jeudi 17 août 2017

DiON Di MucCi, a BRoNX TaLe



Voilà quelques mois, Norton records annonçait la sortie d'un mystérieux "Lost album" de Dion Di Mucci... Je les croyais à terre : l'inondation de leur stock de disques lors de l'ouragan Sandy, puis le décès de Billy Miller, l'un des deux co-fondateurs.  
Billy (des Zantees) et Miriam Linna (première batteuse des Cramps), c'est une histoire qui remonte aux années 70's. Tous les deux fans de r'n'r et de r'n'b avec une nette préférence pour les barjos. Ils ont passé leur vie à sortir des disques magnifiques et à mettre en valeur l'aspect le plus sauvage du rock and roll. Dion sur Norton avec un album inédit : de quoi faire rêver.  
Dion, Je l'ai découvert avec une photo dans BEST de Strummer et Jones au début des années 80's (avec qui j'ai tout appris, on peut dire). Ils se tenaient devant des rayons de disques. L'un avait un disque de Hank Williams et l'autre une compile de Dion and the The Belmonts que j'ai fini par trouver... Il y avait donc des trucs avant London Calling ??? Pour un ado de 16 ans, c'était tout une histoire à découvrir. Tout le rock and roll magique de ce disque avait des antécédents. Je ne le savais pas encore en 80, mais j'en vivais la fin.



Dion, le roi des rues de New York, le prince du Bronx, l'idole de Lou Reed... Un immense vocaliste avant tout, à la hauteur des meilleurs Sinatra, Elvis ou Del Shannon. Particulièrement oublié ou peu cité en France. On ne sait pourquoi? L'autre quartier italien de New York se situe encore dans le Bronx, près de Arthur Avenue dans la section Belmont du Bronx. D'où le nom. Les Belmonts, deux potes avec qui il monte un groupe de Doo Wop comme il y en a pleins dans le coin. Ils signent chez Laurie records et décrochent un hit I wonder why et sorte un album majeur Presenting Dion And The Belmonts. Ils participent à la Winter Dance Party où meurt Buddy Holly, Ritchie Valens et the Big Bopper. Son salut n'étant dû qu'à un manque de moyens financiers pour prendre l'avion fatal. Dylan l'a vu lors de la tournée et Lou Reed l'écoute déjà. Derrière la sucrerie Doo Wop se cache un problème. Dion est accro à l’héroïne depuis son adolescence. 


Le groupe explose et Dion continue en solo pour quelques tubes encore chez Laurie. Runaround Sue, The wanderer. Toutes une imagerie rock and roll qui influencera jusqu'aux New York Dolls, Thunders ou Springsteen. Difficile d'y échapper quand on est de la côte Est. Ces titres de légende en feront LA figure du rock'n'roll à New York. Columbia est un peu léger en rock and roll à l'époque et cherche à en signer un. Pas un allumé comme Chuck ou Jerry Lee... Un type propre sur lui qui fera du pognon. Dion est parfait pour le rôle. Et c'est la que les choses intéressantes se produisent. Dion mal à l'aise dans son rôle d'idole pour teenager est en fait un fan de blues. Entendons-nous bien, quand je dis blues il s'agit de Robert Johnson ou de Sonny Boy Williamson... Sur Columbia il enregistre une version de Ruby Baby langoureuse et sulfureuse. Est-il sous l'emprise de substance ? Le tempo lancinant et la voix trainante font de ce morceau une réussite. Le vieux blues pointe son nez derrière la star Bubble gum. C'est à ce moment que l'album de Norton est enregistré, vers 1965. Dion connaissait bien Tom Wilson le producteur de Highway 61 de Dylan et d'après les notes de pochettes, c'est même lui qui lui a conseillé d'électrifier le Bobby. Fasciné par la version de House of the rising sun des Animals, Dion aurait demandé à Tom Wilson d'infliger le même traitement à Dylan. A savoir, ajouter guitares électriques et claviers sur son folk acoustique. On connaît la suite. 



