Alors que notre dame du
marketing essaie de nous refourguer l’intégrale, qu’on a déjà à
peu près tous, du Clash dans un énorme Ghetto Blaster
en carton à prix d’or, c’est en continuant inlassablement à feuilleter les pages de mon énorme onglet Records
Shop, que j’ai trouvé la perle.
Cet album, juste
mythique, figure, depuis que je possède un ordi, dans le
Complete Records du groupe, mais pas moyen de le trouver en vinyl. C’est chose faite !
RaT PaTRoL FRoM FoRT BRaGG
Ze GOOD 1
(7red mix)
Tout
commença par une recherche matinale, toujours, du single The
Sound of the West, celui où Joe
colle son feuillet, incluant le Beautiful
People are ugly too, One
Emotion, Mona,
Kill Time
... 5 titres pour un single que je ne possède pas, déjà, là,
y’a comme un message, si vous l’avez en trop ….
Single trouvé et vite
commandé, avant la grande déception, le vendeur avait tristement
confondu 14.50 avec 145.00€. Je ne pense pas mettre trompé en
l’envoyant se faire Enc’…, lui, toute sa famille et tout c’qui
porte son nom sur 28 générations. Je sais ça peut paraît’ un
peu excessif mais j’ai quand même graver son nom sur ma liste !
Pas du genre à lâcher
un os, et les pages de Discogs regorgeant de trésors, mon
impossib’ quête m’amena à la rubrique « Unofficial »,
du bootlegs à foison et quelques bizarretées, dont une qui de suite
m’arrache un œil, Rat Patrol From Fort Bragg, un click par
ci un click par là et hop me voilà devant le fameux album mixé par
Jonesy, jamais sorti.
Warning !
Il ne s’agit pas là de
la très médiocre version du Combat Rock sorti il y a
quelques années sous ce nom de Rat Patrol, avec une cover
bien choisi, bien qu’il y manque Topper, trop vite remplacé
par Terry chimes même en photo, non.
Je parle là de
l’original Rat Patrol From Fort Bragg, double album mixé
par Mick Jones, et soit disant refusé par CBS au
détriment d’un simple, l’a bon dos la maison d’disque …
22 plages et pas un grain
d’sab’ mais c’est assez sûr que c’est pas le disque qui
aurait envoyé le groupe remplir les stades chez les yankees, ni
bloquer un hit pendant plusieurs semaines dans les charts.
Suite logique de
Sandinista, le groupe s’essaye à aut’ chose, tout Combat
Rock est là mais plus avec le groove du Bronx que la
rigidité d’une artère royale londonienne. C’est bien la section
rythmic qui dirige la machine, et non, et re non, Topper n’avait
pas des bras comme des enclumes, ou alors distribuez en à tous les
groupes, ça relèv’ra l’niveau !
Ce double n’amène rien
de plus, aujourd’hui, qu’un album du Clash, un qu’on
nous aurait caché, et c’est déjà énorme, avec des mixes plus
aventureux, deux titres pas dégueu, une face entière d’instru et
un Rock the Casbah toasté par Ranking Roger de
première.
La presse est bonne, pas
un sous enregistr’ment plaqué sur galette, du travail honnête. Un
disque qu’on aurait certain’ment apprécié distribué en maxi à
l’époque.
Il est là aujourd’hui,
je ne peux pas dire tout beau, je trouve la cover à chier.
Le groupe était si pointu sur l’Artwork que se contenter d’une
photo de 78 sur un fond orange cra cra ne rend aucunement justice ni
au groupe ni à l’album, mais, on ne juge pas un livre à sa
couverture…
Si
vous souhaitez vous faire un joly cadeau, un truc qui tient chaud
pour la rentrée, je ne saurai que trop vous le conseiller.
&
Ze BAD 2
(Spanky remix)
Vu qu'on n'a pas attendu
que Strummer soit raide mort et qu'il duetise à titre
posthume avec Johnny Cash (le seul gonze a avoir été naze
en Rockab' autant qu'en Country) ou se fende d'une reprise de
Redemption song, dont on est certain qu'elle n'est pas
la cause de son arrêt cardiaque, pour se réclamer du bonhomme,
7red tout comme moi, on ne se sent pas tellement obligé de
donner dans la révérence à chaque tournure de phrase. Si on avait
eu un goût pour la génuflexion, on aurait prié le bon dieu, on ne
se serait pas emmerdé avec un Strummer qui n'avait de sain
que l'esprit.
