Et si on se faisait du bien ? Si on se collait un arc en ciel dans le ciboulot, si on oubliait les effets de manche, les bande-sons qui vrillent les oreilles, l'hémoglobine qui gicle pour annoncer la coupure pub. Si on se souvenait qu'on aime aussi les histoires qui se passent à peu près bien.
Il se trouve que deux séries actuelles démontrent que c'est possible, qu'un scénario peut fonctionner avec des bons sentiments et surprendre en ne ressassant pas les recettes éculées. La première d'entre elles se dispense carrément des inévitables rôles de flics, on n'y trouve même pas l'ombre d'un truand. Et dans la seconde tous ceux là ne ressemblent à rien de ce qu'ils sont censés être.
Acapulco est une série mexicaine construite autour de Eugenio Derbez, dont on ne sait pas grand chose par ici sinon qu'il est l'acteur principal de l'hilarant How To Be A Latin Lover, dont notre cinéma tricolore vient d'oser une adptation avec Kad Merad. Je ne vous en dirais rien, l'envie de la voir ne m'a pas atteint. Je n'attends pas du cinéma français qu'il adapte des films, j'attends qu'il les distribue et se concentre sur ses propres créations.
Au delà de leurs traits communs Acapulco surclasse How To Be A Latin Lover et confirme que la fraicheur est dorénavant à chercher parmi les productions issues des minorités américaines. Je me demande comment les gars ont pu convaincre une chaine (Apple TV) de miser sur un pitch qui tient sur une feuille à rouler, tout en ne proposant absolument rien de ce qui assure le buzz des séries à succès et je me risque à vous en livrer la trame : un fringant oncle multi-millionnaire offre comme cadeau d'anniversaire à son neveu une plongée dans ses souvenirs de jeunesse sur le ton de la bienveillance et des valeurs chrétiennes. Ah, vous voyez que ça fout les miches. Un coup à en oublier la lutte sociale et l'augmentation du paquet de nouilles en s'émerveillant devant la réussite d'un type qui se fait embaucher en bas de l'échelle dans une station balnéaire grand luxe perçue, depuis son quartier, comme un lieu de perdition. En plus, ça cause espagnol la moitié du temps.
Comment puis-je désigner un truc pareil comme la série à voir du moment ? J'en sais trop rien, sinon que je n'en démords pas. Les rôles sont impeccablement distribués, les décors sont mirobolants, on passe sans cesse d'un hotel aux couleurs saturées à un quartier populaire pastel tout en se sentant aussi bien dans l'un que dans l'autre, sans misérabilisme, sans satire de la richesse, sans ange, ni démon. On est bien. Il y a de l'humour, des ruptures dans le continuum, des pressentiments qui se confirment, des espoirs qui se concrétisent. Acapulco à cette qualité géniale de vous mettre en confiance, et pas du tout pour mieux vous baiser, non, cette série vous veut du bien ! Elle aborde les sujets de discorde avec amour, transforme les rancoeurs en amitié et tout ça sans patiner dans la guimauve. Il y a Maximo Gallardo, il y a son copain un peu chose sur les bords, sa soeur un peu machin, sa mère carrément ceci et il y a le voisin du dessus, la copine de sa soeur elle aussi un peu machin, il y a Don Pablo, le régisseur de l'hotel, la belle Julia Gonzales réceptionniste et indécise petite chérie de Chad, fils de la propriétaire des lieux qu'on aimerait trouver con comme un manche à balai mais qui, comme tous les autres protagonistes, désarçonne les stéréotypes, il y a Lupe qui veille sur la laverie, Hector le favori des touristes qui anticipe les désirs et encaisse les pourboires, il y a toute une galerie de trombines. Et nous, installés dans un coin de chaque scène, tantôt sur le canapé, tantôt sous la couette, là, parmi eux, chaleureusement accueillis.
Une poignée d'adolescents que la réserve emprisonne réalise doucement que si l'esprit n'est pas libre, fuir ne mène qu'à s'enfermer ailleurs. A leurs côtés, les mères, les soeurs, les absents, les personnages qu'on imagine secondaires se dévoilent, pudiques ou exubérants ils nourrissent l'histoire avec le tact d'un rôle bien écrit. On n'est pas dans le registre des faiblesses cocasses des unes, des forces tranquilles des autres, des caricatures superficielles, ici chaque caractère est profondément ancré dans son environnement. Il a sa petite histoire à lui qui précise la vision d'ensemble.
Reservation Dogs utilise les codes, les traditions, les croyances amérindiennes, leurs légendes urbaines. On y croise une femme biche, un oncle qui chasse la tempête armé d'une hache. Rien de tout ça n'est tape à l'oeil, ça se glisse dans le quotidien, ça dérègle la routine. Ici aussi les personnages sont méticuleusement dessinés, délicieusement décalés. On partage leur spleen, on s'attache à leurs contradictions sans prendre partie lorsqu'ils se confrontent, parce qu'ils ont tous raison, il n'existe jamais qu'une seule vérité. Reservation Dogs ne nous prend pas à témoin, ne nous demande rien, elle se contente de nous éveiller. Ce qui est bien la dernière chose qu'on puisse espérer en allumant l'écran.
