En voila un autre dont Jagger en a ras la casquette.‭ ‬Son guitariste le gonfle avec ses histoires d’accordages,‭ ‬de tempos lents,‭ ‬de coma qui durent des plombes,‭ ‬avec sa possessivité qui vaudra à Ry Cooder d’aller s’incruster ailleurs.‭ ‬Mick Jagger a compris que son collègue ne sera jamais Muddy Waters ou même Chuck Berry,‭ ‬pas plus que lui ne sera jamais Tina Turner même en la singeant concert après concert ‬en tortillant du derche comme une pute mexicaine.‭ ‬Les Rolling Stones sont peut être numéro un dans les charts et dans les esprits des ados,‭ ‬ils n’en apparaissent pas moins comme une bande d’anglais arrivés dans le bon timing et avec les bonnes influences.‭ ‬Pas plus,‭ ‬pas moins et c’est déjà pas mal d’en être arrivé là avec si peu. La postérité est ingrate.



La mort de Brian Jones,‭ ‬celles d’un wagon d’autres,‭ ‬Altamont,‭ ‬jouer avec le feu,‭ ‬les bouteilles vides,‭ ‬les seringues pleines,‭ ‬marre,‭ ‬marre,‭ ‬marre.‭ ‬Envie de danser,‭ ‬de remplir les caisses sans se faire plumer par des managers roublards,‭ ‬envie‭ d’aventures modernes,‭ ‬de rythmes qui déhanchent,‭ ‬de cinéma,‭ ‬de se tirer la bourre avec Bowie,‭ ‬Jagger veut la nuit sous les spotlights,‭ ‬pas s’enfermer sitôt le concert terminé dans un appartement glauque avec un ramassis de dealers portoricains.‭ ‬En une grosse décennie,‭ ‬de‭ ‬1973‭ ‬à‭ ‬1983,‭ ‬Mick va porter le groupe sur ses épaules,‭ ‬en faire un business rentable et se charger de faire prendre une bouffée d’air frais à sa musique.‭ ‬De Goat’s Head Soup à Undercover,‭ ‬de Stevie Wonder à Prince en passant par Clash,‭ ‬Marvin Gaye et Peter Tosh,‭ ‬le chanteur va se construire un répertoire sous influences dansantes,‭ ‬un parcours qui mènera à l’implosion des Rolling Stones,‭ ‬finissant comme il avait commencé par un album abandonné aux soins de Keith Richards,‭ ‬Dirty Work,‭ ‬auquel il n’amènera que sa voix,‭ ‬Winning ugly,‭ ‬Back to zero et la reprise de Harlem shuffle avant de tourner le dos à un groupe exsangue avec Charlie Watts héroïnomane,‭ ‬Ron Wood cracké,‭ ‬Keith Richards enfermé dans ses certitudes et Bill Wyman empêtré dans une affaire de détournement de mineure.‭ ‬Il sera alors grand temps pour Jagger de sortir son plus beau sourire et de s’atteler à une carrière solo qui mérite bien mieux que le haussement d’épaules qu’elle suscita sur le moment.‭ ‬Réécoutez Wandering Spirit et dites moi si j’ai tort.




Mais commençons par le début.‭ ‬Le chanteur avait laissé Keith Richards faire mumuse autant qu’il le voulait pendant les sessions d’Exile on main street,‭ ‬lui avait mieux à faire,‭ ‬se marier avec Bianca devant un parterre composé de tout ce que la hype du moment comprenait comme Une de magazines.‭ ‬Évidemment ça n’avançait pas bézef côté musique pendant son absence et il avait dû siffler la fin de la récréation en virant Gram Parsons et en embarquant les bandes à Los Angeles pour bricoler un mixage qui tienne la route avec le fatras de riffs,‭ ‬de tempos humides et de giclées d’orgue accumulé sur la Côte d’Azur.‭ ‬Le résultat était ok mais il était temps de passer à autre chose.‭ ‬Mick Jagger avait envie que ses chansons fassent danser dans les boites de nuit,‭ ‬que Diana Ross,‭ ‬Cher,‭ ‬Goldie Hawn se trémoussent sur ses créations comme elles le faisaient sur celles de Stevie Wonder qui venait d’ouvrir pour les Stones lors de leur récente tournée américaine.‭ ‬Il s’en foutait comme de l’an‭ ‬40‭ ‬de retrouver le son des puristes du Blues des origines,‭ ‬de la Country de tataouine,‭ ‬Jagger voulait graver l’odeur du Funk,‭ ‬de la sueur et du sperme.‭ ‬Et aussi montrer qu’il n’était pas largué en s’essayant à ce nouveau rythme qui pointait le bout de son nez,‭ ‬le Reggae.



