vendredi 20 novembre 2020

SuBWaY To HeaVeN...ALaiN BasHuNG

 


Même concept, même tourment. Piocher un disque et un seul parmi la discographie d'un mec qui en a fait des tonnes de bons. Aucune objectivité dans ma démarche, hors de question de désigner un quelconque meilleur album, simplement celui qui m'est indispensable selon des critères qui me sont propres. C'est mon défi, réduire virtuellement mes étagères à un seul disque par artiste. Malheur. Je sais déjà qu'il y a des cas inenvisageables, autant commencer par eux.

De Bashung, j'imagine, chacun aura son préféré, pour des raisons pas forcément plus connes que les miennes. C'est une de ses caractéristiques que d'avoir toujours fait des disques attachants. Bons ou mauvais, on s'en fout un peu tant que Bashung nous parle, même sans qu'on comprenne tout ce qu'il raconte. Finalement, ça réduit les désaccords. Mots à sens multiples saisis au vol au milieu d'un charabia fait d'absurde, d'abstrait, de calembours, de syllabes tempo, de visions qui parfois font froid le long de l'échine : J'envisage des concerts carnivores, des tueries, des carnages... J'envisage le pire.

Chacun son Bashung, le mien est Play Blessures. Du Bashung impliqué. Pas du Bashung Louise Attaque, ni du Bashung d'entre les morts bricolé par ouïe dire. Le vrai truc, par le mec en pleine possession de sa névrose. Un disque sans filet. Roulette Russe, Pizza, plus encore Roman Photos, qui l'ont précédé, sont de purs disques des 70's, fait de sonorités rondes, de graffitis américains lovés au cœur du milk shake. De ceux là, Play Blessures se distingue. Souvent je l'ai lu décrit comme sombre et froid, je comprends pas, Play Blessures est éblouissant (white light) et ardent (white heat). Moderne et composite. Enregistré en 1981, paru aux premières heures de 1982, il prend de vitesse les plus aguerris par son aplomb novateur. Si il se vend peu, Play Blessures va avoir une influence immédiate et croissante sur la production française et sera la cause de plantages monumentaux. La pochette annonce la couleur, Bashung joue avec le feu.

Panorama de guitares 50's, basse Peter gunn sur syncopes électroniques, superpositions de nappes synthétiques, boucles de percussions, voix de gorge infectée au débit monocorde. En 1982 ce genre de décalage savant est encore le territoire réservé des alchimistes underground des métropoles influentes, certainement pas celui d'un chanteur de variétés qui fait le Collaro Show pour promotionner son nouveau hit. Et pourtant. Play Blessures ne doit rien à aucun illustre producteur de Londres, New York ou Berlin. Macéré sur le tournage du Cimetière des Voitures, enregistré avec deux balles de budget à Longueville et Boulogne, Play Blessures est capté et mixé par Bashung et l'ingénieur du son Michel Olivier, tous deux farouchement déterminés à faire les choses autrement. Perdu la boussole, le compas, erreurs volontaires. Le disque s'appuie aussi sur KGDD, le groupe marseillais qui depuis deux ans accompagne Bashung sur les tournées. Les mecs sont en symbiose, soudés par les concerts, ils comprennent et retranscrivent illico.

Pour saisir pleinement ce disque riche en fragrances, il faut prendre garde à ne pas se laisser berner par son minimalisme de façade. C'est une cathédrale. Il faut céder à l'ivresse chaloupée de J'croise aux Hébrides, s'immerger encore et encore dans Martine boude, Lavabo, Volontaire, J'envisage jusqu'à percer à jour leurs métamorphoses. Trompé d'érection offre un lifting futuriste à tous les plans rockab' dont les revivals n'ont jamais su quoi faire de neuf. Play Blessures, c'est Psychedelic Jungle revu et corrigé par Jean-Christophe Averty.

