mardi 27 janvier 2015

De TOuT, De RieN eT mêMe du ReSTe



Après plus de 20 ans d’audaces, d’innovations, de castings tantôt en forme de résurrections, tantôt en forme de révélations, il semble bien que l’âge d’or des séries télé touche à sa fin. Vous l’aviez pas vu venir celle là, je vous la livre toute fraîche. Entre True Blood qui vire au jus de raisin, Walking Dead plus mort qu’en ordre de marche, Hell on Wheels qui se crashe en plein galop, la fin de Breaking Bad, de Trémé, Mad Men et Game of Thrones qui n’aura fait qu’un petit tour d’esbroufe avant de se révéler gadget pour nostalgiques des jeux de rôles, l’affaire est mal barrée. Tout le monde se réclame des Soprano ou The Wire mais plus aucune chaine ne se risque dans l’ambition. Tout cela va finir comme ça a commencé. Avec Twin Peaks. J’angoisse un brin à ce propos, David Lynch ne nous délivre plus depuis un bail que des films au bizarre réchauffé, alors savoir qu’il va se lancer dans le come back de la dame à la bûche, pardon, mais je suis inquiet. Enfin non, en fait, je m’en tamponne le coquillard, et j’ai bien peur qu’il en aille de même pour beaucoup d’autres que moi.


Je vous entends, marmonner dans votre coin que le père Spanky a un coup de mou, que ce début d’année en forme de casse gueule des civilisations éclairées aura été fatal à mon moral à toutes épreuves. Au goudron et aux plumes le vieux con ! Et peut être que vous avez raison. Il se peut même que Gomorra soit un chef d’œuvre, pensez donc, une série italienne sur la mafia diffusée par Canal + ça donne envie. Et Star Wars Rebels ça a pas de la gueule ? Originalité quand tu nous tiens. Manquerait plus que le retour de Dallas...

Les chaines spécialisées sont bien dans la merde avec leurs exclusivités, les accros téléchargent et le grand public s’entasse devant Camping Paradis. Ceci dit tout n’est pas noir, M6 rafle la mise avec Elementary et je dois reconnaître que c’est bien foutu. Le duo Sherlock Holmes (Jonny Lee Trainspotting Miller) et Lucy Liu Watson tourne à plein régime, et si les intrigues sont plus tape à l’œil que convaincantes, on n’en passe pas moins un bon moment. Et pour le coup, l’astuce de base est plutôt bien vu, la réalisation est efficace, vous ajoutez à ça un petit Costello par ci, un Clash ou deux par là, quand c’est pas du Black Sabbath ou du Stones, et des seconds rôles qu’il fait toujours plaisir de revoir (le Johnny Sack des Soprano, Natalie Dormer...) et vous me retrouvez calé sous la couette le vendredi soir. D’autant plus que si je ne m’endors pas avant la fin du quatrième épisode, j’ai droit à la rediffusion de Justified.


Justified, justement, la dernière des grandes séries, la queue de la comète, tire sa révérence dans les mois qui viennent avec une ultime saison qui s’annonce dévastatrice. Nous restera plus alors que Lilyhammer et American Horror Story. Du moins je l’espère parce que je viens de finir la saison 4 d’AHS, et les freaks ne m’ont convaincu qu’à moitié. Je l’admets j’avais un a-priori, les freaks c’est pas mon truc. Déjà les nains j’ai du mal, là c’est carrément une femme à deux têtes (en plus ils ont choisi celle dont j’aime le moins la trombine..), une femme-tronc, un homme-phoque, une barbue, un gonze avec des mains en forme de pinces de homard...Woh ! C’est sponsorisé par la cotorep ou quoi ? Rajoutez à ça des scenarii écrits la nuit précédant le tournage, un Michael Chiklis qui semble se demander ce qu’il fout là, et vous obtenez un machin dont on se contrefiche avant d’en être à la moitié.



