Grand Funk Railroad est le groupe qui a sauvé le Michigan ! Le reste c'est du baratin. En 1969 pendant que les Stooges se faisaient ratiboiser les couilles par John Cale, que MC5 se prenait l'impasse du White Panthers Party dans la tronche, ce sont eux qui ont ravagé avec le plus d'intensité les cerveaux d'une jeunesse américaine condamnée au Vietnam. Grand Funk Railroad n'avait aucune posture artistique, aucune prétention New-Yorkaise, c'est pas Warhol qui allait leur faire une pochette. Grand Funk Railroad n'a eu que des pochettes moches, ringardes, avec des gadgets que même Kiss n'osera pas refourguer. Les lunettes 3D, 5 ans avant FR3 !
Grand Funk Railroad va tenir la dragée haute jusqu'à ce que leur pote Bob Seger soit en mesure de prendre la relève. Mais pour en arriver là, ça va pas être tout rose. Le groupe cumule les handicaps. Déjà ils viennent de Flint, Michigan, un bled qui ne vit que pour et par General Motors et ses usines. C'est pas le Ann Arbor de Bob Seger, mais c'est loin d'être Detroit. Flint, c'est pire qu'un bled, c'est un assommoir. Le groupe sera toujours victime de cette image de ploucs, la hype de New-York comme de Los Angeles va les prendre de haut, les traiter comme plus tard on traitera les hardos, des parias, nécessaires mais négligeables. Grand Funk Railroad va drainer des foules monstrueuses, vendre des albums à la pelle, sans jamais en retirer une once de glamour. Même le New Jersey se contentera de revendiquer Mitch Ryder !
Grand Funk Railroad souffre aussi de son leader, Mark Farner. Le gars est loin d'être mauvais pour torcher de la Heavy Music bien groovy, mais il ne sait pas se retenir d'en faire des caisses. Invariablement les morceaux du groupe, redoutables d'efficacité grâce au duo rythmique formé par Don Brewer à la batterie et le bassiste Mel Schacher, s'égarent en chemin à grands coups de solos de guitare à rallonge. Pourtant c'est ce que leurs fans adorent, la voix de tête de Mark Farner qui braille comme à l'abattoir, la guitare qui hurle par dessus, les jeunes mecs de l’Amérique profonde en redemandent. Grand Funk est le groupe préféré des buveurs de bières, fumeurs de joint lobotomisés, bouffeurs d'amphet', les speedfreaks coincés entre l'usine et la conscription pour le Vietnam. Les mêmes qui quelques années plus tard seront fans des Ramones.
Et puis, il y a le carburateur, Terry Knight, chanteur raté devenu manager démoniaque. Terry Knight, c'est l'homme qui a vu le futur avant tout le monde. Au cours d'un voyage à Londres en 1968, il rencontre les Beatles et toute la clique, il dit rien, il observe et rentre aux states avec une certitude, ces types là n'en ont plus pour longtemps. Terry Knight sait que des têtes vont tomber, que de la place va se libérer sur les étagères de vinyls des gamins. Les idoles anglaises se bouffent le bec entre eux, les Beatles ne tournent carrément plus, les Stones rarement, les Who sont tarés, suicidaires, ingérables. C'est le bon moment. Il assemble deux mecs de son ancien groupe et leur colle le bassiste qu'il faut, Grand Funk Railroad est né. Terry Knight a un plan, la politique de la terre brulée. Le groupe ne va laisser aucun répit, ni à son public, ni à la concurrence. En deux ans, de 1969 à 1971, ils alignent cinq albums, et passent le reste du temps sur scène. Partout, Grand Funk Railroad bat des records, de ventes de disques, de tickets de concerts, de t.shirts à leur effigie, quand ce n'est pas de puissance sonore ou de démesure promotionnelle.
Les disques sont rarement plus que des captations de jams d'une sauvagerie sans nom, drivées par un groove surpuissant laissant une place de choix à la mégalomanie galopante de Mark Farner. Du Ten Years After à l'américaine avec un sens du funk plus aiguisé que la bande à Alvin Lee. Les concerts sont des foires d’empoigne au volume ahurissant. Les Grand Funk ravissent aux Who le titre de groupe qui joue le plus fort. Mark Farner est partout, fabuleux showman, torse bodybuildé, futal satiné moule-burnes. Tel un mustang sauvage des vastes plaines, il arpente la scène avec des pas de danse à rendre fous les Kool & The Gang. Il hurle de tout son soûl, tabasse les touches du clavier entre deux solos d'une guitare agonisante de furie, il plombe des riffs de légende, épuise son monde en coulisse. Terry Knight se frotte les paluches, et les pousse à la surenchère. Les critiques les traitent comme de vulgaires primitifs, ils répliquent en posant en hommes des cavernes sur la pochette de Survival, leur meilleur album à ce stade de leur histoire. Le premier à ressembler un tant soit peu à un truc vaguement répété, travaillé.
