Partez pas ! Vous aimez la
Soul, vous aimez le Funk, vous aimez la soie et le fouet, Charles &
Eddie sont fait pour vous. Ces gars là sont en équilibre parfait
au carrefour d'Al Green, Isaac Hayes et Marvin Gaye, sans les
longueurs monotones que les deux derniers affligent parfois à leurs
compositions.
On connait la légende,
la rencontre de Charles Pettigrew et Eddie Chacon dans le métro de
New York, la façon sensuelle et divine dont leurs voix se marient,
on connait moins l'histoire véritable de deux chanteurs fragiles aux
parcours désespérant de fatalité. Le premier de leurs deux
albums communs est un de ces disques dont je n'ai jamais réussi à
me lasser, et c'est pas faute d'avoir essayé. Depuis sa sortie en
1992, j'ai dû l'écouter un bon millier de fois, la cassette tourne
encore en boucle dans la voiture de Milady et nous a récemment valu
de faire danser sur le parking du concert de Public Enemy à Nîmes,
une jeunette emballée par le groove langoureux de leur tube Would I
lie to you. Le genre de morceau auquel dégun ne peut résister, ni le
plus triste des punks, ni le plus endurci des hardos. La crème de ce
qu'on appelle un Hit.
Avant d'en arriver là,
Eddie Chacon s'était déjà illustré par son éclectisme tout
azimut. C'est avec son ami d'enfance, Cliff Burton, qu'il forma son
premier groupe, éphémère projet mais qui suscita chez les
deux ados une farouche volonté de s'imposer dans le monde de la
musique.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne s'illustrèrent pas dans le même registre. Tandis que le filiforme bassiste s'escrima à moderniser le Hard Rock au sein de Metallica, jusqu'à son précoce décès en 1986, Eddie Chacon rejoignit le team de Luke Skyywalker, producteur des mythiques Two Live Crew, en devenant ingénieur du son lors des sessions d'enregistrement du classique du porno rap, As Nasty As They Wanna Be. Album de tous les scandales, dont fut tiré le salace et ultra provocateur single, Me so horny.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne s'illustrèrent pas dans le même registre. Tandis que le filiforme bassiste s'escrima à moderniser le Hard Rock au sein de Metallica, jusqu'à son précoce décès en 1986, Eddie Chacon rejoignit le team de Luke Skyywalker, producteur des mythiques Two Live Crew, en devenant ingénieur du son lors des sessions d'enregistrement du classique du porno rap, As Nasty As They Wanna Be. Album de tous les scandales, dont fut tiré le salace et ultra provocateur single, Me so horny.
Parallèlement à tout ça,
Chacon tente de se faire une place en tant qu'auteur/compositeur,
Chico Debarge puis l'ex Undertones, Feargal Sharkey enregistrent deux
de ses compositions. Dans la foulée, il grave en 1989 l'album Sugaree sous le pseudonyme d'Edward Anthony
Luis, anecdotique mélange de New Jack et
R&B.
L’échec du disque le décide à quitter sa Californie natale
et a rejoindre New York, la suite appartient à la légende.
Au sein du duo qu'il forme avec Charles Pettigrew, Eddie Chacon est celui qui compose, il est aussi celui qui éraille sa voix, la brise avec élégance, tandis que son compère ravit par la pureté cristalline de son timbre. L'album Duophonic est un moment de grâce pour quiconque aime les vocalises de haut vol. Et les mélodies.
A house is not a home
lance l'affaire avec panache, NYC placée à sa suite évoque
simultanément, Livin' in the city de Stevie Wonder, For what its
worth de Buffalo Springfield et Sad song (fafafafa) d'Otis Redding
tout en sonnant comme du Marvin Gaye au meilleur de son art. Would I
lie to you arrive en troisième position et fini de vous embarquer
pour de bon.
Duophonic est un disque parfait. Aucune faute de goût
n'entame la délicatesse, non dépourvue d'énergie, des treize titres
qui le composent. Dans les années 90, cela tient du miracle. Pas un
routoutoutou de batterie électronique, pas une nappe de synthé
putassier, rien de tout ça, juste le nectar du groove le plus
classe, offert par des musiciens sélectionnés parmi les meilleurs
du New York d'alors.
A la conclusion de l'album se trouve Shine, LA ballade qui tue, celle qui pulvérise le plus trempé des blindages, peut être ma préférée avec December 2, saisissante composition, superbement dépouillée dans laquelle Eddie Chacon évoque le décès de son frère.
Le succès du disque
tiendra du triomphe romain, un raz de marée, l'échec trois ans plus
tard de leur second disque, Chocolat Milk, n'en sera que plus cruel.
Un brin moins immédiat dans sa séduction que son illustre prédécesseur, l'album,
teinté d'un feeling très 70's et parfois de sonorités Jamaïcaines, comme sur Jealousy enregistrée avec le
toaster Spragga Benz, n'en délivre pas moins une nouvelle ration de
groove soyeux (24-7-365, Sunshine & happiness, A little piece of
heaven repris plus tard par les Neville Brothers sur leur album
Valence Street) et de ballades ensorcelantes (Dear god, Wounded bird
que l'on retrouve également sur la B.O de True Romance). Mais rien
n'y fait, le disque se ramasse. Les gens sont cons, qu'est ce que
vous voulez que je vous dises de plus ?
Au même moment, Charles
Pettigrew, fragilisé par la perte de sa mère et de sa sœur,
s'égare dans une dépression et préfère cesser l'aventure. En
1998, ragaillardi, il intègre Tom Tom Club, le groupe des Talking Heads, Tina Weymouth et Chris Franz, le temps du
magnifiquement groovy The good The Band & The Funky et de la
tournée qui lui succéda. Le couple garde de cette collaboration un
souvenir ému, émerveillés qu'ils furent par l'implication et le
magnétisme du chanteur. Hélas, Charles Pettigrew décède d'un
cancer en 2001.
Effondré par cette
perte, Eddie Chacon s'exile en Europe avec sa femme (Sissy Ste Marie)
et tâte à l'électro avec leur formation commune The Polyamourous Affair, sans que cela ne soit très convaincant malgré la
reconnaissance du milieu. Dès lors, il agit en dilettante, se lance
dans la photographie, dans la production, monte un label.
Il semble toutefois que
les belles années soient passées, la magie du duo reste un précieux
souvenir pour les quelques-uns d'entre nous à avoir encore des
souvenirs, qui ne soient pas formatés par les normes en cours. Et rien
n'indique qu'un jour viendra où il nous sera à nouveau délivré une telle bouffée de bonheur gravée dans d'inusables sillons de
vinyl noir. Raison de plus pour ne
pas passer à côté.
Hugo Spanky