Après plus de 20 ans d’audaces, d’innovations, de castings tantôt en forme de résurrections, tantôt en forme de révélations, il semble bien que l’âge d’or des séries télé touche à sa fin. Vous l’aviez pas vu venir celle là, je vous la livre toute fraîche. Entre True Blood qui vire au jus de raisin, Walking Dead plus mort qu’en ordre de marche, Hell on Wheels qui se crashe en plein galop, la fin de Breaking Bad, de Trémé, Mad Men et Game of Thrones qui n’aura fait qu’un petit tour d’esbroufe avant de se révéler gadget pour nostalgiques des jeux de rôles, l’affaire est mal barrée. Tout le monde se réclame des Soprano ou The Wire mais plus aucune chaine ne se risque dans l’ambition. Tout cela va finir comme ça a commencé. Avec Twin Peaks. J’angoisse un brin à ce propos, David Lynch ne nous délivre plus depuis un bail que des films au bizarre réchauffé, alors savoir qu’il va se lancer dans le come back de la dame à la bûche, pardon, mais je suis inquiet. Enfin non, en fait, je m’en tamponne le coquillard, et j’ai bien peur qu’il en aille de même pour beaucoup d’autres que moi.
Je vous entends, marmonner dans votre coin que le père Spanky a un coup de mou, que ce début d’année en forme de casse gueule des civilisations éclairées aura été fatal à mon moral à toutes épreuves. Au goudron et aux plumes le vieux con ! Et peut être que vous avez raison. Il se peut même que Gomorra soit un chef d’œuvre, pensez donc, une série italienne sur la mafia diffusée par Canal + ça donne envie. Et Star Wars Rebels ça a pas de la gueule ? Originalité quand tu nous tiens. Manquerait plus que le retour de Dallas...
Les chaines spécialisées sont bien dans la merde avec leurs exclusivités, les accros téléchargent et le grand public s’entasse devant Camping Paradis. Ceci dit tout n’est pas noir, M6 rafle la mise avec Elementary et je dois reconnaître que c’est bien foutu. Le duo Sherlock Holmes (Jonny Lee Trainspotting Miller) et Lucy Liu Watson tourne à plein régime, et si les intrigues sont plus tape à l’œil que convaincantes, on n’en passe pas moins un bon moment. Et pour le coup, l’astuce de base est plutôt bien vu, la réalisation est efficace, vous ajoutez à ça un petit Costello par ci, un Clash ou deux par là, quand c’est pas du Black Sabbath ou du Stones, et des seconds rôles qu’il fait toujours plaisir de revoir (le Johnny Sack des Soprano, Natalie Dormer...) et vous me retrouvez calé sous la couette le vendredi soir. D’autant plus que si je ne m’endors pas avant la fin du quatrième épisode, j’ai droit à la rediffusion de Justified.
Justified, justement, la dernière des grandes séries, la queue de la comète, tire sa révérence dans les mois qui viennent avec une ultime saison qui s’annonce dévastatrice. Nous restera plus alors que Lilyhammer et American Horror Story. Du moins je l’espère parce que je viens de finir la saison 4 d’AHS, et les freaks ne m’ont convaincu qu’à moitié. Je l’admets j’avais un a-priori, les freaks c’est pas mon truc. Déjà les nains j’ai du mal, là c’est carrément une femme à deux têtes (en plus ils ont choisi celle dont j’aime le moins la trombine..), une femme-tronc, un homme-phoque, une barbue, un gonze avec des mains en forme de pinces de homard...Woh ! C’est sponsorisé par la cotorep ou quoi ? Rajoutez à ça des scenarii écrits la nuit précédant le tournage, un Michael Chiklis qui semble se demander ce qu’il fout là, et vous obtenez un machin dont on se contrefiche avant d’en être à la moitié.
Heureusement Lilyhammer tient la route. La saison 3 est encore une fois bien corrosive et lourdement chargée en pieds dans le plat du mauvais goût. Frank Tagliano reste fidèle à lui même et diversifie ses activités. Cette fois il se lance dans le business du vin, parce que les norvégiens ont perdu le goût de la vie, ce qui ne tarde pas à engendrer des situations à haute teneur en philosophie et en dialogues qui déglinguent les zygomatiques et font travailler les méninges. Comme quoi, c’est pas incompatible. Entre le breuvage en question, qui se retrouve boycotté par une association de soutien à la Palestine en raison de sa fabrication à base de raisins israéliens, et un des pieds nickelés qui se convertit à l’islam, et se fait dorénavant appeler Mohammed Abdul Aziz Ali, Lilyhammer reste la série la moins consensuelle du moment. Trop balèzes les Norvégiens, c’est pas Candice Renoir qui péterait les scores d’audience chez eux. Et sinon, Torgeir ne va pas mieux, le voila victime de troubles de la personnalité tandis que le reste de l’équipe tient le navire sous le niveau de flottaison avec une assiduité digne du capitaine du Costa Concordia.