Il faut prendre garde aussi à ne pas se laisser évincer par l'énigme des textes. Paroles et musiques sont ici deux expériences scindées jusque dans leurs créations. La musique d'abord, entièrement finalisée et enregistrée sans le moindre mot distinct, Bashung posant la voix témoin en lavabo, dialecte où seul le rythme importe. Ensuite seulement, une fois satisfait des instrumentaux, il en viendra à élaborer avec Serge Gainsbourg de quoi glacer le mille feuille.

Le Gainsbourg d'alors est un homme un brin dépassé par les bouleversements. Plaqué par Jane Birkin au moment même où La Marseillaise lui offre un raz-de-marée populaire, il accumule les scandales éthyliques sur des plateaux de télé friands de ce ton libéré dont se glorifie une France nouvellement socialiste. Sous nom de couverture Gainsbarre, qu'il vient d'enfanter sur Ecce homo, il se dédouane de toute responsabilité et ouvre les vannes qui finiront par le noyer sous les lampions de Michel Drucker. On n'en est pas encore là.

Depuis son face à face houleux avec d'anciens parachutistes venus lui expliquer ce qu'ils pensent de sa version reggae de l'hymne national, Gainsbourg cherche une camaraderie virile à laquelle se frotter. Hallyday, Dutronc, Coluche, pourquoi pas Bashung ? D'autant que la collaboration avec Bijou, quelques années plus tôt, lui a fait découvrir une connexion avec un public qu'il ne soupçonnait pas être celui de Melody Nelson et L'homme à tête de chou, deux disques écoulés au compte-goutte mais revendiqués par le microcosme rock des adhérents fnac. Et puis qu'a t-il à perdre ? Mauvaises nouvelles des étoiles vient de se ramasser laissant augurer une nouvelle traversée du désert s'il ne trouve pas fissa de quoi rebondir, maintenant que le filon rasta est épongé. Des nuits durant, Bashung et Gainsbourg font bon ménage, ils s'évaluent, se saoulent, se paluchent, lancent des idées entre deux volutes de fumée bleue. Errances et fulgurances. Au petit jour ils se quittent, en fin d'après midi ils se retrouvent dans l'arrière cours d'un bistrot à Boulogne, pile en face du studio. Là, parmi la poésie minutieusement agencée d'un Gainsbourg insomniaque, Bashung pioche et assemble ce qu'il sait pouvoir incarner une fois ajusté à son vocabulaire.

Émotions censurées, j'en ai plein le container, j'm'accroche aux cendriers, m'arrange pas les maxillaires... R'garde moi dans les yeux, A quoi on joue, tu me prends au sérieux, moi pas du tout...Et ça défile comme ça, dressant le portrait louche d'un personnage déglingué. Soldat sans joie, déjà. Vol de nuit sur l’Antarctique, j'attends la prochaine guerre, jamais d'escale, jamais de contact avec l'ordinaire...Écho de baises foireuses, de routines pernicieuses, d'ambiances piquées à l'environnement qui leur sert de base. J'voulais m'introduire entre tes jambes, histoire de me sentir membre du club, dis moi c'est combien, l'acte gratuit, si je te comprends bien, c'est hors de prix... La môme du bistrot affiche dix sept au compteur, émoustillée par la frime des deux affreux elle se fait culbuter aux lavabos, fond du couloir, troisième porte à droite. Tout finit sur le disque. La fille du patron, faut lui donner, pour la tirer d'là, tu sais où c'est...lavabo... Mensonges noctambules qui se fissurent à la lumière du jour, punkette qui se la raconte, Rambo trépané qui vante ses exploits de quartier aux abonnés du PMU. Play Blessures est le journal de bord d'un sabordage exalté. Les abris bus qu'on dégomme, rien que pour se prouver qu'on est des hommes... Martine fraye avec des petites garçonnes de son âge, comment la toucher quand elle me revient tout en nage... Chaque titre est un classique, C'est comment qu'on freine, Martine boude, Volontaire, Junge männer pour les concerts et les compilations, sans que Lavabo, Scène de manager, J'envisage, J'croise aux Hébrides, Trompé d'érection n'aient quoi que ce soit à leur envier. Play Blessures est l'album que Bashung ambitionnait d'enregistrer. Une célébration de la mue du serpent.  


