Cérémonie Secrète est un film de 1968 réalisé en Angleterre par Joseph Losey, un américain, quasiment né avec son siècle, que le mc carthysme a conduit à l'exil en plus de lui infliger un traumatisme dont ses créations n'arriveront jamais à se défaire. Auteur de pellicules aussi dérangeantes que The Servant, These Are The Damned (avec Oliver Reed) ou Eva (avec Jeanne Moreau), Joseph Losey flirte avec les atmosphères torturées, empreintes de soumissions, de complots et de sadisme, marquées par des échappatoires en cul-de-sac. Les personnages de ses films sont traqués, persécutés, mal en point au début, morts à la fin, après avoir souffert le martyre 24 fois par seconde pendant près de deux plombes. Dans son œuvre se décèlent les influences conjuguées de Fritz Lang -il signera M en 1951, remake américain de M le maudit- et d'Alfred Hitchcok,
mais il se distingue par une approche plus frontale des troubles de la
sexualité et préfigure ainsi un cinéma qui connaîtra son apogée dans les
années 70 avec des réalisateurs comme Friedkin, Zulawski ou Fassbinder. Autant dire que pour la pignolade, c'est rideau.
These Are The Damned est un condensé de ses obsessions. Une bande de blousons noirs, bizarrement menée par Oliver Reed en total look mod, tabasse un touriste d'âge mûr coupable d'avoir été un poil trop galant avec la jeune sœur du bad boy en chef. Le film date de 1962 et contient pas mal d'idées qu'on recroisera plus tard dans Les Enfants Des Damnés, Orange Mécanique et Mad Max. Sauf que Joseph Losey n'est pas du genre à se contenter de peu et qu'il profite de l'ambiance oppressante pour tracer un parallèle entre la violence de la rue et la violence d’État en conduisant le touriste et la jeunette, qui succombe fissa aux charmes de la maturité, dans une base militaire ultra secrète où se pratiquent d'ignobles expériences. Sur des enfants ! On se croit barré pour Graine de Violence, on se retrouve dans L'île du Docteur Moreau. Tout le monde meurt irradié, touriste, gonzesse et blousons noirs, pas de détail, seul survivent les sbires du gouvernement. Le message est clair, tu peux jouer au dur au coin de ta rue, mais t'éloignes pas trop loin de ton bac à sable car, à l'échelle des nations, tu restes un enfant de chœur.
Malgré tout, au delà de son sujet pour le moins anxiogène, These Are The Damned fait figure de bluette romantique dans la filmographie de Joseph Losey, on y respire le grand air du bord de mer et le réalisateur est allé jusqu'à donner un bref instant d'espoir pour l'humanité en laissant vivre, le temps de quelques scènes seulement, vous emballez pas, un personnage dépourvu de mauvais sentiment. Autant vous le dire de suite, il n'y a rien de tout ça dans Cérémonie Secrète.
Cérémonie Secrète est un film austère, dans son histoire, dans sa conception, jusque dans son étirement dépourvu de rythme. Un film qui se délecte de n'user d'aucune séduction. Chaque ingrédient est nauséabond, la perversité et le cynisme sont maîtres, Robert Mitchum est affublé d'un bouc ignoble, d'un chapeau informe, Liz Taylor porte le poids d'une silhouette empâtée, Mia Farrow est détournée de sa virginale blondeur. Les stéréotypes de l'époque glissent sur la réalisation de Joseph Losey comme l'eau sur les plumes d'un canard. Pas de Pop music, d'ambiance patchouli, rien à foutre de Carnaby street, Joseph Losey fait dans l'étriqué, focalise sa loupe sur les névroses, se sert du décor comme d'un étau. Les couloirs de la demeure font oppression, les meubles, les parures, les oripeaux étouffent les mouvements, les souvenirs asphyxient les êtres. Cérémonie Secrète, c'est deux mensonges qui s'additionnent pour tenter de faire une réalité. Et ça fonctionne. Mal, mais presque. Jusqu'à l'inévitable grain de sable.
