Tandis que dans notre beau pays un énergumène malfaisant tel que Pascal Nègre ose prétendre que l’offre musicale n’a jamais été aussi large et que nous assistons, atterrés, à la sortie des nouvelles bouses de Zazie, Cali et Pagny, dans les pays anglo-saxons un retour salvateur à la soul et au blues se fait fortement ressentir.
Lassé par la soupe indigente que lui assène l’industrie du disque depuis trop longtemps déjà, le public est avide d’une musique au son chaud qui le fasse à nouveau vibrer tel un premier émoi amoureux.
Lancé, en 2006, par le formidable succès d’Amy Winehouse avec l’album bien nommé « Back to black », ce retour à la bonne musique ne cesse de s’étendre pour le plus grand bonheur de nos esgourdes. Et si la soul a enfin retrouvé ses lettres de noblesse, c’est en partie dû au label Daptone Records. Grâce à lui, finies les Mariah Carey, Whitney Houston, Maxwell et D’Angelo de tristes mémoires qui nous polluent les oreilles avec leur soul de supermarché aussi insipide qu’indigeste. Du balai, au placard toutes ces belettes et blaireaux avariés !
Dans le même registre de poussée d’adrénaline incontrôlable, le petit gars Eli « Paperboy » Reed, que l’on peut qualifier de Wilson Pickett Junior sans en avoir honte, s’entend comme pas deux pour enflammer les foules. D’ailleurs, cet été, l’équipe Ranx Ze Vox a jugé la bête sur scène et elle est ressortie les jambes flageolantes, le corps recouvert de sueur et avec trois kilos en moins qui plus est ! Dire que sa musique est si puissante qu’elle vous fait l’effet d’un bourre pif administré par Lino Ventura et que son chant exalté vous cloue sur place ne serait pas faire justice à ce phénomène dévastateur. Chaudement recommandé donc.
Œuvrant plus dans le velours, Raphaël Saadiq, avec son superbe « The way i see it », nous a également enchanté. Un album idéal pour créer une ambiance feutrée propice à des ébats torrides avec sa dulcinée ; pour faire court, tout le contraire du dernier méfait de Jean-Louis Aubert.
Plus récemment d’autres groupes ont fait leur apparition et perpétuent cette nouvelle montée du groove à l’assaut des platines. Kings Go Forth avec « The outsiders are back » pratique une soul volontiers dansante avec des accents quasi disco par moments tandis que Gizelle Smith, avec sa voix d’une sensualité irrésistible, se démène comme une diablesse avec l’appui de son groupe The Migthy Mocambos pour nous faire partager sans compter sa soul matinée de funk.
Après le raz de marée Winehouse, la perfide Albion, elle non plus, n’est pas à la traîne en nous envoyant les petits jeunes de Plan B qui, avec leur troisième disque, désirent mettre la planète entière à leurs pieds grâce à leur soul mélodique, dotée d’arrangements classieux, qui ne sombre jamais dans le sirupeux.
On l’a vu, la soul music se porte pour le mieux ces temps ci mais, fort heureusement, le blues revient également en force. D’ailleurs il ne faut pas oublier les anciens qui, loin d’être affaiblis par le poids des années, ont retrouvé toute leur sève.
Chrissie Hynde, qui a toujours su rester honorable dans sa production (bon ok, le duo avec UB40, c’était pas glorieux…) a enregistré, dès 2008, avec son groupe Pretenders un opus bien roots à consonances blues : « Break up the concrete ». Les morceaux tels que Love’s mystery, Boots of Chinese et Rosalee sont de véritables bombinettes à l’instrumentation minimaliste qui nous plongent dans un bonheur total. Bref, on jurerait que l’adage moins c’est mieux a été conçu pour qualifier ce disque.