En tous cas, Wilson décide de booker une session avec Dion d'où est tiré cet album. Le voici en studio avec à peu de chose près la même production et le même son que Highway 61. Les belles reverbs de twin fender sur les guitares, la pureté des claviers, Les chansons oscillant entre folk rock et blues urbain, le tout couronné par cette voix proprement magique. La session n'est pas éditée sur le moment, excepté quelques singles dont Kickin Child. Bon nombre de morceaux sortiront toutefois, en 1969, sur l'album Wonder Where I'm Bound d'où un certain abus de langage quand Norton intitule son album "Lost album". Il n'en reste que Dion est à son sommet dans ces enregistrements. La suite n'en demeure pas moins fascinante : Une reformation avec les Belmonts avec un très bel album chez ABC qui fait un flop, un retour chez Laurie pour un carton avec Abraham, Martin And John pour finir les années 60. 



Au début des années 70's, l'heure est au folk. Dion pond quatre albums superbes dans le style chez Warner dont on peut faire l'acquisition pour des prix dérisoires. La rencontre évidente devait forcément se produire : le roi des charts des années 60, l'inventeur du mur du son NE POUVAIT QUE LE PRODUIRE. C'était écrit. Dion et Spector ensemble : la voix et le son!!!! Au première note de Born To Be With You, on reconnait la pâte du grand producteur. C'est comme s'il retrouvait le son des années 60 qu'il avait un peu laissé de côté avec Lennon. L'écho sur la batterie ENORME. Le tempo lent et Dion qui entre en scène magistralement avec tout le sens tragique de la vie qu'il est capable de faire passer. le disque est une splendeur. Spector rééditera l'exploit deux ans plus tard en 1977 avec Léonard Cohen avec la même production. la suite amorce une descente en douceur. Streetheart l'album suivant est plus soul, bourré du feeling New Yorkais. Un disque tout en douceur et moelleux qui vaut le détour. Le son de ses enregistrements suivants sera un peu gâté par l'horrible production des années 80's. Mais le niveau reste toujours bon jusqu'en... 2017 avec une prédilection pour un retour au blues ou au gospel. Une discographie quasi impeccable qui s'étale sur une cinquantaine d'années. 




Dion aura survécu à tout le monde, à la drogue, à La Winter Dance Party, à Lou Reed (un de ses plus grands fans) et à tous les aléas de la vie avec un secret tout simple : la fidélité. Fidélité au rock and roll, à sa famille, à sa religion, à sa ville et même à son quartier. Toujours debout, il continue à sortir des disques plus qu'honorables et à taper le doo wop à l'occasion avec ses copains du Bronx avec un feeling intact. New York toujours en arrière-plan et les rues du Bronx qui m'auront tant fait rêver.

Serge Fabre 

25 commentaires:

  1. Dion Di Mucci, pièce maitresse de l'échiquier new-yorkais est encore vivant, les gars, c'est maintenant qu'il faut en profiter. D'autant plus que sa discographie donne de quoi voyager sur des rives nuancées.
    Signe de sa grande sagesse, il est bien le seul à permettre de réunir Paul Simon et Little Steven dans un même papier sans faire polémique )))
    Bon boulot, Serge, merci pour ça.
    Hugo Spanky

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    1. Merci. Ben alors , précisons que Norton a également sorti un des premiers titres de Simon et Garfunkel. Et c'est du très bon doo woop...
      C'est sorti sous le nom de TICO AND THE TRIUMPHS et c'est un hommage aux éboueurs :
      La boucle est bouclée :

      https://www.youtube.com/watch?v=1TrqJ_5mNjg

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    2. Waouh, je connaissais Tom & Jerry mais pas Tico & The Triumphs. Quelle pépinière le Doo Wop. Paul Simon est un des grands compositeur de l'histoire, c'est indéniable. L'album The sound of silence est un de mes classiques et la version qu'Elvis a fait de Bridge over trouble water est monumentale. Tout ça pour dire que j'assume parfaitement la place que prend l'intégrale du duo sur mes étagères. Ainsi que les albums solo des 70's de Paul Simon (et même certains de son compère). Pour qui aime les voix, ils se posent en incontournables.
      D'ailleurs l'animosité de Little Steven envers Paul Simon ne repose en rien sur ses compétences musicales, mais sur la jalousie de n'avoir pas été reçu par Nelson Mandela, alors que Simon le fut, lui qui avait enregistré en Afrique du sud pendant l'apartheid en rompant ainsi le boycott des artistes américains envers ce pays. Chacun y a vu ce qu'il a bien voulu y voir.
      Perso, je pense qu'en bon natif du New Jersey, Paul Simon est une tête de pioche qui n'a jamais adhéré aux idéaux hippies (au grand dam de Garfunkel et de la regrettée Carrie Fisher) et s'est avéré être un individualiste retors dont, à l'instar de Dion, on ferait bien d'écouter plus souvent les albums.
      https://youtu.be/o4Mhky6H7Ug