These Are The Damned est un condensé de ses obsessions. Une bande de blousons noirs, bizarrement menée par Oliver Reed en total look mod, tabasse un touriste d'âge mûr coupable d'avoir été un poil trop galant avec la jeune sœur du bad boy en chef. Le film date de 1962 et contient pas mal d'idées qu'on recroisera plus tard dans Les Enfants Des Damnés, Orange Mécanique et Mad Max. Sauf que Joseph Losey n'est pas du genre à se contenter de peu et qu'il profite de l'ambiance oppressante pour tracer un parallèle entre la violence de la rue et la violence d’État en conduisant le touriste et la jeunette, qui succombe fissa aux charmes de la maturité, dans une base militaire ultra secrète où se pratiquent d'ignobles expériences. Sur des enfants ! On se croit barré pour Graine de Violence, on se retrouve dans L'île du Docteur Moreau. Tout le monde meurt irradié, touriste, gonzesse et blousons noirs, pas de détail, seul survivent les sbires du gouvernement. Le message est clair, tu peux jouer au dur au coin de ta rue, mais t'éloignes pas trop loin de ton bac à sable car, à l'échelle des nations, tu restes un enfant de chœur.
Malgré tout, au delà de son sujet pour le moins anxiogène, These Are The Damned fait figure de bluette romantique dans la filmographie de Joseph Losey, on y respire le grand air du bord de mer et le réalisateur est allé jusqu'à donner un bref instant d'espoir pour l'humanité en laissant vivre, le temps de quelques scènes seulement, vous emballez pas, un personnage dépourvu de mauvais sentiment. Autant vous le dire de suite, il n'y a rien de tout ça dans Cérémonie Secrète.
Cérémonie Secrète est un film austère, dans son histoire, dans sa conception, jusque dans son étirement dépourvu de rythme. Un film qui se délecte de n'user d'aucune séduction. Chaque ingrédient est nauséabond, la perversité et le cynisme sont maîtres, Robert Mitchum est affublé d'un bouc ignoble, d'un chapeau informe, Liz Taylor porte le poids d'une silhouette empâtée, Mia Farrow est détournée de sa virginale blondeur. Les stéréotypes de l'époque glissent sur la réalisation de Joseph Losey comme l'eau sur les plumes d'un canard. Pas de Pop music, d'ambiance patchouli, rien à foutre de Carnaby street, Joseph Losey fait dans l'étriqué, focalise sa loupe sur les névroses, se sert du décor comme d'un étau. Les couloirs de la demeure font oppression, les meubles, les parures, les oripeaux étouffent les mouvements, les souvenirs asphyxient les êtres. Cérémonie Secrète, c'est deux mensonges qui s'additionnent pour tenter de faire une réalité. Et ça fonctionne. Mal, mais presque. Jusqu'à l'inévitable grain de sable.
Écartelée dans son esprit égaré entre les inconciliables désirs qui lui sont
portés, et qui occultent le sien, celui d'être aimée coûte que coûte, Mia Farrow culmine dans un rôle prototype de ceux qui feront la renommée d'Isabelle Adjani quelques petites années plus tard. Autour d'elle, deux ombres
s'accommodent de sa folie pour justifier de vivre la leur. Deux sangsues se nourrissant d'une même source, persuadés que l'innocence de leur victime
la tiendra dans l'ignorance des stratagèmes. De la même façon que l'on
croit pouvoir agir sans conséquence devant le regard d'un être fragile. Parce que trop jeune, trop attardé, naïf ou
encore méprisable de par sa condition.
Liz Taylor est telle qu'elle est toujours, d'une impeccable justesse. Éteinte durant une large partie du film, son mensonge le lui impose, elle use de l'immensité de son talent pour nuancer la double personnalité de son rôle sans avoir à s’astreindre à une quelconque surenchère d'expressivité. Robert Mitchum est glauque, pesant, rampant, pas si éloigné du personnage qui fut le sien dans La Nuit du Chasseur. Tous ont la tête qui tourne, désorientés par ce qui leur tend les bras, mais ne leur appartient pas.
