Incarner Marilyn Monroe, le défi peut sembler un brin insurmontable, tant la fiction se heurtera inévitablement aux millions de photos, aux centaines de clins d'oeil, de sourires, de poupoupidou, de happy birthday mister président, de regards qui en disent plus longs que des chapîtres entiers. Marilyn, image famillière, jusque pour ceux qui n'ont jamais vu le moindre de ses films, pour ceux, même, qui ne savent pas qu'elle en a fait. Marilyn, icone sous verre, peinte aux murs de nos cités, imprimée sur t.shirt, poster de restaurants, figure de tasse à café. Marilyn, à la vie, à la mort, intime, un peu, à chacun de nous et pourtant éternellement inssaisissable. Voilà que Netflix voudrait nous la raconter sous les traits d'une autre. Un projet de plus bien parti pour se fracasser sur l'autel de la blonde ultime. Surprise, dans la bande annonce du moins, Ana De Armas, l'inconsciente qui a accepté de jouer sa carrière sur ce coup de dés, s'en sort pas mal du tout.
Le réalisateur, en revanche, en fait un peu trop : le film sera diffusé avec une interdiction aux moins de 17 ans. Une décision pleinement justifiée selon le réalisateur de Killing Them Softly, qui confirme à Vulture avoir tourné un film qui ne va pas plaire à tout le monde.
Andrew Dominik a déjà prévenu que Blonde, le biopic de Marilyn Monroe inspiré du livre éponyme de Joyce Carol Oates, serait comme si Citizen Kane avait une fille avec Raging Bull. Cet ouvrage choc, qui dépeint le mal-être de la star hollywoodienne et raconte en détails ses déboires personnels et sexuels, a visiblement inspiré un film tout aussi frappant.
"Je trouve qu'on a respecté le projet, qu'on a colorié entre les lignes, explique-t-il. Si vous mettez un groupe d'hommes et de femmes dans une pièce pour parler de leurs comportements sexuels, peut-être que les hommes s'inquièteront de ce que pensent les femmes. C'est juste une période bizarre. Le film ne dépeint pas une sexualité heureuse. Il dépeint des situations ambiguës. Pour faire simple, ça parle d'une enfant qui n'était pas voulue, puis qui est devenue la personne la plus désirée au monde. Elle n'arrivait pas à gérer tout cela."
A propos de l'interdiction NC-17, il ajoute : “C'est difficile de choisir pour les gens. Qui sait ? D'un côté, je pense que si on me donnait le choix, je préférerais voir la version NC-17 de l'histoire de Marilyn Monroe. Parce qu'on sait que sa vie était borderline, clairement, vu comment elle s'est terminée... Vous préférez voir la version qui montre tout ou plutôt celle qui est lissée ?”
Il fut un temps envisagé de montrer Blonde dans le cadre du festival de Cannes 2022, mais il sera finalement projeté à la Mostra de Venise, à la rentrée prochaine. Où il risque de faire beaucoup de bruit, reconnaît son créateur, même si pour l'instant, il n'a pas de date de diffusion officielle. Aucune image n'a d'ailleurs été dévoilée. "Netflix, c'est un gros business et ils ont des projets bien plus énormes que Blonde, dans lesquels ils investissent plus d'argent, détaille-t-il. Ils sont capables de débourser 400 millions de dollars pour certains films, donc en sortir 22 millions pour celui-ci, ça ne va pas faire exploser la banque pour eux. Je crois qu'ils veulent simplement mettre en place leur plan marketing avant de montrer quoi que ce soit. Puis on verra avec eux comment ils veulent faire connaître ce film au monde. Mais je crois que quand il sera enfin montré, tout le monde en aura marre d'entendre parler de Blonde."
Reste à vérifier si cette fois, enfin, le mythe laissera entrevoir la femme.
Harry Max