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  2. Dion, m'a longtemps paumé, son "Born To Be With You" je l'avais dans un coffret consacré à Spector, mais quand on est accro à "Be My baby" "Women in Love" ou "He Hit me" Je n'étais pas au rendez-vous de Dion. Ensuite ses tubes plus sixties, "Ruby Baby" si je ne t'avais pas lu, je pense que j'aurai une écoute distraite, comme si Dion répondait à une mode Rock & Roll, le côté suave de Elvis. Je n'entendais pas le blues que tu décris (si bien)
    Reste ma grosse découverte, M. Cohen & M. Spector ensemble!! Je me jette sur le disque de Léonard avec de nouvelles oreilles.
    PS: Je me demandais si il n'y avait pas plusieurs versions de "Ruby Baby", celle que je connais est celle ci
    https://www.youtube.com/watch?v=upFCeLj0NGE
    Bon, j'ai de la découverte à creuser ... voir si je change d'avis sur Phil Spector, jamais aussi bon que sur de la pop entraînante époque Brill Building, la sensation que dans d'autres registres il m'était davantage gênant.

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    1. Je reviens pour ajouter: j'ai écouter le "Born..." et le "Death..." Cette même impression sur la production Spector, ce "mur du son" est tellement évident qu'il englue à mon goût les chansons. Moi qui adore sa période "Ronettes" & co, je n'arrive pas à me faire à son travail ici. Trop en avant? J'imagine le même Dion à Nashville ou Memphis. He oui, la tournure que prend la carrière de Dion aujourd'hui est très vivante (Comme un Neil Diamond, par exemple avec son "12 songs")

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    2. La version de "Ruby Baby" est la bonne. Je n'en connais pas d'autres.
      Ecoute "Kickin' Child". Tu vas comprendre les racines blues :

      https://www.youtube.com/watch?v=8tb-cIVSikI

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    3. @Devant, vu le distinguo que tu fais entre ses productions des 60's et celles des 70's, je pense que ce que tu préfères chez Phil Spector, c'est Jack Nitzsche )))) Ce qui est également mon cas.

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    4. Ah oui, c'est le grand truc ça: dénigrer Spector au profit de Jack Nitzsche. N'empêche que les idées ça venait de Spector.
      Y compris dans les années 60.

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    5. Ce sont les témoignages des Crystals, des Ronettes, de Sonny Bono, des Stones et de quelques autres voisins de l'affaire qui évoquent Jack Nitzsche (et Sonny Bono) comme étant plus souvent présent en studio que Spector durant les sessions. Les idées, c'est bien, savoir comment les concrétiser, c'est mieux ))) Je trouve plus de créativité dans la production de Cabretta de Mink DeVille réalisé par Nitzsche que dans celles effectuées par Spector pour Dion, Cohen ou les Ramones qui sonnent interchangeables et que la plupart d’entre eux (Cohen et les Ramones, Dion j'en sais rien) a renié par la suite. Même Lennon qui trimballait Spector par amitié durant ses années noires reconnaissait qu'il avait lui-même effectué le travail de production de ses albums solo seul avec Yoko tandis que Spector comatait dans un coin.

      Ceci dit, il a indéniablement popularisé quelque chose dans ses premières années de travail. Ne serait-ce que l'idée d'utiliser un studio pour faire plus que simplement enregistrer un son brut. Même si Berry Gordy, Buddy Holly et Eddie Cochran ne l'avaient pas attendu pour ça. Et Frank Sinatra encore moins...

      A mon humble avis, le son de Brooklyn vient des Shirelles et de leur producteur que l'histoire passa à la trappe : Luther Dixon.

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    6. J'adore les Shirelles et les productions de Nitzsche mais y a rien qui atteint la puissance des singles sur Philles records, je veux rien qu'on dise que ça vient pas de Spector mais moi en fait ça me fait rigoler, ça...