Reste que de ne plus suivre 5 ou 6 série à la fois, ça me libère du temps pour faire autre chose. Comme regarder des films par exemple. J’en ai carrément vu un qui réussit à allier trois ingrédients que je croyais aussi peu miscibles que l’huile et l’eau, à savoir intelligent, rigolo et français. Oui, tout ça dans le même film. Le Nom des Gens qu’il se nomme, vous l’avez maté vous aussi ? Franchement si Milady n'avait pas eu la prudence d’accaparer la télécommande, j’aurai zappé fissa tellement il commence mal. J’ai un problème avec les narrateurs dans les films, ça me donne toujours l’impression que le cinéaste est branque. C’est vrai quoi, les images sont supposées se suffire à elles-même, c’est un peu le principe du cinéma. Quand un réalisateur abuse de la voix off, j’ai le sentiment qu’il aurait pas fallu qu’il vive au temps du muet. Et Le Nom des Gens commence par une bonne vingtaine de minutes de tchatche ininterrompue. Pire, le sujet est ultra mâché et rabâché. Un juif introverti mis en parallèle avec une arabe libérée à la révolte toute en bon sentiments. Pas besoin d’en voir plus, on allait encore se taper une daube digne du duo Bacri/Jaoui mitonnée de poésie nunuche façon Guédiguian. C’est simple, j’allais dégainer mes loupes et tenter d’en finir avec l’épuisante biographie de Muddy Waters quand l’affriolante Sara Forestier (la beurette révoltée c’est elle) s’est soudainement trimballée toute nue en pleine rue. J’ai discrètement reposé mes lunettes en ignorant crânement le regard noir de Milady et me suis intéressé d’un peu plus près à ce qui se passait sur l’écran.
Vous dire que j’étais scotché serait exagéré, et vous le savez ce n’est pas mon style. Le Nom des Gens est réussi parce qu’il ne s’encombre d’aucun tabou, ne se veut vecteur de rien et surtout ose la critique des idéaux de gauche, s’amuse du monopole du cœur sans pour autant donner dans l’excès inverse. Michel Leclerc a signé un film en parfait équilibre, d’une justesse de ton qui ne sent pas l’endoctrinement à plein nez. Pour une fois, le ton n'est pas acerbe envers les uns pour mieux grandir les autres. Et ça fait du bien. On peut le prendre comme une comédie sentimentale, ça fonctionne, et on peut aussi s’attarder sur les détails, sur le personnage de la mère de Sara Forestier par exemple, soixante-huitarde hypra-convaincue mariée, par conviction, à un algérien qui ne demande rien à personne si ce n’est de vivre peinard dans son coin tandis qu’elle, au contraire, en fait des caisses sur le comportement évidemment tortionnaire des colons français. La scène du repas réunissant les deux familles est un petit bijou ciselé d’intelligence. Le Nom des Gens rappelle que pour vivre en harmonie les petites choses du quotidien sont souvent plus efficaces que les grandes causes.
Tant que je vous tiens, je reviens deux minutes sur la biographie de Muddy Waters signée par Robert Gordon (rien à voir avec le bellâtre au rockabilly sous Temesta). L’auteur a fait un superbe boulot de documentation, la couleur des murs de la maison de McKinley Morganfield, le poids des sacs de coton, tout y est. Et même des choses intéressantes. Le soucis vient de l’absence totale de style, le gars écrit comme s’il rédigeait le rapport d’autopsie d’un poulpe du Larzac (variété rare) et se perd en circonvolutions superflues. Rien que les annotations font un quart du bouquin ! Je viendrais à bout de l’épreuve mais je ne sais pas quand, vu que pour m’aérer l’esprit je me suis lancé en parallèle dans la lecture de l’autobiographie de Nile Rodgers et dans celle de Pat Benatar.
A suivre, donc.
Hugo Spanky