lundi 30 septembre 2013

GRaM PaRsoNS


On accorde souvent à John Fogerty d'avoir à lui seul maintenu le Rock'n'Roll dans les clous, tandis que les années 60 chamboulaient l'esprit et les sons à grand coups de psychédélisme. C'est oublier un peu rapidement ce grand échalas de Gram Parsons. Le gamin, plus que tout autre, à ressuscité les fondamentaux du genre, s'octroyant au passage le luxe de les sublimer. Gram Parsons, peu en ont eu cure de son vivant, tous lui sont redevables depuis. Sorti de nulle part, si ce n'est d'une richissime famille sudiste au destin bien sordide, Gram Parsons, orphelin dès l'adolescence, va trimbaler son obsession pour la Country Music à travers les États-Unis, une grosse poignée d'années seulement, mais en épousant le genre au point de faire ressembler le scénario de sa vie à celui d'une de ces chansons qui font chialer les durs.
 


Difficile d'écarter ne serait-ce qu'un album des cinq et demi que le flamboyant cowboy a gravé dans la cire. Du bourlingueur Safe At Home avec l'International Submarine Band, du plus maîtrisé, et définitivement légendaire, Sweetheart Of The Rodeo des Byrds, vite suivi par The Gilded Palace Of Sin des Flying Burrito Brothers (et une partie du suivant, Burrito Deluxe) jusqu'aux fantasmabuleux GP et Grievous angel, enregistrés en fin de parcours mais invraisemblables de beauté, rien dans l’œuvre du bonhomme n'est dispensable. Même pas le live foutraque des Fallen angels ou le recueil d'inédits Sleepless Nights


Gram Parsons consuma ses groupes comme d'autres les paquets de cigarettes, la rente annuelle que lui attribuait son héritage famillial, lui permettait de se contrefoutre de tout soucis matériel, et il ne se priva pas d'en profiter. Maigre consolation, finalement, que cette liberté d'agir dont il ne saura que faire, sinon s'en servir pour se tuer à petit feu. Le feu, oui, encore un élément de la légende, trop souvent conté pour que je m'y attarde. 
 


Gram Parsons était un dépressif joyeux, un je-m’en-foutiste concerné, Gram Parsons voyait la vie comme une route accidentée sur laquelle se croise des gitans, comme Keith Richards. En cette fin des 60's le guitariste des Rolling Stones se trouvait fort dépourvu, Brian Jones avait lâché la rampe, son successeur, Mick Taylor, ne jouait le Blues que comme un blanc-bec de plus, et Mick Jagger s'idéalisait chanteur solo. Il devenait urgent de trouver une parade, faute de quoi son groupe mordrait la poussière comme tant d'autres au même moment.
Sa rencontre avec Gram Parsons sera providence, le sudiste va lui enseigner ce qu'il sait de la Country, à savoir absolument tout.



Sous son influence les Stones graveront quatre albums, Beggar's Banquet, Let It Bleed, Sticky Fingers et Exile on Main Street, pas les pires, avant que Jagger ne siffle la fin de l'amourette et donne aux Stones une tournure plus funky en incorporant Billy Preston à l'aventure. Le Fallen Angie, lui, n'aura alors plus qu'à s'éteindre, mais pas sans avoir délivré ses plus flamboyantes mélopées. Entouré des meilleurs musiciens du genre, rien de moins que ceux d'Elvis Presley, Gram Parsons porté à bout de bras par l'admiration que lui voue une Emmylou Harris, hélas, trop tardivement entrée en scène, enregistre GP et Grievous angel, chefs d’œuvres parmi les chefs d’œuvres. 