Hugo Spanky
MERCI! c'est exactement ce dont j'ai besoin en ce moment (avec la grisaille d'hiver Berlinoise...). Depuis votre recommandation de FLEABAG, je suis vos conseils les yeux fermés (enfin, à demi-fermés... histoire de regarder l'écran tout de même).
RépondreSupprimerDépaysement garanti.
SupprimerReservation dogs et ses gamins cabossés entourés d'adultes en perdition a un ton bigrement singulier.
SupprimerCette série brasse tous les genres : le comique décalé (on rit souvent des facéties nombreuses qui frappent tous les protagonistes ; à ce titre le shérif de la réserve est impayable), une mythologie déjantée (l'esprit indien qui tance un des jeunots en tient une sacrée couche), l'étude pointue d'une ethnie brisée livrée à elle même, l'émotion qui affleurent dans les moments où on s'y attend le moins, la difficulté d'être parents issue d'une minorité dont l'horizon semble bien bouché pour leurs progénitures et une auto-dérision vacharde jubilatoire. Tous les personnages ont leur rôle à jouer et apportent leur pierre à l'édifice faussement foutraque qui soutient ce show.
Et puis, bordel, le casting incroyable - composé quasi exclusivement d'acteurs native american de plusieurs générations
- est un régal, ils sont TOUS fabuleux et quelle fraicheur de voir enfin des trognes qui détonnent dans le monde lissé télévisuel actuel.
Harry Max.
Tu aurais fait un meilleur papier que le mien, tu t'y remets quand tu veux. Sans jamais aborder le sujet de front, Reservation Dogs en dit plus sur l'état de la nation indienne que tous les discours.
SupprimerUne saison 3 est annoncée pour les deux séries. Je me demande d'où va repartir celle de Reservation Dogs tant la saison 2 semblait conclure l'histoire, mais c'est une bonne nouvelle.
La force de cette série c'est qu'elle ne martèle pas son propos, par touches subtiles en empruntant des chemins de traverse sinueux, elle distille ses messages. Associé à une caractérisation affûtée de ses personnages et une interprétation exceptionnelle, on tient là un des meilleurs show du moment. Pas étonnant qu'une pluie de récompenses l'ait honorée aux States. Alors, oui, l'annonce d'une troisième saison a de quoi nous réjouir.
SupprimerHarry Max.
Sous des aspects plus colorés et un contexte plus superficiel, Acapulco fait le même boulot. Ne serait-ce qu'en ne saisissant aucune perche que les situations ne manquent pas de tendre la série nous fait prendre conscience de la façon
Supprimerdont on anticipe chaque scène en fonction des codes qui sont ailleurs systématiquement répétées et du formatage qui en découle. Au delà de ce surprenant plaisir et de la volonté de faire ressortir le positif, il n'en demeure pas moins que chaque caractère donne la possibilité d'un autre niveau de compréhension. Il y a une intelligence dans la construction même des épisodes, une originalité dans la façon dont s'épousent les deux temps de l'action. C'est vraiment un petit bijou de bien être plein de malice.
Reservation Dogs mérite tous les superlatifs que l'on peut lui attribuer et Hulu fait vraiment du bon boulot en produisant un show d'une telle qualité. Mine de rien, il y avait là matière à vite tomber dans les travers de la démagogie woke. Des adolescents en souffrance, qui plus est indiens dans la désolation d'une réserve, malheur, il n'en aurait pas fallu plus pour aligner les poncifs de la solidarité de bon aloi et du grand mea culpa qui lave plus blanc que blanc. Au lieu de quoi, on se prend dans la tronche que le monde "extérieur" est finalement tout aussi désoeuvré et bien moins humaniste.
A tel point que personnellement je n'avais pour seul espoir que de les voir rester dans la réserve plutôt que de fuir vers l'eldorado )))
Ces deux séries ont en commun d'être réussies non seulement pour ce qu'elles sont, mais surtout pour tout ce qu'elles ne sont pas !
J'étais tellement frustrée quand le dernier épisode d'Acapulco saison 2 s'est arrêté de battre. J'étais pas prête j'ai failli pleurer pour de vrai. Bouuuhh 😭😭 Pareil avec Reservation Dogs d'ailleurs 😄 Bon, j'avoue être un brin sensible en ce moment, m'enfin c'est une qualité tellement rare et précieuse qu'un film ou une série te choppe comme ça par la douceur et sans gnangnan. Aussi éloignées qu'elles semblent l'être, ces deux séries sont en réalité très proches l'une de l'autre dans le message. Les traditions, l'éducation, la transmission, la société, l'argent... le tout avec beaucoup de second degré. Car le constat n'est tout de même pas brillant. Surtout pour les indiens, où la spiritualité et les traditions sont bien mise à mal, par tout un tas d'escrocs qui pratiquent le charlatanisme au nom du chamanisme (qui au passage compte chaque jour de plus en plus d'adeptes 🪶🤑).