C'est pas que les disques précédents soient mauvais, loin de là, pour des gars courageux comme nous ils sont parmi les meilleurs témoignages d'une époque de fous furieux incapables de faire la différence entre un studio d'enregistrement et une ballroom surchauffée. C'est juste que sur Survival, ils arrêtent de se tirer une balle dans le pied après le second refrain de chaque chanson. Prenez TNUC sur On Time, le premier de leurs méfaits, quand le morceau démarre, bordel, on se demande comment on a pu vivre sans, comment quelqu'un peut prétendre que Mitch Ryder est le roi du Michigan alors qu'il existe ça ? Du Rhythm & Blues heavy-métalisé, du Garage Funk avec une guitare entre Hendrix et Steppenwolf en MIEUX ! Le single de la mort qui tue, du James Brown blanc ! Et bam, au bout de 2mns le truc barre en couille sur 5mns de solo de batterie !!! Putain, pourquoi ?
Arrivé en 1971, Grand Funk Railroad n'a plus rien à prouver, même le record des Beatles au Shea Stadium a été explosé, pour fêter ça ils sortent E.Pluribus Funk qui s'ouvre sur le fantastique Footstompin' music, sorte de Booker T. & The MG's sous stéroïdes dont Van Halen recyclera le riff pour en faire leur So this is love quelques dix années plus tard. La machine est bien huilée mais commence à donner des signes de lassitude, Mark Farner est à la peine pour renouveler ses compositions et le rythme infernal imposé par Terry Knight n'a que trop duré. Les grandes manœuvres sont de mises, le groupe entame un procès à son manager, s'en débarrasse, étoffe sa formation en engageant Craig Frost aux claviers et s'accorde enfin un peu de temps.
Phoenix sort fin 72 et entérine la nouvelle formule, des chansons plus léchées, un son plus rond, des débordements mieux canalisés et Don Brewer qui s'installe doucement derrière le micro, sa voix plus grave et chaleureuse, plus funky en somme, repose agréablement de la saturation permanente de celle de son désormais contesté leader. Dix mois plus tard, le single We're an american band offre enfin le saint Graal à Grand Funk Railroad en devenant leur premier single classé numéro 1. Petite déconvenue pour Mark Farner, c'est aussi le premier single chanté en lead et co-composé par Don Brewer. Le vers est dans le fruit.
L'album We're An American Band, qui sort peu après confirme le rôle a-minima dorénavant laissé au guitariste fort en gueule et s'impose d'office comme un classique des 70's, au même titre que Shinin' On qui parait l'année suivante. Deux incontournables disques superbement produit par Todd Rundgren et en grande partie composés par Don Brewer et Craig Frost. Il s'ensuit la plus belle période du groupe. Grand Funk Railroad va aligner une impressionnante série de singles dorés sur tranches, impeccablement taillés pour les charts. Walk like a man sur We're An American Band, To get back in, The locomotion et Shinin' on sur l'album du même nom, Bad times et Some kind of wonderful sur All The Girls In The World Beware catapultent Grand Funk parmi les groupes les plus populaires d'Amérique.
Leur discographie est en constante progression, All The Girls In The World Beware sort les cuivres et aère la donne après la débauche hallucinogène de Shinin' On. En peaufinant de la sorte son SuperHeavyWeightFunk, le groupe invente la formule sur laquelle va reposer tout le futur Rock FM, sophistication Soul, énergie Hard, tempo puissant et basse aussi prépondérante que possible. Dans la foulée, Caught In The Act démontre à quel point Grand Funk Railroad est un incomparable groupe de scène, ce second double live les capte au sommet de leur art, et offre une titanesque version de Heartbreaker au milieu d'un répertoire en or massif. C'est l'un des plus grands double live des seventies. C'est bien celui là qu'il faut retenir d'eux, et non pas le premier, Live Album 1970, quelque soit ce que vous ayez pu lire ailleurs et depuis toujours.