Malgré l'héroïne, malgré les flots d'alcool, il signe et interprète quelques une des plus belles chansons qu'il m'ait été donner d'entendre. Constructions divines, mélodies sublimes, progressions savantes, les chansons de Gram Parsons sont un condensé de ce que la musique du vingtième siècle à pu offrir de plus poignant. Délicat, rageur et torturé, l'art du chanteur permet la transition des Louvin Brothers à Hank III, tel un pont suspendu au dessus des modes, des nouvelles vagues, des toquades. Si, de cet homme, on ne devait garder qu'une seule qualité, alors que ce soit la fidélité indéfectible qu'il témoigna à la musique de son cœur, cette Country qu'il mâtina d'harmonies Gospel, un genre dont, en catholique convaincu, il maîtrise tous les classiques depuis l'enfance. La musique de Gram Parsons a les bottes ancrées dans le sacré, il y est question de célébration, de souffrance, de rédemption, de culpabilité, de poids à porter et de dignité.



Affublé de costumes de chez Nudie ou défoncé moustachu, Gram Parsons a toujours été habité par la classe ultime. Sa prestance dans le dvd édité par Rhino, Fallen Angel, aide à mieux comprendre ce que tous lui doivent, de Johnny Thunders à dieu seul sait qui d'autre. Fallen angel est sacrément bien fichu, le documentaire fait défiler les témoins, Chris Hillman, Bernie Leadon, James Burton, Emmylou Harris, Keith Richards (qui finit à demi mots par reconnaître tout ce qu'il doit à l'ange déchu) ou encore la famille, sœurs, demi-sœurs et épouse. Chacun raconte sa part de vie commune avec l'insaisissable Gram Parsons, laissant apparaître un parcours chaotique au possible, mais si riche qu'il semble un peu plus irréel encore de l'avoir réalisé en si peu de temps. Gram Parsons faisait tellement tout plus vite que les autres qu'il est mort à 26 ans, seulement. 

 

jeudi 26 septembre 2013

LeS ChRoNiQUeS De CoNaN


La bédé c'est comme le reste, il y en a pour tous les goûts. Épopée science fiction pour les autres, réalisme historique pour les uns et barbarie pour moi. Les neuf albums de Conan parut aux éditions LUG entre 1976 et 1979 sont les pièces fondatrices d'un édifice qui depuis s'est étendu de Chaland à Blueberry sans jamais s'éloigner de la base. 

Maintenant que les héros des cases à bulles passent leur temps à Hollywood, Conan reste d'autant plus précieux qu'il est inadaptable. Deux films en témoignent. Au delà des sorcelleries, des monstres hideux, des courtisanes dévêtues, c'est le personnage même de Conan qui ne saurait trouver d'incarnation qui lui rendrait justice. Trop de chair, des yeux trop noirs, une tignasse qui l'est encore plus, un corps comme la civilisation n'en permet pas, pire, une morale à faire pâlir de jalousie une Carmélite.  
Conan c'est un brin d'humanité dans un univers dépourvu de sens commun, un gentleman qui tranche les têtes comme on gobe une olive à l'heure de l'apéro.




Le scénariste Roy Thomas et le dessinateur John Buscema l'ont défini ainsi, donnant corps et visage à l'impulsion littéraire de Robert Howard, dont je n'ai jamais lu la moindre ligne. Tout comme je fuis Conan dans ses versions les plus récentes. Pas envie. L’œuvre à l'encre noir dessinée par le maître Buscema me suffit. Même si, évidemment, la plus poignante saga du barbare n'est parue qu'en couleurs et en (brève) partie dessinée par un autre. Rien de rationnel là dedans mais comment ne pas s'enflammer pour les aventures d'un Conan devenu pirate pour l'amour de Bêlit, tigresse de la côte noire. Seule parmi les femmes à s'affirmer l'égale de celui à qui les astres ont promis un royaume. Bêlit, âme sombre rongée par le désir de richesse, Conan, cœur lumineux n'accordant valeur qu'à la vie.  



Ces deux là vont s'aimer jusqu'à la mort au fil d'une aventure commune que je rêve de voir enfin éditer dans sa virginité de traits noirs. L’Espagne y a eu droit et les éditions Panini comics font des merveilles en rééditant sous l’emblème Les chroniques de Conan l'intégralité, regroupée par années de parution, des magnifiques Savage sword of Conan, alors patience portera peut être ses fruits. Jusque là, tachez de mettre la main sur la dizaine d'albums Artima du début des années 80 qui, de manière anarchique mais toujours jouissive, regroupe l'épopée du couple.