RépondreSupprimerAh ça, les sectes et autres cures de bien être ont de beaux jours devant eux en ces temps troublent que nous vivons. Les attrapes couillons devenus attrape-rêves, les plumes de coyotes, les ailes de chat, on n'a pas fini d'en entendre vanter les bienfaits. Et donc, les indiens. Pillés d'à peu près tout depuis l'origine, plus encore que les mexicains. Qui n'ont pourtant pas été épargnés. Entre les têtes de gondoles Old El Paso, les restaurants estampillés du cru qui confondent chili con carne et cassoulet, Frida Kahlo en mille et une variantes, les santiags, les tuniques, les ponchos, les sombreros, les manu chao, les mariachi à la tambouille tube de l'été, les turquoises, les margarita, le mezcal, la Tequila aux pommes, aux huitres, à la mangue...et tout ça sans évoquer les Aztèques sinon on y est jusqu'à demain.
SupprimerEt malgré tout ces emprunts on se prétend encore de culture européenne )))
Ce que j'aime bien dans Acapulco, c'est quand Maximo reprend sans cesse Chad lorsqu'il parle d'Amérique en lui faisant dire Etats-Unis à la place. C'est tout con, mais pour lui ça veut dire beaucoup.
Et pour te consoler, il reste encore un épisode à venir avant la fin de la seconde saison 😋
Tout s'explique alors ! J'avais la sensation d'avoir raté une marche 😄
SupprimerPour rester dans les séries sympa, City on the Hill avec un kevin Bacon hilarant et totalement décomplexé est vraiment vraiment chouette également.
City on a hill est un cas à part, de saison en saison elle se bonifie tout comme le jeu de Kevin Bacon qui en début de saison 1 est en surchauffe dangereuse et qu'il ajuste au fil des épisodes afin de définir au plus près son personnage ô combien tourmenté ; la marque d'un Grand acteur.
SupprimerHarry Max.
t'as raison qu'il est en surchauffe dangereuse ;)) Et toutes les citations, tu te dis c'est abusé, puis ça devient comme un running gag, et au final la série même s'en moque. Très fort 👍😀
SupprimerAh au fait, mon petit doigt m'a dit que tu avais détesté ou du moins pris en grippe The offer. T'étais en colère ce jour-là ? 🤩 Bisous 😘
The offer, je me suis endormi devant le 1er épisode et n'y suis jamais revenu dessus depuis...
SupprimerHarry Max.
Ha ! Mais ça, mon bon m'sieur, ça, "Reservation Dogs", ça m'tente beaucoup, beaucoup.
RépondreSupprimerEt quand j'ai le plaisir de lire " si l'esprit n'est pas libre, fuir ne mène qu'à s'enfermer ailleurs", ça m'tente encore plus fort.
Mais, ch'ais pas où ça s'passe ?? 😲
envoie moi ton mail à hugospanky@yahoo.fr
SupprimerDe fil en musique tendre (La saint-valentin n'est là que par hasard) j'ai eu une envie de douceur, même si pas fini FLEABAG. Bon TIREXO devenu DARKhaha mais mon antivirus n'aime pas le site qui suit.... bien entendu cela ressemble à un appel du pied. Mais en même temps n'ayant pas fini FLEABAG et des séries séduisantes ... et ton papier se porte bien tout autant.Un peu comme le commentaire de Pfelelep. Ceci dit j'ai une astuce je garde au chaud des épisodes aux cas où. Pas fini LILHAMMER, nis les VIRTUOSES, envie de me refaire JUSTIFIED mais ma chérie n'a pas assez accrcohé et pas assez d'épisodes, elle n'a pas rencontré la première famille.
RépondreSupprimerAllez et rebonne année.... qui sait tu vas me faire acheter des DVD probablement ha ha tu devrais avoir honte
Je doute que tu ailles au bout d'une de ces deux là, les épisodes sont deux fois plus longs que ceux de Fleabag ! Tu peux aussi tenter The Offer (sur la naissance et le tournage du Parrain) c'est très bien foutu et impeccablement réalisé quoiqu'en dise Harry Max (qui m'a forcé à regarder ce navet de Babylon en prétendant que j'aurais affaire à un chef d'oeuvre !!!).
Supprimerah, t'as dû recevoir un mail
SupprimerHaaa l'age qui me fait écrire VIRTUOSE au lie de SOPRANO. Mais cette série prouve que je peux tenir la longueur puisque je ne me garde sous le coude que deux saisons, et JUSTIFIED vu déjà deux fois... Et merci pour le mail.
SupprimerJ'ai déjà pu dire aussi tout le bien que je pensais de SUCCESSION complètement à l'opposé des valeurs de ton papier. Je rafole des histoires de familles....désunies, ou plutôt unies pour le pire
Contrairement aux apparences je consomme peu de séries, par contre lorsque je me fais alpaguer je regarde à coup de 5 ou 6 épisodes d'affilée. Tant que j'y suis, fuyez comme la peste Emily in Paris, c'est en dessous de tout. C'est bien simple, j'ai préféré revoir la version originale : Les 400 coups de Virginie. Là au moins il y a Anicée Alvina.
Supprimer