Quoiqu'il en soit, c'est
plus souvent qu'à notre tour qu'on est passé pour les casse-bonbons
de service lorsque, régulièrement, on s’inquiétait de savoir,
auprès de nos disquaires locaux, si par hasard notre turco/andalou
favori ne se serait pas donné la peine de se fendre d'un je ne sais
quoi qui aurait ressemblé à une chanson. Parce que mine de rien, un
single finlandais en dix ans sous prétexte de musique de film, ça
fait un peu court. Rah, je revois les yeux levés au ciel des
fourgueurs de wax, on les entendait presque marmonner, revoilà
les deux couillons, sont bloqués sur Clash depuis 20 piges ceux là.
Évidemment qu'ils ne le disaient pas, vous connaissez l'adage, quand
ceux qu'ont des couilles s'expriment, les châtrés se retiennent de
gazouiller, mais ils le pensaient. Maintenant que
Strummer est devenu culte, les mêmes doivent se frotter les
mains de voir débouler les abonnés à télérama.
Preuve qu'on était plus
fidèles que bloqués, nous on est passé à autre chose. Vu que le
chanteur à la confusion cool (mais qui faisait des dégât au sein
de sa troupe) n'est pas près de nous pondre une nouveauté, et qu'on
connaît ses vieilleries par cœur.
Et puis faut bien dire
que tant qu'à écouter la suite du Clash, c'est quand même
l’œuvre de Mick Jones qui colle au mieux avec notre époque.
Le visionnaire Jones. Spécialiste du disque fantôme, du
bijou qui rend les maisons de disques un peu plus frileuses encore,
qu'elles ne le sont déjà. En exemple, Entering a new ride de
la dernière incarnation de Big Audio Dynamite, seulement
dispo en téléchargement, cet album resté en cale sèche aurait été
LE disque des 90's. Tout comme Carbon/Silicon
est aujourd'hui ce qui se fait de mieux en Angleterre, mais ça,
chut, faut surtout pas que ça se sache. La preuve, les médias n'en
causent jamais.
Mick Jones,
l'homme du disque maudit, Rat patrol from Fort Bragg,
aventureux double album du Clash, sacrifié pour que Gaby ait une maison à elle. Un disque qui hante mes rêves les nuits
de pleine lune.
Autant vous dire que le
mercure à pété le thermomètre lorsque j'ai vu que le
groupe sortait un coffret intégrale à la con et qu'ils n'en
avaient même pas profité pour y caser l'objet de mes fantasmes
auditifs. Bande de cons ! Escrocs ! J'allais vous pondre une
descente en flamme à base de torpilles à fragmentations, ça allait
charcler. Le Clash veut nos talbins ? Qu'ils aillent se
faire foutre chez les anglais, ça tombe bien ils sont sur place.
C'est là que j'ai reçu
un mail, le front du Nord en état d'alerte, cible verrouillée, 7red
avait localisé un bootlegger qui avait fait le job, pressé Rat
patrol from Fort Bragg en beau vinyle armé de grosses basses.
Merde à Sony, CBS, Universal, je ne sais pas comment la kommandantur
se nomme cette semaine, mais faut bien que quelqu'un se remonte les
manches.
Autant que je le dise de
suite, le double album n'est pas la version définitive que j'espère
toujours connaître un jour, il y manque la démentielle version de 7
ou 8 minutes de Overpowered by Funk. Ici on doit se
contenter d'un instru qui met en bouche mais ne permet pas
d'atteindre le coït. Souvent décrié, ce foutu morceau, charcuté
par Glyn Johns pour Combat Rock, est un des sommets de
Rat Patrol from Fort Bragg, ainsi que sa plus rageante
incarnation. Je m'explique, à l'origine le morceau déchire sa race,
prend le temps de s'installer à grands coups de percussions, de vous
mener quelque part, il est sale, suffisamment répétitif pour
provoquer les secousses du bassin, qui inévitablement contaminent les
guibolles. Du Funk. Pour l'inclure dans le formaté Combat Rock,
Glyn Johns a tué le morceau, en a fait une sorte de Funk à
l'anglaise (ce qui est une contradiction) un machin à la con pour
blanc-becs branchouilles. Un truc de jazzeux mixé avec des moufles
pour un résultat en forme d’encéphalogramme plat.