Mais je pinaille, joue les exigeants, j'en oublie les heures marécageuses, le sel du sang parfumant mes papilles, à vadrouiller aux côtés du barbare, à frissonner devant les révélations des plus tourmentées malices à s'être extirpées d'un esprit parfois encore partiellement humain. Dans le monde de Conan, les saints n'existent pas mais les démons sont nombreux. Au rythme d'un album par trimestre, chaque page éditée des Chroniques de Conan vous le fera savourer pour si peu que vous en ayez le goût.




  Hugo Spanky 


jeudi 19 septembre 2013

cHRoNiQueS D'AMéRiQue


Il y a des jours où on est une feignasse de première et la simple perspective de devoir se farcir un roman au long cours nous donne des envies de fuites au bras de sa douce à Hawaï.
Heureusement les écrivains sont des sacrés petits malins et ils arrivent tout de même à nous ferrer avec leurs recueils de nouvelles.
Écrire une nouvelle n'est pas donné au premier venu, c'est un art difficile qui nécessite une juste maîtrise de ses mots afin de parvenir à nous conter une histoire qui nous tienne en haleine en quelques pages seulement. Tout le contraire donc des ces auteurs de romans à rallonge qui s'emportent à longueurs de feuilles dans des digressions qui n'en finissent plus de nous soûler ( Stieg Larsson, l'auteur du largement surestimé «Millénium» en est un parfait exemple notamment).

T.C. Boyle justement est un de ces rares écrivains qui excellent aussi bien en tant que romancier et que nouvelliste. A ce titre son recueil «25 histoires bizarres» vous le montrera sous son meilleur jour. Au détour de ses nouvelles il dépeint des personnages borderline qui se dépatouillent du mieux qu'ils le peuvent de leur angoisse et de la pesanteur de leur vie. Tantôt nous avons affaire à un barman d’hôtel de luxe qui tente de combler sa solitude grâce à un nouveau concept de télé réalité, tantôt nous assistons à l'effroi qui saisit un groupe de personnes se retrouvant coincé dans une demeure alors qu'une pluie de sang se déverse sur notre monde et tantôt nous partageons l'effarement d'une pauvre hère en panne de voiture qui se voit séquestré dans un garage kafkaïen. A d'autres moments ce sont deux frappadingues qui s’affrontent dans un absurde tournoi de goinfrerie sans limite ou bien encore trois survivants d'une apocalypse qui ont le plus grand mal à s'entendre. Adepte d'un changement de ton et de style radical selon la teneur son sujet (ses parodies de récits d'aventures ou -mieux encore- de littérature Beat détonnent et sont des joyaux de cocasseries) , Boyle avec ces histoires, aussi loufoques que terrifiantes, nous procurent un plaisir ambivalent qui entremêle gêne et jubilation.
 



Autre romancier talentueux le méconnu Elwood Reid fait très fort d'emblée avec son tout premier recueil de nouvelles: «Ce que savent les saumons» qui, je vous rassure tout de suite, n'est pas un manuel sur l'art de la pêche. A travers ses personnages qui survivent en accomplissant les plus rudes des boulots, il nous décrit l'existence des laissés pour compte du rêve Américain. Qu'ils soient homme à tout faire pour une famille aisée bouffie de suffisance; professeur de méthode de self défense trop entreprenant envers une de ses élèves; alcoolique en quête d'une illusoire repentance; contremaître malheureux d'une équipe d'ouvriers à la chaîne ou bien simples amateurs de pêche à la ligne qui s'emportent dans un dérisoire règlement de compte, ils ont tous en commun de devoir lutter pour affronter au mieux une vie qui les malmène. Au moyen d'une narration limpide dégraissée jusqu'à l'os mais non dénuée d'images fulgurantes, Reid nous cogne direct au cœur avec ses losers si proche de nous. 
 



