vendredi 25 avril 2025

PsYcHODeRelict ◙ PeTe ToWNsHeND ◙ reduX


"Le jour où je décèle autre chose que de l'ennui à l'écoute de Psychoderelict, je vous téléphone."

Allo ? Si j'aime autant la musique, c'est qu'elle bouleverse souvent mes appréciations. Par chance, je ne suis pas du genre obtus, si j'en viens à adorer ce que j'aurais brulé la veille, je m'en vante. 

Lorsque je me penche sur un groupe pour garnir ce blog, je réécoute tout et c'est mon ressenti de l'instant que je clame par azerty interposé. Sauf qu'une fois dans le mood, j'y reste. Pour exemple, depuis mon post sur Pete Townshend, j'ai relu son autobiographie, dans la foulée la biographie de Keith Moon parue chez Camion Blanc, j'ai écouté des dizaines de bootlegs et bien sur revisité l'intégralité de leurs discographies, commune et solo. Tout ça pour dire que...

...Pete Townshend fait partie des quelques artistes que je place au dessus de la mêlée, ceux dont la discographie officielle n'est le reflet que d'une infime partie de leur génie. Ceux dont il faut traquer les inédits, les démos, les rejets, les comportements, pour commencer à saisir de qui il est véritablement question. Prince est ainsi, Yoko Ono est ainsi, Public Enemy, Mick Jones, Elvis Presley, Beatles, Who et c'est à peu près tout. Avec eux, tout est synonyme de sens. Remix, mixtapes, bootlegs, faces B, versions extended réservées à d'obscurs maxi 45t. Tout. Y compris ce qui a été rejeté, parce que trop en avance, parce que pas assez vendeur. Dans le cas de Townshend, ça se situe une première fois au moment de Who's Next et se personnifie par le projet Lifehouse. Un projet abandonné pour cause d'incompréhension généralisée. Le sujet ? Un monde futur proche dans lequel tout le monde vit cloitré à cause d'un virus provoqué par une écologie désastreuse. Dans ce monde déshumanisé, chacun comble ses désirs via un ordinateur qui délivre à volonté et à domicile. La situation semble sous contrôle, pourtant un individu se rebelle, sort de chez lui et organise un concert en plein air. Il est rejoint par une multitude d'aspirants à la liberté et tous atteignent la félicité par la grâce d'une note de musique.  There once was a note pure and easy.


Jamais à une surenchère près, Pete Townshend prévoit d'accompagner le disque par une tournée dont les concerts seraient sonorisés en quadriphonie. Pour mémoire, je rappelle que tout ceci se déroule en 1970, une époque où le summum du progrès est d'empiler les têtes d'amplis Marshall. Personne ne s'y risqua. Les chansons furent ratiboisées, en partie rejetées ou dispersées sur des singles, le concept fut oublié et Who's Next fut un succès. Sauf pour Townshend. Et pour moi, qui n'aime rien de plus que les albums labyrinthes. Les casse-têtes. Et aussi pour quelques autres qui complotent sur des blogs et reconstruisent Lifehouse à partir de démos et de bonus tracks parus tardivement. Les liens vers ces blogs sont dans la marge de droite, je vous les conseille. En 2000, il a fini par éditer un coffret de 6 cd qui sert l'intrigue avec des morceaux piochés parmi les reliquats du projet initial et d'autres qui ont été composés depuis. Le tout retravaillé dans les grandes largeurs. Il a carrément collé un rap sur Who are you ! Un cd simple titré Lifehouse Elements résume l'affaire en une dizaine de titres surpuissants.


On s'en fout. Mon propos n'est pas là. Si je remets le couvert à propos de Pete Townshend, c'est pour évoquer Psychoderelict. J'en étais resté au disque tel que je l'avais acheté en 1993, à savoir un aggloméré pénible de dialogues de théâtre empiétant sur des chansons sans intro, ni outro, quand elles n'étaient pas carrément interrompues. Un bordel. Dire que ça ne fonctionnait pas est un minimum. J'avais rangé le disque et j'étais passé à autre chose. 

Puis, Amazon vint. C'est en tapant avec frénésie sur mon tambour le nom du guitariste que la lumière fut. Psychoderelict vient d'être commercialisé en version music only. Quoi ? Les dialogues au placard. L'occasion était trop belle et mon appétit trop inextinguible. Comme de bien entendu me voilà avec un disque radicalement différent. Du solo de guitare, du rythme martial, majoritaire nerveux, et des arrangements, ma foi, de temps à autre un peu douteux sur les bords. On navigue entre synthé won't get fooled again et beat électronique. Il y a même un gospel ! Je ne vais pas crier au chef d'œuvre, mais au rendez-vous manqué. Pyschoderelict ne méritait pas la volée de bois vert que la presse lui a fait manger, ni l'indifférence du public, encore moins d'être la raison pour laquelle le label lui a rendu son contrat solo et demandé d'aller voir ailleurs si les inuits aiment le rock désintoxiqué.