Plus surprenant, Cyndi Lauper (oui celle des tubes pop 80’s et des tenues vestimentaires digne d’un daltonien…), s’attaque au registre du blues avec « Memphis Blues ». Aidée par Allen Toussaint, le célèbre pianiste de la Nouvelle Orléans, Charlie Musselwhite, l’habile harmoniciste, Johnny Lang, le surdoué de la guitare, BB King, la légende du blues et Ann Peebles, une ancienne gloire de la soul music, elle nous livre un album splendide de bout en bout. Just your fool et Down don’t bother me respirent le blues cru, Early in the mornin’ se singularise avec sa rythmique qui rend hommage au Professor Longhair, Don’t cry no more, typiquement rhythm’n’ blues, provoque des convulsions incontrôlables au niveau des guibolles et Wild women don’t have the blues semble enregistrée dans un bouge du fin fond du Mississipi. Habitée par cette musique, la Dame n’a jamais aussi bien chanté et elle a même coproduit cette galette de vinyle délectable qui sonne comme si elle avait été gravée à la belle époque. Ce disque est un régal à écouter de toute urgence et il serait criminel de se priver de ce plaisir pour cause de snobisme mal placée envers la Lauper.
Même The Steve Miller Band s’est mis, avec « Bingo! », au disque de reprises de standards du blues. Autant dire qu’avec des titres comme, notamment, Hey yeah, Don’t cha know, Sweet soul vibe (tous trois signés Jimmie Vaughan), Tramp (de Lowell Fulson) et You got me dizzy (de Jimmy Reed) il ne valait mieux pas se planter ! Rassurez-vous, le résultat vaut largement le détour.
Il convient aussi de souligner le retour aux affaires du célèbre label Alligator Records. Productif comme jamais, il réédite à tour de bras ses plus beaux albums (ceux de Johnny Winter, Lucky Peterson, Albert Collins, Hound Dog Taylor, etc.) et remplit, tous les mois, les bacs de nouveautés. Les lp de Tommy Castro (du blues avec cuivre pétaradant), Guitar Shorty (et sa gratte rageuse), Janiva Magness (à la voix ensorceleuse) et Anders Osborne (le plus moderne, aussi subtil qu’incisif) sont des pépites indispensables pour tout amateur de blues qui se respecte.
Alors qu’en France les formations de blues ne sont guère palpitantes dans l’ensemble (faut dire qu’avec des « références » telles que Paul Personne et Bill Deraime ça ne facilite pas les vocations…), nos compatriotes allemands nous envoient Memo Gonzalez & The Bluescasters qui, avec « Dynomite », nous balancent un blues trépidant de première bourre, ponctué de ballades à tomber. Et pourtant, le Memo à le look Chicano pur jus tandis que son groupe pourrait aisément figurer dans un film sur la Gestapo, comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences.
D’autres artistes, qui ont émergé depuis quelques années déjà, ne doivent pas être négligés.
Joe Bonamassa, qui a 8 albums studio à son actif, ne cesse d’affiner son style. Pratiquant un blues aux influences très rock, guitariste virtuose, il excelle aussi dans les morceaux acoustiques. Et puis le bonhomme connaît si bien ses classiques qu’il reprend Cradle rock du grand, et hélas oublié, Rory Gallagher. Rien que pour ça, respect !
Pour les fanas de slide guitar, Sonny Landreth, qui,entre autres illustres personnes, a collaboré sur les albums de Dr John, John Hiatt, Buddy Guy et Alain Bashung (sur Osez Joséphine) est un maître dans le domaine et ses disques sont des modèles de blues éthéré et délicat. Robben Ford, un de ses amis, se débrouille plus que bien dans la même catégorie musicale avec toutefois des accents nettement plus énervés par instants.
Loin d’être exhaustive, cette énumération d’artistes soul et blues a pour but de démontrer la vitalité retrouvée de ces deux genres musicaux majeurs et d’éveiller l’envie de s’y replonger corps et bien dedans. Car plus on sera nombreux à défendre des artistes talentueux plus on aura de chance de voir disparaître des boulets tels que Christophe Maé, Emilie Simon, Christina Aguilera, Michael Bulbé et autres consorts du même navrant acabit.
Révérend Harry Max Powell