Découvert avec son vertigineux roman «Le Diable, tout le temps», qui nous narrait les péripéties hallucinantes d'une galerie de personnages inquiétants d'une perversité sans commune mesure dans une magistrale épopée redneck jusqu’au-boutiste, Donald Ray Pollock a débuté sa carrière d'écrivain avec un remarquable livre de nouvelles qu'il ne faudrait surtout pas oublier: «Knonkemstiff».

Aucune échappatoire nous est offerte dans ces histoires dérangeantes dans lesquelles les pires travers de l'humanité nous sont jetés en plein poire sans le moindre ménagement. Certaines d'entre elles ont des personnages en commun et elles forment un corpus qui nous présente un cheptel d’antihéros qui tente vainement de se sortir d'une misère autant morale que sociale.

Nous avons là un déserteur de l'armée qui finit demeuré et meurtrier à force de se réfugier dans les bois en solitaire; un fils mal aimé confronté à un père à moitié mourant qui continue à le charrier; un enfant craintif qui fait l'expérience de la violence avec son père rongé par une hargne inextinguible; un malheureux employé de station service qui voit l'amour de sa vie – la pire catin du bourg- se faire la malle avec un abruti; un paumé malmené par son paternel qui décampe de la piaule familiale pour se retrouver dans une situation ô combien malsaine avec un routier; deux speedfreaks pathétiques qui s'enfoncent à vitesse grand v dans le sordide le plus glauque; un jeune homosexuel qui s'accoquine avec une vermine malveillante; un adolescent déboussolé qui tente de prouver sa virilité à son entourage; un couple mal assorti et fauché à la recherche désespérée de flouze; un bodybuilder qui causera la perte de son fils ou bien encore un père qui pète une durite suite à une insulte de trop faite à son fils attardé.


Pas un de ces protagonistes ne trouvera de rédemption au terme des ces récits âpres: ils sont condamnés à vivre dans leur minable bourgade au milieu de leurs congénères vicieux. Point de salut pour ces lâches qui se trouvent toujours une mauvaise excuse pour ne pas sortir de leur marasme. Quant à ceux qui parviennent à s'en échapper, c'est la fatalité qui les empêchera d'avoir droit à une vie meilleure.

Admirablement traduites par le trop rare Philippe Garnier, ces courtes nouvelles nous marquent au fer rouge et nous laissent un goût de cendres dans la bouche. 
 



Avec ces trois recueils, vous êtes assuré de plonger dans des récits à l'écriture sèche et aussi percutante qu'une tournée de shots de Jack Daniel's pour Donald Ray Pollock, dans des histoires imagées et foutrement inventives à forte teneur addictive pour T.C. Boyle et dans des chroniques finement ciselées d'une saisissante justesse pour Elwood Reid.

Bref, des bouquins qui, contrairement aux fausses valeurs sans cesse encensées ( Amélie Nothomb, Marie Darrieussecq, Thomas Pynchon, Don Delillo ce genre d'institutions horrifiantes quoi ), sauront vous éclairer autant sur vous que sur vos contemporains et qui vous secourront le ciboulot mieux qu'en faisant un tour dans les montagnes russes. Des œuvres en somme qui feront raisonner en vous les plus violentes émotions; ce que tout livre d'envergure se doit d'avoir pour ambition ultime.

jeudi 12 septembre 2013

The CLasH

Alors que notre dame du marketing essaie de nous refourguer l’intégrale, qu’on a déjà à peu près tous, du Clash dans un énorme Ghetto Blaster en carton à prix d’or, c’est en continuant inlassablement à feuilleter les pages de mon énorme onglet Records Shop, que j’ai trouvé la perle.
Cet album, juste mythique, figure, depuis que je possède un ordi, dans le Complete Records du groupe, mais pas moyen de le trouver en vinyl. C’est chose faite !