Qu’à cela ne tienne,‭ ‬il réserve le Dynamic sound studio de Kingston,‭ ‬s’accoquine avec Billy Preston pour torcher des arrangements qui sente la sueur et embarque son monde en Jamaïque.‭ ‬Le résultat tient en deux titres,‭ ‬Doo doo doo doo doo‭ (‬trop con comme titre mais pas pire que Heartbreaker‭) ‬et Dancing with Mr D,‭ ‬deux fulgurances plus noires que toutes les reprises de Sam Cooke,‭ ‬des Temptations ou de Robert Johnson que le groupe avait enregistré jusque là.‭ ‬Dans une moindre mesure on peut ajouter à ceux là‭ ‬100‭ ‬years ago,‭ ‬rock molletonneux pourvu d’une sensualité à base de wah wah. Comme le temps presse,‭ ‬en cette époque bénie où les groupes sortaient un disque par an,‭ ‬et qu’il ne faut pas brusquer sa majesté des foulards,‭ ‬Jagger refile Coming down again à son gratteux et torche deux rocks bien sentis,‭ ‬Silver train et Starfucker,‭ ‬le premier fera le bonheur de feu Johnny Winter,‭ ‬le second celui des hit parades et des comptes en banques.‭ ‬Surtout il s’entiche d’une série d’arpèges que Richards peine à structurer,‭ ‬en deux temps trois mouvements l’affaire est dans le sac et Angie sur toutes les ondes.



Autour de ces sept titres,‭ ‬les Rolling Stones vont choisir une tapisserie aux couleurs pastelles pour nostalgiques de Brian Jones avec Can you hear the music aux relents acides, Winter et le bordélique à souhait Hide your love. ‬Trois titres qui ont le mérite de dissonner dans la formule établie.‭ Ce sera la dernière fois.

Restait plus qu’à se coltiner un drap de soie sur la tête devant l’objectif de David Bailey et le disque était torché. ‬C’est Goats Head Soup et ça reste un de mes Stones favoris.‭ ‬Ils persévéreront dans ce registre avec plus ou moins d'audaces sur les deux albums suivant.‭ ‬It’s Only Rock’n’Roll,‭ ‬plus indistinctement funky et rageur que son prédecesseur, avec ‬Fingerprint file,‭ ‬If you can’t rock me,‭ ‬Dance little sister et la magnifique reprise pied au plancher de Ain’t too proud to beg, mais également moins bon car en partie sophistiqué à outrance par un Mick Taylor qui prend un peu trop ses aises, tandis que Ron Wood,‭ présent sur le hit single qui donne son nom à l'album,‭ ‬fait discrètement son entrée en prenant soin de semer des petits cailloux derrière lui.....




...pour retrouver son chemin jusqu'à Black‭ & ‬Blue.‭ ‬Cette fois ci c’est le grand jeu,‭ ‬deux rocks en tout et pour tout, et c’est évidemment les morceaux les plus chiants du disque,‭ ‬Hand of fate et Crazy mama,‭ ‬du n’importe quoi envoyé n’importe comment pour satisfaire les vieux fans et Keith Richards qui commence à voir d’un mauvais œil l’influence prédominante de Billy Preston.