Enregistré alors que Mark Farner traverse une difficile période de deuil, son cousin vient de se tuer en moto, Born To Die, qui parait en 1976 sous une pochette signée Jean-Paul Goude, est l'aboutissement d'un groupe devenu adulte dans l'adversité. Le disque est impeccable d'un bout à l'autre, ciselé d'harmonies vocales, ponctué d'interventions de guitare, d'orgue et de cuivres faisant mouche à chaque fois. Mark Farner, qui n'a jamais joué aussi sobrement, s'affirme comme un guitariste de grande classe doublé d'un compositeur capable d'insoupçonnables finesses. Les ploucs bourrins de Flint, Michigan, ont gagné leur pari.
Connement, c'est à ce moment là que le public les boude, ni l'album, ni les deux magnifiques singles qui l'accompagnent, Sally et Take me ne retrouvent le haut des classements, et c'est quasiment dans l'indifférence générale que Grand Funk Railroad jette l'éponge dans les mois qui suivent, tandis que Capitol s'empresse de sortir Grand Funk Hits, phénoménale compilation des meilleurs singles du groupe.
Ne faisant jamais rien comme personne, Frank Zappa, surprenant fan de la formation, se propose de les produire et réussi à les convaincre de retourner en studio. Usé et tiraillé par les dissensions entre Mark Farner et les trois autres, le groupe se sépare sitôt enregistrées les premières prises de Good Singin' Good Playin' que Zappa décrira à juste titre comme le témoignage d'un groupe hors du commun.
L'année 1976 touche à sa fin, plus personne n'est à l'écoute, Grand Funk Railroad a vécu. L'album se vautre dans les bacs de soldes, moins de trois ans seulement après le triomphe intergalactique de We're an american band.
Craig Frost rejoindra le Silver Bullet Band de Bob Seger, aux dernières nouvelles il y est encore. Les autres feront un peu tout et n'importe quoi, principalement des reformations avec l'un et sans l'autre. La routine, quoi. Reste qu'aujourd'hui encore quand un réalisateur de film a besoin d'un morceau qui pulse pour le faire cracher par l'auto-radio d'une Chevrolet, c'est We're an american band qui fait le mieux l'affaire. Parce qu'on peut dire ce qu'on veut, mais en matière de Hard Funk supersonique, on n'a jamais fait mieux que Grand Funk Railroad.
Les disques sont rarement plus que des captations de jams d'une sauvagerie sans nom, drivées par un groove surpuissant laissant une place de choix à la mégalomanie galopante de Mark Farner. Du Ten Years After à l'américaine avec un sens du funk plus aiguisé que la bande à Alvin Lee. Les concerts sont des foires d’empoigne au volume ahurissant. Les Grand Funk ravissent aux Who le titre de groupe qui joue le plus fort. Mark Farner est partout, fabuleux showman, torse bodybuildé, futal satiné moule-burnes. Tel un mustang sauvage des vastes plaines, il arpente la scène avec des pas de danse à rendre fous les Kool & The Gang. Il hurle de tout son soûl, tabasse les touches du clavier entre deux solos d'une guitare agonisante de furie, il plombe des riffs de légende, épuise son monde en coulisse. Terry Knight se frotte les paluches, et les pousse à la surenchère. Les critiques les traitent comme de vulgaires primitifs, ils répliquent en posant en hommes des cavernes sur la pochette de Survival, leur meilleur album à ce stade de leur histoire. Le premier à ressembler un tant soit peu à un truc vaguement répété, travaillé.
C'est pas que les disques précédents soient mauvais, loin de là, pour des gars courageux comme nous ils sont parmi les meilleurs témoignages d'une époque de fous furieux incapables de faire la différence entre un studio d'enregistrement et une ballroom surchauffée. C'est juste que sur Survival, ils arrêtent de se tirer une balle dans le pied après le second refrain de chaque chanson. Prenez TNUC sur On Time, le premier de leurs méfaits, quand le morceau démarre, bordel, on se demande comment on a pu vivre sans, comment quelqu'un peut prétendre que Mitch Ryder est le roi du Michigan alors qu'il existe ça ? Du Rhythm & Blues heavy-métalisé, du Garage Funk avec une guitare entre Hendrix et Steppenwolf en MIEUX ! Le single de la mort qui tue, du James Brown blanc ! Et bam, au bout de 2mns le truc barre en couille sur 5mns de solo de batterie !!! Putain, pourquoi ?