RaT PaTRoL FRoM FoRT BRaGG

Ze GOOD 1
(7red mix)


Tout commença par une recherche matinale, toujours, du single The Sound of the West, celui où Joe colle son feuillet, incluant le Beautiful People are ugly too, One Emotion, Mona, Kill Time ... 5 titres pour un single que je ne possède pas, déjà, là, y’a comme un message, si vous l’avez en trop ….
Single trouvé et vite commandé, avant la grande déception, le vendeur avait tristement confondu 14.50 avec 145.00€. Je ne pense pas mettre trompé en l’envoyant se faire Enc’…, lui, toute sa famille et tout c’qui porte son nom sur 28 générations. Je sais ça peut paraît’ un peu excessif mais j’ai quand même graver son nom sur ma liste !

Pas du genre à lâcher un os, et les pages de Discogs regorgeant de trésors, mon impossib’ quête m’amena à la rubrique « Unofficial », du bootlegs à foison et quelques bizarretées, dont une qui de suite m’arrache un œil, Rat Patrol From Fort Bragg, un click par ci un click par là et hop me voilà devant le fameux album mixé par Jonesy, jamais sorti.


Warning !
Il ne s’agit pas là de la très médiocre version du Combat Rock sorti il y a quelques années sous ce nom de Rat Patrol, avec une cover bien choisi, bien qu’il y manque Topper, trop vite remplacé par Terry chimes même en photo, non.


Je parle là de l’original Rat Patrol From Fort Bragg, double album mixé par Mick Jones, et soit disant refusé par CBS au détriment d’un simple, l’a bon dos la maison d’disque …
22 plages et pas un grain d’sab’ mais c’est assez sûr que c’est pas le disque qui aurait envoyé le groupe remplir les stades chez les yankees, ni bloquer un hit pendant plusieurs semaines dans les charts.

Suite logique de Sandinista, le groupe s’essaye à aut’ chose, tout Combat Rock est là mais plus avec le groove du Bronx que la rigidité d’une artère royale londonienne. C’est bien la section rythmic qui dirige la machine, et non, et re non, Topper n’avait pas des bras comme des enclumes, ou alors distribuez en à tous les groupes, ça relèv’ra l’niveau !


Ce double n’amène rien de plus, aujourd’hui, qu’un album du Clash, un qu’on nous aurait caché, et c’est déjà énorme, avec des mixes plus aventureux, deux titres pas dégueu, une face entière d’instru et un Rock the Casbah toasté par Ranking Roger de première.
La presse est bonne, pas un sous enregistr’ment plaqué sur galette, du travail honnête. Un disque qu’on aurait certain’ment apprécié distribué en maxi à l’époque.


 
Il est là aujourd’hui, je ne peux pas dire tout beau, je trouve la cover à chier. Le groupe était si pointu sur l’Artwork que se contenter d’une photo de 78 sur un fond orange cra cra ne rend aucunement justice ni au groupe ni à l’album, mais, on ne juge pas un livre à sa couverture…


Si vous souhaitez vous faire un joly cadeau, un truc qui tient chaud pour la rentrée, je ne saurai que trop vous le conseiller.


&
Ze BAD 2
(Spanky remix)


Vu qu'on n'a pas attendu que Strummer soit raide mort et qu'il duetise à titre posthume avec Johnny Cash (le seul gonze a avoir été naze en Rockab' autant qu'en Country) ou se fende d'une reprise de Redemption song, dont on est certain qu'elle n'est pas la cause de son arrêt cardiaque, pour se réclamer du bonhomme, 7red tout comme moi, on ne se sent pas tellement obligé de donner dans la révérence à chaque tournure de phrase. Si on avait eu un goût pour la génuflexion, on aurait prié le bon dieu, on ne se serait pas emmerdé avec un Strummer qui n'avait de sain que l'esprit.