 Heureusement le reste tient la baraque.‭ ‬Un classique mineur du reggae dans une version majeure,‭ ‬Cherry oh baby d’Eric Donaldson,‭ ‬deux ballades bien foutues‭ (‬Memory hotel‭)  ‬quoiqu’un brin longuette‭ (‬Fool to cry‭) ‬et trois sommets inoxydables de rythmes divers et variés,‭ ‬le jazzy bastringue Melody,‭ ‬le païen Hey négrita et l’hystérique Hot stuff que le groupe ferait bien de ressortir en concert comme sur le fantastique Love You Live à la pochette cannibale signée Warhol,‭ ‬un machin au son énorme,‭ ‬foutraque au possible et qui consacre toute une face à des standards du Blues et de Bo Diddley captés dans un club de Toronto.‭ ‬Une tuerie en guise de souvenir des concerts parisiens de‭ ‬1976‭ ‬dont sont tirés‭ ‬9‭ ‬des‭ ‬17‭ ‬titres du double album.‭ ‬A l’époque France‭ ‬2,‭ ‬sous l’impulsion du regretté Freddy Hausser,‭ ‬avait eu la bonne idée de diffuser l’un des concerts.‭ ‬C’est pas aujourd’hui qu’on verrait ça dans alcaline et autres conneries soporifiques destiner à anesthésier la populace.



De toutes manières on s’en cogne c’est pas le propos,‭ ‬l’album dont je voulais vous causer arrive peu après,‭ ‬Emotional Rescue est son blase.‭ ‬Avant ça les Rolling Stones auront rameuté les foules sans se fouler avec l’anecdotique Some Girls qui ne tient que sur Miss you et Beast of burden,‭ ‬l’un de leurs meilleurs titres toutes époques confondues.‭ ‬Pour être sympa et parce qu’il fait beau, j’ajoute Just my imagination,‭ ‬même si leur version ne casse pas trois pattes à un canard cette chanson est tellement bonne que dégun ne peut la massacrer complètement. Revenons aux choses sérieuses avec ce qui est peut être,‭ ‬et pour moi sans doute,‭ ‬le meilleur disque du groupe dans sa dernière incarnation,‭ ‬ce Emotional Rescue par lequel ils inaugurèrent les années‭ ‬80‭ ‬en foulant le pavé parisien.

Emotional rescue c’est Mick Jagger obnubilé par le tout récent London Calling.‭ ‬Ça l’a estomaqué à Mick,‭ ‬que quatre jeunes anglais‭ (‬dont un vieux turc‭) ‬aient réussi à signer un album‭ (‬double‭ !) ‬sonnant frais,‭ ‬dynamique et Pop en abordant une palanquée de styles tout en conservant une unité dans l’exécution‭ (‬ce qui était le point faible de Black‭ & ‬Blue‭)‬.‭ ‬D’ailleurs il ne l'a pas caché,‭ ‬vantant tant et plus dans la presse les qualités du Clash,‭ ‬leur prédisant un long règne‭ (‬c’est son côté Paco Rabanne‭) ‬et philosophant à qui mieux mieux sur la relève enfin présente et débarrassée des sempiternels et paralysants oripeaux des‭ années 60. Un peu de modernité dans un monde nostalgique.



Avec son guitariste qui pique du nez toutes les‭ ‬5‭ ‬minutes,‭ ‬Jagger se rend bien compte qu’il est mal barré pour graver un double album aussi radical, mais ça ne l’empêche pas d’essayer,‭ ‬planqué derrière sa barbe.‭ ‬Pour le plus grand bonheur des bootleggers les sessions parisiennes s’éternisent.
Pour mener à bien la mission qu’il s’est lui même confié,‭ ‬le chanteur rappelle Billy Preston,‭ ‬recrute un percussionniste de Santana et embarque à bord Max Roméo le temps d’un Dance Pt1‭ ‬irrésistible de fougue et de rythme.‭ ‬Depuis‭ ‬1980‭ ‬que j’écoute ce disque,‭ ‬ça me le fait à chaque fois,‭ ‬ce titre là est une machine à bonne humeur,‭ ‬un truc à filer des coups de lattes dans la gueule du premier punk à chiens qui passe.‭ ‬Fantastique.‭ ‬D’autant plus que juste derrière le groupe réussi son premier rock depuis un bail‭ (‬et pique au passage le riff du Draw the line d’Aerosmith‭) ‬Summer romance.

