lundi 30 septembre 2013

GRaM PaRsoNS


On accorde souvent à John Fogerty d'avoir à lui seul maintenu le Rock'n'Roll dans les clous, tandis que les années 60 chamboulaient l'esprit et les sons à grand coups de psychédélisme. C'est oublier un peu rapidement ce grand échalas de Gram Parsons. Le gamin, plus que tout autre, à ressuscité les fondamentaux du genre, s'octroyant au passage le luxe de les sublimer. Gram Parsons, peu en ont eu cure de son vivant, tous lui sont redevables depuis. Sorti de nulle part, si ce n'est d'une richissime famille sudiste au destin bien sordide, Gram Parsons, orphelin dès l'adolescence, va trimbaler son obsession pour la Country Music à travers les États-Unis, une grosse poignée d'années seulement, mais en épousant le genre au point de faire ressembler le scénario de sa vie à celui d'une de ces chansons qui font chialer les durs.
 


Difficile d'écarter ne serait-ce qu'un album des cinq et demi que le flamboyant cowboy a gravé dans la cire. Du bourlingueur Safe At Home avec l'International Submarine Band, du plus maîtrisé, et définitivement légendaire, Sweetheart Of The Rodeo des Byrds, vite suivi par The Gilded Palace Of Sin des Flying Burrito Brothers (et une partie du suivant, Burrito Deluxe) jusqu'aux fantasmabuleux GP et Grievous angel, enregistrés en fin de parcours mais invraisemblables de beauté, rien dans l’œuvre du bonhomme n'est dispensable. Même pas le live foutraque des Fallen angels ou le recueil d'inédits Sleepless Nights


Gram Parsons consuma ses groupes comme d'autres les paquets de cigarettes, la rente annuelle que lui attribuait son héritage famillial, lui permettait de se contrefoutre de tout soucis matériel, et il ne se priva pas d'en profiter. Maigre consolation, finalement, que cette liberté d'agir dont il ne saura que faire, sinon s'en servir pour se tuer à petit feu. Le feu, oui, encore un élément de la légende, trop souvent conté pour que je m'y attarde. 
 


Gram Parsons était un dépressif joyeux, un je-m’en-foutiste concerné, Gram Parsons voyait la vie comme une route accidentée sur laquelle se croise des gitans, comme Keith Richards. En cette fin des 60's le guitariste des Rolling Stones se trouvait fort dépourvu, Brian Jones avait lâché la rampe, son successeur, Mick Taylor, ne jouait le Blues que comme un blanc-bec de plus, et Mick Jagger s'idéalisait chanteur solo. Il devenait urgent de trouver une parade, faute de quoi son groupe mordrait la poussière comme tant d'autres au même moment.
Sa rencontre avec Gram Parsons sera providence, le sudiste va lui enseigner ce qu'il sait de la Country, à savoir absolument tout.



Sous son influence les Stones graveront quatre albums, Beggar's Banquet, Let It Bleed, Sticky Fingers et Exile on Main Street, pas les pires, avant que Jagger ne siffle la fin de l'amourette et donne aux Stones une tournure plus funky en incorporant Billy Preston à l'aventure. Le Fallen Angie, lui, n'aura alors plus qu'à s'éteindre, mais pas sans avoir délivré ses plus flamboyantes mélopées. Entouré des meilleurs musiciens du genre, rien de moins que ceux d'Elvis Presley, Gram Parsons porté à bout de bras par l'admiration que lui voue une Emmylou Harris, hélas, trop tardivement entrée en scène, enregistre GP et Grievous angel, chefs d’œuvres parmi les chefs d’œuvres. 


Malgré l'héroïne, malgré les flots d'alcool, il signe et interprète quelques une des plus belles chansons qu'il m'ait été donner d'entendre. Constructions divines, mélodies sublimes, progressions savantes, les chansons de Gram Parsons sont un condensé de ce que la musique du vingtième siècle à pu offrir de plus poignant. Délicat, rageur et torturé, l'art du chanteur permet la transition des Louvin Brothers à Hank III, tel un pont suspendu au dessus des modes, des nouvelles vagues, des toquades. Si, de cet homme, on ne devait garder qu'une seule qualité, alors que ce soit la fidélité indéfectible qu'il témoigna à la musique de son cœur, cette Country qu'il mâtina d'harmonies Gospel, un genre dont, en catholique convaincu, il maîtrise tous les classiques depuis l'enfance. La musique de Gram Parsons a les bottes ancrées dans le sacré, il y est question de célébration, de souffrance, de rédemption, de culpabilité, de poids à porter et de dignité.