Quoiqu'il en soit, c'est plus souvent qu'à notre tour qu'on est passé pour les casse-bonbons de service lorsque, régulièrement, on s’inquiétait de savoir, auprès de nos disquaires locaux, si par hasard notre turco/andalou favori ne se serait pas donné la peine de se fendre d'un je ne sais quoi qui aurait ressemblé à une chanson. Parce que mine de rien, un single finlandais en dix ans sous prétexte de musique de film, ça fait un peu court. Rah, je revois les yeux levés au ciel des fourgueurs de wax, on les entendait presque marmonner, revoilà les deux couillons, sont bloqués sur Clash depuis 20 piges ceux là. Évidemment qu'ils ne le disaient pas, vous connaissez l'adage, quand ceux qu'ont des couilles s'expriment, les châtrés se retiennent de gazouiller, mais ils le pensaient. Maintenant que Strummer est devenu culte, les mêmes doivent se frotter les mains de voir débouler les abonnés à télérama.
Preuve qu'on était plus fidèles que bloqués, nous on est passé à autre chose. Vu que le chanteur à la confusion cool (mais qui faisait des dégât au sein de sa troupe) n'est pas près de nous pondre une nouveauté, et qu'on connaît ses vieilleries par cœur.


Et puis faut bien dire que tant qu'à écouter la suite du Clash, c'est quand même l’œuvre de Mick Jones qui colle au mieux avec notre époque. Le visionnaire Jones. Spécialiste du disque fantôme, du bijou qui rend les maisons de disques un peu plus frileuses encore, qu'elles ne le sont déjà. En exemple, Entering a new ride de la dernière incarnation de Big Audio Dynamite, seulement dispo en téléchargement, cet album resté en cale sèche aurait été LE disque des 90's. Tout comme Carbon/Silicon est aujourd'hui ce qui se fait de mieux en Angleterre, mais ça, chut, faut surtout pas que ça se sache. La preuve, les médias n'en causent jamais.


Mick Jones, l'homme du disque maudit, Rat patrol from Fort Bragg, aventureux double album du Clash, sacrifié pour que Gaby ait une maison à elle. Un disque qui hante mes rêves les nuits de pleine lune.
Autant vous dire que le mercure à pété le thermomètre lorsque j'ai vu que le groupe sortait un coffret intégrale à la con et qu'ils n'en avaient même pas profité pour y caser l'objet de mes fantasmes auditifs. Bande de cons ! Escrocs ! J'allais vous pondre une descente en flamme à base de torpilles à fragmentations, ça allait charcler. Le Clash veut nos talbins ? Qu'ils aillent se faire foutre chez les anglais, ça tombe bien ils sont sur place.


C'est là que j'ai reçu un mail, le front du Nord en état d'alerte, cible verrouillée, 7red avait localisé un bootlegger qui avait fait le job, pressé Rat patrol from Fort Bragg en beau vinyle armé de grosses basses. Merde à Sony, CBS, Universal, je ne sais pas comment la kommandantur se nomme cette semaine, mais faut bien que quelqu'un se remonte les manches.


Autant que je le dise de suite, le double album n'est pas la version définitive que j'espère toujours connaître un jour, il y manque la démentielle version de 7 ou 8 minutes de Overpowered by Funk. Ici on doit se contenter d'un instru qui met en bouche mais ne permet pas d'atteindre le coït. Souvent décrié, ce foutu morceau, charcuté par Glyn Johns pour Combat Rock, est un des sommets de Rat Patrol from Fort Bragg, ainsi que sa plus rageante incarnation. Je m'explique, à l'origine le morceau déchire sa race, prend le temps de s'installer à grands coups de percussions, de vous mener quelque part, il est sale, suffisamment répétitif pour provoquer les secousses du bassin, qui inévitablement contaminent les guibolles. Du Funk. Pour l'inclure dans le formaté Combat Rock, Glyn Johns a tué le morceau, en a fait une sorte de Funk à l'anglaise (ce qui est une contradiction) un machin à la con pour blanc-becs branchouilles. Un truc de jazzeux mixé avec des moufles pour un résultat en forme d’encéphalogramme plat.