 
Bashung a visité le palais de la gloire et en est ressorti effrayé. Les galas devant un public de hit parade, les télés Guy Lux, l'univers cartoon de Boris Bergman devenu son quotidien. Le rock franchouillard façon bande à Lucien. Il y aura d'autres Gaby, d'autres Vertiges de l'amour, il y aura SOS amor et d'autres encore, parce que rester populaire est la seule façon d'exister. Bashung l'a appris sèchement, lui qui longtemps fit carrière dans l'anonymat. Mais il ne peut pas y avoir que ça. Avec Play Blessures commence une nouvelle façon de respirer.

Après l'échec commercial du disque, Bashung va d'abord s'entêter avec Figure Imposée, puis se réconcilier avec son passé à travers les régénérescences pharamineuses de Live Tour 85. Passé le Rio Grande et Novice viendront conclure les années 80 et refermer la partie la plus productive de sa carrière. Celle à laquelle je reste le plus attaché. Bashung va entamer la décennie suivante en établissant une formule dont il ne dérogera guère. Une sorte d'union entre americana et Empire napoléonien. J'ai même l'impression que c'est ce qui va rester de lui, l'axe Osez Joséphine, Fantaisie Militaire. Pourquoi pas, après tout. Reste ce coin terre dévasté où je me réfugie, un no man's land dont aucune conquête n'a défini les frontières, Play Blessures.

 

Hugo Spanky

26 commentaires:

  1. Je viens enfin de percuter pourquoi je n'ai pas "suivi" la carrière de Bashung, creusé plus dans sa musique, alors que pertinemment, j'aime son univers et la personne qu'il y est à l'intérieur, en raccord avec lui-même, sans parler de son allure de cow-boy, vraiment rock'n roll. Le seul français qui nous mettait pas la honte ;)) J'avais bien Pizza et Roulette russe, mais je les ai toujours écouté comme des 45 tours, en boucle les trois ou quatre mêmes morceaux, ou entiers quand j'étais occupée à autre chose. Oui je m'en excuse, mais je dis la vérité. En réalité, ces morceaux étaient trop mûrs pour moi. Et cette sensation, voir ce blocage, n'a cessé de croitre au fur et à mesure de ses albums. C'est pas de la musique de petite fille en fait Bashung. Cet album Play Blessures en est l'exacte preuve. Il est acide, vaudou, et frontal.