Heureusement Lilyhammer tient la route. La saison 3 est encore une fois bien corrosive et lourdement chargée en pieds dans le plat du mauvais goût. Frank Tagliano reste fidèle à lui même et diversifie ses activités. Cette fois il se lance dans le business du vin, parce que les norvégiens ont perdu le goût de la vie, ce qui ne tarde pas à engendrer des situations à haute teneur en philosophie et en dialogues qui déglinguent les zygomatiques et font travailler les méninges. Comme quoi, c’est pas incompatible. Entre le breuvage en question, qui se retrouve boycotté par une association de soutien à la Palestine en raison de sa fabrication à base de raisins israéliens, et un des pieds nickelés qui se convertit à l’islam, et se fait dorénavant appeler Mohammed Abdul Aziz Ali, Lilyhammer reste la série la moins consensuelle du moment. Trop balèzes les Norvégiens, c’est pas Candice Renoir qui péterait les scores d’audience chez eux. Et sinon, Torgeir ne va pas mieux, le voila victime de troubles de la personnalité tandis que le reste de l’équipe tient le navire sous le niveau de flottaison avec une assiduité digne du capitaine du Costa Concordia.  



Reste que de ne plus suivre 5 ou 6 série à la fois, ça me libère du temps pour faire autre chose. Comme regarder des films par exemple. J’en ai carrément vu un qui réussit à allier trois ingrédients que je croyais aussi peu miscibles que l’huile et l’eau, à savoir intelligent, rigolo et français. Oui, tout ça dans le même film. Le Nom des Gens qu’il se nomme, vous l’avez maté vous aussi ? Franchement si Milady n'avait pas eu la prudence d’accaparer la télécommande, j’aurai zappé fissa tellement il commence mal. J’ai un problème avec les narrateurs dans les films, ça me donne toujours l’impression que le cinéaste est branque. C’est vrai quoi, les images sont supposées se suffire à elles-même, c’est un peu le principe du cinéma. Quand un réalisateur abuse de la voix off, j’ai le sentiment qu’il aurait pas fallu qu’il vive au temps du muet. Et Le Nom des Gens commence par une bonne vingtaine de minutes de tchatche ininterrompue. Pire, le sujet est ultra mâché et rabâché. Un juif introverti mis en parallèle avec une arabe libérée à la révolte toute en bon sentiments. Pas besoin d’en voir plus, on allait encore se taper une daube digne du duo Bacri/Jaoui mitonnée de poésie nunuche façon Guédiguian. C’est simple, j’allais dégainer mes loupes et tenter d’en finir avec l’épuisante biographie de Muddy Waters quand l’affriolante Sara Forestier (la beurette révoltée c’est elle) s’est soudainement trimballée toute nue en pleine rue. J’ai discrètement reposé mes lunettes en ignorant crânement le regard noir de Milady et me suis intéressé d’un peu plus près à ce qui se passait sur l’écran. 



Vous dire que j’étais scotché serait exagéré, et vous le savez ce n’est pas mon style. Le Nom des Gens est réussi parce qu’il ne s’encombre d’aucun tabou, ne se veut vecteur de rien et surtout ose la critique des idéaux de gauche, s’amuse du monopole du cœur sans pour autant donner dans l’excès inverse. Michel Leclerc a signé un film en parfait équilibre, d’une justesse de ton qui ne sent pas l’endoctrinement à plein nez. Pour une fois, le ton n'est pas acerbe envers les uns pour mieux grandir les autres. Et ça fait du bien. On peut le prendre comme une comédie sentimentale, ça fonctionne, et on peut aussi s’attarder sur les détails, sur le personnage de la mère de Sara Forestier par exemple, soixante-huitarde hypra-convaincue mariée, par conviction, à un algérien qui ne demande rien à personne si ce n’est de vivre peinard dans son coin tandis qu’elle, au contraire, en fait des caisses sur le comportement évidemment tortionnaire des colons français. La scène du repas réunissant les deux familles est un petit bijou ciselé d’intelligence. Le Nom des Gens rappelle que pour vivre en harmonie les petites choses du quotidien sont souvent plus efficaces que les grandes causes.



Tant que je vous tiens, je reviens deux minutes sur la biographie de Muddy Waters signée par Robert Gordon (rien à voir avec le bellâtre au rockabilly sous Temesta). L’auteur a fait un superbe boulot de documentation, la couleur des murs de la maison de McKinley Morganfield, le poids des sacs de coton, tout y est. Et même des choses intéressantes. Le soucis vient de l’absence totale de style, le gars écrit comme s’il rédigeait le rapport d’autopsie d’un poulpe du Larzac (variété rare) et se perd en circonvolutions superflues. Rien que les annotations font un quart du bouquin ! Je viendrais à bout de l’épreuve mais je ne sais pas quand, vu que pour m’aérer l’esprit je me suis lancé en parallèle dans la lecture de l’autobiographie de Nile Rodgers et dans celle de Pat Benatar.
A suivre, donc.