Affublé de costumes de chez Nudie ou défoncé moustachu, Gram Parsons a toujours été habité par la classe ultime. Sa prestance dans le dvd édité par Rhino, Fallen Angel, aide à mieux comprendre ce que tous lui doivent, de Johnny Thunders à dieu seul sait qui d'autre. Fallen angel est sacrément bien fichu, le documentaire fait défiler les témoins, Chris Hillman, Bernie Leadon, James Burton, Emmylou Harris, Keith Richards (qui finit à demi mots par reconnaître tout ce qu'il doit à l'ange déchu) ou encore la famille, sœurs, demi-sœurs et épouse. Chacun raconte sa part de vie commune avec l'insaisissable Gram Parsons, laissant apparaître un parcours chaotique au possible, mais si riche qu'il semble un peu plus irréel encore de l'avoir réalisé en si peu de temps. Gram Parsons faisait tellement tout plus vite que les autres qu'il est mort à 26 ans, seulement. 

 

10 commentaires:

  1. Graham Parsons, je suis pltuôt mitigé : autant je trouve les deux premiers albums d'une créativité impressionnante avec ce son de disto sur la steel autant je trouve que la suite sonne un peu baloche. Question country, vaut mieux écouter ceux qu'il a pompé sans jamais arriver à égaler à savoir Merle Haggard et Buck Owen dont les premiers albums sur Capitol restent des sommets de la country 60's curieusement complètement ignorés en France mais qui était le vrai truc country prolo aux US. Au Canada, j'ai rencontré un paquet de fan de ces mecs, jamais un seul de Parson plutôt aprécié dans le milieu rock.

    Quand à ces albums solso, je les trouve pleurnichards, limite chochotte. En revanche, il existe un disque de son groupe de ses jeunes années avant l'International Submarine band. Il s'agit de folk et non de country. Sa voix et sa musique y sont magnifiques

    Vu que sa belle gueule n'a aucun effet sur moi, je préfère largement les vrais pequenots dont il s'est inspirés. Dommage qu'il aie si vite abandonné l'approche originale dans laquelle il excellait.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Buck Owens, j'en suis dingue, je comptais d'ailleurs pondre un papier dessus d'ici peu. Roy Acuff, également. Reste à trouver un angle intéressant. Pour Parsons, je trouve justement un peu dommage le côté distors sur la pedal steel du Flying burrito brothers.
      Ses deux albums solo t'auront à l'usure.
      La Country en général n'a jamais trouvé son public en France, si ce n'est quelques branchés qui trouvent du talent à Johnny Cash. C'est un des grands plaisirs d'internet, maintenant que je n'ai plus René à proximité (il est toujours "ouvert" au fait ?) je complète ma collection directement depuis les States.
      Hugo

      Supprimer
    2. Et Hank III ? Tu as écoute, Serge ? Les deux premiers albums sont un peu trop sagement classiques mais à partir de Straight to hell c'est démentiel. L'édition vinyl de son tout récent Ghost to a ghost est splendide de la pochette aux sillons.
      Hugo

      Supprimer
    3. euh.. moi sa belle gueule me fait un petit effet ;D mais au delà de ça, mes deux morceaux préférés sont A song for you et Love Hurts, je ne sais pas si c'est limite chochotte, mais c'est surtout cette sensibilité là que j'aime dans la musique et encore plus dans la country.

      Supprimer
    4. Oui, en général, les filles y sont pas insensibles ... ;-) Vu les deux canons, qui ornent la pochette du premier LP, il devait être un sacré tombeur.

      Quand aux albums solos, je les ai achetés aux Québec en 1996, donc je crois que l'usure aurait eu le temps de faire son effet. Hank III, j'aime beaucoup. J'ai vu une video de lui reprendre son grand père, c'est tout bonnement hallucinant. Ce mec a quelque chose, c'est clair.