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    1. Lorsque sort Gaby, fin 80, Bashung a quasiment 33 ans (il est né en décembre 47!), et véhicule tout un vécu qui se retrouve dans l'utilisation prononcée du second degré, là où le contexte rock français est au contraire très adolescent et sans recul, ni humour. Téléphone chante le départ de chez les parents, Trust malgré de grands airs concernés exprime une vision cucul de la politique et derrière ces deux têtes de gondoles c'est clichés wock'n'woll sur fond de boogie (Bijou, Little Bob...) ou poésie rurale façon Ange.
      Donc du coup, Bashung avec Toujours sur la ligne blanche, J'fume pour oublier que tu bois ou Station service, c'est déjà autre chose. D'autant que contrairement à Eddy Mitchell qui avec ses histoires de divorce s'adresse à un public qui a vieilli avec lui, celui que Bashung a capté avec Gaby est comme tu le dis plutôt celui des ados qui font alors les succès massifs en achetant du 45 tours.
      Quand il fait Le cimetière des voitures de Fernando Arrabal, Bashung stipule de quel univers il est, celui plus marginal de Jodorowsky, Topor...,Play Blessures est dans cette continuité. Bashung a vu Capdevielle disparaître lentement après n'avoir pas su ou voulu faire autre que répéter la formule de Quand t'es dans le désert, lui décide de signifier clairement une rupture et opte pour une radicalité reposant sur une modernité que le public d'ici n'a pas encore assimilé comme étant le nouveau visage du rock. Lorsque sort Play Blessure "l'avant garde" c'est Sandinista de Clash (auquel beaucoup ne pipent déjà rien))). On est 3 ans avant le premier Rita Mitsouko (qui d'ailleurs connaîtra le même dilemme).
      Beaucoup de ceux qui avaient écouté Bashung pour Vertiges de l'amour quand ils étaient mômes raccrocheront leur wagon lorsqu'il fera Osez Joséphine, entre temps ils auront préféré la niaiserie du mouvement "rock" alternatif à la radicalité authentique de Bashung.
      Bizarrement, je me souviens que les rares à l'avoir suivi tout du long dans sa démarche sont ceux qui ont viré hardos. Bashung et Thiéfaine étaient quasiment les seuls français dont les concerts étaient peuplés de cuirs et t.shirts Iron Maiden. Ce qui était d'autant plus étonnant venant d'un public qui, je peux en témoigner, considérait l'utilisation des synthés comme une trahison de l'esprit.
      Finalement Bashung aura toujours surfé sur les contradictions, entre les chantres du parisianisme façon Libération qui voyait en lui un guru cold wave et le public chevelu de province qui le percevait comme un authentique rocker. Je pense que sa volonté en fin de parcours de vouloir sillonner la France profonde jusqu'à épuisement (son dernier concert à eu lieu au Bikini à Toulouse) montre que lui a toujours su d'où il venait. Elsass blues...

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    2. Comme Dick Rivers.
      Me situant dans la catégorie "grand public", se sont ces deux singles "La nuit je mens" et "Osez Joséphine" qui m'ont effectivement attrapées, mais qui malgré la qualité intellectuelle et poétique du reste ne m'ont toujours pas permis de pénétrer dans son ce sombre univers que je trouvais de plus en plus pessimiste. Je suis incapable par exemple d'écouter le Black Star de David Bowie.
      Reste ce coin de niaiserie où je me réfugie, un no man's land dont aucune conquête n'a défini les frontières. Remets-moi Johnny Kidd <3

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    3. Je vois ce que tu veux dire, Bowie quand il fait Black Star, il se sait condamné et pourtant il continue à créer, à faire ce qu'il aime faire, je trouve pas ça sombre comme attitude, mais je comprends que ça te mette mal à l'aise, je n'ai pas eu la démarche d'aller voir Bashung lors de sa dernière tournée, je n'avais pas envie d'être confronté à sa maladie, même si je trouvais très bien que les salles soient pleines et que ça lui permette de chanter jusqu'à la limite de ses forces. Comme Johnny le fera. Entre parenthèses, parmi les nombreux points communs entre ces deux là on pourra ajouter un ultime concert à proximité l'un de l'autre, Toulouse et Carcassonne.
      Bon, si je pige bien c'est l'univers tout entier de Bashung que tu trouves sombre. Effectivement dans la seconde partie de sa carrière, il a cultivé cette espèce d'aura cinématographique à la Murnau, peut être un peu trop, au point d'être par moment un peu chiant sur les bords. Il y a eu aussi ce phénomène Studio ICP, où tous les albums finissaient par sonner pareils, que t'écoute Thiéfaine, Arno, Louise attaque ou Bashung, il n'y avait guère que la voix pour les distinguer (j'exagère, mais y a vraiment de ça). Ce son très académique, grandiloquent pour pas grand chose. Et puis ce système de faire un disque tous les 5 ou 10 ans et qu'à chaque fois ce soit un évènement, c'est naze. D'un coup, tout est soupesé cent fois avant d'être validé. Tout le contraire des années 80 où tout va vite, un disque chasse l'autre. Là, je trouve que rien n'est sombre, ni hermétique, ça bouillonne, c'est bordélique, les mecs tentent des trucs et tant pis si ça sonne à deux balles, c'est ce que j'aime dans le rock de ces années là. Fantaisie Militaire est un chef d’œuvre, mais j'écoute plus souvent Passé le Rio Grande )))

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  2. Oh putain que c'est bien écrit !
    Et ne me demande pas MON album préféré de Bashung… ils le sonts TOUS !