Send it to me qui vient ensuite est un reggae malicieux au texte bourré d’humour et au refrain débraillé à souhait.‭ ‬Une constante du disque est la parfaite mise en place de la rythmique,‭ ‬Bill Wyman‭ (‬est-ce vraiment lui‭ ?) ‬joue comme jamais il ne joua ni avant ni après‭ (‬sérieux,‭ ‬c’est lui‭ ?) ‬et Charlie Watts ne semble se soucier que de faire claquer sa grosse caisse avec un maximum de barouf.‭
Deuxième rock de la face,‭ ‬Let me go oscille entre le bon et le casse gueule mais se voit rattrapé par les couilles par un Mick Jagger qui parvient à tirer quelque chose de créatif d’une mélodie bateau comme pas permis et un Ron Wood qui mijote solo et licks rockabilly avec son éternelle désinvolture.‭ ‬Keith fait la pompe façon Eddie Cochran sous Lexomil,‭ ‬ne me demandez pas comment mais ça tient la route jusqu’au bout, même s’il aurait pas fallu que ça dure une minute de plus. La face s’achève aussi bien qu’elle a commencé dans un registre opposé et apaisé.‭ ‬Indian girl c’est LA ballade que les Stones cherchent à torcher depuis qu’ils ont découvert la Californie dix ans plus tôt,‭ ‬celle qui capte les cuivres chicanos,‭ ‬les humeurs hawaïennes et le coucher de soleil se reflétant sur un verre de Tequila‬.‭ ‬Indian girl c’est Mick Jagger qui montre au Mink DeVille de Spanish stroll que lui aussi peut se la péter en espagnol.‭ ‬
Mick va dorloter la gamine et moi je me lève pour tourner la face.



Blam,‭ ‬Where the boys go‭ (‬le samedi soir pour trouver un cul à secouer‭) ‬tabasse en plein dans la gueule,‭ ‬tendu,‭ ‬rageur, mais fun avec des chœurs féminins pour faire comme Sylvain Sylvain. 
Down in the hole‭ ‬je ne sais pas si il faut que j’en cause tellement je l’aime.‭ ‬Pensez donc,‭ ‬les Stones font un Blues‭ ! ‬En‭ ‬1980‭ ! ‬Ça leur été pas arrivé depuis I got the blues et le plus beau c’est que ça le fait grave.‭ ‬Une mélodie à se jeter par la fenêtre,‭ ‬du feeling dans les guitares,‭ ‬un harmonica beau à chialer‭ (‬Sugar Blue comme sur Miss you‭) ‬ce serait quasiment le meilleur morceau du disque si le meilleur morceau du disque n’arrivait pas juste après.


Emotional rescue les enfants‭ ! ‬Powlala,‭ ‬celui là m’a fracassé adolescent comme il me fracasse encore maintenant.‭ Dès que l’intro débarque,‭ je suis en plein flashback, je revois ‬le panneau publicitaire de 4 mètres sur deux avec la trombine casquée de la nana‭ (‬que peut être c’est un mec‭) ‬qui annonçait la sortie du disque ‬en plein mois de Juin jusque sur la plage de La Franqui‭.‭ ‬Le morceau ressemble exactement à ça en fait,‭ ‬à l’été à La Franqui en bermuda à fleurs‭.‭ ‬ 

Emotional rescue c’est le titre disco rock qui enterre la concurrence,‭ ‬même Da ya think I’m sexy est à la ramasse par rapport à Mick et son étalon arabe,‭ ‬il n’y a que les Bee Gees pour la ramener face à une tuerie de ce calibre.‭ ‬C’est bien simple après un morceau pareil ils peuvent envoyer n’importe quoi ça passera.‭ ‬Et c’est exactement ce qu’ils font‭ ! 