Hugo Spanky


samedi 10 janvier 2015

MoNa LiSa


Et si on parlait d’amour ? C’est bien l’amour, ça transforme les crapauds en princes, les filles perdues en princesses. Mona Lisa est un film d’Amour, l’amour entre deux potes, entre deux femmes, entre un père et sa fille, entre un minable et une grande bringue de pute noire comme il l’appelle avec de l’amour plein la voix. Et c’est beau l’amour, si beau qu’on finirait par y croire.

Mona Lisa c’est 1h30 avec Bob Hoskins à l’écran, Bob Hoskins qui crève l’écran devrais-je préciser. Comme Mickey Rourke dans Angel Heart il porte le film du début à la fin, on le suit pas à pas, un vrai bonheur. Bob Hoskins c’est le genre d’acteur familier qu’on croise à droite à gauche, dans The Wall, L’Irlandais, Cotton Club, Danny The Dog, Mermaids, ou Brazil mais dont on ne se souvient souvent que pour un seul rôle, hélas. Son heure de gloire, Bob Hoskins l’a eu avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ? dans lequel il excelle comme à son habitude. Depuis il avait un peu disparu des écrans radars, un homme discret ce Bob Hoskins, mort discrètement en avril dernier sans que ça change la Une des journaux.


Mona Lisa est sorti en 1986 deux ans avant Roger Rabbit, c’est un film réalisé par l’irlandais Neil Jordan qui venait de se faire remarquer avec La Compagnie des Loups et qui plus tard signera Entretien avec Un Vampire. Mona Lisa est une fable, l’histoire d’un minable, tel qu’il se définit, un gars qui croit encore que chacun doit rester à sa place et qu’il faut de tout pour faire un monde. Le style à accorder de l’importance à une poignée de mains plus qu’à un contrat. Le genre a offrir un lapin quand on lui en pose un ou à remplir une mission sans faillir quand on lui en confie une.

  
Bob Hoskins est George, un petit malfrat qui vient de se manger sept ans de zonzon pour protéger son boss, forcément qu’en sept ans les choses ont changé, lui non. Il demande pas grand-chose George, juste qu’on le laisse continuer sa petite vie, dans son petit coin, avec son pote et les histoires qu’ils se racontent. Et aussi que les sentiments s’emmêlent pas trop, il sait pas les gérer les sentiments, George, ça le contrarie.


Au fil de l’histoire, c’est plus une tête qu’il a, c’est un flipper, ses pensées filent de bumper en bumper, il confond tout, se met à croire en des trucs qui sont pas pour lui. En guise de reconnaissance pour son silence, le boss, glacialement interprété par Michael Caine, le désigne chauffeur pour cette grande bringue de pute noire qui se donne de grands airs en même temps qu’elle fréquente les palaces, le beau monde. Elle se nourrit d’illusions, se croit émancipée de la rue, s’imagine en position de faire quelque chose pour quelqu’un, elle donne du Monsieur à George, semble lui accorder une importance et ça c’est pas bien, ça fausse le reflet du miroir. 

 

George c’est un naïf mais c’est pas un con, sa naïveté elle ne vient pas de la crétinerie, elle vient de la gentillesse, elle vient de cette partie de lui qui croit encore à l’humain. Alors quand elle lui demande de retrouver une gamine livrée à un mac sordide, Clarke Peters le fabuleux Big Chief de Treme ou le tout autant fabuleux Lester Freamon de The Wire, il fonce et cette môme camée finit par incarner tout le remord qu’il a d’avoir été absent pour sa propre fille. Il veut être là pour elle, George, c’est sa rédemption cette histoire, l’occasion de se redonner du lustre, de retrouver sa fierté, de se sentir moins minable. Sauf que.


La vie c’est pas un film et Mona Lisa n’est pas un film non plus, c’est ce qui le rend si attachant. Mona Lisa c’est un moment de vérité, les crapauds restent des crapauds parce que les putes ne deviennent pas des princesses. Il n’y a pas de baiser enchanté dans Mona Lisa mais y a de l’amour. Pas toujours où on le pense, encore moins où on le cherche. Et c’est bien l’amour, ça transforme les paumés en papa, ça ouvre les yeux sur les ficelles qui vous manipulent, ça file un coup d’éclairage sur le sordide. Et George de se rendre compte que ceux qu’il voit comme un moyen de s’élever sont ceux là même qui le tirent vers le bas.