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    1. Allez fais un effort, un seul et unique disque, pas le meilleur, pas forcément ton préféré, juste celui qui pour n'importe quelle raison t'évoque un truc en plus. Même un détail. Genre tu l'écoutais quand t'as gratté le ticket gagnant du millionnaire )))

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    2. Bon, ben, forcément Fantaisie Militaire… parce que la nuit je mens !

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  3. Un papier brillant, écrit avec le cœur, ça ne trompe pas. Pour ma part, tiercé dans le désordre; "Pizza", "Fantaisie Militaire, "Play Blessures". Et "Chatterton"; dépressif certes, mais incisif et remarquablement bien foutu. L'image est pourrie, le son est bon, et Bashung et ses musicos, également. C'était à la télé,et pour une fois en Live(30 Juin 2004). "Elvire, comment lui en vouloir?"
    https://www.youtube.com/watch?v=fHcR1fu2o1k
    Eric.

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    1. Dans le genre image pourrie il y a aussi ce portrait de la période Bergman qui est pas mal
      https://www.youtube.com/watch?v=EGQw1RjOcNc
      Chouette tiercé que le tien. Je mettrais Novice à la place de Fantaisie Militaire, sans doute parce que j'étais à fond dedans lorsqu'il est sorti et que je l'ai écouté énormément. Et aussi parce que j'aime bien les moments à la con genre secoue secoue moi avec méthode ou ya oune dés qué pipé ))) Je trouve que ça salope un peu l'impeccable beauté des chansons et que c'est bien comme ça. Comme sur Rebel quand il fait yé n'en pé plou )))
      Les collaborateurs qu'il a eu après Osez Joséphine, phil delire, les valentins, le mec de louise attaque.. me donnent l'impression de trop le respecter, de chercher à le sublimer. Le résultat est sans reproche, mais j'ai aussi la sensation qu'ils sont passés à côté d'un élément essentiel.

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    2. Totalement d'accord. "Bleu Pétrole" c'est pas lui. Il est perdu, ailleurs. Un album de "Louise Attaque" avec la voix de Bashung? Presque. "L'Imprudence" est carrément flippant, à déguster à petites gorgées. "Au casque, et un peu décalqué", bonjour le délire. A Good Trip.
      Eric.

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  4. J'ai été klaxonné par "L'Imprudence".. je crois bien que c'est ma faiblesse, il me fout même les jetons le truc. (ça aurait pu Bleu Petrole, mais y'a les 2 reprises insupportables dedans qui mle gachent un poil).

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    1. L'imprudence je l'aime beaucoup celui là, c'est vrai qu'il a un côté un peu flippant, genre film de Murnau. J'aimais l'écouter à fond au walkman en rentrant chez moi un peu décalqué dans la nuit toulousaine, je me faisais des films terribles )))
      Bleu Pétrole, je ne trouve pas que ça soit vraiment un disque de Bashung, c'est un bon exemple de ce que je dis à Eric par rapport aux collaborateurs, plus encore du fait qu'il n'a pas pu s'investir beaucoup.

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  5. Pour moi ce sera Novice ce disque psychotique parfois mal branlé mais doté d'un souffle aussi immense que terrassant.

    Et puis là curieusement de lire ton papier sur Alain m'a fait poser sur la platine "Pas vu, pas pris" (1980) de Christophe, son disque le plus rock qui me rappelle les Bashung des 70's et qui se termine par un slow qui tue "L'Italie".