She’s so cold est sympa comme un routier,‭ ‬un petit rock pour le hit parade RTL et All about you c'est Keith Richards qui pique du nez. C’est pas bien grave parce qu’un disque des Stones sans un ou deux titres cagneux, ça serait pas un disque des Stones.





Mine de rien les interminables sessions d’Emotional Rescue seront les dernières avant des lustres à voir les Glimmer twins collaborer. L‭es dissensions sont telles entre Jagger et Richards que pour l’album suivant ils préfèrent retaper des chutes de Goat's Head Soup et Black & Blue chacun dans son coin plutôt que de se coltiner un nouvel épisode à se marcher sur les arpions.‭ ‬Tattoo You n’en sera pas moins réussi,‭ ‬la face Rock tient la route et la face lente est splendide.‭ ‬Comble du comble pour cet assemblage hétéroclite,‭ ‬la patine du temps en fera un de leur albums les plus cohérents.‭ ‬Et celui de leur dernier grand classique historique,‭ ‬Start me up,‭ ‬soit l’aboutissement de dix ans de polissage du single stonien tel que défini par Brown sugar.


 
La superbe tournée qui suivie,  aussi triomphale soit-elle, n’apaisera en rien les tensions et l’enregistrement d’Undercover voit l’arrivée de Chris Kimsey dans le rôle de médiateur.‭ ‬Le disque est construit autour de deux titres de Jagger,‭ ‬Undercover of the night et Too much blood,‭ ‬deux titres sur lesquels les Stones font de la figuration au profit de Sly‭ & ‬Robbie avec lesquels Jagger a mis au point bien plus que la simple structure de base.‭
 





Undercover c’est le New-York de l’Electro-Funk qui colle des secousses aux fondamentaux,‭ ‬celui de Radio Clash. C’est le même goût que Big Audio Dynamite pour traduire en musique un contexte urbain en forme de fait divers sordide comme sur Too much blood et son rap sur le japonais cannibale qui dévora sa copine à Paris en juin‭ ‬1981.‭ ‬



Globalement,‭ ‬Undercover aurait été meilleur si Mick Jagger l’avait signé en solo.‭ ‬Malgré ses efforts pour coller à l’ensemble des chansons un vernis de modernité redoutable d’efficacité,‭ ‬les réticences de Keith Richards auront été trop fortes et le disque sombre régulièrement dans des rocks bateaux enregistrés sans conviction.‭ ‬Pour faire simple,‭ ‬Keith Richards n’avait rien à proposer et beaucoup à opposer. ‬Chaque fois que j’écoute les‭ ‬12mns de folie de l’extended mix de Too much blood je me dis qu’on n'était pas loin de tenir l'album expérimental qui aurait mis le groupe en phase avec son époque. Et je n’ose même pas imaginer le résultat si Mick Jones avait été appelé pour en réaliser le mixage.

 
 
Au lieu de quoi on aura droit aux prolongations avec Dirty Work,‭ ‬album bricolé par Keith Richards et ses adjoint crackhead,‭ ‬Ron Wood et Bobby Womack.‭ ‬De celui là je garde Too rude,‭ ‬un reggae ultra clashien,‭ ‬la cover de Harlem shuffle et le single One hit to the body pour sa franche et jouissive violence.‭

 

Rideau.‭ ‬Mick Jagger se lance en solo et ne reviendra qu’une fois lassé des atermoiements d’un Keith Richards qui ne se remet pas du split des Stones et pleurniche dans la presse.‭ Le divorce entre les deux faux frères était consommé depuis l’année précédente et la sortie de She’s the boss premier véritable album solo de Mick Jagger que Keith Richards considéra comme un coup de poignard dans le dos‭ (‬il n’y a que lui qui ne l’avait pas vu venir ceci dit‭)‬. Sacré Keith, lui qui avait sorti un single solo dès 1979, Run Rudolph run/The harder they come, voila qu'il nous joue les vierges effarouchées.