A ce titre, La face 4
consacrée aux instrumentaux est la plus douloureuse, comparer aux
versions tronquées, compressées, sabordées de Combat Rock façon
Glyn Johns, le mixage, ici effectué par Mick Jones, ose
l'avenir du futur, ça groove, ça respire à plein poumons, le son
permet à chaque instrument d’exister pleinement, les lignes de
basse sont sublimées, explosives, l'opposition entre les deux
guitares fonctionne à plein régime, celle de Strummer ancre
le groupe dans la rage et la frustration, celle de Jones lui
permet de décoller. En lieu et place du disque de revival bancal
auquel on a eu droit, on avait ici la suite de Sandinista !
En plus pêchu, l'influence du Hip Hop ayant remplacé celle du
Reggae.
Rat patrol from Fort
Bragg dévoile en creux une autre vérité, plus cruelle parce
que plus chargée de conséquence, sur la plupart des morceaux Joe
Strummer est à la ramasse, il ne sait tout simplement plus quoi
faire de sa voix. La fin du groupe, l'impasse dans laquelle il se
trouve, s'y révèle stabilotée, soulignée. On l'aime Joe,
sa fougue, son timbre fracassé, son souffle court, faisaient des
miracles sur les chansons les plus enragées, là, il tire bas,
n'arrive plus à faire décoller les syllabes, à se caler sur
l'irrépressible beat. Pour les morceaux les plus aventureux,
doucement mais sûrement, Mick Jones s'impose au micro.
Le dilemme au sein du
Clash était sous-jacent dès Protex blue, quel
morceau du premier album a mieux vieilli que celui ci ? Stay
free n'arrangea pas la soudure, et dès London calling s'en
été fini de l'évidence Joe Strummer lead singer.
D'autant que Simonon s'y collait à son tour, avec une morgue
je m'en les belbes, peuvent sortir leurs flingues et tirer
parfaitement raccord avec ses propos. Ne restait dorénavant plus à
Strummer que suppliques larmoyantes et désespoir de cause.
Maigre. Know your rights, Ghetto defendant comme Sean
Flynn, pourtant magnifique de cinématographie dans sa
longueur originale, en sont les principales victimes, Et les
confrontations avec Mick Jones sur Rock the
casbah, Death is a star et Atom tan
clouent le cercueil. Glyn Johns ne s'y trompe pas et vire du
tracklist original cinq morceaux interprétés en lead par Strummer. Il bidouille les vocaux de Ghetto Defendant, enterre
dans le mix les chœurs en espagnol de Should I stay or should
I go et exige de nouvelles sessions au cours desquels le
chanteur ré-enregistre Know your rights et sauve les
meubles en offrant in-extremis, à un monde médusé par tant de
talent, le testamentaire Straight to hell. Sauf qu'en faisant tout ça, le producteur dézingue l'essentiel, la vie. Avec Combat Rock, Glyn Johns fait son sale boulot de la même manière que dix ans plus tôt il l'avait fait avec Who's next, il canalise l'essence même du Rock'n'Roll en l'amputant de sa sauvagerie. Rat patrol from Fort Bragg percute, dégueule sur la nappe, là où Combat rock flatte et rassure. Dès lors, plus que jamais le cul entre deux chaises, le groupe perd sa cohésion, la fracture sociale entre les aventuriers (Headon et Jones) et les conservateurs ne consolidera jamais.
Le ramdam que fout
Ranking Roger sur la
version alternative de Rock the casbah propose une
solution, intégrer le bonhomme dans le groupe et foncer droit
devant ! Avec Topper Headon, Clash était doté du
meilleur batteur d'alors et depuis, Paul Simonon ne faisait
que l'essentiel, qualité suprême d'un bassiste, et Mick Jones
traversait sa période la plus créatrice.
On sait ce qu'il advint
de tout cela. Ce qui me mène à ce constat, poser Clash
aujourd'hui sur la platine me donne surtout envie de réécouter
Big Audio Dynamite.
7red &
Hugo Spanky