Tandis qu'il converse avec Barack Obama sur la pauvreté de la classe ouvrière (et comment l'exploiter, sans doute), les tickets pour la nouvelle tournée de Bruce Springsteen atteignent les 5000$ pièce sur le site Ticketmaster qui en détient l'exclusivité. Tout ceci étant rendu possible par leur nouveau, et visiblement performant, système de tarification automatique qui modifie le prix selon l'offre et la demande, afin de garantir un maximum de rentabilité. Les fanatiques (qui n'ont jamais aussi bien honoré ce titre) en se jetant sur leurs claviers dès la mise en vente des places contribuent ainsi à se mettre de la vaseline sur les fesses pour mieux faciliter le transit vers leurs portefeuilles. Autant dire que par son aveuglante cupidité, Springsteen enrichit un système qu'il dénonce par ailleurs.
Rarement j'avais autant ri qu'en lisant s'écharper ceux qui, courroucés par de telles pratiques, en appellent au boss en personne, et ceux qui sont prêt à hypothéquer leur maison et vendre leur femme pour vivre pour la centième fois un show à peu près aussi chargé en surprise que la setlist des Rolling Stones. Un journal du New Jersey s'est même permis une charge frontale en soulignant que Springsteen semble bien éloigné des valeurs qu'il affiche dans les textes de ses chansons, autant que de ses pseudo engagements socio-politique, tandis qu'un lecteur, non sans malice, souligne qu'après s'être acquitté du prix du billet, les dingues pourront toujours aller manger au restaurant bénévole de Bon Jovi où chacun paye selon ses moyens, afin de nourrir gratuitement ceux qui n'en n'ont plus aucun. Quant on pense qu'il fait tout ça sans nous bassiner avec des chansons en forme d'appel au meurtre des banquiers et autres boursicoteurs, on se dit qu'il aurait mieux valu que ce soit lui qui prenne séance auprès des grands de ce monde.
L'avenir parait radieux pour les vingt ou trente futures générations de Springsteen -après quoi la planète sera fichue et ils n'auront qu'à se démerder- si on ajoute à ce pactole, les live à venir (il est un spécialiste de la vente en ligne de chacun de ses concerts à coup d'1$ par chanson -sachant qu'il en joue une trentaine par soir), le Blu-ray commémoratif, le livre photo, l'album à colorier, le merchandising -trop imaginatif dans sa diversité pour que je me risque à en faire ici l'inventaire- et les 500 millions qu'il a amassé l'an passé en vendant ses droits d'auteur, pour lesquels il avait fait un procès à son ancien manager au nom de l'attachement sentimental indéfectible qu'un artiste ressent envers ses chansons, qui sont pour lui, refrain bien connu, comme ses propres enfants (qui du coup feraient bien de se méfier qu'il ne les mette pas aux enchères sur ebay un jour de mauvais vent sur Wallstreet).
On en est là dans le monde merveilleux du rock'n'roll.
Hugo Spanky