Les projets casse-gueule aussi aguicheurs soient-ils à s'être retrouvés dans les poubelles de l'histoire sans même avoir eu l'occasion d'être affichés en salle sont légion et se multiplient comme des lapins depuis quelques années. L’avènement du Direct to dvd et du téléchargement tarifé leur offre néanmoins et pour notre plus grand plaisir une vie qui, aussi éloignée des paillettes et des récompenses qu'elle soit, leur permet d'arriver jusqu'à nos avides mirettes et, mieux encore, de faire du genre l'un des plus rémunérateur pour ses producteurs (souvent en raison des salaires disons plus convenables des acteurs en comparaisons aux déraisonnables folies dont sont atteint les blockbusters) et donc de le faire perdurer.
Parmi ces innombrables
projets, celui qui me semblait incarner au mieux l'aspect
casse-gueule, à tel point que je n'aurai pas misé un kopeck sur ses
chances de voir le jour, c'est bien l'adaptation de l'autobiographie
de Linda Lovelace. Voyez-vous la pionnière du porno devait à
l'origine trouver sa rédemption sous les traits de Lindsay Lohan,
actrice au parcours fort tumultueux s'il en est et dont les
incessants démêlés judiciaires sont en train d'enterrer la
carrière plus vite qu'autre chose. Sa participation au film se
limita donc à une série de photos promotionnelles destinées à
allécher les producteurs.
Outre un casting tout en second couteaux mais réellement talentueux le film de Rob Epstein et Jeffrey Friedman -duo auquel on doit Howl, adaptation de la biographie d'Allen Ginsberg, ainsi que deux documentaires consacrés à l'homosexualité- propose une réalisation et une construction qui ne ferait pas de mal à de bien plus ambitieux projets que lui. Durant toute sa première partie, Lovelace développe l'histoire sous un angle que l'on peut imaginer être celui du public d'alors, la success story d'une jeune fille nimbée des illusions de L'été de l'amour, Linda Lovelace en incarnation de Petite fleur coquine, cousine de Améthyste de sable d'or, j'en passe et des meilleurs, autant de jeunettes conquises par la liberté émancipatrice qu'offre à toute femme la joie de connaître une multitude d'amants aussi bien intentionnés avant l'acte que prompt à disparaître dès leurs burnes soulagées. Ah, le rêve hippie ! Quoiqu'il en soit, la musique est Funky à souhait, les décors et les tenues sont un régal multicoloré et l'interprétation est sans faille. On y est. Même si ça nous emmerderait un peu d'en rester là.
L'affaire devient probante dans la seconde partie du film, par petites touches d'abord les flashbacks complètent les scènes précédentes, nous en proposent le revers de la médaille. Puis le film bascule et le décorum s'incline, fini les fards, le glamour et les insouciants cocktails. Welcome to the terrordome, les cris ne sont plus ceux des coïts, les lunettes de soleil cachent bien plus que les gueules de bois. C'est de par cette astucieuse narration que l'on se laisse embarquer dans cette histoire aux nombreux relents de Déjà-vu. Car bien entendu le scénario ne s'écarte pas d'un chouia de l'autobiographie et passe à la trappe une réalité bien plus sordide que celle comptée ici. Pas de partie de jambes en l'air en compagnie de Mabrouk et seulement 17 jours passés dans le monde du porno. Les accros à la véracités des faits en seront bons pour lire The other Hollywood, indispensable bouquin paru aux éditions Allia et entièrement consacré à la genèse du X à travers des témoignages de ceux qui l'ont vécu, Linda Lovelace et Chuck Traynor en tête.
Ceci dit, véracité édulcorée ou pas, on s'en bat les cacahuètes, grâce à un impeccable casting, Lovelace reste un plaisir jusqu'à sa dernière minute. Sharon Stone, dans son rôle de mère revancharde envers le destin, éblouit par son talent, faisant au passage regretter un peu plus encore la ridicule image de vieille peau qu'elle entretient dans les journaux people. Peter Saarsgard est irréprochable dans son interprétation d'un Chuck Traynor tantôt charmeur tantôt sordide, revoir la trogne de Bobby Cannavale est un bonheur trop rare tant il nous avait régalé dans Romance and Cigarettes, Eric Roberts est méconnaissable, Chris Noth (Mr Big dans l'imbuvable série Sex in the city) est exemplaire en producteur qu'on devine mafieux, Juno Temple l'est tout autant en copine délurée mais attentive, une demi-surprise seulement puisqu'on avait déjà repéré son talent dans Killer Joe de William Freidkin.
Amanda Seyfried donne de la candeur à son personnage de Linda Lovelace dans la première partie du film avant de révéler un jeu nuancé et de subtilement dresser le portrait d'une femme soumise que l'on imagine d'abord séduite par cette gloire soudaine mais dont elle laisse au fil des minutes apparaître toutes les fêlures. Les scènes en contre point avec Sharon Stone sont à ce titre de grands moments du film.