 

Faut pas se tromper de combat dans la vie, faut pas attendre des autres la considération que l’on ne s’accorde pas soi-même. Faut comprendre que dans le regard de ceux qui vous aiment le crapaud sera toujours un prince, tout comme le fort sera toujours un faible tant qu’il restera une marionnette. Mona Lisa c’est pas du cinéma, Mona Lisa c’est la vie.

Hugo Spanky

  

 RZV

dimanche 4 janvier 2015

GeT oN uP !


Il y a eu 8 ans à Noël disparaissait James Brown et aussi con que ça puisse paraître quand le film Get On Up est sorti je l’ai boudé, refroidi par la bande annonce française; oui, on est con parfois. Que Mick Jagger ait produit le long-métrage n’a pas suffit pour que je me rende dans les salles obscures alors que je vous le dis sans détour, le film est carrément une tuerie !


L'acteur qui interprète James est génial, il a tout pigé à Mr Dynamite et qu'il le joue jeune ou plus vieux ça le fait grave; ce type à le feu sacré.
Quant à celui qui joue Bobby Byrd vu que c'est le Lafayette de True Blood, il n'est guère étonnant qu'il fasse un peu maniéré mais bon c'est vrai qu'il assure aussi, le bougre.
En outre, revoir Dan Aykryod dans un rôle qui lui va comme un gant, lui l'amateur de soul music, fait également plaisir à voir.

 
 
Le film file à toute berzingue, il s'accorde au rythme de vie trépidant de ce frappadingue de Brown à merveille. La première scène est fantastique (faut pas toucher à ses w.c. personnel, bordel !), celle au Vietnam de la folie totale et le regard caméra de contrition qu'il jette après avoir foutu une branlée à sa femme, un grand moment. De toute façon ce film n'est fait que de moments forts qui ont jalonné la vie de James Brown et par conséquent il ne pouvait qu'être monumental au vu de la vie mouvementé du bonhomme.


  

 
Le seul reproche que je ferais, c'est qu'ils ont pris quelques libertés avec la vérité pour que la narration soit cohérente. Je suis en train de lire l'épatant Sweet Soul Music de Guralnick et combiné à la lecture du Nowhere to run de Gerri Hershey on peut constater qu'il y a clairement des faits qui ont été arrangés, mais en même temps ils étaient bien obligés car sinon le film aurait duré des plombes.





Du coup ce Get on up m'a motivé pour m'attaquer de façon beaucoup plus approfondie à la carrière du Soul Brother N° 1 et là je découvre des merveilles dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Les albums Cold Sweat, It's a new day-Let a man come in, Hey America m'ont bien scotché et la B.O. de Black Caesar est sacrément réussie elle aussi. En revanche, j'ai beaucoup plus de mal avec ces morceaux funk qui s'étirent au-delà du raisonnable et qui peuvent gâcher l'unité de certains albums (Get on the good foot notamment aurait été parfait sans deux titres pas folichons et bien trop longs). 





Excité comme un SDF devant une tranche de foie gras et bien décidé à parfaire ma culture à coups de biopics rutilants, j’entrepris le visionnage de The Temptations, un téléfilm dantesque de plus de 2h30 reconstituant avec minutie le parcours semés d’embuches de ceux qui firent passer le Doo Wop d’amusement pour la jeunesse au rang d’Art majeur ! Et là encore le résultat est excellent ! Acteurs au top, numéros musicaux réussis et reconstitutions d'époque soignées, cette production télévisuelle à tout du long métrage de cinéma. 




De plus ils n'ont pas hésité à égratigner le mythe. Alors que ce groupe symbolisait la joie de vivre paradoxalement on se rend compte que ses membres n'ont pas été épargnés ni par les crises d'ego, ni par les addictions de toutes sortes et encore moins par les tragédies.
Grâce à ce téléfilm, je suis allé écouter les albums solo de David Ruffin et il faut reconnaître qu'il y a de très bonnes choses dessus (My whole world ended, son premier, est superbe notamment). 





Voila donc de quoi attaquer 2015 avec du rythme, de l’émotion et une incommensurable dose de passion qu’il ne serait pas inutile d’injecter à nouveau et dans le cinéma (pitié, vous avez vu les blockbusters annoncés comme tel pour l’année qui démarre ? Un cauchemar) et dans la musique.


Harry Max



Hot Ranx !