Arrivé en 1971, Grand Funk Railroad n'a plus rien à prouver, même le record des Beatles au Shea Stadium a été explosé, pour fêter ça ils sortent E.Pluribus Funk qui s'ouvre sur le fantastique Footstompin' music, sorte de Booker T. & The MG's sous stéroïdes dont Van Halen recyclera le riff pour en faire leur So this is love quelques dix années plus tard. La machine est bien huilée mais commence à donner des signes de lassitude, Mark Farner est à la peine pour renouveler ses compositions et le rythme infernal imposé par Terry Knight n'a que trop duré. Les grandes manœuvres sont de mises, le groupe entame un procès à son manager, s'en débarrasse, étoffe sa formation en engageant Craig Frost aux claviers et s'accorde enfin un peu de temps.
Phoenix sort fin 72 et entérine la nouvelle formule, des chansons plus léchées, un son plus rond, des débordements mieux canalisés et Don Brewer qui s'installe doucement derrière le micro, sa voix plus grave et chaleureuse, plus funky en somme, repose agréablement de la saturation permanente de celle de son désormais contesté leader. Dix mois plus tard, le single We're an american band offre enfin le saint Graal à Grand Funk Railroad en devenant leur premier single classé numéro 1. Petite déconvenue pour Mark Farner, c'est aussi le premier single chanté en lead et co-composé par Don Brewer. Le vers est dans le fruit.
L'album We're An American Band, qui sort peu après confirme le rôle a-minima dorénavant laissé au guitariste fort en gueule et s'impose d'office comme un classique des 70's, au même titre que Shinin' On qui parait l'année suivante. Deux incontournables disques superbement produit par Todd Rundgren et en grande partie composés par Don Brewer et Craig Frost. Il s'ensuit la plus belle période du groupe. Grand Funk Railroad va aligner une impressionnante série de singles dorés sur tranches, impeccablement taillés pour les charts. Walk like a man sur We're An American Band, To get back in, The locomotion et Shinin' on sur l'album du même nom, Bad times et Some kind of wonderful sur All The Girls In The World Beware catapultent Grand Funk parmi les groupes les plus populaires d'Amérique.
Enregistré alors que Mark Farner traverse une difficile période de deuil, son cousin vient de se tuer en moto, Born To Die, qui parait en 1976 sous une pochette signée Jean-Paul Goude, est l'aboutissement d'un groupe devenu adulte dans l'adversité. Le disque est impeccable d'un bout à l'autre, ciselé d'harmonies vocales, ponctué d'interventions de guitare, d'orgue et de cuivres faisant mouche à chaque fois. Mark Farner, qui n'a jamais joué aussi sobrement, s'affirme comme un guitariste de grande classe doublé d'un compositeur capable d'insoupçonnables finesses. Les ploucs bourrins de Flint, Michigan, ont gagné leur pari.
Connement, c'est à ce moment là que le public les boude, ni l'album, ni les deux magnifiques singles qui l'accompagnent, Sally et Take me ne retrouvent le haut des classements, et c'est quasiment dans l'indifférence générale que Grand Funk Railroad jette l'éponge dans les mois qui suivent, tandis que Capitol s'empresse de sortir Grand Funk Hits, phénoménale compilation des meilleurs singles du groupe.
Ne faisant jamais rien comme personne, Frank Zappa, surprenant fan de la formation, se propose de les produire et réussi à les convaincre de retourner en studio. Usé et tiraillé par les dissensions entre Mark Farner et les trois autres, le groupe se sépare sitôt enregistrées les premières prises de Good Singin' Good Playin' que Zappa décrira à juste titre comme le témoignage d'un groupe hors du commun.
L'année 1976 touche à sa fin, plus personne n'est à l'écoute, Grand Funk Railroad a vécu. L'album se vautre dans les bacs de soldes, moins de trois ans seulement après le triomphe intergalactique de We're an american band.
Craig Frost rejoindra le Silver Bullet Band de Bob Seger, aux dernières nouvelles il y est encore. Les autres feront un peu tout et n'importe quoi, principalement des reformations avec l'un et sans l'autre. La routine, quoi. Reste qu'aujourd'hui encore quand un réalisateur de film a besoin d'un morceau qui pulse pour le faire cracher par l'auto-radio d'une Chevrolet, c'est We're an american band qui fait le mieux l'affaire. Parce qu'on peut dire ce qu'on veut, mais en matière de Hard Funk supersonique, on n'a jamais fait mieux que Grand Funk Railroad.