Comment appréhender le cas Bowie ? Et
quel Bowie ?
Celui à paillettes de Ziggy
et Aladdin Sane ?
Celui de l'époustouflant comeback
de Outside
?
A moins
que ce ne soit le Berlinois d'adoption de la fin des 70's ?
Ou encore
le dandy à mèches des 80's ?
Premiers éléments de réponse.
Station B.
Rien de bien
nouveau ceci dit, dès Brian Jones en uniforme et
poupée piétinée, puis Ron Asheton ou Johnny
Thunders et son brassard swastika, ou encore Lou
Reed, Sid Vicious, Lemmy, nombreux furent
ceux qui firent se tutoyer Rock et symboles détournés du 3ème
Reich.
On s'en
doute Bowie est plus fin que ça, ce qui le motive
n'est pas le taux de remplissage des wagons en direction d'Auschwitz
mais plutôt les théories avant-gardistes de Goebbels sur
les médias et leur utilisation pour manipuler les foules.

Une fois
encore, le Rock va se vêtir de scandales et de provocations et c'est
comme à l'habitude Pete Townshend qui l'analyse le
mieux : Notre génération et la
suivante n'utilise pas les symboles fascistes pour se revendiquer
d'une idéologie mais plutôt pour exiger de nos parents et
grand-parents une explication sur ces événements et leur
implication personnelle dans ces événements. Chaque fois qu'on les
interrogeait sur le sujet, on obtenait d'eux que silence et gène. La
façon dont les Punks se sont couverts de croix gammées est juste
une manière de demander à nos aînés : mais qu'est ce que vous
avez foutu pour qu'un truc pareil puisse arriver ?
Et puis, ne soyons pas dupe, le look aryen va tellement bien à Bowie, un artiste pour qui l'image a toujours été primordiale.
Et puis, ne soyons pas dupe, le look aryen va tellement bien à Bowie, un artiste pour qui l'image a toujours été primordiale.
1975, donc,
et Bowie qui vient de graver deux de ses
meilleurs albums, Diamond
Dogs dont les
textes lourdement chargés de visions apocalyptiques préfigurent le London Calling de Strummer et Young
Americans, nourris à la Soul, qui révélera chez lui des
talents de chanteur jusqu'alors largement sous-estimés.
Parallèlement
au tournage de L'Homme qui venait d'ailleurs et
entouré de ce qui restera son meilleur groupe, Bowie va
enregistrer la synthèse du son américain qu'il a fait sien
depuis Diamond Dogs et
de ce désir de structures européennes plus complexes, qu'il
développera par la suite en partant pour ce Berlin que son alter
égo, Lou Reed, à utilisé comme base pour un disque qui
fera date.
Partagé
entre atmosphère shootée (Wild is the wing) et un Funk
qui satisferait autant l'intellect que le bassin (Stay), Station
To Station, avec ses compositions ne répondant plus aux
standards du Rock, fera vite des émules du côté des Talking
Heads et plus largement de la No Wave New Yorkaise.
Abandonnant les refrains, rompant avec la progression classique des
mélodies, privilégiant chœurs obsessionnels, ambiances
oppressantes et angoisses de junkie, le disque donne l'impression
de danser sur les décombres. Le thin white duke marche
à travers sa cour décrépie sans même un regard pour les corps
collés au carrelage.
Le
tandem Earl
Slick/Carlos
Alomar (le
Rocker teigneux et le black sensuel) vont griffer tout l'album de
riffs et chorus traumatisants. Bien loin de tomber dans la démesure,
les deux vont se caler en mode économique et, malgré l'espace
infini qui leur est laissé, s'appliquer à ne jouer que l'essentiel.
A l'inverse de la mode des duels de guitares instaurée par
le Rock'n'Roll Animal de Lou
Reed, Bowie travaille
le rythme, dirige ses hommes vers des sons torturés, distordus, très
éloignés des déferlantes de notes qui épatent la galerie. S'il a
régulièrement su s'entourer des meilleurs de la six cordes, c'est
toujours en leur inculquant retenue et efficacité.
Les
deux faces de l'album sont construites de façon similaires, un
morceau de bravoure (Station to station et Stay),
un single (Golden years et TVC15)
et une ballade d'un lyrisme classique plus proche des crooners que
des stéréotypes de la Rock music (Word on a
wing et Wild
is the wind).
Ce parti pris unitaire donne au disque son impact, sa rigueur.
L'autre changement est qu'on peut dire qu'entre Young
Americans et Station
To Station,
Bowie a sacrément monté le son, encore aujourd'hui ce lp reste
parmi les mieux enregistrés et les plus dynamiques qui soient, au
grand dam de Tony Visconti que le Duke blanc-bec oubliera d'inviter
aux séances. Paru
en janvier 76, il sera, jusqu'à Let's Dance, le dernier
Bowie à se nourrir autant de l'influence américaine. Low et Heroes,
qui lui succéderont, quoique tout les deux relativement inégaux,
définiront une approche nouvelle de l'enregistrement et inventeront
un futur aussi bien à Cure (A new career in a
new town) qu'à Bashung avec un Beauty
and the beast à la source duquel il viendra
puiser Imbécile. 
Quelques années après sa parution, Station to station servira de bande son au très glauque Moi, Christiane F. Avec
la ligne blanche toujours en bout de paille, Bowie,
inépuisable, va ensuite graver deux autres disques que je classe
parmi mes préférés, Lodger puis le virulent Scary
Monsters (c'est plus fort que moi, cette japonaise qui
braille sur It's no
game m'embarque à chaque fois.)
Jamais
à un paradoxe près, il reviendra alors au sommet des charts avec
une chanson décrivant un flash d'héroïne et défendue par un clip
chargé d'images psychotiques qui influenceront, dans les grandes
largeurs toutes les années 90, autant dans le milieu du cinéma que
dans celui de la musique.
En
à peine un peu plus de quatre ans, de 76 à 80, Bowie aura
enregistré sept albums parmi les moins orthodoxes de la Rock Music.
Défonçant les clichés, ces disques (The Idiot et Lust
For Life inclus) sont sûrement le véritable reflet de
l'esprit novateur du Punk, en tout cas bien plus que le boogie
apoplectique des Sex Pistols ou la Pop vitaminée qui sert
aujourd'hui de définition au mouvement de 77.

























