Aussi étonnant que cela puisse paraître l'histoire du porno et de ses protagonistes donne de meilleurs films que les biopics sur les musiciens, peut être parce que la surenchère n'y est pas possible et que le sujet n'a de valeur que s'il est traité avec un minimum de franchise. Peut être aussi parce qu'aucun studio n'a en tête d'en profiter pour nous gaver de merchandising, pas de rééditions en version deluxe de Deep throat, pas de poupée gonflable à l’effigie de Linda Lovelace dans les rayons de Noël mais ce constat qu'après l'excellent Rated X avec Emilio Estevez et Charlie Sheen sur le parcours chaotique des frères Mitchell (réalisateurs de Behind the green door) le cinéma X des débuts continue de fasciner malgré la vulgarisation du genre et son aspect dorénavant aussi banal que dépourvu du moindre charme. Tant que ça donnera des films de ce calibre, on ne s'en plaindra pas.
Avant tout je voudrais dire que je suis très heureuse pour Mabrouk d'avoir appris qu'il s'était donné autant de bon temps avant de nous quitter. Moi-même je viens d'avoir un coup de cœur pour un cheval .... ;)))
RépondreSupprimerSinon, oui Amanda Seyfried est vraiment très attachante, et ce film qui ne tombe jamais dans le scabreux, au contraire, il a comme tu le dis la subtilité d'y comprendre la face A et B de ce milieu.
J'avais vu "Le sexe qui parle" aussi, très drôle ;)
Ce film était une telle arlésienne que je pensais qu'il était passé à la trappe! En tout cas, me voilà bien alléché par un tel programme qui semble-t-il a pour curiosité supplémentaire de nous proposer la Stone dans un rôle enfin intéressant. Ce qui nous changera de toutes les innombrables daubes dans lesquelles elle s'est compromise par appât du gain.
RépondreSupprimerOui, Sharon Stone est tout simplement parfaite dans le rôle, son interprétation toute en subtilité est un vrai délice. C'est d'ailleurs vrai de la totalité du casting, il faut préciser que la maîtrise de la réalisation exclue de fait tout cabotinage superflu.
SupprimerCelui que j'ai trouvé vraiment surprenant, sans doute parce que je ne le vois jouer que rarement, est Chris Noth, ce gars là a la décontraction que j'aimais tant dans le jeu des acteurs américains jusqu'aux années 90's et l’avènement d'acteurs plus européen dans leurs interprétations (keanu reeves, adrien brody et des pires encore dont les noms m'échappent mais je pense que tu continueras la liste sans trop de soucis).
Amada Seyfried nous a mis sur les fesses, Milady et moi, de prime abord on la réduit à la beauté de service puis au fil des scènes on finit addict devant tant de talent. A surveiller.
Hugo
Bon et bien mézigue, je viens d'apprendre que le pénible Abdellatif Kechiche a annoncé que son prochain méfait cinématographique sera un biopic sur... Marilyn Chambers. Au secours!
SupprimerMerde, on va se fader télérama comme concurrent....
SupprimerHugo
Quant au film Lovelace, la petite Seyfried nous sort effectivement le grand jeu: elle passe par toutes les humeurs avec un talent certain et nous touche droit au coeur. La Stone et Robert Patrick, dans le rôle des parents, sont également en tout point remarquables. Les réalisateurs font leur boulot sans génie mais il n'en demeure pas moins que ce film se suit avec un réel plaisir (si on peut dire...). On peut juste regretter son aspect parfois un peu trop manichéen (les retrouvailles finales larmoyantes avec les parents sont quelque peu too much notamment).
RépondreSupprimerOui, ok pour le final mais c'est aussi ça l'Amérique. John Wayne ne tue pas Natalie Wood à la fin de La prisonnière du désert et du coup ça fait jurisprudence.
SupprimerLe Duke ne dégaine pas et nous voila avec 50 ans de happy end.
Hugo
Une déception pour moi. Et pourtant, j'aurais voulu l'aimer, ce film. Mais entre une mise en scène manquant singulièrement de style (on est très loin de Boogie nights) et un script paresseux qui survole son sujet (les mafieux sont trop sympas), j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans. Un peu comme dans un téléfilm tiède et désincarné. Malgré tout, je te rejoins sur la qualité du casting. Amanda Seyfried livre une vraie performance et les seconds couteaux sont remarquables (notamment Sharon Stone et Robert Patrick). À voir tout de même, ne serait-ce que pour connaître le chemin de croix enduré par Linda Lovelace. Une histoire de souillure et de rêve brisé. Hollywood, quoi.
RépondreSupprimerC'est pas du Coppola c'est sûr mais c'est plutôt au dessus de la plupart des biopics je trouve et la reconstitution de l'époque est bien, les critiques sont sévères surtout quand parfois sur le même blog le gonze s'extasie sur des machins comme le biopic des Runaways.
SupprimerJe radote par rapport à mon papier mais Rated X est à voir et The other Hollywood à lire absolument.
Hugo Spanky