Et on peut dire qu’il a pas fait les choses à moitié,‭ ‬Mick,‭ en ‬rameutant au Bahamas rien de moins que Herbie Hancock,‭ ‬Nile Rodgers,‭ ‬Jeff Beck,‭ ‬Sly‭ & ‬Robbie,‭ ‬Pete Townshend pour ne citer que les plus célèbres.‭ ‬Avec Bill Laswell à la console pour que tout ce beau monde ne parte pas en vrille et que l’affaire ne tourne pas à la jam complaisante.‭ ‬Le boulot a été fait et bien fait,‭ ‬le disque est tendu,‭ ‬concis,‭ ‬les mélodies sont chiadées et le saupoudrage de sons nouveaux à foutrement bien passé l’épreuve du temps.‭ ‬Énergique,‭ ‬Pop,‭ ‬She’s the boss est un disque attachant,‭ ‬celui d’un homme qui veut vivre avec son temps sans se renier.‭ ‬Pour en assurer la promotion,‭ ‬Jagger tourne Running out of luck une vidéo longue durée‭ (‬1h30‭) mettant en images la quasi totalité de l’album au fil d’un scénario délirant.‭ ‬Bourré d’humour et d’autodérision avec un épatant casting réunissant Dennis Hopper,‭ ‬Jerry Hall et Rae Dawn Chong,‭ ‬la vhs fera le bonheur des vidéo-clubs.‭ ‬Devenue difficile à dénicher,‭ ‬je vous conseille de ne pas la rater si d’aventure elle passe à votre portée.

Mick Jagger a choisi d’aller de l’avant et ça lui va bien,‭ ‬il confirmera cette volonté deux ans plus tard avec Primitive Cool enregistré en comité restreint avec Dave Stewart à la console et toujours Jeff Beck.‭
Primitive Cool épure la donne,‭ ‬moins clinquant,‭ ‬moins frimeur,‭ ‬plus radical et minimaliste,‭ ‬je l’aime autant que son prédécesseur.‭ ‬Il sera l’occasion d’une tournée au Japon avec Joe Satriani à la six cordes, ce qui ne manquera pas de faire grincer les chicots de Keith Richards,‭ le répertoire de ‬son chanteur alternant titres solo et classiques des Rolling Stones.‭ ‬Et pour le coup c’est vrai que c’est un peu con sur les bords et qu’on peut préférer la démarche du guitariste qui tourne au même moment avec les X-Pensive Winos pour défendre un répertoire tout neuf basé sur ses deux albums solo,‭ ‬Talk is cheap et Main Offender‬.



Les chamailleries des deux hommes finissent par faire sourire et la raison par prendre le dessus,‭ ‬personne n’est étonné par l’annonce de leur retour à la vie commune en‭ ‬1989,‭ ‬concrétisé par un album et une tournée mondiale au gigantisme démesuré qui définira la norme pour toute Rock star qui se respecte dans les années suivantes.


Personne ne m’avait demandé mon avis mais j’avais trouvé ça dommage,‭ ‬autant leurs albums solo m’avaient enthousiasmé autant les revoir s’enfermer dans la routine m’avait saoulé et Steel Wheels,‭ ‬album de la résurrection,‭ ‬ne m’avait pas fait changer d’avis.‭ ‬Avec le recul le bilan est bien maigre,‭ ‬Bridges to Bigger bang m’en ont touché une sans réveiller l’autre et c’est toujours du côté de Jagger en solo qu’il faut chercher les perles,‭ ‬God gave me everything I want par exemple sur Goddess in the doorway ou la méconnue B.O de Alfie. Son projet tendance Techno Reggae musclé,‭ ‬SuperHeavy,‭ ‬contient de bonnes choses et évidemment son troisième album solo,‭ ‬Wandering Spirit,‭ ‬est une véritable réussite de bout en bout surclassant toute la production stonienne depuis Tattoo You.‭ ‬Waouh you’re my sweet thing‭ !!! 