A ce titre, La face 4 consacrée aux instrumentaux est la plus douloureuse, comparer aux versions tronquées, compressées, sabordées de Combat Rock façon Glyn Johns, le mixage, ici effectué par Mick Jones, ose l'avenir du futur, ça groove, ça respire à plein poumons, le son permet à chaque instrument d’exister pleinement, les lignes de basse sont sublimées, explosives, l'opposition entre les deux guitares fonctionne à plein régime, celle de Strummer ancre le groupe dans la rage et la frustration, celle de Jones lui permet de décoller. En lieu et place du disque de revival bancal auquel on a eu droit, on avait ici la suite de Sandinista ! En plus pêchu, l'influence du Hip Hop ayant remplacé celle du Reggae.


Rat patrol from Fort Bragg dévoile en creux une autre vérité, plus cruelle parce que plus chargée de conséquence, sur la plupart des morceaux Joe Strummer est à la ramasse, il ne sait tout simplement plus quoi faire de sa voix. La fin du groupe, l'impasse dans laquelle il se trouve, s'y révèle stabilotée, soulignée. On l'aime Joe, sa fougue, son timbre fracassé, son souffle court, faisaient des miracles sur les chansons les plus enragées, là, il tire bas, n'arrive plus à faire décoller les syllabes, à se caler sur l'irrépressible beat. Pour les morceaux les plus aventureux, doucement mais sûrement, Mick Jones s'impose au micro.


Le dilemme au sein du Clash était sous-jacent dès Protex blue, quel morceau du premier album a mieux vieilli que celui ci ? Stay free n'arrangea pas la soudure, et dès London calling s'en été fini de l'évidence Joe Strummer lead singer. D'autant que Simonon s'y collait à son tour, avec une morgue je m'en les belbes, peuvent sortir leurs flingues et tirer parfaitement raccord avec ses propos. Ne restait dorénavant plus à Strummer que suppliques larmoyantes et désespoir de cause. Maigre. Know your rights, Ghetto defendant comme Sean Flynn, pourtant magnifique de cinématographie dans sa longueur originale, en sont les principales victimes, Et les confrontations avec Mick Jones sur Rock the casbah, Death is a star et Atom tan clouent le cercueil. Glyn Johns ne s'y trompe pas et vire du tracklist original cinq morceaux interprétés en lead par Strummer. Il bidouille les vocaux de Ghetto Defendant, enterre dans le mix les chœurs en espagnol de Should I stay or should I go et exige de nouvelles sessions au cours desquels le chanteur ré-enregistre Know your rights et sauve les meubles en offrant in-extremis, à un monde médusé par tant de talent, le testamentaire Straight to hell. Sauf qu'en faisant tout ça, le producteur dézingue l'essentiel, la vie. Avec Combat Rock, Glyn Johns fait son sale boulot de la même manière que dix ans plus tôt il l'avait fait avec Who's next, il canalise l'essence même du Rock'n'Roll en l'amputant de sa sauvagerie. Rat patrol from Fort Bragg percute, dégueule sur la nappe, là où Combat rock flatte et rassure. Dès lors, plus que jamais le cul entre deux chaises, le groupe perd sa cohésion, la fracture sociale entre les aventuriers (Headon et Jones) et les conservateurs ne consolidera jamais.


Le ramdam que fout Ranking Roger sur la version alternative de Rock the casbah propose une solution, intégrer le bonhomme dans le groupe et foncer droit devant ! Avec Topper Headon, Clash était doté du meilleur batteur d'alors et depuis, Paul Simonon ne faisait que l'essentiel, qualité suprême d'un bassiste, et Mick Jones traversait sa période la plus créatrice.
On sait ce qu'il advint de tout cela. Ce qui me mène à ce constat, poser Clash aujourd'hui sur la platine me donne surtout envie de réécouter Big Audio Dynamite.


7red &
Hugo Spanky