
Brrr, c'est la rentrée des chiards et Iron Maiden est de retour. Pochette d'inspiration samouraï, durée des morceaux intimidante, j'y suis allé sans m'enthousiasmer plus que ça et ma surprise fut de taille.
Senjutsu est le meilleur album du groupe depuis 40 ans ! Sortez pas vos calculettes, je fais dans l'approximatif. Faut remonter à Powerslave pour trouver aussi cohérent et créatif. Pour les connaisseurs, c'est
Piece Of Mind que ce nouvel album m'évoque au plus près. Un son clair, une basse qui caracole et surtout un lyrisme retrouvé. Les mélodies se tirent la bourre, vous rentrent dans le crane et y restent. C'est la grande différence avec ses plus récents prédécesseurs, quand je dis récent je parle sur vingt ans en arrière, hein, le dernier disque datait de 2015. Notez bien qu'il était déjà méritant, c'est pas le problème, Iron Maiden a toujours fait de son mieux.
Leur pain noir, ils l'ont becté au milieu des années 90 quand la moitié la plus "moderniste" du groupe l'a quitté sans sommation. On a eu droit à tout, un chanteur à la ramasse, des compositions poussives, un style qui part en vrille, la bérézina. Heureusement, le monde du heavy metal est semblable à celui des Feux de l'amour, les morts ne le sont jamais vraiment, il existe une réalité parallèle à toutes les situations. Tu crois que bidule est le fils de machin, t'as tout faux, même les tests ADN ne sont pas fiables. Tu crois qu'un Deep Purple ne peut pas coucher avec une Black Sabbath et tu te retrouves avec le rejeton sur les genoux. Iron Maiden n'a pas échappé à la règle, en 2000 tout le monde est rentré au bercail et ils ont même gardé un des remplaçants. Iron Maiden c'est l'OM qui joue à 12, le Tour de France avec un moteur planqué dans le cadre, les mecs font des roues arrières en grimpant le col du Tourmalet.
Bon, j'entame ma troisième écoute et le disque se bonifie, son ouverture tribale, Senjutsu, est aussi surprenante que saisissante. Le morceau se classe d'emblée parmi les plus grands titres du groupe. Le ton est donné. Stratego balise une voie plus souvent fréquentée, pure cartouche pour la scène. Je capte des influences sudistes dans le riff de Writing on the wall qui clôt magistralement la première face. Un vrai bon single doublé d'un nouveau classique à ajouter à un répertoire où la concurrence ne manque pourtant pas. Je vous ai dit que les mélodies sont à tomber raide ? C'est bien ce qui me semble aussi, mais je le redis. Je vous ai aussi causé de Piece Of Mind, c'est mon chouchou celui là. Pour la première fois, alors, le son du groupe était autrement qu'oppressant, il y avait de l'espace entre les instruments, des respirations, c'est bien simple il y avait même une chanson qui parlait de toucher le soleil, d'ailleurs on trouvait le thème du soleil carrément deux fois sur le disque ! Sur un disque de heavy metal !! Dans les deux cas, l'histoire finissait mal, certes, c'est pas le genre de la maison que d'évoquer les vacances à Ibiza, mais l'idée était bien là, Iron Maiden n'épouserait pas toutes les combines du genre. Ce groupe sait faire touchette avec l'épaule pour prendre un virage qui se défile.

Piece Of Mind, donc, c'était en 1983. Autant dire que je m'étais fait une raison. Senjutsu, c'est 2021, la vache. Ils l'ont fait ! Je m'injecte The days of future past, tout est là, le solo qui déchire, le break menaçant, sauf que tout est différent. Le solo a perdu les tics qui le rendaient trop prévisible, le break se permet un synthé en soubassement, la mélodie s'élève et se déroule sans besoin d'artifice pour cacher ses faiblesses. Elle n'en a pas. A aucun moment, ils n'ont recours aux chœurs pour faire chanter les stades, si ça c'est pas un signe. Le disque est enregistré en France, au studio Guillaume Tell, on n'a plus d'excuse pour faire de la merde, le son est une splendeur. The time machine, les cassures obliques se multiplient, les harmonies ramènent de l'ordre, une nappe de synthé climatise l'ensemble avec élégance et discrétion, une guitare acoustique fait sa coquette en arrière plan. L'utilisation des synthés est un des point fort du disque, parfaitement dosés, ils modulent les atmosphères sans jamais envahir le propos. La production est à couper le souffle, pourtant c'est toujours Kevin Shirley et Steve Harris qui en sont en charge, rien de nouveau au casting. Juste que quand vous avez des chansons qui tiennent la route tout est plus simple. Pas un seul titre ne m'apparait comme faisant remplissage, alors que la durée moyenne des morceaux bat tous les records, aucun ne semble trop long. Ni même long.
J'en suis où ? Iron Maiden sort un nouvel album, le premier en six ans, double cd, triple vinyl, noir, je ne marche pas dans ces conneries d'éditions fnac, amazon, argentée pour l'un, en peau de zboub pour l'autre, noir c'est bien, ça se démode pas. C'est la rentrée des classes, si j'allume la télé je vais y avoir droit. Darkest hour a tellement de feeling que je me retrouve avec un spleen vagabond à l'esprit. The parchment orientalise dans un coin, prend son élan, enfle comme une tornade qui fond sur vos côtes. Il existe encore des gosses avec des sacs US ? Les sacs US existent encore ? On s'en fout. Aujourd'hui, ce jour, Iron Maiden sort son meilleur album depuis...on s'en fout aussi. C'est le meilleur que vous puissiez mettre sous l'aiguille pile en ce moment. Il y a des intros tarabiscotées, je vous dis que ça. Hell on earth baisse le rideau avec panache, je sais pas de quoi ça cause, je ne me suis pas encore penché sur les textes. Je peux pas tout faire ! Je pensais écouter Senjutsu une fois ou deux et retourner à ma lubie du moment, je l'avais pré-commandé comme on fait coucou dans la rue en continuant de marcher. Je sais bien faire, ça. Et me voilà quatre plombes plus tard à vous convaincre de tenter le truc. Alors que le simple nom d'Iron Maiden vous charge de mauvaise volonté et que la rentrée des chiards vous donne tout un tas d'excuses pour faire semblant de ne pas m'entendre radoter dans mon coin. Je ricane, où que vous soyez Iron Maiden viendra vous choper, tôt ou tard, cet album est là pour durer.
Hugo Spanky