Je résume. Psychoderelict est un chouette disque dans la droite lignée de White City. Il contient une bonne dose de rocks nerveux, une paire de choses surprenantes (Now and then pour exemple) et un single impeccable, English boy. Vu ce que les années 90 nous ont proposé en matière de classic rock, on n'aurait pas fait la fine bouche.

Hugo Spanky

mercredi 16 avril 2025

PeTe ToWNsHeND ↕ THe WHO ‼

Mon idée était de consacrer un subway to heaven aux Who. Trier dans la fournaise pour en extraire un seul album. Je ne suis pas avare d'idées à la con. Le résultat fut un méli mélo interminable, fait de souvenirs adolescent, d'emportements fanatiques. Je m'embourbais au fil des lignes, peinant à avancer vers une implacable conclusion : j'étais incapable de choisir un seul album. Pire, je les aimais tous. J'en arrivais à défendre It's Hard. Je classais en un élan théatral digne de Richard Burton Cry if you want, Eminence front, I've known no war parmi leurs grandes réussites. Tout juste si je parvenais à étriper Kenney Jones, qui mérite pourtant d'être crucifié au fronton de l'incompétence. Vous comprendrez bien qu'arriver à ce stade, choisir entre A Quick One et Sell Out devenait source de conflits internes qui m'agitaient jusque dans mon sommeil paradoxal. Les Who sont intouchables, aussi difficile à admettre que ce soit en les voyant se ridiculiser années après années, depuis déjà quatre décennies faites de reformations improbables dans des configurations qui le sont encore plus. 


A la trappe, les Who. Je me recentre sur Pete Townshend, ce sera l'occasion de vanter Empty Glass, immense disque, ultime éclat d'un génie. Car, tout compte fait, c'est bien de ça qu'il s'agit. L'extinction des feux. Et la difficulté de la situer avec justesse et émotion. Je lui dois bien ça, l'émotion. Je me retiens de vous raconter toute l'histoire, celle qui me lie à Pete Townshend. Je suis lucide, rien n'est plus chiant à lire que les souvenirs d'enfance, personne ne peut en comprendre les méandres, sinon le principal intéressé. Souvent, je saute ces pages là dans les biographies. pour parfois y revenir, une fois amoureux du personnage. 

Empty Glass, rien à déclarer. Ce disque est parfait, on peut le faire écouter à tous les apprentis compositeurs, ça en découragera une bonne moitié, nous épargnant ainsi une large parties des horreurs que l'ont subi au nom du rock. Du rock, justement, il en est sacrément question dans Empty Glass. D'abord parce que le disque est impeccablement produit. Pas de Glyn Johns castrateur dans les parages, mais un Chris Thomas qui a tout compris. Quoi mettre en exergue et quand. A ceci s'ajoute des compositions qui tutoient les cimes, on néglige trop souvent de dire à quel point Pete Townshend est un compositeur exceptionnel. J'ai quand même mes préférences, elles sont nombreuses, I am an animal, And I moved, Gonna get ya, Cat's in cupboard, Jools and Jim, Rough boys, les singles sont imparables : Let my love open the door, A little is enough, seul titre où la production frôle l'excès. 

La vraie surprise archéologique fut de découvrir à quel point All The Best Cowboys Have Chinese Eyes est un bon disque. Celui là, je l'avais survolé et aussitôt rangé avec les fioritures. J'y revenais tous les dix ans pour m'acclimater à un titre ou deux. Je faisais systématiquement l'erreur de l'écouter comme j'aurais écouté les Who. L'absence de guitare frontale, les mélodies tordues, la production synthpop, tout convergeait pour me dévarier. La boussole indiquait invariablement la sortie. Je le gardais pour sa splendide pochette et son titre. Puis j'ai succombé. Aussi simple que ça. Enregistré seulement deux ans après Empty Glass, avec la même équipe, Bill Price, capteur de son pour The Clash, et Chris Thomas, concepteur pour les Pretenders, All The Best Cowboys Have Chinese Eyes en est le versant opposé. Le verre plein. Le baiser après le coup de boule. Sans rien céder au revival, Pete Townshend retrouve l'esprit qui animait l'âge d'or des Who, lorsqu'il enquillait Substitute, I'm a boy, Pictures of Lily, Happy Jack, The kids are alright, So sad about us, que sais-je encore, Disguises, Call me lightning, Run run run. Pete est un moderniste dans l'âme, sa pop calibrée pour 1982 n'est plus habillée de Rickenbaker, il laisse ça à Jam et préfère flirter avec les nouveaux romantiques. Ceux là ne pouvaient que lui plaire, avec leurs angoisses existentielles, leurs incertitudes sexuelles. Stop hurting people, Communication, The sea refuses no river, Slit skirts, Uniforms, comment avais-je pu ne pas en saisir toute la pertinence ? Me voilà ébranlé dans ma certitude. Empty Glass me parait soudain daté, manquant d'audace. Facile.

