Depuis Nebraska, on le sait, Bruce Springsteen aime varier les climats, donner à chacun de ses albums une teinte dominante.
Ces dernières années, sa production a opté pour des chamboulements incessants. Devils and dust, en 2005, le voyait œuvrait dans les nuances les plus sombres de sa country tout en lui collant une dynamique qui faisait défaut à Ghost of Tom Joad. Après quoi, We shall overcome et sa continuité Live in Dublin le propulsait vers l'Irish folk le plus déchaîné qui soit, mâtiné de grosses tranches de Gospel. Son album de 2007, l'excellent Magic rafraîchissait la formule qui avait fait de The River un must de sa discographie tandis que le plus récent Working on a dream alternait Country Rock aux consonances parfois 60's et douceurs Pop en forme de clins d'oeil à ses influences (working on a dream -la chanson- semblait même écrite sur mesure pour Roy Orbison)
On en était là.
Et donc vint l'objet de cet article, Wrecking ball.
Autant le dire sans détour, Springsteen en remet une couche dans le registre endiablé des Seeger sessions et du Live in Dublin, en forçant le trait sur l'aspect Rock plus que purement Folk. Fini la convivialité rustique "live dans la salle à manger" Wrecking ball est un pur disque de studio à l'habillage moderne, pourvu de rythmiques fracassantes et de quelques touches novatrices dans les arrangements.
Une chose est sûre, l'affaire est une réussite. Un grand coup de pied au cul de la banalité. Springsteen ne fait pas dans les détails, l'album est un bloc, prometteur de belles et farouches empoignades sonores une fois retranscrit sur scène pour un E.Street Band que l'on sait déjà largement étoffé. Les concerts à venir vont être bouillants, on peut s'y attendre, le gars a fignolé ses cartouches.
Shackled and drawn n'aurait pas dépareillé sur le Street core de Strummer, beat appuyé, violon en fête, un fond de banjo et cette voix, qui harangue, soulève la foi, redonne du peps.
Je la classe parmi les meilleures des 11 titres aux côtés de Jack of all trades, une ballade tendance valse de toute beauté au texte sans équivoque, le banquier s'engraisse, l'ouvrier maigrit. Un de ces morceaux qui montent lentement jusqu'à touché le ciel. Trompette qui chouine, banjo, piano crépusculaire, les mots me manquent. Sûrement le grand moment du disque, une chanson qui va pas me lâcher de sitôt.
Puisque je suis dans les sommets autant y rester, Death of my hometown, gros fatras sonique, un beat bien basique qui cogne sec, des chœurs féminins qui lorgnent vers l'Afrique, des arrangements tout droit venus des racines irlandaises et ce sens de la mélodie, toujours, qui fait la différence.
You've got it, plus classique mais quelle claque, slide, section de cuivres, feeling bluesy, émotion et énergie.
Land of hope and dreams ravira les amateurs du Springsteen lyrique, en 6mn59 le gars nous embarque au fil de son œuvre tout entière. On y croise tout ce qu'on aime chez lui, Clarence Clemons inclus, le temps d'un dernier et flamboyant solo.
Wrecking ball est menée tambour battant et pied au plancher, proche de sa version live en plus ramassé. C'est avec Land of hope and dreams l'une des deux chansons que l'on peut créditer au E.Street Band.
Et encore, en formation réduite puisque seul Steve Van Zandt, Max Weinberg et Clarence Clemons figurent au générique de l'album.
We are alive conclue le disque de la meilleure des manières. Encore une mélodie chiadée, portée par un banjo country en diable et ce qui semble être un sample ou une relecture fidèle de la trompette du Ring of fire de Johnny Cash.
Pour en finir avec le haut du panier, We take care of our own, le single, taillé pour ce rôle, qui ouvre l'album avec efficacité et concision. Le mixage est plus rond que la version du simple, le relief plus contrasté. Avec son texte soulignant les désillusions du mandat Obama, l’âpreté engendrée par trop d'espoirs placés en un seul homme et ce « on va prendre soin de nous même » en écho au Won't get fooled again de cet éternel visionnaire de Pete Townshend.
Un cran juste en dessous, Easy money que je pronostique second single. Le morceau est bien, je ne dis pas le contraire, une sorte de classique immédiat, assimilable en un claquement de doigts et assurément fédérateur pour les concerts. Autant de qualités qui me font penser que ce sera aussi l'un des titres qui me lasseront le plus vite. L'évidence est à ce prix.
Pfff, y a pas moyen de faire le méchant, c'était sûr, Rocky Ground vient de me rentrer dans la peau.
RépondreSupprimerHugo
Salut Hugo,
RépondreSupprimermerci pour cette chronique..
Je trouve que l'album décolle vraiment avec Jack of all trades.
Je trouve que le trio de tête est un peu en dessous. Ceci dit l'album est très bon, la production est à la hauteur et l'amalgame des Amériques musicales de Springsteen est réussie.
Pas sur que ça plaise aux fans en attente du retour de la revanche de The river, ni au grand public.
Attendons de voir ce que cela donnera sur scène (avec un petite doute sur la transition en stade).
Fabrice
Salut Fabrice,
Supprimerd'accord avec toi, c'est plutôt une bonne nouvelle que Springsteen ne cherche pas à faire éternellement plaisir aux fans, quitte à dérouter il continue à inventer sa musique et même s'il n'est pas dépourvu de défauts ce Wrecking ball plane à une altitude où l'on ne croise plus grand monde.
Pour les concerts, si y en a bien un pour qui je ne m'inquiéterai jamais, c'est lui ! Ça va fracasser grave, les ajouts à prévoir au répertoire classique, qu'ils proviennent de Wrecking ball ou The promise, sont, quelque soit la sélection qu'il fasse, armés pour nous faire passer un bon moment riche en émotions fortes. Va y avoir de la joie et de la passion. Vivement que fleurissent les premiers bootlegs pour en avoir un avant goût plus net.
Hugo