    Christophe "L'Italie" | Archive INA - YouTube

    Harry Max

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    1. Novice, forcément, ça aurait pu être lui le sujet de cette chronique si je n'avais pas été autant attaché au rockabilly technoïde de Play Blessures, qui offrait aussi l'avantage de pouvoir dire autre chose à travers la collaboration avec Gainsbourg et le contexte de transition 70/80's.
      Novice est plus atmosphérique et massif, je me souviens que ce qui m'avait marqué d'emblée à sa sortie c'est ce son qui monte et explose sur l'intro de Pyromane, énorme. Le travail sur le son c'était une force de Bashung. Novice c'est le disque qui pose les bases de la seconde partie, tout en conservant encore le charme casque à boulons des premiers albums. Une sorte d'apothéose suivie d'une sensation d'avoir un peu tout dit. Si tu regardes sa production ensuite, ça ralenti méchamment, il se réinvente en allant à Memphis pour Osez Joséphine et après il gère les acquis en jouant sur les nuances tous les 4 ou 5 ans. Avec la parenthèse L'imprudence qui renoue avec la prise de risque radicale.

      Christophe, c'était le prototype par certains côtés. Pas vu pas pris est un très bon disque, nerveux et moderne. Quelques années plus tard, en 84, il a fait le single J'l'ai pas touchée dont je suis complétement gaga. Un titre d'ailleurs composé avec Boris Bergman, avec qui il avait déjà collaboré pour l'album Samouraï en 76. La suite, je connais peu, ce que j'ai écouté de sa production plus récente ne m'a pas trop accroché à l'exception d'un titre par ci par là.

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    2. Alain et Christophe ont bien évidemment en commun l'expérimentation sonore et un imaginaire textuel foisonnant.
      Comme toi de Christophe j'ai du mal avec la période 90/2000 où je trouve qu'il fait un peu trop sa précieuse avec des disques ennuyeux et manquant d'inspiration si ce n'est qu'au travers d'une maigre poignée de titres ; en gros ils se prend un peu trop pour l'Artiste sûrement à cause des critiques en pâmoison qui lui ont monté le bourrichon.
      D'Alain, il y a tout de même un disque que tout le monde semble bien avoir oublié c'est Chatterton. Dissimulé derrière le méga-carton de son single Ma petite entreprise se cache des merveilles telles que Elvire, J'ai longtemps contemplé, Après d'âpres hostilités, A Ostende, L'apiculteur où justement il retrouvait son goût de l'étrange après l'excellent mais il es vrai plus convenu Osez Joséphine.

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    3. C'est vrai de Chatterton et aussi de Passé le Rio Grande, le grand dénigré, alors que... Alors que sa vivacité et son unité de ton passent superbement l'épreuve du temps. Les compositions sont toutes tubesques, bourrées d'inventivité et à chaque nouvelle écoute, même des années après la précédente, elles reviennent illico à l'esprit. C'est quand même pas rien de se retrouver à entonner en toutes circonstances ce n'est qu'un arrosoir, un tomahawk sur l'armoire ))) Voila encore un talent de Bashung que de nous avoir fait chanter à peu près tout et n'importe quoi à n'importe quel moment )))

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    4. Et qui d'autre pouvait sur un même titre (Milady) enchainer un riff du logical song de Supertramp à celui du 96 tears de Question Mark & the Mysterians ? ))) Classe.

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    5. Ah Passé le Rio Grande..., un cas résolument à part celui-là. Son disque le plus lumineux, le plus pop, le plus 80's (forcément !), le plus varié et le plus fou en fait.
      Les paroles sont un foutoir sans nom : sur Dean Martin, tout n'est pas rose chez les flamands roses / benne va benne Benelux / je bande à l'envers au fond de la vallée ; sur Duane Eddy, joyeux Nobel et encore bananier / j'annule la manucure, ça lui fera les pieds ; sur Milady, cantonnées à Paris / il arrive que les Chinoises rient / au charbon les amis / petit ramoneur je te suis, c'est un festival de surréalisme tout le long de ce disque dément. Rien que le titre des morceaux déjà frise le génie : Helvète underground, Rognons 1515.
      Quant à là musique, on passe de la new-wave (Camping Jazz) à la country doow-wop (la splendide Malédiction) à la pop robotique à la Kraftwerk (L'arrivée du tour).
      Pour en finir, il est indispensable d'avoir cet album dans sa version proposée dans l'intégrale de 1992 qui contient l'indispensable remix de L'arrivée du tour (6mn12 de pure joie), le single bien tapé S.O.S. Amor (tu mas conquis, je t'adore ; un génie on vous dit !).

