Avril 1991, plus qu’une autre époque, un autre monde. Je n’avais ni portable, ni pc, les réseaux sociaux dégun ne savait ce que c’est, et pour cause, ça n’existait pas. Pas plus que les chaines infos 24H/24. Ce qui n’empêchait pas les mauvaises nouvelles d’arriver. Par un encart dans Libération cette fois là, Johnny Thunders retrouvé mort dans un hôtel à la Nouvelle-Orléans. Et merde. Mon Johnny de quand j’étais petit, mon New York Dolls préféré, que j’avais enfin vu sur scène un an auparavant, le temps d’un concert incendiaire avec les Oddballs, sa meilleure formation depuis les Dolls.
Ce même Johnny Thunders auquel Danny Garcia a choisi de rendre hommage avec son nouveau documentaire, Looking for Johnny. Danny Garcia, celui là même qui avait réalisé le dvd le plus franc du collier consacré à Clash, The rise and fall of the Clash, dont on a déjà causé sur Ranx. De quoi partir avec un a-priori favorable, donc.
Première chose, à voir la galerie des monstres qui témoignent durant une bonne part des 98mns de l’affaire, je me dis que c’est pas plus mal que Little Johnny ait passé l’arme à gauche avant d’en arriver là. Faut voir Billy Rath pour le croire, c’était déjà pas le plus beau des Heartbreakers, mais là ça fout les miches, un vaccin anti-dope à lui seul, le gonze. Ou plutôt ce qu’il en reste. Pour faire simple, hormis les nanas et une paire de gars visiblement plus raisonnables que la moyenne, Walter Lure et son air de Dan Aykroyd, Andy Shernoff et une poignée d’autres, c’est franchement flippant cette histoire. Tu peux en rassembler une dizaine que t’auras toujours pas de quoi reconstituer la dentition d’un nouveau-né.
Deuzio, c’est quoi cette mauvaise habitude de réaliser des documentaires sur des musiciens avec des bouts de chansons qui dépassent pas les 10 secondes ? Ajoutez à ça que quelques intervenants ont dû dealer leur temps de parole en échange de copyright, et on se retrouve avec le passage sur les Heartbreakers illustré par les morceaux chantés et composés par Walter Lure ! Idem pour les Dolls, deux pichenettes live et basta, quant à So Alone, Hurt me et In Cold Blood, c’est encore mieux, gros plan sur les pochettes de disques, une photo de Jimmy Miller, et merci d’être venu. J'exagère à peine. Ça s’étoffe un chouïa vers la fin avec les albums paru sur Jungle Records, vu que c’est eux qui distribuent le dvd, mais faut pas rêver non plus, pas l’ombre d’un clip, d’un passage télé convaincant, tout juste des petits bouts de Mona et Moi.
Alors il reste quoi ? Forcément pas grand chose. L’honnêteté des interviewés qui dressent un portrait, hélas fidèle de la vie d’un junkie. Johnny Thunders tabasse la mère de ses gosses et lui pique ses allocations familiales, Johnny Thunders truande Jerry Nolan sur les pourcentages, Johnny Thunders traite Dee Dee Ramone de pédé, Johnny Thunders tient pas debout sur scène. Je baille. Johnny Thunders aimait le Doo Wop, Dion et les Girls Groups, Johnny Thunders a composé des chansons merveilleuses, les Heartbreakers sur scène ridiculisaient à eux seul tout le punk anglais, les New York Dolls étaient bons et si David Johansen avait été moins mégalo, le monde entier aurait fini par le savoir. Rien de nouveau, mais ça fait toujours du bien de l’entendre. Et, comme conclut Syl Sylvain, Bob Dylan lui même à déclaré qu’il aurait voulu avoir écrit You can’t put your arms around a memory. Moi aussi, j’aurai bien voulu.
Bon et avec ça on fait quoi ? Ma foi j’en sais rien. C’est sous-titré en français, c’est toujours sympa de passer un moment avec Johnny, Stevie Klasson, son dernier guitariste, torche un chouette morceau en hommage qui donne son titre au documentaire et qu’on retrouve sur le double vinyl qui vient de sortir en guise de soundtrack.
Ceux qui ne connaissent pas Johnny Thunders pigeront que dalle tellement c’est crypté et dépourvu de bons morceaux, et les autres n’apprendront rien qu’ils ne sachent déjà. Si ce n’est que l’héroïne fait de sacrés dégâts, qu’il vaut mieux pas s’y risquer. Ce qui est finalement déjà pas mal.
Pour le reste, rien n'a changé, payez-vous So Alone, LAMF et Too Much Too Soon.