En France beaucoup ont connu T.Rex de la bouche de Jane Birkin, je suis de ceux là. J'avais retenu les noms égrainés par l'ex fan des sixties et foncé vers la sempiternelle pile de disques de mon frangin. Point de Janis Joplin, ni d'Otis Redding mais un T.Rex, oui. Je n'ai pas les mots pour décrire la sensation que procure un album comme Tanx dans l'innocence de la découverte, toutes ces mélodies empreintes de magie, ces curieuses chansons construites de bric et de broc en additionnant des petits riens qui font un grand tout. Ces fins abruptes, en éclat de rire, ces choeurs féminins haut perchés et le spleen délicat qui s'infiltre en vous. This is a song that I wrote when I was young and I call it the Broken hearted blues... Marc Bolan touche au coeur, se foutant un peu beaucoup de savoir si il est juste dans le ton, pile sur le temps ou si son espiègle Left hand Luke exploite au maximum son potentiel commercial. Voila pour mon accès au royaume.
Le sujet du jour Zinc Alloy and the Hidden Riders of Tomorrow parait l'année suivante en complexifiant la voie tracée par Tanx. Ce disque phénoménal marque paradoxalement le déclin de la machine à garnir les charts, la T.Rexstasy est définitivement enterrée, en moins de deux ans Marc Bolan passe de phénomène tel qu'on n'en avait pas connu depuis les Beatles à total has been. En chemin il épouse Gloria Jones avec qui il partagera dorénavant chaque instant, elle intègre la formation et sa voix aussi peu orthodoxe que celle de son époux sera dès lors omniprésente sur les enregistrements. Le résultat ne manque pas de susciter l'hostilité des fans comparant leur couple à celui formé par John Lennon et Yoko Ono. Rien ne peut ravir Marc davantage que d'être comparé à Lennon.
Zinc Alloy and the Hidden Riders of Tomorrow est un album difficile d'accès, intensément acidifié son sucre est de celui qui monte à la tête. Tellement peu racoleur que public et médias n'y comprendront pas grand chose sur le moment et longtemps encore par la suite. Son titre à rallonge en clin d'oeil à celui qui fit star son ami au regard vairon vaut à Bolan une réputation de suiveur, qu'importe si The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars empruntait lui même aux titres alambiqués affectionnés par la première incarnation de T.Rex, le jeu de miroir était trop subtil. Le jovial bouffon qui ambiançait les adolescents avec Get it on ne fut pas autoriser à grandir. Ainsi va l'injustice que parfois le sablier répare.
Entre l'artiste et son producteur ça ne va guère mieux, les dissensions apparues durant l'enregistrement de Tanx atteignent l'irreversible, là où Tony Visconti veut exploiter la formule à gros sabots mise au point pour Electric Warrior et The Slider, Bolan souhaite la faire joyeusement dérailler, détraquer la mécanique quitte à défigurer quelque peu ce qui pourrait être de glorieux singles. Il refuse d'intégrer le hit 20th century boy à l'album et planque des solos torturés dans les recoins, l'époque était à Elton John et David Bowie et ce dingue voulait sonner comme Hendrix se plaindra Tony Visconti en quittant définitivement les séances de mixage.
Le crash commercial de l'album ne découragea pas son auteur et Marc Bolan nous gratifia par chance de trois albums supplémentaires explorant cette galaxie de rythmes rampants, de riffs incisifs, de mélodies ciselées et d'hystérie collective. J'y reviendrai, il le faut.
Hugo Spanky