En 85, Townshend se refait une santé après des années d'addictions (il replongera) et concrétise un film, un album et une tournée autour de White City, son album solo le plus ambitieux. Et sans doute son plus gros succès commercial, même si j'en sais franchement rien. Face to face avait accroché les radios jusqu'en France, donc j'imagine que ça a dû se vendre. Quoiqu'il en soit, le film est réussi et le disque est excellent. Il fait le lien entre ses deux prédecesseurs en étant rock et moderne à la fois. Un pied dans la tradition et l'autre dans l'actualité. Même équipe de production, même groupe de base, mais deux invités de marque, surtout un. Le récemment disparu Clem Burke et le toujours vivant David Gilmour, faites votre choix. Les compositions sont fignolées, variées, mitonnées à feu doux. Give blood est violent comme j'aime, Secondhand love est intense, White city fightning (co-écrit avec Gilmour) frappe au coeur, Face to face est le parfait single, vaguement tête à claque après dix écoutes. Le seul ratage arrive en toute fin de parcours avec Come to mama qui succombe aux tics de productions des années 80. N'empêche que pour un réchappé des sixties dont plus personne n'attendait rien, Pete Townshend vient d'aligner trois albums qui ont de la gueule. Novateurs, ils ont redéfini un style sans brusquer les vieux fans de Who's Next. La tournée qui suit, à laquelle participe David Gilmour, accouche d'un chouette Deep End Live qui culmine par une version splendide et totalement personnelle de I put a spell on you, surprend avec une reprise de The (english) Beat, Save it for later. On a le droit de tiquer sur les cuivres de Won't get fooled again, mais ça reste du bon boulot. Cette fois encore, le disque s'accompagne d'une VHS.

L'histoire s'arrête là. Le jour où je décèle autre chose qu'une source d'ennui profond en provenance de The Iron Man et Pyschoderelict, je vous téléphone. En attendant ce jour hypothétique, je me suis repenché sur la trilogie estampillée Scoop, Another Scoop et Scoop 3. Des démos plus ou moins finalisées, celles de Scoop 3 ont été retravaillées par le maître, les autres sont dans leur jus d'époque, couvrant toute la carrière de Pete Townshend avec les Who, puis en solo. On retrouve dans un parfait désordre chronologique des hits dont les versions définitives font parties de notre ADN, des choses moins connues et d'autres carrément expérimentales, en costume de bal, en tenue de soirée ou en déshabillé des heures intimes. Surtout, pour ceux, dont je suis, qui considèrent Roger Daltrey comme le maillon faible, au moins en studio, tous les titres sont ici chantés par la voix sensitive de Pete Townshend. Youpi‼ Ces trois là, je les ai fait mien il y a longtemps. Deux doubles albums et un triple qui, au passage, ne sont pas au programme des nouvelles rééditions de l'oeuvre solo. Surement qu'un second coffret leur sera consacré. De toute façon, on sait très bien où localiser tout ça, ce serait une grossière erreur de s'en dispenser. 

Et arrivé là, je dis quoi ? Lequel est l'élu, Empty Glass, Scoop ou Chinese Eyes ? Hum, je suis noyé dans le nombre. Pour ne rien arranger, les blogs regorgent d'albums de démos assemblées par thématiques. J'ai mis le grapin sur tout ce que j'ai pu dénicher. C'est fabuleux. Je me délecte de cette opulence en relisant Who I Am, l'autobiographie, où j'apprends l'existence d'un coffret 6 cd, Lifehouse Chronicles, qui fut disponible en d'autres temps sur le site personnel de Pete Townshend. Qui depuis n'existe plus. Le coffret en question honore Lifehouse, l'oeuvre sacrifiée qui devait suivre et surpasser Tommy. Trop avant gardiste, incompréhensible, invendable, on connait le raisonnement et son aboutissement. L'équarissage fut confié à Glyn Johns avec pour résultat Who's Next, disque frustrant, décousu, assemblage aseptisé dépourvu de bon sens. Quel autre con que Glyn Johns aurait écarté Naked eye, Let's see action, Pure and easy ? Qui aurait signé cette production plate à des millénaires du son de Tommy, de la rage de Live at Leeds, du bouillonnement de Quadrophenia ? Quelques années plus tard, il reviendra flinguer By Numbers de la même façon. Rah, je m'emporte à nouveau, je fais des lignes, je ne tranche pas. 

Hugo Spanky

The demos (Pete Townshend)

Lifehouse (The Who)

Body Language (Pete Townshend)