Cérémonie Secrète est un ballet incestueux et mortifère que rien n'impose que l'on s'inflige. On en ressort assurément pas meilleur, encore moins soulagé de quoi que ce soit. Il ressemble à ces heures d'ennui dans le décorum d'un aïeul quelconque que l'enfance nous oblige à vivre, ce ressentiment d'éternité qui éveille en nous l’irrépressible désir de fuir l'étouffant cocon de la dépendance. Cérémonie Secrète est la sentence infligée à ceux qui ont le malheur de rester figés entre la boite à musique et la poupée de porcelaine.
Hugo Spanky
Nous aussi avons la tête qui tourne et les pieds cloués au sol. Car même s'il n'y a pas de fin, ni dans l'un ni dans l'autre, c'est peut-être ce qui dérange le plus. On se dit qu'à tout moment cette CHOSE peut nous happer. La parano, le complot, la manipulation, la régression.... ?
RépondreSupprimerWelcome to the terrordome ))))
SupprimerPour étoffer un peu, je dirais qu'effectivement il n'y a pas de fin aux causes des tourments dans les films de Losey et c'est surement ce qui les rend si concrets dans les craintes qu'ils inspirent (même si les intrigues partent loin, très loin).
SupprimerSa vie a été bouleversée par la chasse aux sorcières du mc carthysme, il tournait à Rome le film au titre prémonitoire "Un homme à détruire" lorsqu'il reçu sa convocation et il préféra ne jamais retourner aux Etats-Unis plutôt que de se présenter devant la commission. Cette oppression de l’État n'a pas dû arranger ses prédispositions. Je n'aime pas utiliser le mot parano, car souvent il sert souvent à discréditer une situation bien réelle. Dans son cas, la dénonciation de la déviance d'un gouvernement envers la pensée politique d'une partie de son peuple était parfaitement fondée.
Sa filmographie est fournie et surprenante, Le garçon aux cheveux verts, c'est de lui et Monsieur Klein avec Alain Delon aussi. De 1940 à 1985, il a fait un film par an et c'est le genre de réalisateur dont mine de rien, j'aimerai connaître l'intégrale.
Je connais le nom de Losey, mais je ne suis pas sûr d'avoir jamais visionné un de ces films. Séance de rattrapage donc ! Merci
RépondreSupprimerJe viens d'ajouter The Servant qui est particulièrement particulier ))) Si les liens déconnent, fais le savoir, on passera en alternatif.
SupprimerThe Servant, un modèle de perversité que ce film avec un Dick Borgade retors comme ce n'est pas permis.
SupprimerLosey cinéaste du malsain par excellence est à redécouvrir urgemment: Le rodeur (The prowler), Accident, La truite (avec Isabelle Huppert provocante comme jamais) sont autant de pépites qui affleurent dans sa vaste filmographie.
Je ne connaissais pas These are the damned et, vu ce que tu en racontes, il me fait sacrément envie d'autant plus avec ce frappé d'Oliver Reed au générique.
Merci. J'ai passé un moment magique. Oui! Comme dans certains films de Visconti. Il y a les lieux et cette maison est fascinante. Tu peux faire un arrêt image sur chaque scène (presque) et regarder le lieu, y compris les accessoires tel les tasses de thé, les robes... Le rôle de la maison est aussi important que le jeu des acteurs.
RépondreSupprimerJe pensais que la plage et l'hôtel nous laisserait respirer, même pas, Lynch aurait ou a dû adorer la scène du restaurant et le cancéreux de la gorge et son appareil ébloui par Elizabeth
La maison? Mitchum en est un peu écarté, il n'a le droit qu'à la cuisine. Le pire, en parlant du personnage de Mitchum, c'est que tout pervers qu'il est, il est peut-être aussi le moins... malsain? Névrosé?
