Alfie à une bonne tête à claques, Alfie est un anglais expatrié à New York à la recherche d’une autre dimension. Persuadé de sa grande valeur, Alfie s’impose de penser en grand, l’aura de sa compagnie se doit d’être mérité par un équivalent féminin à sa mesure, rien qui ne soit trop ordinaire. Alfie a un frigo vide mais une chemise Boateng sur le dos, comme on mettrait un parfum de luxe sur une odeur de transpiration.
Irrésistible Alfie est un film sur la futilité et ses conséquences. L’insouciance source de soucis, l’hédonisme père de toutes les souffrances. Sur les mensonges qu’il faut cesser de se raconter pour se rencontrer soi-même.
Irrésistible Alfie aurait pu être un Blues, c’est une chanson Soul, on y dénote encore un peu d’espoir. Perdu dans sa vanité, désorienté par la vie et les traces qu’elle ne manque jamais de laisser, comme un filet d’eau qui insidieusement s’infiltre, Alfie semble finir par entrevoir que ce n’est pas à côté de quelques belles femmes de plus qu’il est en train de passer, plutôt à côté de lui-même.
Irrésistible Alfie est surtout un film de parti-pris. Le parti-pris de regarder la caméra, de s’adresser au spectateur, ce qui est agaçant car cela nous implique dans l’histoire alors qu’on a payé pour se planquer dans l’ombre des tentures, se faire un plaisir sans fournir le moindre effort. Le pari est gagnant, on finit par parler à Alfie, par le secouer, décidément trop con qu’il est.
Le film a aussi choisi d’être foutrement beau. Chaque image est un délice, rarement Manhattan a été sublimé de la sorte, filmé comme on filme Brooklyn, comme un banal quartier qui n’a rien de banal. A aucun moment la caméra ne joue sur le gigantisme, ne s’élève vers les tours, ne cherche à nous impressionner. Si Alfie rêve de luxe, c’est au fond d’une ruelle cradingue, dans un garage miteux, qu’il va chercher la limousine dans laquelle il trimballe les bagatelles de la haute société d’hôtel de luxe en magasins de charme, malgré toute son ambition et son incommensurable estime de soi, il est celui qui sert, le bell boy.
Le réalisateur, Charles Shyer dont je ne sais pas grand chose si ce n’est qu’il a choisi Sam Shepard comme acteur principal de son second film, Baby boom, ce qui est déjà un sacré critère, a accepté l’idée que l’on ne peut pas plaire à tout le monde sans prendre le risque d’être insipide; il a fait un film à forte personnalité. Irrésistible Alfie fait sourire sans facilité, pétillant comme un Perrier il éveille notre esprit sans nous plomber comme une gueule de bois. Spécialisé dans les comédies (Le père de la mariée 2 avec l’impayable Steve Martin) le réalisateur parvient à donner la volupté nécessaire à la noirceur de l’âme de son héros, l’infime dosage qui fait le charme truculent de son film. Lorsque qu’une nuit sans conséquence de plus, mais passée cette fois là entre les jambes de l’interdit, fait tomber les masques et que l’irrésistible beauté d’une femme laisse place à la banalité d’un quotidien en forme d’impasse, le film réussi a saisir tout le désarroi et les rancœurs que la situation engendre sans rien perdre de sa superficialité de façade, le vernis s’écaille mais tient encore bon pour si peu que l’on ne s’en approche pas de trop près. Le personnage de Lonette symptomatise à lui seul l’étendu des dégâts qu'engendre la désinvolture d'Alfie, de femme farouchement indépendante, belle sous les néons de son bar, elle passe de celle qui crânement refuse de pardonner l’infidélité de son homme à celle qui se contentera le restant de ses jours de trainer en boulet le lourd tribut de sa frivolité passagère.
Le film de Charles Shyer est un remake d’une comédie anglaise de 1966 avec Michael Caine dans le rôle titre, je ne l’ai pas vu et sans doute a t-elle ses qualités propres mais je sais que rien de ce qui m’a séduit dans la version américaine de 2004 ne peut s’y trouver. La beauté des couleurs d’abord, cette flamboyance sobre parfumée de rose, l’impeccable casting ensuite, outre Jude Law que je n’avais vu jusque là que dans Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood, Susan Sarandon comme souvent parfaite de justesse et de dosage, Sienna Miller également, éblouissante de beauté et saisissante par la façon dont elle la fait oublier au bénéfice de son talent d’actrice. Marisa Tomei dont je ne comprendrais jamais pourquoi elle est si rare sur les écrans et Jane Krakowski dans le rôle du miroir au reflet cruel de vérités révélées.
Enfin, il y a la musique. Vous allez me dire que je fais une fixette sur Mick Jagger en ce moment et vous avez raison, il est la scintillation phosphorescente qui me sert de fil d’Ariane. La superbe bande originale qu’il a signé avec Dave Stewart habille le film quasiment en permanence de la plus fusionnelle des façons, jamais elle ne s’impose aux images, la perfection du mixage fait qu’elle en souligne la beauté comme un trait de maquillage éclaire l’intensité du regard pourpre de Liz Taylor et lorsque Jagger lâche Old habits die hard, on ne trouve rien de mieux à dire.
Irrésistible Alfie est tout ce qu’il parait être et c’est également tout ce qu’il dénonce avec toute la cruauté que seul l’amour autorise.
Ce film est aussi beau qu'Alfie est con ! La meilleure chose qu'il pouvait arriver à ses filles au final, est qu'il les quitte, sauf pour une qui sera irréversiblement marqué au fer rouge tout le restant de sa vie. Les actes dictés par la faiblesse ou le désarroi est le bonheur de la roulette russe, et à chaque coup tiré, Alfie rajoute une cartouche.
RépondreSupprimerJ'aimerais bien voir celui avec Michael Caine aussi ;))
Sylvie
La version avec Michael le magnifique a fait plutôt grincer des dents en 1965; pensez donc on nous contait sans ambages les tribulations d'un queutard, so shocking pour la prude Albion!
SupprimerToutefois je n'en garde pas un impérissable souvenir, le film captait bien les moeurs du swinging' London et Caine était d'un cynisme magistral c'est entendu, mais au delà de ça ces successions de saynètes corrosives m'avaient quelque peu ennuyé à la longue.
Belle description du cinéma anglais....J'y suis allergique.
SupprimerHugo Spanky