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    6. Dans mes bras !!!!)))) Tu as tout dit. Je pleure de rire rien qu'en lisant les paroles, ce disque est fabuleux. La façon dont il balance les textes est déjà un talent en soi. J'en suis fan absolu. Et tu peux ajouter des riffs ZZ Top à la bouillabaisse L'arrivée du tour pour faire bon compte. Un festin !

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    7. C'est aussi parmi ces commentaires que je me suis remis à "Rio" et dès que j'ai l'occasion (surtout si je n'oublie pas) je cherche la version 92...

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  6. Dans les bonus de l'intégrale de 1992 pour Rio, il y a aussi Touche pas à mon pote qui change radicalement des chansons engagées à la niaiserie étouffante. Lisez donc ces paroles pour vous en convaincre : Qu'est ce qui fait courir David / Comment veux-tu qu'on l'attrape / Rappelle Gegène, je fais un bide / Juste pour le plaisir / Qui a vendu la mèche / Et la petite moustache avec / A votre bunker messieurs dames / Salut les kopecks ; ou encore Quand t'as plus rien à fumer / Tu passes les blacks à tabac / Dans un moment d'égarement / Il te vient les sanglots / Séparer les blancs des jaunes / Fouetter généreusement / On n'est jamais à l'abri / D'une piqûre de meringue. Et il y a également la tout aussi réussie Les Européennes qui en matière de défense tordue de l'Europe se pose là.

    Sinon, Passé le Rio Grande... a un faux frère jumeaux aux éclats plus ombrageux qui lui est antérieur, c'est le bien frappé itou Figure imposée.

    Avec sa new-wavebricolorockmétallorobotique à la production dantesque, il filtre sur les rivages du Bowie de Low sur les instrumentaux Week-end doux et White spirit, il préfigure Rammstein sur Spiele mich an die wand et propose deux pépites pop mutantes avec Hi ! et Elégance. Un disque, là aussi, qui a admirablement traversé la cruelle épreuve du temps.

    Harry Max

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    1. C'est une excellente idée d'évoquer Figure Imposée, il fait partie selon moi du tracé le plus essentiel de Bashung, celui qui va de Pizza à Novice.
      Figure Imposée c'est un peu Play Blessures avec des cocottes funky en lieu et place des licks rockabilly, mais le même habillage electro (et d'ailleurs la même équipe au même endroit que pour l'album précédent à l'exception de Gainsbourg qui est ici absent).

      C'est aussi deux disques différents en un selon le format et l'édition dont on dispose. En effet, le CD de 1992 modifie le tracklisting du vinyl original en remplaçant Lou ravi et Nuits Halloween par White spirit et Spiele mich an die wand, et propose une version longue d'Imbécile qui fait passer le titre de 3mn50 à 6mn24 (ainsi qu'un remixage musclé de la plupart des morceaux, notamment What's in a bird et Hi qui se retrouvent au passage édités dans leur durée single).
      Tout ceci accentue largement l'aspect le plus intéressant du disque, cette sorte d'ambiance new age en camisole que tu compares fort justement à Low de Bowie et lui donne plus de sens et d'unité. Pour une fois je dois reconnaître que le cd est meilleur car plus radical.

      Quoiqu'il en soit, Figure Imposée est un parfait disque de transition entre la sobriété toute relative de Play Blessures et l'exubérance de Passé le Rio Grande, ainsi qu'un témoignage supplémentaire du Bashung aventureux qui n'a pas encore trouvé la formule pour concilier audaces (qui seront ensuite revues à la baisse) et public (qui sera lui engrangé à la hausse). Au risque de me répéter c'est ce Bashung là qui est le plus essentiel.
      Un an après l'échec commercial de Figure Imposée Les Rita Mitsouko arrivaient sur les ondes et le moins que l'on puisse penser est que Bashung avait sacrément préparé le terrain. Dès lors la France allait pouvoir se targuer d'une french touch qui fera le tour du monde dans la décennie suivante.