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  3. Ce Kickin Child effectivement... !!!!!! Quand j'ai lu le papier en écoutant la musique en parallèle, je connaissais quand même les bases de Runaround Sue à The wanderer dont je suis ultra fan, mais Kickin Child mon gros coup de cœur, c'est tout ce que j'aime dans la musique. Merci Serge
    Ah au fait ! Tu vas pas me croire, mais il y a un morceau de Pink Floyd qui fait ultra penser à un des vôtres ;) Mais grave ! ;)) Je mets le lien dès que je retrouve le titre ;)))

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    1. Ah bon? je leur fais procès alors...

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    2. Tu devrais ;)) https://youtu.be/FPSb5QjgjAc ^^

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    3. (Les liens ne marchent pas toujours, Free Four est le nom du morceau)

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    4. Tu penses à quel morceau? Je ne vois pas de ressemblance flagrante.

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    5. Ah ui, je vois celui auquel tu penses )))

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    6. Ah tu vois ;)) Comme quoi c'est marrant vu que tu ne connaissais pas et cette concordance ;))

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  4. C'est dans le bouquin de Conte "L'anti discotheque ideale" que je suis parti découvrir Dion et son "Born to be with you". .. Belmonts, Bronx, et puis je viens te lire avec ce lost album. Même si je n'aime pas trop le saxo le Dion 75 m'avait bien plu. Bon, Spector c'est pas ma came, mais pour avoir plongé direct dans ce lost perdu, je pense revenir ici avec un esprit neuf... Ceci dit, le "Born to be with you".. quel pochette ;D

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  5. Rien à voir, ce Lost album passe en boucle depuis ce matin à tel point que je ne reconnais pas le mec qui chante sur "Born..". Bref, j'ai pas assez de recule pour me faire une idée définitive, déjà "idée définitive" est une vilaine association..mais je vais continuer le chemin. Juste..Dion, saxo.. aucun lien familial avec Goldman.. sûr ??

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  6. ah oui, ce Lost sonne très Beatles.

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    1. J'aurais pas dit ça mais c'est vrai qu'il y a certains morceaux très pop, voir folk rock. PF SLoan ou (les byrds peut être?) ne sont pas loin. Le reste est très blues.
      Un très bon article sur le "Born..."

      http://rreverb.com/dion-born-to-be-with-you/

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  7. ça alors, je lis l'article qui n'est même pas signé hugo ! ... et lui qui se complait dans son hair métal douteux ! ... et qui se prétend ritalo-friendly, laissez moi rire. heureusement serge vous avez in extremis sauvé le sérieux de ce blog avec cet article mémoire et gloire au grande dion (et ses belmonts, période préférée pour moi bien sur). un 45t achté au pif sans pochette et c'est "the wanderer" et bang ! vu le film éponyme plus tard "les saigneurs", et c'est déjà la vision de toutes les tribus à venir (alors tu parles que grease, rien à carrer). et puis ma compile avec "i was born to cry" et son saxo râleur, "teenagers in love", "i wonder why" et grâce à ce groupe je découvre le doo wap et les girls groups. dion j'espère écouter en concert, avec ronnie spector. et si aussi mary des shangri las, alors je me lancerais dans le groupissme de chanteuse cougar sur le retour. ouaip, c'est comme j'te l'dit. sur ce salut, je rejoins roy junior et son "victims of circumstances". guili guili

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    1. Vaudra toujours mieux de bons articles sur le métal que les habituels empilements de banalités sur le rock. D'où ma fidélité à ce blog!

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  8. pour sur ... d'ailleurs certains le savent bien. regarde il me dédaigne, il n'a même pas pris la peine d'un petit commentaire. c'qui sont fiers à seille-marre.

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    1. Fais pas ta précieuse et viens faire un tour sur la wild side métalleuse pour soulager ta conscience de tout l'amour honteux que tu portes aux chaines et au cuir. Plutôt Ritchie Blackmore ou Eddie Van Halen ? Plutôt Judas Priest ou Bon Jovi ? (en v'la du rital) Et ne me sors pas que tu écoutes les Troggs depuis l'adolescence, ça ne prendra pas.

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