Au milieu de tout ça, il y a Voodoo Lounge,‭ ‬un sacré bon disque.‭ ‬D’abord parce que Keith Richards a quelque chose à exprimer d’un peu nouveau,‭ ‬c’est même lui qui torche les deux pivots de l’album,‭ ‬The worst et ce Thru and thru que Les Soprano finiront de rendre incontournable,. Ensuite parce que le disque,‭ ‬malgré sa trop longue durée ‬imposée par le format cd,‭ ‬aborde une variété de styles plutôt que d’asséner les rocks crétins.‭ ‬Avec Voodoo Lounge,‭ ‬les Rolling Stones,‭ ‬sans vraiment s’éloigner des fondamentaux,‭ ‬privilégient un menu aux saveurs multiples.


Immédiatement,‭ ‬Love is strong le single qui ouvre l’album donne le la,‭ ‬guitares fluides,‭ ‬basse dopée à la testostérone,‭ ‬tempo lent et menaçant,‭ ‬harmonica qui déchire et Jagger sort sa grosse méchante voix. ‬Chouette,‭ ‬les Stones ne font pas dans la facilité.
Love is strong par sa construction fait oublier des siècles de She’s so cold/She’s was hot et You got me rocking qui lui succède confirme la bonne nouvelle et ‬c’est pas le solo rageur de Ron Wood qui me contredira.‭ ‬Un petit clin d’œil de Jagger à Brown sugar sur la fin de You got me rocking et voila déjà Sparks will fly qui déboule.‭ ‬troisième rocks d’affilée et troisième réussite,‭ ‬mazette,‭ ‬pas une once de rabâchage stérile et Charlie Watts qui s’amuse comme un fou avec ses cymbales.‭ ‬Féroce.


Est-ce le remplacement de Bill Wyman par Darryl Jones qui leur a filé un coup pied aux joyeuses‭ ? ‬J’en doute tellement le bassiste ne participait que de loin aux sessions depuis déjà un bail.‭ ‬C’est certainement dans le partage des taches qu’il faut chercher la raison d’un tel niveau de qualité.‭ ‬Lassés de se chercher des poux,‭ ‬Jagger et Richards ont visiblement opté pour s’accorder plus d’indépendance,‭ ‬si clairement The worst et Thru and thru,‭ ‬sur lequel seul Charlie Watts représente les Stones,‭ ‬sont deux créations purement dû à Keith Richards d’autres titres sonnent comme du‭ ‬100%‭ ‬Jagger‭ (‬Out of tears,‭ ‬New faces, Suck on the jugular..‭)‬.‭ ‬Plutôt que de se censurer,‭ ‬ils ont enfin décidé de se mettre au service l’un de l’autre,‭ ‬ce qui nous vaut une série de bonnes chansons aux humeurs fluctuantes.‭ ‬



Chaque face à sa couleur,‭ ‬très rock pour la première,‭ ‬60‭‘‬s modernisées pour la seconde,‭ ‬californienne pour la troisième,‭ ‬ma préférée, qui s’ouvre sur I go wild,‭ ‬s’achève sur le funk moite de Suck on the jugular et me ravie avec Brand new car,‭ ‬sorte de Cadillac walk revisité,‭ ‬et Sweethearts together enregistré avec l’accordéoniste Flaco Jimenez. Deux titres qui flirtent avec le feeling affectionné par Willy DeVille et ventilent ce disque qui refuse toute voie déjà tracée.‭ ‬La face‭ ‬4,‭ ‬parfaitement décousue,‭ ‬ne tient la distance que sur Thru and thru.‭ ‬Blinded by rainbow et Baby break it down faisant office de remplissage sans en devenir désespérant pour autant.
Ce que les deux titres studio du live Flashpoint,‭ ‬Highwire et Sex drive, avaient laissé espérer Voodoo Lounge le confirme,‭ ‬il fallait à nouveau compter avec les Rolling Stones en‭ ‬1994,‭ ‬quelques trente années après leur formation.
Que cela fut pour la dernière fois n’a finalement aucune importance.



Hugo Spanky