Madame Taylor, Attirante qui se débat et bat le beurre ;-)
Complétement d'accord sur tout. Et comme tu le soulignes, Mitchum est le personnage le plus rationnel du film tout en étant le plus pervers. C'est tout le talent de Joseph Losey que de jouer sur l’ambiguïté de ses personnages et de faire ainsi en sorte que le spectateur n'arrive jamais à avoir un avis tranché et définitif. Le questionnement est constant, comme dans la vie, personne n'est jamais tout blanc ou tout noir. C'est ce qui fait que le film te poursuit longtemps après le générique.
SupprimerConcernant Liz Taylor, il y a ce court instant dans le film où son visage s'illumine soudain. Ça ne dure que le temps de le capter, puis elle se ressaisit et replonge dans son mensonge. Cet instant là démontre à mes yeux toute l'étendue de son génie.
Je viens de mater These are the damned - un production Hammer dans la carrière de Losey ! - et effectivement il rappelle fortement Le village des damnés qui le précède de deux ans.
RépondreSupprimerMais, alors que dans ce classique du cinéma fantastique c'étaient des enfants extra-terrestre flippants qui prenaient le contrôle sur les humains, dans le film de Losey se sont des enfants irradiés, insensibles au sort néfaste des radiations, qui sont séquestrés contre leur gré par le gouvernement qui voient en eux la sauvegarde de l'humanité face au péril nucléaire grandissant.
La photographie noir et blanc superbe, la mise en scène classieuse faite de long panoramique et de gestation claustrophobe de l'espace ainsi que les acteurs - avec un Oliver Reed toujours impeccable dans le rôle de la petite frappe tourmentée - contribuent à la réussite de ce curieux long-métrage qui mélange film de gang, romance et science-fiction tout en demeurant prenant de bout en bout même si au final, pessimisme de Losey oblige, point de salut n'attend en fin de parcours les anti-héros qui le peuplent.
Ah oui, j'avais zappé Le Village des damnés qui lui est antécédent. Losey avait signé un ambitieux contrat avec la Hammer quand il s'est installé en Europe, mais plusieurs acteurs anglais également liés au studio ont refusé de tourner pour un communiste, du coup l'affaire a capoté.
SupprimerQuant à ce diable d'Oliver Reed, on peut noter qu'il n'a pas fait de tour de chauffe, dès ses débuts il a donné le meilleur de lui-même. Il avait auparavant été impérial dans La nuit du loup garou de Terence Fisher.
J'attends ton avis sur The servant.
Ha mais The Servant, SpankyMan, je l'ai déjà visionné à plusieurs reprises celui-là, figure-toi. C'est même le premier film de Losey que j'ai vu et dans le genre tordu il en impose pour sûr.
RépondreSupprimerLe rapport de classes - terme ô combien prégnant dans la carrière de Losey - est méchamment mis à mal par la relation malsaine qui s'instaure entre James Fox, l'aristocrate veule, et Dick Bogarde, le serviteur retors, qui sous ses atours obséquieux se révèle être une parfaite canaille.
Quant à Sarah Miles, elle ne fait que catalyser la folie qui au fur et à mesure de l'histoire imprègne de façon prononcée l'atmosphère du film.
C'est bien simple, on assiste à un véritable jeu de massacre dont la course échevelée ne semble pas pourvoir être arrêtée.
En fait le cinéma de Losey est semblable à celui pratiqué par Visconti dans des longs-métrage tels que Les damnés ou Violence et passion: un cocktail Molotov entouré de bien beaux atours qui ne l'empêchent, en aucune manière, de tout faire voler en éclats d'insidieuse façon.
Sinon, pour en revenir à Oliver Reed, sa première prestation d'acteur, il la doit à un épisode de la série Le Saint avec Roger Moore et déjà il y interprétait un voyou sacrément dérangé.
Par ailleurs, je te conseille de choper le film Paranoïaque de Freddie Francis - une autre production Hammer - dans lequel il fait feu de tout bois dans le rôle d'un noble décadent totalement allumé du ciboulot !