Il n'aura échappé à personne que les Red Hot Chili Peppers ont sorti un nouvel album, Unlimited love. Il est plutôt pas mal. Il fait plaisir pour tout un tas de raisons. D'abord Rick Rubin a renoncé à la compression à outrance qui flinguait des disques qui auraient mérité un bien meilleur traitement (La futura de ZZ Top pour n'en citer qu'un), ce Unlimited love pulse, en douceur mais il pulse. Il respire et nous avec. Ça peut sembler anecdotique, mais une fois la chose calée dans les oreilles ça fait toute la différence avec le matraquage industriel. Unlimited love est un disque printanier, à écouter au réveil pour se mettre en accord avec une éventuelle envie de ne rien foutre. Un disque laidback et funky pour une époque qui n'est ni l'un ni l'autre, je m'en contente volontiers. Les Red Hot ont abandonné toute velléité de jeunisme, pas de Danger Mouse ici pour retaper la façade, pas d'acrobatie sonique pour épater la galerie, on est sur le versant pente douce d'un terrain connu. Si aucune chanson ne surnage avec une éclatante évidence, mes préférences du moment vont à aquatic dance mouth pour ses cuivres intelligemment agencés, it's only natural pour son feeling et let 'em cry entre disco stonien et effluves jamaïcaines. the heavy wing (chantée par John Frusciante) et tangelo ferment le disque de belle manière et les singles black summer et poster child remplissent leur rôle de marqueurs, pour le reste c'est en infusion lente que ce disque se déguste.
En parallèle à tout ça, n'étant point homme à me contenter d'une unique saveur, je continue mon travail d'archéologue en farfouillant avec gourmandise dans le Marillion 2.0, après m'être délecté de l'oeuvre solo de leur ancien leader, Fish. Si dans le cas du chanteur les flagrantes réussites que sont Raingods with zippos et Sunsets on empire s'imposent dès la première écoute, il en va différemment de ses comparses délaissés. Harry Max me faisait sournoisement remarquer que les albums du Marillion new look (de 30 ans d'âge toutefois) évoquaient parfois u2, je lui rétorquais, sans mordre à sa perfidie, que ce n'est pas faux (on a des conversations incroyablement passionnantes). A ceci près qu'ils seraient des u2 à la hauteur de leurs ambitions. Du moins dans certains cas. La production de plusieurs de leurs albums souffrent d'un mal aussi répandu que contagieux, l'air du temps. Ils sont quatre à y survivre avec panache, Marbles, Anoraknophobia, FEAR et le récent An hour before it's dark, dans cet ordre là, du bon à l'excellentissime. Il y a là de quoi s'épanouir l'esprit en stéréo dans un état de somnolence qui n'exclut pas l'éveil des sens.
Si Marbles et Anoraknophobia ont une approche encore très pop (tout est relatif avec un groupe multipliant les morceaux dépassant le 1/4 d'heure), FEAR et An hour before it's dark sont eux dotés d'une production d'un classicisme exemplaire. Difficile de faire des comparaisons, les mélodies sont sublimes, m'évoquent parfois Scott Walker, les envolées sont naturelles, rien ici ne semble forcé, le groupe mise sur l'unité sans chercher à faire briller inutilement ses solistes. Si je devais conseiller un seul album parmi ceux là, ce serait An hour before it's dark et si Antoine insistait pour que j'en arrive à mettre des titres en exergue, je dirais les deux suites be hard on yourself et sierra leone, reprogram the gene, murder machines et sa mélodie échevelée également, dans un registre plus pop. Je ne sais pas quoi vous dire de mieux, je suis sous le charme.
Quoi d'autres ? J'ai écouté tout ça en bouquinant l'impressionnant recueil sur Métal Hurlant 1975/1987. Un magazine que je n'ai quasiment jamais lu, bien que fana de la plupart des dessinateurs qui y ont œuvré, mais dont le parcours mérite largement que l'on s'y intéresse. Le livre, mis en ordre par le duo Gilles Poussin, Christian Marmonnier, donne la parole aux protagonistes (Dionnet, Druillet, Moebius, Jano, Tramber, Manoeuvre, Margerin...) confronte points de vues et souvenirs, de l'utopie des années 70 à la perte d'identité généralisée des années 80. Les tempéraments, les compromis, qu'importe les déceptions, à Métal Hurlant, comme en musique, l'essentiel est l'aventure.
Hugo Spanky