      Comme quoi avant de décrier des disques il faut toujours les replacer dans leur contexte, manière de vérifier s'ils n'ont pas été plus importants que les retardataires ne voudraient le laisser croire.

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  7. Comme pas mal de tes papiers que je mets de côté pour approfondir ou au contraire choisir, comme tu viens de le faire.
    Bashung c’est un pote qui m’offre le RIO GRANDE que j’userai mais sans autre argument que de l’avoir reçu. « Helvete.. » pour attaquer façon Phil Spector. Des textes qui obligent une écoute concentrée pour le résultat que tu sais…
    N’empêche que l’album tombait bien, je suis migrant en Allemagne et je n’achète plus de disques quasiment et le cadeau de mon pote n’était pas déconcertant, une impression de catalogue éclectique du pop/rock 80’s que j’aimais bien, XTC pour ne citer que ceux-là.
    J’écoutais peu de français en +, cela aurait pu déclencher kek chose, mais en fait non.
    Bien plus tard, mon pote, tout admirateur qu’il était de Bashung (et de Gainsbourg tiens tiens) je tentais la taquinerie Bashung VS Daho, sur le thème de ce que « tu chantes volontiers sous la douche » … mais je me suis vite dégonflé.
    Pour le reste des titres éparses. « Madame Rêve » que j’adule. Ses dernières productions aux grandes orchestrations toute profondes tel des TINDER STICKS.
    Résultat. Un survol de « PLAY.. » mais hélas l’envie de se rappeler des souvenirs, je me suis refait le RIO… On ne se refait pas justement.
    Merci Mister.


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    1. Je ne pensais pas revenir sur le sujet, une première écoute – avant « Rio » - qui m’avait laissé moins de trace que ton papier. Normal, pas évident, et en fin de journée j’ai les oreilles lourdes et pas encore bu ma dose.
      Donc voilà.
      Puis vint « Strip Now »… qui m’a de suite scotché, **** pour mon pédalage dans le vide. Du coup je recommence, oublie « Scènes De Manager » qui m’énerve un peu et j’accroche à différents degrés au reste de l’album.
      Nous parlions de « Rio » comme multi influence (mais cohérent ? Le son, la voix ?) ici aussi mais comme chez Yoko, une influence des musiques à venir, et même que certaines sont encore attendues Ouarf, ça existe ça l’hommage aux musiques à venir ?

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    2. Tu parles de Yoko, elle avait avec Lennon inventé un pays, Nutopia. Considérons le comme celui des musiques à venir et de celles qui ne viendront jamais.)))
      Puisque je suis dans le parallèle avec Lennon, ta comparaison entre Play Blessures et Rio Grande me rappelle celle qu'il faisait entre Plastic Ono Band et Imagine, c'est la même chose mais avec du sucre pour le rendre plus appétissant. Bashung aussi avait cessé de trouver le succès suspect et admis que le grand public peut avoir bon goût si tant est qu'on ne l'accueille pas avec une matraque à la main )))
      Rio Grande est aussi un festival de mélodies addictives, c'est je pense sa plus franche différence avec Play Blessures et Figure Imposée, deux albums sur lesquels Bashung torture volontiers cet aspect là en utilisant un chant à mi-chemin du talkover façon Gainsbourg.
      Quoiqu'il en soit Rio Grande et Figure Imposée ne méritent pas le désaveu snobinard qui les désigne trop souvent.

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  8. Je déteste les livres sur le rock, mais je dois reconnaitre que avec "En studio avec Bashung", Christophe Conte a écrit un ouvrage édifiant sur la genèse de chacun des albums de Bashung.

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