      Quant à la country, il y a tellement de truc bien : Georges Jones, Bob Willis, Bill Monroe, Stanley Brothers, Jim Reeves, Ernest Tubb, Hank Snow, Marty Robbins et j'en passe. Même si j'aime beaucoup Gram Parsons, C'est un peu ralant de le voir toujours mis sur un piedestal dans la presse rock en France alors que sur les autres jamais rien, que dalle, niente...

      Pour Réné, non il est fermé depuis un bail.

      Supprimer
    5. Buck Owens est IMMENSE tout simplement!
      Pour autant, défendu à foison ou pas par la presse française, Parsons et sa musique bien plus apprêtée demeure un summum de raffinement qui tutoie les anges.
      Après c'est vrai qu'en France, on n'a jamais rien capté à la country: il n'y a qu'à voir cette honte de festival soi disant country à Mirande pour s'en rendre compte.
      Sinon, ça y est j'ai plié le "Pike" de Benjamin Whitmer et, putain, quelle gifle je me suis pris en lisant ce bouquin! C'est crû, c'est sanglant, ça fuse à toute berzingue et ne laisse aucun répit; du Grand Art que cet ouvrage sans concessions. Merci de me l'avoir remis en mémoire Serge. Hugo et tous les autres, écouter l'ami Serge et ruez-vous sur cette pépite d'un noir profond.

      Supprimer
  2. Hello.
    Je vous lis et je me dis que la country que vous aimez, celle des connaisseurs, ne passera jamais la douane en France. Il lui faut peut-être un qualificatif supplémentaire pour ça: country-rock (ben tiens... tu l'as ta réponse Mr Serge!), alt-country, country-goth (à la Palace-BPB), country déglinguée (J Dowd ou Jim White), country-punk, que sais-je encore ah oui : Nashville Skyline. Enfin, c'est comme ça que je vois les choses, IMHO comme ils disent. Oui, la Country de Mirande aussi marche bien mais là j'en ai autant mal au cul que vous …
    EWG

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. T'as raison de dire que la Country ne passera jamais la douane, et c'est presque tant mieux pour nous égoïstement, c'est comme ça qu'on fait de bonnes affaires, merci les cons ;D

      Supprimer
  3. Il y a quelque chose d'amusant à venir échanger un an plus tard. Ha ha j'observe qu'une autre occasion de baffer Keith Richard a été saisie à l'occasion. Pauvre Keith, il n'en mérite pas tant.
    Impossible de me souvenir ce qui m'a amené à Parsons, vu que c'est pas dans ma jeunesse que j'en ai entendu parlé, dans ma jeunesse, le country était plutôt pop que rock, les Eagles, comme U2 ou Fleetwood, un groupe sur le quel il est tentant de cracher ou baver, mais un jour je viendrai aprler du palisir que j'ai eu à les découvrir.
    Reste que le Gram, je soupçonne une lecture dans le dico d'Assayas, je parie pour "Love Hurt" qui m'a fait connaitre sa carrière, celle que tu décris.
    N'empêche qu'ensuite je me suis lentement mais sûrement approché de la Country, toute la country, même la commerciale, celle qui fait pleurer dans sa bière: genre Garry Allan et sa tuerie "Smoke Rings In The Dark"
    car ma première approche a été dans les ballades puis ensuite les plus rythmés. Un petit tour dans l'ambiance USA Memphis pendant moins d'un an, donne aussi quelques clés
    Donc maintenant, oui, Buck Owens, Haggard, George Jones... Hank Williams, Parton, Brooks, Nelson et tant d'autres que c'en est effrayant. Donc, certes, l’entièreté de cette musique n'a pas traversé la frontière, pour cela il aurait fallu que le rêve Américain prenne encore davantage de place, et de la place il en a pris. Je vois encore mon cousin Niçois avec son drapeau sudiste au mur.
    Je trouve qu'il y a déjà pas mal de genres musicaux anglo-saxon qui ont pris une valeur universelle. Laissons découvrir la country comme on découvre les musiques des autres pays: Fado, cumba, Tango. En allant la chercher.
    Une fois de plus, je quitte ton papier avec un bouquin à lire (indirectement, je pense à PIKE, il me faudra chercher où vous en parliez)
    A suivre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce commentaire fait écho au nouveau papier de Serge avant même que je le publie. Bravo. Les grands esprits se rencontrent sur Ranx Ze Vox.
      http://ranxzevox.blogspot.fr/2014/10/20-cts-memories.html
      Hugo Spanky

      Supprimer